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Dimanche 5 août: commentaires de Marie Noëlle Thabut sur la premiere lecture – Livre de l’Exode 16, 2-4. 12-15

3 août, 2012

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Dimanche 5 août: commentaires de Marie Noëlle Thabut

REMIERE LECTURE – Livre de l’Exode 16, 2-4. 12-15

Dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël
récriminait contre Moïse et son frère Aaron.
3 Les fils d’Israël leur dirent :
« Ah ! Il aurait mieux valu mourir
de la main du SEIGNEUR, au pays d’Egypte,
quand nous étions assis près des marmites de viande,
quand nous mangions du pain à satiété !
Vous nous avez fait sortir dans ce désert
pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! »
4 Le SEIGNEUR dit à Moïse :
« Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain.
Le peuple sortira
pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne,
et ainsi je vais le mettre à l’épreuve :
je verrai s’il obéit, ou non, à ma loi.
12 J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël.
Tu leur diras :
Après le coucher du soleil, vous mangerez de la viande
et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété.
Vous reconnaîtrez alors
que moi, le SEIGNEUR, je suis votre Dieu. »
13 Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ;
et, le lendemain matin,
il y avait une couche de rosée autour du camp.
14 Lorsque la couche de rosée s’évapora,
il y avait, à la surface du désert, une fine croûte,
quelque chose de fin comme du givre, sur le sol.
15 Quand ils virent cela,
les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre :
« Mann hou ? » ce qui veut dire : « Qu’est-ce que c’est ? »
car ils ne savaient pas ce que c’était.
Moïse leur dit :
« C’est le pain que le SEIGNEUR vous donne à manger. »

Tout compte fait, même s’ils étaient esclaves en Egypte, les Hébreux n’étaient pas si mal nourris, probablement ! Un contremaître avisé prend un minimum de soin de sa main-d’oeuvre. Dans le désert, c’est autre chose… On est libres, oui, peut-être, c’est Moïse qui le dit. Mais, en attendant, dans le désert, on meurt de faim. Si on avait voulu faire crever ce peuple de faim, on ne s’y serait pas pris autrement… Et, après tout, c’était peut-être cela le but de la manoeuvre… On devine bien ce genre de conversations qui revenait tous les soirs dans chaque tente. Pour faire du mauvais esprit, on en faisait ; c’est ce que notre texte appelle les « récriminations » (d’autres traduisent les « murmures ») du peuple. Les plus courageux sont carrément allés le dire aux chefs : « Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Ce qui est évidemment un grave procès d’intention : on ne se contente plus de poser la question « pourquoi as-tu pris le risque de nous amener en plein désert ? », ou de faire un reproche sur la mauvaise organisation « tu t’es si mal débrouillé que nous allons tous mourir ici » ; on va jusqu’à soupçonner les intentions du chef : « au fond, ce que tu voulais, c’était notre mort.
Et à travers Moïse, c’est Dieu lui-même qui est visé : dans les versets manquants (les versets 5-11 et 16-36 ont été coupés dans la lecture liturgique), Moïse le dit clairement : « Ce n’est pas contre nous que vous murmurez, mais bien contre le SEIGNEUR. » (v. 8) ; ce qui prouve au passage que Moïse a toujours été clair sur ce point ; toutes ses entreprises sont guidées par Dieu : l’oeuvre de la « sortie » d’Egypte, de la libération est bien l’oeuvre de Dieu. Et d’ailleurs, le texte est rédigé de manière à ce que l’on comprenne bien que c’est Dieu qui agit sans cesse : il a entendu les murmures du peuple, il envoie la nourriture, (le pain puis la viande), il met le peuple à l’épreuve. Reprenons ces trois points : les murmures, le don de la nourriture, la mise à l’épreuve.
Les murmures, nous l’avons vu plus haut, sont le contraire de la foi, de la confiance : ils sont le soupçon né de l’angoisse ; dans le cas présent, après un long séjour dans la région très fertile du delta du Nil, les fugitifs doivent affronter l’insécurité et la pauvreté du désert ; on ne s’en est pas aperçus tout de suite : après la sortie d’Egypte (Ex 14), ce fut d’abord l’enthousiasme ; le chapitre 15 de l’Exode rapporte le chant de victoire et d’action de grâce qu’on entonna de l’autre côté de la mer : « Ma force et mon chant, c’est le SEIGNEUR. Il a été pour moi le salut. » (Ex 15, 2). Mais dès la première déception au bord d’un point d’eau qui se révéla saumâtre, le ton changea et les premiers murmures se firent entendre ; ceci dès la fin du même chapitre 15 ! La juxtaposition des deux textes est éloquente : elle dit les oscillations de nos coeurs, de l’action de grâce au soupçon ; Dieu aurait-il changé parce que les circonstances extérieures ont changé ?
En réponse à ces murmures, Dieu qui n’a pas changé, décidément, envoie la nourriture, le pain et les cailles. Il semble bien que l’épisode des cailles ne se soit pas renouvelé ; en revanche plusieurs textes affirment que la manne est désormais tombée chaque matin ; Dieu avait promis « du ciel, je vais faire pleuvoir du pain », et, désormais, chaque nuit (sauf celle du shabbat), pendant quarante ans, « lorsque la rosée se déposait sur le camp pendant la nuit, la manne s’y déposait aussi. » (Nb 9). Et le livre de Josué précise que ce cadeau du ciel cessa au moment de l’entrée en Terre Promise : « La manne cessa le lendemain quand ils eurent mangé des produits du pays. Il n’y eut plus de manne pour les fils d’Israël qui mangèrent de la production du pays de Canaan cette année-là. » (Jos 5, 12).
Curieusement, en même temps qu’il promet la nourriture, Dieu parle de mise à l’épreuve : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il obéit, ou non, à ma loi. » La mise à l’épreuve est double ici, semble-t-il ; d’abord parce que tout don de Dieu est mise à l’épreuve de notre reconnaissance. Dieu est si discret, généralement, que nous oublions que tout est cadeau ; la question posée est celle-ci : « Saurez-vous surmonter la tentation du murmure, du soupçon, saurez-vous me faire confiance, reconnaître mes dons et ma présence ? » Or les murmures n’ont pas cessé pour autant ! Plus tard, il est même venu un moment où on a trouvé la manne bien monotone : « Nous nous rappelons le poisson que nous mangions pour rien en Egypte, les concombres, les pastèques, les poireaux, les oignons, l’ail ! Tandis que maintenant notre vie s’étiole ; plus rien de tout cela ! Nous ne voyons plus que la manne. » (Nb 11, 5-6).
Ensuite, deuxième épreuve, deuxième question « Saurez-vous m’obéir et respecter mes commandements, celui du shabbat et celui du partage ? » Car Dieu avait tout prévu : chacun pouvait ramasser chaque jour exactement la quantité qui lui était nécessaire ; ce qui veut dire qu’on apprenait à en laisser pour les autres ! Et il était impossible de faire des provisions ; des petits malins ont bien essayé, mais le surplus pourrissait tout de suite ; en revanche, le sixième jour (veille du shabbat), il en tombait double ration et chacun pouvait en garder pour le lendemain ; car, pour que chacun puisse respecter le repos du shabbat, la manne tombait seulement six jours sur sept. Là encore, la première fois, on eut des tentations : soit d’en prendre plus que le nécessaire, soit d’espérer en trouver le matin du shabbat : s’il en était tombé pendant la nuit du shabbat, ce serait trop bête de s’en priver. Mais on a vite compris : Dieu avait décidé d’éduquer son peuple. ———————————————————————————————————————————-
Complément : le livre de la Sagesse donne un très beau commentaire de l’épisode de la manne :
« Tu as distribué à ton peuple une nourriture d’anges, tu lui as procuré, du ciel, sans effort de sa part, un pain tout préparé, ayant la capacité de toute saveur et adapté à tous les goûts. La substance que tu donnais manifestait ta douceur pour tes enfants… Ce que le feu ne détruisait pas fondait simplement à la chaleur d’un simple rayon de soleil, pour qu’on sache qu’il faut devancer le soleil pour te rendre grâce et te rencontrer au lever du jour. » (Sg 16, 20… 28).

