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Dimanche 23 septembre : commentaires de Marie Noëlle Thabut – Deuxieme Lecture Lettre de Jacques 3,16-4,3
21 septembre, 2012http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
Dimanche 23 septembre : commentaires de Marie Noëlle Thabut
DEUXIEME LECTURE – Lettre de Jacques 3,16-4,3
Frères,
3, 16 la jalousie et les rivalités mènent au désordre
et à toutes sortes d’actions malfaisantes.
17 Au contraire, la sagesse qui vient de Dieu
est d’abord droiture,
et par suite elle est paix, tolérance, compréhension ;
elle est pleine de miséricorde et féconde en bienfaits,
sans partialité et sans hypocrisie.
18 C’est dans la paix qu’est semée la justice,
qui donne son fruit aux artisans de la paix.
4, 1 D’où viennent les guerres,
d’où viennent les conflits entre vous ?
N’est-ce pas justement de tous ces instincts
qui mènent leur combat en vous-mêmes ?
2 Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien,
alors vous tuez ;
vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins,
alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre.
3 Vous n’obtenez rien
parce que vous ne priez pas ;
vous priez, mais vous ne recevez rien
parce que votre prière est mauvaise :
vous demandez des richesses pour satisfaire vos instincts.
Nous rencontrons souvent dans la Bible le thème des « deux voies » : le voici sous la plume de Saint Jacques, cette fois. D’un côté, jalousie, rivalités, conflits et guerres ; de l’autre, paix, tolérance, compréhension, justice, miséricorde ; ce sont deux modes de vie qui s’opposent, deux « sagesses » au sens de « savoir-vivre ». Plus haut, Jacques a parlé d’une « sagesse terrestre, animale, démoniaque » (3, 15) ; ici, il parle de l’autre sagesse, celle qui vient de Dieu ; la première est la vie à la manière d’Adam, l’autre, celle vers laquelle nous devons tendre, celle de Jésus, le doux et humble de coeur.
Voilà pourquoi ce texte multiplie les oppositions : elles se ramènent toutes à une seule, l’opposition entre les deux sagesses, les deux comportements. Par exemple, « la jalousie et les rivalités » (v. 16) sont à comprendre par contraste avec ce qui est dit au verset suivant : « paix, tolérance, compréhension » ; et les « actions malfaisantes », par contraste là encore avec les « bienfaits » du verset 17. Qui est visé au juste ici ? Jacques ne nous le dit pas, mais il n’avait probablement pas besoin de préciser davantage pour être compris.
D’après les thèmes abordés dans le reste de la lettre, on peut émettre quelques hypothèses: les jalousies et rivalités pouvaient être d’ordre matériel ou d’ordre spirituel ; pour les conflits d’ordre matériel, il suffit de se rappeler tout le développement précédent sur les discriminations sociales entre riches et pauvres (2, 1-5; cf 23ème dimanche) ; sans parler de la mise en garde adressée un peu plus loin aux riches (5, 1-6 ; cf 26ème dimanche).
Pour les conflits d’ordre spirituel, il est intéressant de noter au passage que le mot traduit ici par « jalousie » peut évoquer le fanatisme des idées. Il faut relire les versets qui précèdent juste notre lecture de ce dimanche : au début de ce chapitre 3, Jacques met en garde les fidèles contre ce qu’on pourrait appeler les « méfaits de la langue » : « La langue est un petit membre et se vante de grands effets… Avec elle, nous bénissons le Seigneur et Père ; avec elle aussi nous maudissons les hommes, qui sont à l’image de Dieu ; de la même bouche sortent bénédiction et malédiction. Mes frères, il ne doit pas en être ainsi. » (3, 5… 10). Un peu plus loin, il est encore plus clair : « Si vous avez le coeur plein d’aigre jalousie et d’esprit de rivalité, ne faites pas les avantageux et ne nuisez pas à la vérité par vos mensonges. » (3, 14). Le risque ne devait pas être seulement hypothétique puisqu’il l’a évoqué dès le premier chapitre : « Si quelqu’un se croit religieux sans tenir sa langue en bride… vaine est sa religion. » (1, 26).
