Mère de Dieu et notre Mère – VI – Jean Galot
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La Vierge Marie,
Mère de Dieu et notre Mère – VI
Notre Mère
Jean Galot s.j. – [Traduction par Françoise Matera]
Maternité spirituelle universelle
Le plus haut titre attribué à Marie est celui de « Mère de Dieu » : être mère du Fils de Dieu qui est Dieu est une dignité incomparable, qui suscite toujours notre admiration et nous fait comprendre l’audace de notre foi.
Il y a aussi une autre merveille dans la personne de Marie. Elle qui est Mère de Dieu Dieu est devenue notre mère spirituelle, mère de chacun d’entre nous dans l’ordre de la grâce. C’est la maternité qui a été établie et déclarée par le Christ peu avant sa mort sur la croix. L’évangéliste Jean nous a rapporté la parole qui a attribué à Marie cette maternité, plus précisément en relation avec son disciple bien-aimé: »Femme, voici ton fils « (Jean 19,26). Il dit au disciple: »Voici ta mère ». Il y a un effet immédiat: « A partir de ce moment-là, le disciple la prit chez lui »(19,27)
le disciple est confié à la maternité spirituelle de Marie ,Marie qui reçoit la mission de prendre soin de lui comme d’un fils.
En outre, le problème des moyens de subsistance de Marie et de son logement avait déjà été solutionné quand Jésus avait laissé Nazareth pour suivre sa mission publique et son activité de prédication : il avait dû s’occuper des conditions de vie de sa mère. La présence de la belle-sœur de Marie, la femme de Cléophée, auprès de la croix de Jésus, semble aussi indiquer que Marie, si elle en avait eu besoin, aurait trouvé de l’aide dans la famille.
En réalité, au moment où Jésus souffre sur la croix pour le salut de l’humanité, ce ne sont pas les soucis familiaux qui mobilisent le fond de sa pensée et ses forces. Il a renoncé à sa famille pour se consacrer à l’édification du règne de Dieu; il veut assurer le développement de ce règne. Il est conscient que ses disciples sont exposés à de nombreux dangers ; pour les détourner de leurs faiblesses, il les confie à la sollicitude d’une mère, la meilleure de toutes les mères. Celle qui a été choisie comme la coopératrice par excellence de l’œuvre de salut, pourra aider les disciples à rester fidèles et à accomplir leur mission.
Le choix du disciple bien-aimé pour l’institution de ce rapport filial avec Marie a une valeur symbolique. Il signifie que chaque disciple, en étant aimé spécifiquement par le Christ, reçoit Marie comme mère. Le don de Marie comme mère des disciples est le dernier don qu’a fait Jésus avant sa mort. Dans son sacrifice, le Sauveur avait tout donné pour le salut de tous les hommes. Il lui restait sa mère, près de lui, comme un trésor suprême. Et ce trésor, il le donne aussi à l’humanité.
Marie est le cadeau le plus précieux qui puisse être donné à l’humanité. Après les paroles adressées à Marie et au disciple bien-aimé, l’évangéliste souligne que le don de la croix est complet : Jésus savait « que désormais tout était achevé »(19,28). Toute la mission confiée par le Père au Fils avait été accomplie et l’amour qui voulait se révéler dans le drame de la rédemption s’était pleinement manifesté dans le don Marie comme mère.
Maternité singulière et universelle
Le don de Marie de la part de Jésus est complet : il ne reconnaît pas seulement sa mère pour ses qualités maternelles. Il l’appelle « femme » et l’institue mère avec une nouvelle maternité , qui prendra une grande importance dans le futur pour la vie de l’Eglise. Cette nouvelle maternité, dans sa formulation, avait une portée singulière parce qu’elle concernait un seul disciple. Mais à travers ce disciple, elle devait entraîner une relation avec chaque disciple et prendre ainsi une valeur universelle.