Homélie du 18e dimanche ordinaire B

3 août, 2012

http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/

Homélie du 18e dimanche ordinaire B

Ex 16, 2-4, 12-15 ; Ep 4, 17, 20-24 ; Jn 6, 24-35

Aujourd’hui et les trois dimanches suivants, la liturgie propose, en quatre parties, le discours de Jésus appelé discours du Pain de Vie, qui suit immédiatement le récit de la multiplication des pains. Non pas un reportage, mais une catéchèse biblique sur l’eucharistie, c’est-à-dire sur la Parole et sur le Pain.
Première partie : Les auditeurs de Jésus n’ont rien compris au signe du partage des poissons et du pain. A la foule qui le poursuit, Jésus adresse une mise au point. Il n’est pas un faiseur de miracles. Considérer Jésus comme tel, le prendre pour un généreux bienfaiteur, un leader social ou politique, c’est à coup sûr ne pas le comprendre, ne pas être vraiment un disciple.
Et malgré plus de 2000 ans de christianisme, nous sommes toujours plus ou moins dans le cas de la foule qui préfère un repas gratuit plutôt qu’un enseignement de vie, quelque chose plutôt que quelqu’un. Nous parlons « avoir », « posséder », « recevoir », « manger », « réaliser ». Et voici que Jésus avertit : Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’Homme.
Un premier avertissement qu’il nous faut méditer : quelles sont nos priorités ?, quelle est notre échelle des valeurs ?, quelles sont pour nous les choses essentielles ?, que faire concrètement ?, quel travail accomplir, quel service rendre, pour obtenir cette nourriture impérissable ?
Les auditeurs veulent des preuves bien tangibles, irréfutables, des certitudes apaisantes, des faits merveilleux, des assurances contre le doute. Un miracle ou des apparitions viendraient bien à point. Pour appuyer leurs revendications, ils citent l’Ecriture, l’épisode de la manne dans le désert : N’est-ce pas cela le pain venu du ciel ?
Mais Jésus veut les entraîner sur un tout autre plan : celui de l’attachement total, inconditionnel : croire en quelqu’un, croire en lui. C’est lui qui est la véritable nourriture pour la véritable vie. Et Jésus n’a d’autre preuve à donner que lui-même. Il est Parole de Dieu : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de mon Père ». Il s’agit bien de cette nourriture-là.
Moïse avait déjà le sens de cette nourriture, dont la manne n’était qu’un symbole. Il disait à ses contemporains : « Dieu vous a donné à manger la manne, il voulait vous apprendre ainsi que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche du Seigneur » (Dt 8,3).
Je suis cette Parole, je suis cette Nourriture, dira Jésus.. Et il ajoute, dans l’évangile de Jean : « Mais à vous je l’ai dit : Vous me voyez et cependant vous ne croyez pas. »
Même en nous réclamant de Jésus Christ, nous avons peine à comprendre les signes qu’il nous donne. Il nous arrive aussi, consciemment ou non, de réclamer des miracles et de solliciter des preuves : Pourquoi ne guérit-il pas les malades ? Pourquoi ne fait-il pas pleuvoir du pain sur les régions affamées ?
Mais nous nous trompons de terrain. Ce qu’il nous donne, c’est la Parole de Dieu qui fait vivre, qui peut opérer en nous une transformation. Le pain qui apaise la faim et la soif est d’abord parole reçue dans la foi et parole vécue dans l’amour.
Comme l’écrit Paul : Cette nourriture spirituelle nous permet de nous défaire de notre conduite d’autrefois, de l’homme ancien qui est en nous, corrompu par ses désirs trompeurs. C’est cette parole nourriture qui nous fait adopter le comportement de l’homme nouveau, qui se laisse guider intérieurement par l’Esprit.
Et c’est à cause de cet Esprit que nous sommes capables de nous soucier de nos frères et sœurs en humanité, de partager nous aussi nos pains et nos poissons et faire en sorte que des miracles s’accomplissent.
Quand Jésus nous affirme « Moi je suis le Pain de Vie, celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim, celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif », nous croyons peut-être avoir compris : La manne céleste c’est aujourd’hui le pain consacré, le pain du ciel qui donne la vie. C’est un peu court. Et nous risquons même de tomber dans l’erreur des foules qui suivaient Jésus sans bien saisir le sens des signes. Il faut du temps, beaucoup de purifications et de conversions pour bien comprendre ce qu’est le Pain de vie et s’en nourrir. Elle est longue la route de la foi. Il n’est ni facile, ni tranquille, le chemin qui conduit à ce « Pain de la Vie » et qui permet de croire en Lui.
« Ce que le Christ nous donne est une qualité, une valeur ineffable et impalpable, une tendre lumière qui adoucit et rend lumineux cet univers de boue et de sang, de détritus et de cendres. Sans nous aveugler un seul instant sur la boue, le sang et les cendres, il opère une étrange transmutation de toutes choses. Elles restent les mêmes et pourtant elles sont tout à coup « sauvées », « rédimées », « rachetées »… Il ne me donne rien sauf sa personne, sa vie, son agonie sur la croix, ce livre imprimé et ce tombeau vide au petit matin de printemps. Il ne me donne rien sauf le salut qui est tout » (Petru Dumitriu, dans « Comment ne pas L’aimer ? », Cerf, p 9).

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

la dormizione e l’Assunzione della Beata Vergine Maria

2 août, 2012

 la dormizione e l'Assunzione della Beata Vergine Maria dans images sacrée miniature47

http://devotionsandprayers.blogspot.it/2009/08/dormition-and-assumption-of-virgin-mary.html

Création et nature dans l’Ancien Testament

2 août, 2012

http://www.eleves.ens.fr/aumonerie/numeros_en_ligne/pentecote04/seneve001.html

Création et nature dans l’Ancien Testament

Arnaud Basson

La création tient une place importante dans l’Ancien Testament, puisque c’est par elle que s’ouvre la Genèse. Mais cette place ne se limite pas au récit inaugural, bien au contraire, les épisodes de la création sont par la suite rappelés à de très nombreuses reprises. Nous allons donc explorer quelques textes bibliques où il est question de la création, entendue comme l’acte divin de créer ou comme l’univers créé, de la nature, en effet ces deux aspects sont souvent liés, et on verra que la nature ne manque pas de jouer un rôle dans l’histoire de l’Alliance de Dieu avec les hommes. J’ai choisi de ne pas évoquer les célèbres récits de la Genèse et de l’Exode (que le lecteur connaît au moins aussi bien que moi !), pour me concentrer davantage sur les psaumes et cantiques — la création a beaucoup inspiré les psalmistes — et les écrits prophétiques principalement.

La nature dans la rencontre de Dieu et de l’homme
La terre qui ruisselle de lait et de miel