Pour Jacques, tous ces comportements de jalousie et de rivalité relèvent du paganisme ; la vraie religion, qu’elle soit juive ou chrétienne, nous introduit à une tout autre manière de vivre. Les mêmes réalités (qu’elles soient d’ordre matériel ou spirituel) peuvent être vécues d’une manière ou de l’autre. Il n’y a pas un bonheur païen et un bonheur chrétien, il y a deux manières de vivre le bonheur, la manière païenne et la manière chrétienne. Jusqu’ici, nous étions sous le règne de la convoitise, c’est-à-dire de l’égoïsme ; la religion juive et, à plus forte raison, le Christianisme, nous introduisent dans le royaume de l’amour fraternel. C’était tout le sens du commandement « Tu ne convoiteras pas » : non pas « tu ne désireras plus rien », mais premièrement, tu n’accapareras pas pour toi seul, deuxièmement, tu ne te laisseras pas accaparer. Si tu deviens esclave de ce que tu possèdes, tu perds ta liberté (puisque tu es obsédé par ton désir) et tu perds la charité parce que tu deviens envieux de ce que l’autre possède.
Pourtant, la Bible n’enseigne nulle part le mépris des biens de ce monde : depuis la première parole de Dieu à Abraham, au contraire, le peuple élu sait que Dieu ne veut que notre bonheur, dont le bien-être matériel fait partie. Et le désir du bonheur, matériel ou spirituel, est bon, puisqu’il fait partie de la création. Il nous faut seulement apprendre à nous remettre sans cesse dans la main de Dieu : un peu plus loin, Jacques dit ce que doit être notre état d’esprit : « Si le Seigneur le veut bien, nous vivrons et ferons ceci ou cela. » (4, 15).
« Si le Seigneur le veut bien », c’est la formule de Jacques, toute proche de celle de Jésus : « Que ta volonté soit faite et non la mienne ». Mais, pour nous, le passage d’une sagesse à l’autre n’est jamais totalement achevé : nous sommes des êtres partagés ; Jacques dit qu’un véritable combat se déroule en nous-mêmes et que nos querelles n’en sont que le reflet : « D’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces instincts qui mènent leur combat en vous-mêmes ? »
Le secret est dans la prière, car Dieu seul peut donner la sagesse : c’est l’une des grandes insistances de toute la méditation biblique ; dès le début de sa lettre, Jacques conseillait à ses lecteurs de prier pour l’obtenir : « Si la sagesse fait défaut à l’un de vous, qu’il la demande au Dieu qui donne à tous avec simplicité et sans faire de reproche ; elle lui sera donnée. » (1, 5).
Homélie du 25e dimanche ordinaire B
21 septembre, 2012http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
Homélie du 25e dimanche ordinaire B
P. Fabien Deleclos, franciscain (T) – 1925 – 2008
Sg 2, 12, 17-20 ; Jc 3, 16 – 4,3 ; Mc 9, 30-37
Il nous arrive probablement de temps en temps de rêver à la situation des premiers disciples, à leur chance extraordinaire de côtoyer chaque jour celui que l’on attendait depuis des siècles comme le libérateur et le restaurateur d’Israël. Prier ensemble à la synagogue, partager le petit déjeuner, se promener au bord du lac. Nous imaginons la richesse des conversations, l’éblouissement des découvertes, l’expérience enivrante des succès de foule. Ils sont les premiers témoins d’une révolution en marche. Ils bénéficient d’expériences spirituelles inouïes. Songez à la transfiguration de Jésus dont ils ont été les seuls témoins.
C’est d’ailleurs après cet événement que se situe le récit évangélique d’aujourd’hui. Or, cet évangile de Marc, que l’on dit être l’écho direct de la voix de Pierre et de sa catéchèse, nous apprend que la première préoccupation de ces jeunes gens, à ce moment-là, n’était pas d’ordre mystique, ni spirituel, ni pastoral, mais un « plan de carrière », oui. Ils ont été choisis par Jésus, ils ont répondu « oui » à cette surprenante vocation, et ils étaient encore tenaillés par l’ambition du pouvoir, la convoitise des privilèges et des préséances.
Ils se voyaient déjà occupant des places de ministres et de conseillers du nouveau roi. Les deux frères Jacques et Jean, plus gourmands encore que les autres, n’ont d’ailleurs pas hésité à mettre cartes sur table en s’adressant à Jésus lui-même. Directement, raconte Marc. Par l’intermédiaire de leur maman, dit Matthieu. Mais, dans les deux cas, il s’agissait d’obtenir, dans le futur gouvernement, les deux places les plus enviées. Ils sont prêts à se battre pour se partager le gâteau. Un vrai panier de crabes. Ce qui entraîne nécessairement des jalousies, envies et rivalités, comme on en voit encore des exemples aujourd’hui. Or, parmi les trois évangélistes qui racontent ces empoignades et ces prises de bec très nature, mais fort peu évangéliques, deux en sont des témoins directs et même des acteurs.