Dans sa première destination, la nouvelle maternité assumait une forme singulière, en vertu d’une intention particulière de Jésus. D’une part, le Sauveur crucifié s’immolait pour tous les hommes et désirait communiquer à tous le bénéfice du salut; c’est la raison pour laquelle il voulait étendre à toute l’humanité le don de sa mère. Mais d’autre part, il voulait que ce don parvienne à chaque disciple dans sa singularité. S’il avait proclamé d’une manière générale cette maternité, beaucoup auraient pu sous-estimer la valeur d’une affection maternelle offerte à tous. La forme trop globale de la maternité aurait nui à la qualité du don.
Jésus voulait pour chaque disciple une mère qui aurait été présente spirituellement dans la vie de chacun comme s’il avait été son seul fils, une mère qui se serait intéressée à toutes les particularités de son existence et aurait été prête à répondre à ses besoins et à ses désirs. Il avait apprécié, pendant son enfance et sa jeunesse à Nazareth, la présence de sa mère qui avait montré tant de bonté, de compréhension et de sollicitude. Il désirait pour tous les croyants une présence maternelle qui soit une aide pour la croissance dans la foi et dans l’amour.
C’est dans ce sens que la maternité de Marie conserve toujours sa valeur singulière. Mais elle prend une valeur universelle parce qu’elle s’étend à tous les chrétiens et aussi à tous les hommes: : tous sont appelés à partager la progéniture divine du Christ et à devenir les fils de Marie. Dans cette perspective générale, Marie est vénérée comme mère de l’Eglise et mère de toute l’humanité.
Mère de l’Eglise, Marie n’a pas seulement reçu une mission maternelle en faveur de chaque chrétien. Elle a été dotée d’une responsabilité maternelle dans le développement de toutes les manifestations de la grâce et dans la multiplication de tous les dons et charismes qui contribuent à la vitalité de l’Eglise. Comme une mère très désireuse de favoriser la bonne entente entre ses enfants, elle exerce une action constante pour faire triompher l’unité de l’Eglise sur toutes les tentatives de division entre chrétiens.
Parmi les tâches de l’activité maternelle de Marie, on trouve ses efforts pour faire progresser l’oecuménisme. Le rapprochement réciproque des diverses confessions chrétiennes doit surmonter beaucoup d’obstacles : invisiblement, Marie est toujours présente pour faciliter les bons rapports et les accords, même quand des différends naissent à propos de la doctrine mariale ou du culte marial. Avec une délicatesse maternelle, Marie assure la prédominance de l’harmonie et stimule tous les efforts de réconciliation.
Marie ne peut pas oublier qu’elle a été proclamée mère des disciples à un moment où la haine se déchaînait pour vaincre le Christ. C’était la haine qui s’exprimait dans les nombreuses insultes qui voulaient frapper celui qui répondait uniquement par un silence rempli de pardon. L’instauration de la nouvelle maternité de Marie faisait partie de la réponse. Marie est consciente que sa maternité est destinée à favoriser le pardon mutuel et tout ce qui, dans les relations entre les hommes contribue à développer l’amour mutuel.
Celle qui n’a jamais permis à son cœur la moindre déviation vers l’égoïsme, l’orgueil ou la vengeance, engage toute son affection maternelle pour aider ses fils à vivre dans un climat d’amour authentique.
Maternité en mission
Le Christ a confié la nouvelle maternité à Marie telle une mission. Maternité singulière, elle était destinée à renforcer l’influence de la nouvelle vie du Sauveur. Maternité universelle, elle était destinée à s’ étendre universellement à toute la communauté chrétienne.
Pour cette mission, Marie a reçu une grâce spéciale le jour de la Pentecôte. Nous savons qu’avant la Pentecôte, elle s’était unie à la prière de la première communauté.
Dans les actes des apôtres, il est dit qu’après l’Ascension, tous les apôtres, avec quelques femmes, persévéraient dans la prière en formant un seul coeur et une seule âme. Parmi ces femmes, une seule est citée : Marie (Actes 1,14). La mère de Jésus apparaît comme un modèle de prière assidue.