La terre de Palestine joue un rôle important dans l’histoire de l’Alliance entre Dieu et le peuple qu’il s’est choisi. Elle est tout d’abord au coeur de la promesse faite à Abraham : c’est le pays que Dieu donne à ce nomade qui erre depuis que Dieu l’a fait quitter sa patrie1, c’est là que sa descendance se multipliera pour devenir aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel. Plus tard, Dieu, dans le buisson ardent, promet à Moïse d’y conduire Israël, de le faire monter « vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel »2. Ce don de la Terre promise se trouve marqué dans les rites d’Israël par l’offrande au Seigneur des prémices des récoltes (Dt 26) : pour commémorer ce don de la terre, on apporte à l’autel les prémices pour les consacrer à Dieu, en disant : « Je déclare aujourd’hui à Yahvé mon Dieu que je suis arrivé au pays que Yahvé avait juré à nos pères de nous donner » (v. 3) et en faisant mémoire de l’Exode, reconnaissant ainsi que les produits de la terre sont aussi un don du Seigneur (v. 10). Dans cette logique, Israël rend grâce à Dieu pour l’abondance des récoltes, comme dans le psaume 65 10–14, hymne empreint d’une grande allégresse : « Sur ton passage la fertilité ruisselle. Les pacages du désert ruissellent, les collines prennent une ceinture de joie, les prés se parent de troupeaux; les plaines se drapent de blé : tout crie et chante. » (vv. 12–14)
La Terre promise est encore associée au destin du peuple élu, à sa fidélité à Dieu, par l’intermédiaire de la fecondité ou de l’aridité du sol. En effet, la fertilité de la terre et l’abondance des récoltes sont une preuve de la faveur divine, un signe de paix, voire de salut (comme annoncé en Dt 7 13, 11 11–15, 28 4–5.8.11–12); au contraire, la sécheresse et les autres fléaux naturels sources de famine sont des châtiments de l’idôlatrie, de l’impiété du peuple qui s’est détourné de son Dieu3. Ceci est illustré par l’épisode de la grande sécheresse envoyée par Dieu en Israël par la bouche du prophète Élie (1 R 17–18) pour punir ceux qui adoraient les Baals; une fois qu’Élie a rétabli le culte de Yahvé et tué les prophètes de Baal, la pluie revient. Le prophète Osée développe des idées similaires, en superposant ce thème et celui de l’épouse infidèle (Os 2 4–15.24) : Israël s’étant prosterné devant des idoles pour obtenir la fécondité de la terre, le Seigneur va faire survenir l’aridité, pour que son peuple reconnaisse que c’est Yahvé qui donne « le froment, le vin nouveau et l’huile fraîche » (v. 10). Lorsqu’Israël se sera converti, l’abondance reviendra (v. 24). De même, le prophète Amos, qui menace Israël d’un châtiment imminent pour son infidélité, explique que Dieu a envoyé la sécheresse pour inciter à la repentance et à la conversion (Am 4 6–9). La faim et la soif de nourriture doivent conduire à la faim et la soif de la parole de Dieu (8 11–13). Enfin, le prophète promet une restauration finale à son peuple, symbolisée par une merveilleuse fécondité des récoltes (9 13–15)4. On retrouve encore ces thèmes en Jl 1 : le pays est dévasté par une invasion de sauterelles, mais la terre retrouve sa fécondité au jour du salut5.

Le désert
Le désert dans la Bible est souvent un lieu privilégié de rencontre de l’homme avec Dieu. C’est l’endroit où l’on est seul face à soi et face à Dieu, c’est un lieu de vérité, de conversion, où il faut choisir pour de bon si l’on veut suivre ou non la voie du Seigneur. C’est donc aussi le lieu de la tentation suprême. Le peuple hébreu sorti d’Égypte chemine pendant quarante ans au désert, dans une relation privilégiée à Dieu qui le guide, le nourrit et le désaltère, et qui se révèle à Moïse : « Le Seigneur rencontre son peuple au pays du désert, dans les solitudes remplies de hurlements sauvages : il l’entoure, il l’instruit, il veille sur lui comme sur la prunelle de son oeil. »6 Mais il n’échappe pas à l’épreuve de la tentation7, comme le résume le psaume 95 : « N’endurcissez pas vos coeurs comme [...] au désert, où vos pères m’éprouvaient, me tentaient, alors qu’ils me voyaient agir ! » (vv. 8–9). Le thème de la tentation au désert est d’ailleurs repris dans les Évangiles à propos de Jésus. La conversion au désert est évoquée par le prophète Osée, par la bouche de qui le Seigneur promet châtiment puis restauration à sa femme infidèle Israël : « Je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son coeur » (Os 2 16).

La montagne, lieu de la théophanie
La montagne est par excellence le lieu de la manifestation de Dieu. C’est au Sinaï que Moïse voit le buisson ardent, c’est là encore que Dieu descend pour la conclusion de l’Alliance, provoquant coups de tonnerre, éclairs, nuée, son de trompette, tremblement de terre8, c’est là enfin que Moïse aperçoit la gloire de Yahvé (34 6). On retrouve d’ailleurs ce genre de manifestations divines dans de nombreux psaumes. C’est encore sur cette montagne que Dieu passe devant le prophète Élie9, qui assiste lui aussi à des signes spectaculaires, mais finalement c’est dans la brise légère qu’Élie reconnaît Dieu. Dans le Nouveau Testament, c’est sur une montagne que Jésus sera transfiguré.
Lieu de manifestation divine, la montagne est aussi un lieu de communication entre Dieu et les hommes : la présence divine est déjà une révélation; c’est au Sinaï que Dieu révèle son Nom, qu’il donne à son peuple les commandements et la loi et fait alliance avec lui. Enfin, la montagne est un lieu de culte, comme le montre par exemple l’épisode du sacrifice du Carmel10, ou l’autel bâti par Josué sur le mont Ébal, près de Sichem11. Primitivement, les Israélites offraient des sacrifices sur les hauts-lieux12 — les hauts-lieux sont aussi des lieux de culte des idoles. Le lieu de culte par excellence est bien sûr le Temple de Jérusalem, bâti sur la colline de Sion, qui est très souvent appelée la montagne du Seigneur, la montagne de Sion, ou la sainte montagne, notamment dans les psaumes13.

Contempler Dieu à travers la création
La création, par sa seule existence, contient déjà une première révélation de Dieu. Ainsi, le psaume 19 nous montre que la création nous parle de Dieu: « Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament proclame l’oeuvre de ses mains. [...] Ce n’est pas un récit, il n’y a pas de mots, leur voix ne s’entend pas. Leur harmonie éclate sur toute la terre et leur langage jusqu’au bout du monde. » (vv. 2.4–5) Par son existence même, par sa beauté, elle évoque Dieu comme son créateur, et constitue par elle-même une louange à sa gloire. C’est cependant dans le livre de la Sagesse que cette idée est véritablement développée (Sg 13 1–9) : la contemplation de la nature doit conduire à en reconnaître le créateur, il ne faut pas s’arrêter à l’apparence des choses ni faire des éléments et forces de la nature des idoles, mais il faut remonter jusqu’à Dieu à partir d’eux. « La grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur. » (v. 5); ceux qui « ont été capables d’acquérir assez de science pour scruter le monde, comment n’en ont-ils pas plus tôt découvert le Maître ! » (v. 9) On trouve aussi une allusion à cette idée en Si 17 8–10; elle sera plus tard reprise par saint Paul.

