St Augustin lit et commente St Jean : 3° Le désir et la liberté (ceci sur saint Paul)

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St Augustin lit et commente St Jean

3° Le désir et la liberté

Une question régulièrement posée : l’homme est-il vraiment libre ? Peut-il faire le bien s’il en a la volonté ?
« Quand je veux faire le bien, c’est le mal qui se présente à moi. Car je me complais dans la loi de Dieu du point de vue de l’homme intérieur ; mais j’aperçois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison et m’enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres. » (Rm 7, 21-23)
Contre Pélage qui affirme : « Dieu accorde toutes les grâces à qui aura été digne de les recevoir, comme il les a accordées à l’apôtre Paul » (Actes du procès), Augustin répond :
« la grâce est accordée à des personnes indignes… »
« la grâce est ainsi dénommée parce qu’elle est accordée gracieusement » (De gestis Pelagii, XIV, 33, BA t. 21, p. 511).
« C’est pourquoi, ô bienheureux Paul, illustre prédicateur de la grâce, je parlerai et je parlerai sans crainte – qui pourrait le moins du monde se fâcher contre moi quand je dis des choses que tu as dites pour qu’on les redise et que tu as enseignées pour qu’on en instruise les autres ? Je parlerai, dis-je, et parlerai sans crainte : oui, la couronne qui te revient est due à tes mérites, mais tes mérites sont des dons de Dieu. » (De gestis Pelagii, XIV, 35, p. 515).
« … pour aller vers le péché, le libre arbitre suffit, avec lequel il s’est gâté lui-même ; au contraire, pour revenir vers la justice, il lui faut un médecin car il est malade ; il lui faut celui qui vivifie, car il est mort. De cette grâce, notre auteur ne dit absolument rien, comme si le pécheur pouvait se guérir par sa seule volonté, puisque, à elle seule, elle a pu le corrompre. Nous ne lui disons pas « que la mort du corps contribue au péché », car elle est seulement un châtiment (personne, en effet, ne pèche par la mort de son corps) ; mais c’est la mort de l’âme qui contribue au péché quand sa véritable vie, c’est-à-dire Dieu, l’a abandonnée et qu’elle accomplit nécessairement des oeuvres de mort, jusqu’à ce que, par la grâce du Christ, elle retrouve la vie. (De Natura et Gratia, XXIII, 25, p. 291).
« Dieu nous guérit non seulement pour effacer le mal par nous commis, mais pour nous fournir encore le moyen de ne plus pécher. »(Id. XXVI, 29, p. 299)
Qu’en est-il de la liberté de l’homme, si la Grâce intervient ? En fait la Grâce guérit la volonté et lui permet d’aimer librement le Bien. L’homme doit accorder son consentement à l’action de la Grâce.
« Les hommes sont agis par l’Esprit de Dieu afin d’agir comme ils doivent agir et lorsqu’ils ont agi, qu’ils rendent grâce à Celui par qui ils sont agis. Ils sont agis pour qu’ils agissent, non pour qu’eux-mêmes n’agissent en rien. » (De Correptione et gratia, II, 4)
C’est dans le péché seulement que le libre-arbitre et la Grâce se font concurrence et se présentent comme opposés. Le choix de l’homme n’est libre que s’il est libéré (action de la Grâce).
La délectation de Dieu l’emporte sur tout autre : c’est la « delectatio victrix », la « délectation victorieuse » : elle rétablit la volonté dans son ordination.
Dieu attire l’homme : est-ce à dire qu’il l’attire selon une attraction où la volonté et la passion de l’homme n’auraient pas de part ? L’homme séduit par Dieu, tend vers lui de toutes ses forces, de tout son désir : il est attiré par la volonté, mais surtout par la volupté.
« De là, si tu reviens à cette parole : Personne ne vient à moi si le Père ne le tire, ne va pas t’imaginer que tu es tiré malgré toi : l’âme est tirée aussi par l’amour. Et nous ne devons pas craindre de nous entendre reprocher ce mot des saintes Ecritures, qui se trouve dans l’Evangile, par ceux qui pèsent attentivement les mots, mais sont loin de comprendre les réalités, surtout les réalités divines, nous n’avons pas à craindre qu’on nous dise : Comment puis-je croire volontairement si je suis tiré ?
J’affirme : c’est peu que tu sois tiré par ta volonté, tu l’es encore par la volupté. Que veut dire : être tiré par la volupté ? Mets tes délices dans le Seigneur, et il t’accordera les demandes de ton coeur. Il existe une volupté du coeur pour celui qui goûte la douceur de ce pain du ciel. Or, si le poète a pu dire : Chacun est tiré par sa volupté, non par la nécessité, mais par la volupté, non par obligation, mais par délectation, combien plus fortement devons-nous dire, nous, qu’est tiré vers le Christ l’homme qui trouve ses délices dans la Vérité, qui trouve ses délices dans la Béatitude, qui trouve ses délices dans la Justice, qui trouve ses délices dans la Vie éternelle, car tout cela, c’est le Christ ! Ou bien dira-t-on que les sens corporels ont leurs voluptés et que l’âme est privée de ses voluptés ? Si l’âme n’a pas ses voluptés, comment est-il dit : Les fils des hommes espéreront sous le couvert de tes ailes, ils seront enivrés de l’abondance de ta maison, tu les abreuveras au torrent de tes voluptés, parce qu’auprès de toi est la source de la vie et que dans ta lumière nous verrons la lumière ?
Donne-moi quelqu’un qui aime, et il sentira la vérité de ce que je dis. Donne-moi un homme tourmenté par le désir, donne-moi un homme passionné, donne-moi un homme en marche dans ce désert et qui a soif, qui soupire après la source de l’éternelle patrie, donne-moi un tel homme, il saura ce que je veux dire. Mais si je parle à un indifférent, qu’est-ce que je dis ? Tels étaient ceux qui murmuraient entre eux. Celui, dit-il, que le Père a tiré vient à moi. » (Homélies sur St Jean, Tract. XXVI, 4)

Conclusion :
Le désir : à la fois à la source de toute la vie de l’homme : ce qui le pousse à chercher le bonheur, à se tromper même en croyant le trouver dans les créatures et non dans le Créateur, ce qui le pousse donc au péché. Mais le désir est aussi ce qui tourne l’homme vers Dieu, quand il découvre que Dieu l’a aimé le premier, quand il comprend que c’est en élargissant son cœur par le désir qu’il sera comblé par Dieu. Le désir est enfin le lieu où se manifeste la liberté de l’homme guéri par la grâce et attiré par Dieu (par la volonté et par la volupté).

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