Ces apôtres reconnaissent donc très franchement qu’à cette époque ils n’avaient encore rien compris à leur rôle, ni au sens exact que Jésus voulait donner à l’autorité et au pouvoir. C’est-à-dire une autorité de service, car le Messie n’était pas venu pour être servi, mais pour servir. Un Jésus qui refuse également le calcul des mérites ou les exigences aveugles des droits acquis. Jésus a toujours dénoncé la course au pouvoir, la course aux honneurs, la course aux privilèges, l’obsession des préséances et toutes les jalousies et rivalités qui les provoquent.
Intimes de Jésus, les apôtres n’étaient pas des anges. Nous non plus. Et les premières communautés chrétiennes n’avaient rien d’idyllique, comme on l’imagine un peu légèrement. Elles ont été aussi déchirées par des conflits internes dont Jacques a dénoncé les causes et les ravages. A commencer par le mauvais usage de la langue. « Ce petit membre qui se vante de grands effets (…) et que personne ne peut dompter », alors qu’il est « plein d’un poison mortel ». Avec la langue, nous bénissons le Seigneur et Père et, avec elle aussi, nous maudissons les hommes et les femmes qui sont à l’image de Dieu. C’est de la même bouche que sortent prières et méchancetés, bénédictions et malédictions. Conclusion de Jacques : « Si quelqu’un se croit religieux sans tenir sa langue en bride, sa religion est vaine » (Jc 1, 26).
La lettre de Jacques évoque aussi d’autres responsabilités, personnelles et collectives. D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous, sinon de l’envie et la jalousie, la volonté de puissance, un désir insatiable et lancinant de posséder richesses et pouvoir. Il arrive même chez les croyants, et c’est Jacques qui le dit, que l’envie se transforme en prière : on se sert de Dieu pour obtenir autant sinon plus et mieux que le voisin. Il décrit précisément le mécanisme de la naissance et du développement de l’enrichissement coupable. Ce qui relève de l’adoration du veau d’or. L’idole de tous les temps, le dieu dollar, à qui l’on sacrifie tous les jours des vies humaines.
Or, dans l’esprit de la Bible, s’enrichir en « dépouillant les démunis, les faibles, les désarmés, est considéré comme une insulte faite à Dieu lui-même ». Les conflits collectifs s’enracinent toujours dans la convoitise des individus. Il faut donc commencer à faire le ménage chez soi. D’autant plus que nous sommes tous plus ou moins sollicités par des tentations dont les racines sont en nous.
Ces enseignements ont été traduits dans l’Evangile en paraboles et gestes, en images. Aujourd’hui, en photos, ils auraient fait la Une de tous les journaux. On a vu Sr Teresa embrassant un handicapé, la princesse Diana prenant un petit sidéen dans ses bras, le pape soulevant un enfant malade ou embrassant un jeune blessé. Tout comme on a pu voir jadis Hitler et Staline se faire photographier avec un enfant dans les bras. Mais la même scène touchante n’a pas nécessairement le même sens ni le même témoignage à donner.
Au temps de Jésus, les enfants ne comptaient pour rien. Ils étaient les premiers parmi les dédaignés. Ils ne font l’objet d’aucune considération, mais bien de mépris. Dans la tradition biblique, ils sont un symbole de faiblesse plutôt que d’innocence. Ils représentaient donc tous ceux et celles qui ne comptent pas dans la société, qui n’ont ni pouvoir, ni argent, ni parole.
L’enfant que Jésus accueille n’est pas notre « enfant roi », mais le représentant des pauvres, des gosses des rues, des marginaux, des exclus, des plus vulnérables. Et Jésus nous dit que les personnes, les familles, les groupes, les communautés qui accueillent et se mettent au service des plus fragiles, des plus éprouvés de ce monde, accueillent non seulement le Christ, mais Dieu qui l’a envoyé. La vraie grandeur est celle du serviteur. Chercher à servir et non à être servi.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008