Les psaumes et cantiques

Dieu créateur et souverain de la création
Le thème de la création revient souvent dans les psaumes. Tout d’abord, on trouve de fréquentes affirmations que Dieu est le créateur : « Autrefois tu as fondé la terre, et les cieux sont l’oeuvre de tes mains » (Ps 102 26), le Seigneur est « l’auteur de la terre et des cieux, de la mer, de tout ce qui s’y trouve » (Ps 146 6)14.
En tant qu’oeuvre de Dieu, la création lui appartient : « Il tient dans sa main les gouffres de la terre; les crêtes des montagnes sont à lui. À lui la mer, c’est lui qui l’a faite, et les continents, que ses mains ont formés ! »15 Dieu est aussi le créateur des hommes, en particulier d’Israël son peuple, et à ce titre il faut l’adorer. C’est pourquoi le psalmiste ajoute aussitôt : « Allons nous incliner, nous prosterner; à genoux devant le Seigneur qui nous a faits! » (Ps 95 6)
Le psaume 8, qui propose une méditation sur la création dans son ensemble et particulièrement sur la place de l’homme dans celle-ci, mérite une attention particulière. Au verset 4, le psalmiste contemple la grandeur de la création, oeuvre de Dieu, il semble admiratif devant les cieux, la lune et les étoiles, mais il est surtout troublé de voir combien l’homme est peu de chose face à cet univers immense : « Qu’est donc l’homme pour que tu penses à lui, l’être humain pour que tu t’en soucies ? » (v. 5) La formulation de la question laisse déjà sous-entendre que Dieu a réservé à l’homme un statut particulier : « Tu en as presque fait un dieu, tu le couronnes de gloire et d’éclat. » (v. 6), et Dieu en a fait le sommet de la création, lui soumettant tous les animaux de la terre, du ciel et de la mer (vv. 7 à 9, cf. Gn 1 28). Cette contemplation de la création et de l’homme qui n’est rien par lui-même mais à qui Dieu a fait tant d’honneur, conduit à la louange du Seigneur, qui encadre le psaume (vv. 2 et 10).
L’affirmation que Dieu est le créateur est souvent associée à l’idée qu’il est le maître de la nature, de la création, qu’il la dirige ; ainsi dans les psaumes où on lui attribue les éléments climatiques : vent, éclairs16, nuages, pluie, neige, gel et dégel17, Dieu déchaîne et apaise les tempêtes18.
Arrêtons-nous un instant sur le premier de ces psaumes, qui est en fait une prière d’appel à l’aide contre les ennemis, suite à la destruction du temple de Jérusalem. Après une lamentation décrivant les méfaits des envahisseurs et interpellant le Seigneur qui a laissé faire (74 1–11), le psalmiste évoque la force et la puissance de Dieu qui maîtrise la mer et abat les monstres marins, contrôle les rivières et a créé les jours et les nuits, les astres, la terre et les saisons (vv. 12–17). Enfin il fait appel à Dieu contre ses ennemis (vv. 18–23). Ainsi le psalmiste décrit la puissance de Dieu, car il veut faire appel à elle pour être libéré de ses oppresseurs. La contemplation de la création, qui manifeste cette omnipotence divine, devient alors un puissant motif de confiance et d’espérance : puisque ce Dieu est le Seigneur tout-puissant, il est capable de vaincre aisément ses ennemis. Cet emploi du thème de la création associé au thème du salut (collectif ou individuel), via l’évocation de la puissance de Dieu, est sans doute l’un des plus fréquents dans les psaumes.
Cette association se retrouve dans les psaumes 124 et 146 par exemple; elle est développée aussi dans le psaume 33, dans une louange confiante au Seigneur pour sa fidélité et sa droiture. Ici le rôle central est joué par la parole efficace de Dieu : il a créé par sa parole (v. 6), « c’est lui qui a parlé, et cela arriva; lui qui a commandé, et cela exista » (v. 9). Autrement dit, le pouvoir du Seigneur est tel, que lorsqu’il commande quelque chose, son ordre est aussitôt exécuté, sa volonté s’accomplit toujours. Cela vaut aussi bien pour la création que pour ses desseins dans l’histoire du monde : c’est son plan qui se réalise et non celui des hommes (vv. 10–11). C’est pourquoi on peut se fier entièrement à lui, il est notre « aide, notre bouclier » (v. 20), et le psalmiste s’en réjouit, car Dieu préserve ses fidèles de la famine et de la mort (v. 19). Il peut alors s’écrier : « Notre confiance est dans le nom très saint [du Seigneur]. Que ta fidélité, Seigneur, soit sur nous, comme notre espoir est en toi. » (vv. 21–22)

La majesté et la puissance de Dieu manifestées dans la nature
Comme on l’a entrevu dans le psaume 74, la nature peut être utilisée pour décrire de façon poétique la puissance et la majesté de Dieu. Le psaume 29 en est une remarquable illustration. Dans ce chant d’adoration, la voix du Seigneur est assimilée à l’orage : elle « domine les eaux, fracasse les cèdres, fait bondir le Liban comme un veau, taille des lames de feu, fait trembler le désert, … » On retrouve cette métaphore dans le psaume 77 17–19, où les eaux, la terre et l’abîme frémissent devant Dieu. Comme précédemment, la description de la grandeur et de la force de Dieu, déjà manifestées dans ses exploits passés, suscite l’espérance de l’homme dans la détresse, et parvient même à vaincre ses doutes vis-à-vis du Seigneur (vv. 8–11).
La puissance de Dieu qui intervient pour sauver est encore mise en scène dans le psaume 18, bâti sur la même structure que les précédents: David, encerclé et en péril de mort, appelle Dieu à son secours (vv. 2–7). Le Seigneur entend et se manifeste par des signes cosmiques (vv. 8–16) pour délivrer David, qui peut alors rendre grâces à Dieu (fin du psaume). La force, la majesté de Dieu sont décrites à travers les signes de son passage : tremblement de terre, nuée, vent, feu, grêle, orage; « les fondations du monde furent dévoilées par ton grondement, Seigneur, par le souffle exhalé de ton nez » (v. 16). L’intervention du Seigneur est à la taille du monde entier, elle touche tout le cosmos, rien n’y échappe, c’est une puissance irrésistible. Ici encore, cette représentation grandiose est une façon de parler de la grandeur divine, de la célébrer, et surtout de montrer que l’on peut s’appuyer sur le Seigneur : le psaume l’exalte comme un refuge (vv. 3 et 31), un rocher (vv. 3, 32 et 47) — image très fréquente dans les psaumes pour désigner Dieu et son indéfectible fidélité — et nous montre sa force et sa fidélité en action.
Le prophète Nahum emploie les mêmes images pour décrire la puissance du Seigneur et inspirer la crainte de la colère divine qui s’abat sur ses ennemis, car Dieu est bon pour qui se confie en lui, mais redoutable pour ceux qui le défient : il provoque l’ouragan, menace les montagnes et les mers, brise les rochers (Na 1 3–6). La colère de Dieu contre les ennemis d’Israël et sa puissance déployée pour sauver le peuple élu apparaissent encore à la fin du livre d’Habaquq (Ha 3 3–15). Ici les signes spectaculaires semblent précéder rien moins que l’apparition de Dieu : « La majesté de Dieu voile les cieux, la terre est pleine de sa gloire. Son éclat est pareil au jour, des rayons jaillissent de ses mains. [...] Il se dresse et fait trembler la terre, il regarde et fait frémir les nations. Alors les monts éternels se disloquent, les collines antiques s’effondrent. [...] Le soleil et la lune restent dans leur demeure; ils fuient devant l’éclat de tes flèches, sous la lueur des éclairs de ta lance. » (vv. 3–4.6.11)
La mention de l’immense puissance du Créateur est souvent associée au rappel des merveilles qu’il a accomplies pendant l’Exode, car cet événement est évidemment le fondement de la confiance d’Israël en Dieu sauveur. C’est le cas dans le psaume 136 : Dieu est l’auteur du monde (vv. 4–9), il a fait sortir Israël d’Égypte et lui a fait passer la mer (vv. 10–15), le conduisant jusqu’en Terre promise. Tous les versets de ce psaume sont rythmés par le refrain « car sa fidélité est pour toujours », pour exprimer que le même Dieu est à la fois créateur, sauveur et fidèle. On peut citer aussi le psaume 77, versets 20 et 21, que l’on a déjà mentionné, et surtout le psaume 114 : à la vue de Dieu qui a tiré son peuple d’Égypte (v. 1), « la mer s’enfuit, le Jourdain reflua, les montagnes bondirent comme des béliers, les collines comme des cabris » (vv. 3–4 et 5–6), puis le psalmiste ajoute « terre, tressaille devant le Maître, devant le Dieu de Jacob, lui qui change le roc en étang, et le granit en fontaine19» (vv. 7–8). Toute la nature et même la terre entière sont saisies d’admiration et de crainte devant l’oeuvre de Dieu.
Les différents thèmes que nous avons rencontrés jusqu’ici se trouvent comme résumés dans le psaume 89 (versets 1 à 19), qui est une hymne de louange à Dieu pour son amour et surtout sa fidélité: Dieu est le créateur (vv. 12–13), il est le maître de la mer (v. 10) et il maîtrise les vagues déchaînées, tout comme il renverse ses ennemis (v. 11), il possède le ciel et la terre (v. 12). Le psalmiste chante la loyauté, la bonté et la justice du Seigneur, qui est le créateur plein de majesté et le maître tout-puissant du monde; pour cela, le monde entier lui rend grâce : les cieux célèbrent ses merveilles (v. 6), les monts Tabor et Hermon crient de joie pour lui (v. 13), et le peuple d’Israël l’acclame et danse de joie (vv. 16–17).