Plus précisément, la mère de Jésus s’unissait à la prière de la communauté en vue de la venue prochaine de l’Esprit Saint, annoncée par Jésus à ses disciples. Nous pourrions être étonnés que Marie ait besoin de se préparer par la prière à la venue de l’Esprit Saint. En effet, l’Esprit était déjà venue sur elle pour accomplir la merveille suprême de l’œuvre du salut, la conception miraculeuse de l’enfant Jésus. Il semblait que Marie ne pouvait plus recevoir d’autre don de l’Esprit.
Mais elle savait qu’elle avait besoin d’un nouveau don de l’Esprit Saint pour assumer la maternité spirituelle qui lui avait été attribuée. Pour devenir mère du Christ, elle avait reçu un don exceptionnel du Saint Esprit; maintenant, pour accomplir la mission de mère des disciples de Jésus, elle attendait un autre don, tout aussi exceptionnel. Elle priait donc pour obtenir ce don ; elle priait en même temps pour la venue de l’Esprit Saint dans toute l’Eglise, pour obtenir en surabondance une multitude de dons spirituels.
L’événement de la Pentecôtea répondu pleinement à la prière de Marie et aux supplications d’une communauté profondément unie. Comme les autres qui étaient présents, Marie fut remplie du souffle violent de l’Esprit et reçut une langue de feu pour répandre les merveilles de Dieu, ces merveilles dont elle était le témoin privilégié. Ceux qui pouvaient entendre le témoignage de Marie, pouvaient aussi comprendre, chacun dans sa langue, les paroles qui sortaient de sa bouche: Marie et les Apôtres accomplissaient les mêmes merveilles sous l’onction de l’Esprit Saint.
Après la Pentecôte, l’Esprit continua d’animer les Apôtres. Il animait plus particulièrement Marie qui avait été sa coopératrice par excellenceexcellence au moment de l’Annonciation. Il communiquait en abondance à Marie tous les dons spirituels spirituels utiles à l’exécution de sa mission. Il faisait porter beaucoup de fruits à sa maternité, donnant une portée supérieure à ses paroles, à ses actions, à son témoignage.
« Aimez-la comme je l’ai aimée »
Jésus ne se limitait pas à s’adresser à sa mère pour l’instituer mère de son disciple bien-aimé. Il s’adresse aussi au disciple en lui disant : « Voici ta mère », pour lui faire comprendre que ceux qui reçoivent une nouvelle mère doivent avoir un comportement filial. Ce comportement est tout simplement la conséquence de la proclamation de la maternité de Marie. La proclamation aurait pu suffire mais Jésus a voulu attirer l’attention expressément sur la réponse filiale qui sera la caractéristique du culte marial.
Ses paroles adressées à Jean ont eu un effet immédiat, un effet qui, en quelque sorte, nous surprend, mais qui montre que l’invitation à considérer Marie comme mère devait être faite: »A partir de là le disciple la prit chez lui »(Jean 19,27). Par ce comportement, le disciple montrait ses qualités intuitives que d’autres épisodes de l’évangile ont mis en lumière. Il a compris le désir ardent de Jésus ; au cours de la vie publique, il avait pris l’habitude de discerner à travers les liens d’amitié qui l’unissaient au Maître, les signes de ses aspirations et de sa volonté. Ainsi, il comprend l’intention de Jésus qui souhaite que sa mère, qu’il a donnée à l’humanité, soit accueillie de bon coeur et avec affection.
« Sainte Vierge du Sacré Coeur ». La vénération due à Marie répond à la volonté exprimée par Jésus lui-même, qu’il a donnée à chacun de nous au moment de sa Passion.
Dans cet accueil, nous pouvons découvrir la première manifestation du culte rendu à Marie. Depuis le début, déjà avant la naissance de l’Eglise, qui a eu lieu à laPentecôte, ce culte a été promu par Jésus lui-même. Le Maître aurait pu laisser à l’affection spontanée des cœurs chrétiens les premiers mouvements de développement du culte marial. Mais il voulait donner à ce culte une valeur supérieure, avec la garantie de son autorité divine, qui excluait tout doute ou hésitation.