La louange
On débouche donc très naturellement sur une joyeuse louange de Dieu, qui s’exprime à travers la nature dans plusieurs autres psaumes, notamment les psaumes 96 à 98 : « Que les cieux se réjouissent, que la terre exulte, et que gronde la mer et ses richesses ! Que la campagne tout entière soit en fête, que tous les arbres des forêts crient de joie devant le Seigneur. »20 Ces psaumes acclament Dieu comme roi et juge du monde entier, suscitant une jubilation qui a un caractère tout à fait universel; le psalmiste répète à plusieurs reprises que la souveraineté de gloire et de justice du Seigneur s’étend sur toutes les nations21. La magnificence de la nature permet aussi de louer Dieu qui est encore plus magnifique, comme dans le psaume 93 : « Les flots ont enflé leur voix. Plus que la voix des grandes eaux, et des vagues superbes de la mer, superbe est le Seigneur dans les hauteurs ! » (vv. 3–4)
Autre forme de louange, le psaume 104 s’adresse au Seigneur en contemplant la merveille qu’est la création, oeuvre de Dieu. Les premiers versets décrivent la grandeur de Dieu à l’aide d’éléments célestes (vv. 2–4), puis le psalmiste retrace la création du ciel (v. 2) et de la terre, que Dieu sépara des eaux (vv. 5–9) — on retrouve encore les thèmes du tonnerre et de la domination de la mer. Puis le psalmiste passe en revue les animaux qui remplissent la création, dans une longue description, émerveillé par tous les bienfaits répandus par Dieu, et par sa prévoyance. Alors le psalmiste s’exclame : « Que tes oeuvres sont nombreuses Seigneur ! Tu les as toutes faites avec sagesse. » (v. 24) Dans ce psaume, la création semble comme suspendue à la bienveillance de Dieu : c’est lui qui dirige l’écoulement de l’eau (vv. 10–12), qui fait pousser l’herbe (v. 14), surtout qui fournit la nourriture aux êtres vivants (vv. 14–16.21.27–28) et enfin qui leur donne et retire le souffle vital (vv. 29–30). Il nous est ainsi rappelé que Dieu ne nous a pas seulement donné la vie, mais aussi que c’est grâce à lui que nous subsistons chaque jour. La nature n’est pas notre bien acquis définitivement qui nous rendrait autonome : tout demeure entièrement dépendant de Dieu, et c’est par lui que la création peut se maintenir et durer. Il est donc bon et juste de lui rendre grâce tous les jours de notre vie (v. 33) pour ses dons : « Bénis le Seigneur, ô mon âme ! » (vv. 1 et 35)
Terminons cette petite promenade dans les psaumes en convoquant toute la nature à louer Dieu avec le psaume 148 : « Alléluia ! Louez le Seigneur depuis les cieux : [...] louez-le, soleil et lune, louez-le, vous toutes les étoiles brillantes; louez-le, vous les plus élevés des cieux, et vous les eaux qui êtes par-dessus les cieux. [...] Louez le Seigneur depuis la terre : dragons et vous tous les abîmes, feu et grêle, neige et brouillard, vent de tempête exécutant sa parole, montagnes et toutes les collines, arbres fruitiers et tous les cèdres, etc. » L’élan de la louange dans le coeur du psalmiste est si puissant qu’il s’étend à toutes les créatures vivantes et inertes, il ne faut rien de moins pour louer la grandeur de Dieu. Si la majesté de Dieu est grande comme l’univers, il faut que la louange ne soit pas moins grande, que l’univers entier le glorifie ! Mais Dieu est plus grand encore : « Qu’ils louent le nom du Seigneur, car son nom est sublime, lui seul, sa splendeur domine la terre et les cieux. » (v. 13) Ainsi cette louange cosmique manifeste la grandeur suprême de Dieu qui dépasse tout le créé : elle nous montre sa transcendance. Enfin, elle établit une juste relation entre Dieu et sa création, fondée sur la reconnaissance que nous lui devons tout, à lui qui prend soin de son peuple (v. 14), une harmonieuse relation de communion, pleine d’allégresse, entre le créateur bienfaiteur et ses créatures remplies de joie dans l’action de grâce.
On retrouve ce même élan de louange universelle dans le cantique dit des trois enfants en Daniel 3 : trois jeunes juifs sont jetés dans une fournaise ardente car ils ont refusé d’adorer une idole, et le Seigneur les préserve miraculeusement des flammes, tandis qu’ils entonnent un cantique bénissant et glorifiant Dieu : « Toutes les oeuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur ; célébrez-le et exaltez-le à jamais… » (vv. 57–90) À la miséricorde du Seigneur qui les a délivrés de la flamme ardente, ils répondent par cette louange qui englobe toute la création et semble vouloir être sans limite : en effet on touche là sûrement à la plus grande, la plus éminente des oeuvres de Dieu : son amour qui sauve les hommes qui l’implorent, la merveille du salut, plus excellente encore que toutes les merveilles de la création22.

Le Cantique des Cantiques
Dans cet étonnant chant d’amour d’un bien-aimé et de sa bien-aimée qu’est le Cantique des Cantiques, les comparaisons poétiques empruntées à la nature, telles les fleurs parfumées, les vignes qui bourgeonnent, la colombe, etc., sont légion. Un regard plus attentif permet de constater que ces comparaisons sont principalement appliquées à la bien-aimée, et elles renvoient à plusieurs reprises à la géographie d’Israël ou à des constructions célèbres, nous indiquant ainsi une des lectures possibles de ce texte : la jeune fille représente le peuple d’Israël, son fiancé le Seigneur, et ce chant d’amour célèbre l’amour entre Dieu et son peuple — la description de la relation entre le Seigneur et Israël en terme d’amour conjugal est d’ailleurs fréquente dans les écrits des prophètes.
L’identification de la bien-aimée avec la terre d’Israël s’appuie essentiellement sur la description que le bien-aimé fait d’elle : « Tes yeux sont des colombes, derrière ton voile, tes cheveux comme un troupeau de chèvre, ondulant sur les pentes du mont Galaad. Tes dents, un troupeau de brebis. [...] Tes joues, des moitiés de grenades, derrière ton voile. Ton cou, la tour de David, bâtie par assises. [...] Tes deux seins, deux faons, jumeaux d’une gazelle, qui paissent parmi les lis. [...] Viens du Liban, ô fiancée, viens du Liban, fais ton entrée. Abaisse tes regards, des cimes de l’Amana, des cimes du Sanir et de l’Hermon23. [...] Tes lèvres, ô fiancée, distillent le miel vierge. Le miel et le lait24 sont sous ta langue; et le parfum de tes vêtements est comme le parfum du Liban. »25 La fiancée est aussi comparée à Jérusalem et Tirça26 en 6 4; le bien-aimé continue : « Ton cou, une tour d’ivoire. Tes yeux, les piscines de Heshbôn, près de la porte de Bat-Rabbim. Ton nez, la tour du Liban, sentinelle tournée vers Damas. Ton chef se dresse, semblable au Carmel27. » (7 5–6) À cela, on peut ajouter la mention de la couleur de sa peau : « je suis noire et pourtant belle, filles de Jérusalem, comme les tentes de Qédar, comme les pavillons de Salma. Ne prenez pas garde à mon teint basané : c’est le soleil qui m’a brûlée » (1 5–6), le soleil a brûlé sa peau tout comme il brûle le pays d’Israël et les déserts voisins. Enfin, on peut voir dans les passages où la bien-aimée est à la recherche de son bien-aimé des allusions à la conversion d’Israël après s’être détourné de Dieu…
Dans ce contexte, les métaphores du jardin, des fleurs et plantes parfumées qui désignent la bien-aimée peuvent aussi être vues comme des allusions aux terres verdoyantes d’Israël : « Elle est un jardin bien clos, ma soeur, ô fiancée; un jardin bien clos, une source scellée. Tes jets font un verger de grenadiers, avec les fruits les plus exquis : le nard et le safran, le roseau odorant et le cinnamome. [...] Source des jardins, puits d’eaux vives, ruissellement du Liban ! » (4 12–15) Les noces des deux fiancées sont ensuite exprimées par la venue du fiancé dans ce jardin où il recueille toutes ces plantes embaumées et fleurissantes, symboles de leur amour (4 16–5 1, 6 2), « au jardin des noyers je suis descendu, pour voir les jeunes pousses de la vallée, pour voir si la vigne bourgeonne, si les grenadiers fleurissent » (6 11), puis un peu plus loin : « [La bien-aimée :] Dès le matin nous irons aux vignobles. Nous verrons si la vigne bourgeonne, si les pampres fleurissent, si les grenadiers sont en fleur. Alors je te ferai le don de mes amours. Les mandragores exhalent leur parfum, à nos portes sont tous les meilleurs fruits. Les nouveaux comme les anciens, je les ai réservés pour toi, mon bien-aimé. » (7 13–14; cf. aussi 8 2)

La création et l’espérance du salut dans la prédication d’Isaïe à Babylone
Les thèmes de la création et des éléments de la nature apparaissent de très nombreuses fois dans les chapitres 40 à 55 du livre d’Isaïe — ce que l’on appelle le Second Isaïe. Le prophète se trouve alors avec son peuple en exil à Babylone, et il prêche la consolation d’Israël : le Seigneur va libérer son peuple — il est contemporain de la montée en puissance du souverain perse Cyrus (évoqué à plusieurs reprises dans ses oracles) qui va bientôt renverser l’empire babylonien et permettre le retour des exilés. Cependant ses compatriotes semblent douter de leur prochaine libération, et le prophète doit s’efforcer de les convaincre (cf. 50 2). Le Dieu dont parle Isaïe est le créateur du ciel et de la terre, de ceux qui la peuplent, il a « tendu les cieux et fondé la terre » (le prophète le répète une dizaine de fois28); et lorsqu’Isaïe parle de Dieu en ces termes, c’est pour annoncer le salut d’Israël. Ceci nous fournit une première clé pour comprendre l’objectif de cette insistance : si Dieu est le créateur du monde, alors il en est aussi le souverain, il est le maître de l’histoire, il a tout pouvoir sur ce monde : en particulier celui de provoquer la chute de Babylone et de ramener les Israélites sur leur terre. En affirmant ce statut unique de Dieu, dont personne ne peut remettre en question les desseins et qui décide du destin des nations (cf. 40 12–18, 45 11–13), le prophète veut montrer à Israël la puissance de son Dieu et par suite la certitude du salut annoncé.
Le salut que Dieu apporte à son peuple est encore symbolisé par l’eau : le Seigneur fait couler de l’eau, ou jaillir des sources, des fleuves, dans le désert29. Le Seigneur va désaltérer les assoiffés : la soif représente l’exil, l’oppression, et l’eau la libération, le bonheur. En 44 3–5, le salut va plus loin que la simple libération, l’eau devient symbole de l’Esprit qui inspirera à Israël une nouvelle fidélité au Seigneur. De la même façon, Dieu change les steppes arides en pays verdoyants, symbole de renouveau, de vivification (41 19, 45 18) où le salut et la justice ruissellent comme la rosée et germent comme les plantes (49 9, 55 13). Inversement, Dieu peut assécher les rivières et la végétation, dévaster la nature, en signe de sa puissance que rien n’arrête, de sa victoire sur ses ennemis, ou manifestation de sa colère contre l’impiété30. Une dernière image qui évoque le salut est celle des montagnes et collines que le Seigneur aplanit pour tracer son chemin au milieu du désert31 : rien ne saurait s’opposer au Seigneur, pas même une montagne ou un désert, son plan de salut se réalisera quoi qu’il arrive.
L’affirmation forte que le Seigneur est le créateur a un autre corollaire, c’est celui de l’inexistance d’autres dieux, des idoles des peuples étrangers (vers lesquelles Israël s’était tourné). Nous trouvons là une autre caractéristique du second Isaïe, c’est la proclamation d’un monothéisme vigoureux et triomphal. Le prophète se plaît à décrire le Dieu d’Israël, créateur et seigneur du monde, qui tient en main les destinées des nations, sauve son peuple et lui fait part de ses plans par l’intermédiaire des prophètes, tandis que les idoles ne sont que des morceaux de bois, des cailloux ou des statues inertes… Que Dieu soit le créateur et le maître du monde entier a une troisième conséquence : les desseins divins ne concernent pas que le peuple d’Israël, mais tous les peuples, c’est l’universalisme — autre trait saillant du deutéro-Isaïe (ce qui n’empêche pas Israël de garder une place centrale et unique dans le plan de Dieu)32.
Enfin, le prophète n’hésite pas à personnifier des éléments de la nature, principalement pour leur prêter exultation et cris de joie à la nouvelle et à la vue de la libération d’Israël : 43 20 (les animaux du désert rendent gloire à Dieu), 44 23 (ciel, terre, montagnes et forêts acclament le Dieu rédempteur), 49 13 (idem), 55 12 (montagnes, collines et tous les arbres battent des mains au passage d’Israël libéré). Ainsi, dans cette seconde partie du livre d’Isaïe, les évocations de la nature sont toujours en lien avec Dieu (on pourrait s’attarder aussi sur l’emploi de métaphores, par exemple en 55 9–10…), et visent à exprimer et renforcer le message du salut proclamé par le prophète (il faut mentionner aussi le rappel des miracles de l’Exode : la traversée de la mer, l’eau jaillie du rocher…). On voit donc que la création, tout entière dominée par Dieu, peut jouer un rôle dans la relation entre les hommes et Dieu.
La création a toute sa place dans l’histoire du salut : elle révèle Dieu d’une certaine manière, elle est le signe de sa toute-puissance qui réconforte le psalmiste comme le prophète en exil lorsque sa confiance en Dieu est ébranlée; par elle, l’auteur biblique chante la gloire du créateur et lui rend grâce avec allégresse; elle est parfois aussi un instrument dans la main de Dieu qui fait des miracles. On peut aller plus loin : la création semble même participer à l’Alliance, comme gage et témoin de la fidélité de Dieu vis-à-vis des hommes : « si vous réussissez à rompre mon alliance avec le jour, et mon alliance avec la nuit, en sorte que le jour et la nuit n’arrivent plus au moment voulu, alors mon alliance avec mon serviteur David sera également rompue » (Jr 33 20–21, cf. 31 35–37); comme le montrent les perspectives de fécondité paradisiaques déjà évoquées, la création doit surtout participer à la rédemption d’Israël — et des nations, car la nature est aussi un signe d’universalisme — aux temps messianiques du salut, où elle sera transfigurée. Cette transformation est déjà en germe lors de l’Exode, où la nature est comme remodelée pour le salut des Israélites33; elle apparaît aussi dans les paroles d’Isaïe qui voit la création exultant de joie à l’annonce et lors de la libération des exilés de Babylone. Aux temps messianiques, la paix et l’harmonie seront rétablies dans la création tout entière, toutes les créatures seront en communion avec Dieu et entre elles : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits, même gîte. Le lion, comme le boeuf mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra. Sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main. Il ne se fera ni mal, ni destruction sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur, comme la mer que comblent les eaux. » (Is 11 6–9, repris en 65 25), et encore: « Je concluerai pour eux une alliance, en ce jour-là, avec les bêtes des champs, avec les oiseaux du ciel et les reptiles du sol; l’arc, l’épée, la guerre, je les briserai et les bannirai du pays, et eux, je les ferai reposer en sécurité. » (Os 2 20)

A.B.

Jean Paul II: Ps 141, 2-3.6-8

2 août, 2012

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2003/documents/hf_jp-ii_aud_20031112_fr.html