En outre, en prononçant les paroles: « Voici ta mère » dans les souffrances de la croix, il donnait à ces paroles la force de la dernière volonté d’un mourant et la valeur d’une invitation qui devait être reçue comme particulièrement sacrée.
La vénération que l’on doit à Marie a donc répondu à une volonté du Christ, au point que cette vénération est toujours liée au culte rendu au Sauveur. Si Jésus n’avait pas exprimé clairement cette volonté, quelque doute aurait pu être émis sur l’importance du culte marial, au motif que Marie était absente pendant la vie publique, vu qu’elle vivait à Nazareth par volonté de son fils. Mais à l’heure de la croix, Marie était présente, intimement unie à son Fils et ce dernier soulignait la valeur de la proximité de sa mère en l’instituant mère des disciples, mère de l’Eglise.
Cette volonté du Christ était tout d’abord adressée à Marie , comme le montrent ces paroles : « Femme, voici ton Fils ». Jésus n’hésitait pas à demander à Marie d’accomplir son sacrifice maternel : la mère devait accepter de perdre son propre fils pour recevoir un autre fils. En l’appelant « femme », il la faisait renoncer au lien de la tendre affection qui l’unissait à lui pour s’ouvrir à une autre maternité.
Le mot « femme » pouvait sembler froid dans les relations d’un fils avec sa mère. Mais c’était le mot utilisé par Jésus dans les noces de Cana, quand il accepta le désir de miracle qui animait l’intervention de Marie. Il voulait attirer l’attention sur la distance qui, depuis le moment de son départ de Nazareth pour la vie publique, le séparait de sa mère. En tant que femme engagée dans l’œuvre de salut, Marie pouvait obtenir le miracle.
le Maître crucifié invite chaque disciple à accueillir Marie dans sa vie avec un cœur filial, pas comme s’ il s’agissait de sa propre mère, mais parce qu’elle est réellement sa mère, élevée à cette maternité spirituelle par le Sauveur lui-même.
Dans la dernière cène, Jésus avait laissé aux apôtres son commandement par excellence: »Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres »(Jean 13,34-35; cf. 15,12). ). Un précepte analogue ressort des paroles : « Voici ta mère ! » « »Aimez votre mère comme je l’ai aimée, parce qu’elle est la mère de chacun d’entre vous ».
Aimer Marie comme le Christ signifie avant tout découvrir le vrai visage de Marie, comme il a été contemplé par celui qui, du regard, pénétrait le fond des âmes. Nombreux sont ceux qui sont tentés de se limiter à une connaissance superficielle de Marie. Il est vrai que les évangiles nous ont rapporté sur Marie des épisodes qui ont une signification profonde et méritent une réflexion très attentive. Mais souvent notre lecture du texte évangélique est trop rapide et nous retenons seulement ce qui semble évident, sans que nous ayons le temps de relire le texte pour en cueillir la richesse de la pensée cachée par l’Esprit Saint à travers les informations des évangélistes.
En effet, c’est l’Esprit qui doit être imploré pour nous révéler les merveilleux secrets de la vie intime de Marie et de sa coopération à l’œuvre qui a sauvé l’humanité. Il peut nous dévoiler pleinement le visage de Marie Marie comme visage maternel dans lequel s’est manifestée l’immensité de l’amour divin.
Le développement du culte marialet de la doctrine mariale montrent l’effort fourni par toute l’Eglise pour mieux connaître la mère de Jésus qui est notre mère. En la découvrant, il est possible de l’aimer avec plus de sincérité et de trouver dans sa présence et dans son visage une source de joie.
Aimer Marie a été la dernière invitation adressée par le Christ mourant pour l’humanité. . C’est une invitation à des efforts toujours nouveaux pour connaître et apprécier celle qui est la mère de Dieu et la mère de l’humanité rachetée. Les efforts n’ont pas de limite car aimer Marie comme le Christ lui-même l’a aimée, signifie s’engager dans un amour sans aucune frontière.
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