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II

Mercredi 12 novembre 2003

Premières Vêpres – dimanche de la 1 semaine
Lecture: Ps 141, 2-3.6-8

1. Le soir du 3 octobre 1226, saint François d’Assise était en train de s’éteindre: sa dernière prière fut précisément la récitation du Psaume 141, que nous venons d’écouter. Saint Bonaventure rappelle que saint François « se mit à réciter avec force le Psaume: « A Yahvé mon cri! J’implore! A Yahvé mon cri! Je supplie » et il le récita jusqu’au dernier verset: « Autour de moi les justes feront cercle, à cause du bien que tu m’as fait »" (Legenda maior, XIV, 5, in: Fonti Francescane, Padoue – Assise 1980, p. 958).
Le Psaume est une intense supplication, rythmée par une série de verbes d’imploration adressés au Seigneur: « J’implore à l’aide », « Je supplie Yahvé », « Je déverse ma plainte », « ma détresse, je la mets devant lui » (vv. 2-3). La partie centrale du Psaume est dominée par la confiance en Dieu qui n’est pas indifférent à la souffrance du fidèle (cf. vv. 4-8). C’est dans cette attitude que saint François alla vers la mort.
2. Dieu est interpellé par un « Tu », comme une personne qui donne la sécurité: « Toi, mon abri » (v. 6). « Toi, tu connais mon sentier », c’est-à-dire l’itinéraire de ma vie, un parcours marqué par le choix de la justice. Sur cette voie, les impies lui ont cependant tendu un piège (cf. v. 4): il s’agit de l’image typique tirée des scènes de chasse et fréquente dans les supplications des Psaumes pour indiquer les dangers et les menaces auxquels le juste doit faire face.
Face à ce cauchemar, le Psalmiste lance comme un signal d’alarme, afin que Dieu voie sa situation et intervienne: « Regarde à droite et vois » (v. 5). Dans la tradition orientale, à la droite d’une personne se tenait le défenseur ou le témoin favorable au cours d’un procès, ou bien, en cas de guerre, le garde du corps. Le fidèle est donc seul et abandonné, « pas un qui me reconnaisse ». C’est pourquoi il exprime une constatation angoissée: « Le refuge se dérobe à moi, pas un qui ait soin de mon âme » (v. 5).
3. Immédiatement après, un cri révèle l’espérance qui demeure dans le coeur de l’orant. Désormais, l’unique protection et la seule présence efficace est celle de Dieu: « Toi, mon abri, ma part dans la terre des vivants » (v. 6). Le « sort » ou la « part », dans le langage biblique, est le don de la terre promise, signe de l’amour divin à l’égard de son peuple. Le Seigneur reste désormais le dernier et l’unique fondement sur lequel se baser, la seule possibilité de vie, l’espérance suprême.
Le Psalmiste l’invoque avec insistance, car « il est à bout de force » (v. 7). Il le supplie d’intervenir pour briser la chaîne de sa prison de solitude et d’hostilité (cf. v. 8) et le tirer de l’abîme de l’épreuve.
4. Comme dans d’autres Psaumes de supplication, la perspective finale est celle d’une action de grâce, qui sera offerte à Dieu lorsque le fidèle aura été exaucé: « Fais sortir de prison mon âme, que je rende grâce à ton nom » (ibid.). Lorsqu’il aura été sauvé, le fidèle se rendra au milieu de l’assemblée liturgique pour rendre grâce à Dieu (cf. Ibid.). Les justes l’entoureront, car il considéreront le salut de leur frère comme un don qui leur a également été fait.
Cette atmosphère devrait régner également dans les célébrations chrétiennes. La douleur de chaque personne doit trouver un écho dans le coeur de tous; la joie de chacun doit également être vécue par toute la communauté de prière. En effet, qu’il est « bon et doux d’habiter en frères tous ensemble » (Ps 132, 1) et le Seigneur Jésus a dit: « Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18, 20).
5. La tradition chrétienne a appliqué le Psaume 141 au Christ persécuté et souffrant. Dans cette perspective, l’objectif lumineux de la supplication du Psaume se transfigure en un signe pascal, sur la base de l’issue glorieuse de la vie du Christ et de notre destin de résurrection avec lui. C’est ce qu’affirme saint Hilaire de Poitiers, célèbre Docteur de l’Eglise du IV siècle, dans son Traité sur les Psaumes.
Il commente la traduction latine du dernier verset du Psaume, qui parle de récompense pour l’orant et d’attente des justes: « Me expectant iusti, donec retribuas mihi ». Saint Hilaire explique: « L’Apôtre nous enseigne quelle récompense le Père a donnée au Christ: « Aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout au nom de Jésus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2, 9-11). Telle est la récompense: au corps, qu’il a assumé, est donnée l’éternité de la gloire du Père. Le même Apôtre nous enseigne ensuite ce qu’est l’attente des justes, en disant: « Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons ardemment, comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire » (Ph 3, 20-21). Les justes, en effet, l’attendent pour qu’il les récompense, en les rendant conformes à la gloire de son corps, qui est béni pour les siècles des siècles. Amen » (PL 9, 833-837).

Le Cantique des Cantiques du Roi Salomon

1 août, 2012

Le Cantique des Cantiques du Roi Salomon dans images sacrée GiglioTraPruni

http://www.conmaria.it/Bibbia_illustrata/21cantico/Cantico.htm

L’amitié dans la Bible

1 août, 2012

http://www.mabible.net/reflexions-sur-la-foi/amitie-dans-la-bible

L’amitié dans la Bible

De manière surprenante, la Bible parle relativement peu de l’amitié, telle que nous la comprenons généralement aujourd’hui, c’est-à-dire comme d’un rapport privilégié entre deux êtres. Néanmoins, même si cette notion est peu développée, elle n’en est pourtant pas absente.
Celle-ci y est développée en étant abordée sous deux angles différents: En premier lieu, elle parle de l’amitié de Dieu avec l’homme et de l’homme avec Dieu, et en second, bien évidemment du rapport particulier qu’une personne entretient avec un autre de ses congénères.
Alors voyons comment les Ecritures parlent et définissent l’amitié sur ces deux plans particuliers. Qu’est ce que l’amitié, comment se définit-elle et comment s’applique-t-elle dans la relation?
Abordons premièrement l’amitié de Dieu envers les hommes. La première question que nous pourrions nous poser est celle-ci? Est-il possible que Dieu puisse avoir des «chouchous»? Oui et non!
Romains 2.11 et Galates 2.6 nous disent que le Seigneur ne fait pas de favoritisme; devant lui, tous les hommes sont égaux et aimés de Lui de même façon et de la même intensité.
On voit également cela dans 1 Timothée 2.3-4 qui nous dit que «Dieu désire que tous les hommes soient sauvés».
Jean 3.16 nous affirme que « Dieu a tant aimé le monde (les hommes) qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle ». Dans ce «quiconque» que Dieu aime, est contenue l’humanité dans sa généralité, mais aussi de chacun en particulier, c’est-à-dire: toi, lui et moi.
Mais pourtant, outre le fait de l’amour de Dieu est égal pour chacun d’entre nous, la Parole relève tout de même que Dieu fut l’ami de certains hommes en particulier. Ce fut, entre autres exemples, le cas d’hommes comme Abraham, Moïse et David, sans oublier Jean, le disciple que Jésus aimait! N’oublions les femmes, comme Marthe et Marie…
Si la Parole nous affirme d’un côté que Dieu aime indistinctement tous les êtres humains, mais qu’en même temps, il y a en a tout de même certains qui sont l’objet de son attention particulière, nous pouvons alors naturellement en déduire que la différenciation se trouve du côté de l’homme. En clair, que c’est la réponse du cœur de l’homme à l’amour de Dieu qui scelle un lien d’amitié particulier entre lui et Dieu.
Pourquoi Abraham fut-il appelé l’ami de Dieu selon ce qu’il nous est dit en Jacques 2.23? Tout simplement parce qu’il crut en Dieu! Mais dans cette optique, croire en Dieu ne consiste pas simplement à dire: «Je crois que Dieu existe!» Non! (même si c’est déjà bien) Croire, en prenant l’exemple d’Abraham, c’est mettre sa confiance en Dieu de manière absolue, dans ce qu’il nous dit et dans ce qu’il nous demande. C’est accepter de croire que Dieu sait mieux que nous-mêmes ce qui est bon pour nous et au travers de nous. «Abraham crut» et cela a suffit pour engendrer la naissance d’un peuple (Israël) de qui est sorti Jésus-Christ, le sauveur de l’humanité. La foi n’est pas une attitude béate et statique, la foi se met en mouvement et produit quelque chose. Et chose très importante à comprendre, la foi est liée à l’obéissance.
Pour Moïse, ce sont les mêmes dispositions de son cœur qui lui ont permis à entrer dans une relation intime avec le Seigneur: «L’Éternel parlait avec Moïse face à face, comme un homme parle à son ami.». Moïse était, comme Abraham, un homme qui a accepté de se défaire de la gloire humaine et d’obéir à la voix de Dieu. A cause de cela, il fut défini comme étant la personne la plus humble que la terre est jamais portée (Nombres 12.3). Cette amitié liée à la foi, à l’humilité qui la aussi se traduit par l’obéissance à la Parole de Dieu. Le fruit de cette attitude intérieure a permis à un homme cœur de vivre une dimension de cœur à cœur avec le Dieu Tout-Puissant.
David nous est dépeint comme un homme selon le cœur de Dieu! Cela veut-il dire que David était parfait, qu’il ne commettait jamais d’erreurs? Non, David a commis beaucoup d’erreurs durant sa vie. La grande différence fut qu’il aimait Dieu et qu’il le connaissait comme un Dieu bon, miséricordieux et Saint. Il savait quel en était la grandeur, mais connaissait également sa propre misère. C’est pour cela qu’il pouvait se présenter devant lui pour lui demander grâce, droit et justice; ce que le Seigneur lui accorda sans cesse, sans pour autant passer sous silence ces péchés.
Malgré ces travers, David était un homme qui aimait le droit, l’équité, il était un homme respectueux et tentait constamment de marcher dans l’intégrité demandée par Dieu.
Pourquoi le Nouveau Testament présente-t-il à son tour l’apôtre Jean comme étant l’objet d’une apparente attention amicale de la part de Jésus? En effet, par quatre fois, l’Evangile de jean nous rapporte qu’il était «le disciple que Jésus aimait». Encore un fois, on ne peut pas avancer que Jésus en tant que Dieu avait plus d’amour pour lui que pour les autres.
La solution est encore ici du côté de l’homme. En effet, un simple regard sur le 4ème Evangile et sur les trois épîtres de Jean pour nous faire comprendre que l’appellation d’ «apôtre de l’amour». Si Jésus semble apporter une préférence à Jean, ce n’est certainement pas par préférence personnelle. Non c’est simplement parce que le cœur de Jean répond plus particulièrement au cœur même de Dieu; c’est-à-dire l’amour.
Comme le résume le Seigneur Jésus, toute la Loi et les Prophètes se trouvent résumés dans ces deux commandements: «Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée; et ton prochain comme toi-même.»
La parole de 1 Jean 5.3: «En effet, l’amour envers Dieu consiste à respecter ses commandements» donne écho à celle du Seigneur: «Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande.» Jean 15.14
En résumé, l’amitié de Dieu se donne se manière particulière aux personnes de foi sachant demeurer dans l’obéissance et l’humilité dans une relation d’amour. Proverbes 3.32 «Car l’Eternel a horreur de l’homme perverti, mais il est un ami pour les hommes droits.»
L’amitié entre les hommes se base dans une forme de relations. En tant qu’individus ayant été créés avec des sentiments et une sensibilité propres à chacun. Dans ces conditions, bien que le chrétien soit appelé à aimer son prochain comme lui-même, il est naturel pour lui de fonctionner par affinités caractérielles et de sentir plus en phase avec une personne plutôt qu’avec une autre.
La langue grecque, langue originale dans laquelle fut écrit le Nouveau Testament, emploie quatre termes nuancés pour définir l’amour.
L’amour agape : Cet amour est l’amour dont Dieu nous aime. Un amour absolu et inconditionnel.
L’amour storge : Cet amour est celui dont on aime sa propre famille.
L’amour eros : Concerne l’amour spécifiquement sexuel.
Et l’amour phileo : Relatif à l’amour qu’on peut avoir pour un ami.
Si l’Ecriture établit ces nuances linguistiques, c’est donc qu’elle reconnait ces réalités et les reconnait donc comme saines.
La Bible nous donne dans ce domaine de précieux renseignements qui nous aideront à définir sur quels critères nous devons nous baser pour entretenir une relation amicale saine.
Le Psaume 35.14 nous dit: «Comme pour un ami, pour un frère, je marchais lentement, comme pour le deuil d’une mère, j’étais accablé de tristesse.»
Dans ce texte, nous voyons que la vraie amitié est compatissante. La compassion n’est pas de la pitié, la compassion «souffre avec». L’ami vit les douleurs de l’autre comme lui, il pleure avec celui qui pleure, souffre avec celui qui souffre, mais également se réjouit à cause du bonheur de l’autre.
Psaume 119.63 «Je suis l’ami de tous ceux qui te craignent et qui se conforment à tes décrets.»
David, de son côté, sélectionne son amitié selon des critères d’obéissance au Seigneur. Et comme cette amitié est tributaire de la crainte de Dieu, le véritable ami ne se contente pas de choisir ses amis de cette manière mais il s’implique également dans un rôle de directeur de conscience. Comme le souligne le Proverbes 12.26: «Le juste apprend de son prochain, mais la voie qu’empruntent les méchants les égare.»
La véritable amitié se confirme dans toutes les situations, bonnes ou mauvaises. L’amitié n’est pas tributaire des circonstances, pour être vraie, elle doit être désintéressée. Proverbes 17.17 «L’ami aime en toute circonstance, et dans le malheur il se montre un frère.»
Mais la véritable amitié ne se borne pas dans une attitude silencieuse quand l’ami court un danger ou semble agir de mauvaise façon même si parfois, afin de dire la vérité implique de faire du mal à celui qu’on aime . Proverbes 27.6 «Les blessures d’un ami prouvent sa fidélité.»
Mais l’ami doit être perçu comme quelqu’un qui cherche à être de bon conseil Proverbes 27.9: «La douceur d’un ami vaut mieux que nos propres conseils.»

Discerner la présence de Dieu – Libres propos tirés des sermons d’Augustin

1 août, 2012

http://www.assomption.org/Ressources/ItinerairesAugustiniens/IA30/Petit-1.htm

Discerner la présence de Dieu

Libres propos tirés des sermons d’Augustin

On pense que certains sont du froment et ils sont de l’ivraie ;
On pense que certains sont de l’ivraie, alors qu’ils sont du froment.
C’est à cause de ces choses cachées que l’Apôtre dit :
«Ne jugez de rien avant le temps, (1 Co 4,5) »
(Sermon Caillau II, 5, 3)

Sous ce titre un peu énigmatique se cache une intuition simple : la prédication d’Augustin nous donne aussi une manière de choisir, de distinguer nos façons de vivre et d’aimer.
En effet, dans ses sermons, l’évêque d’Hippone propose des orientations concrètes. Il doit non seulement expliquer la Parole de Dieu mais aussi montrer comment elle permet de discerner des situations, de s’orienter dans la vie. Dans sa prédication, Augustin semble toujours tenir compte des personnes, des institutions, de la communauté chrétienne. Chez lui, pas de « traité » ou de « méthode » mais bien une priorité de fait à un discernement en situation.
Quelques exemples : que faire, face à la déchirure donatiste qui brise l’unité ? Comment se situer dans la controverse avec Pélage ? Quelle est la responsabilité réelle des chrétiens dans la chute de Rome ? Autant de questions concrètes sur lesquelles la parole d’Augustin est attendue. Les réponses de l’évêque d’Hippone constituent aujourd’hui un champ privilégié d’étude d’une façon « augustinienne » de délibérer au plan spirituel.
Ces « libres propos » n’ont donc pas d’autre ambition que de constituer une « entrée en discernement » à partir des Sermons. Libre à chacun de dire s’il y reconnaît quelque chose de ses propres manières de s’arrêter, de considérer et de préférer.

S’arrêter
S’arrêter pour regarder ce que nous vivons est la première et la plus fondamentale décision de tout processus de discernement. Certes, nous devons rester « dans la course ». Et nous avons tendance à courir sans cesse. Mais après quoi, après qui courons-nous ? Notre course est-elle bien une « course au bonheur », une « course à vie » ? Sommes-nous en train de bâtir la cité de Dieu ou construisons-nous sur des biens périssables ?
Consentir à ce temps de pause peut être onéreux. La mise en perspective de ce que nous vivons n’est pas chose aisée. Et le monde, comme au temps d’Augustin, ne provoque pas franchement l’optimisme :
« Le monde est actuellement comme un pressoir ; il est écrasé sous l’épreuve (…). Il y a quelquefois des épreuves dans le monde, par exemple la famine, la guerre, la disette, la vie chère, la mortalité, la pauvreté, les rapines, l’avarice. Les pauvres sont pressurés, les cités sont dans la peine » (S. Denis, 24).
C’est pourtant bien dans ce monde que nous avons à chercher les traces de la présence de Dieu. Notre cité des hommes est bien marquée par la violence, le chômage, la maladie, les sectes. Mais la cité de Dieu s’y construit déjà. S’arrêter pour regarder les germes de solidarité, de fraternité, c’est dépasser le fatalisme, l’inaction, la paralysie, la peur.

Considérer

Il n’y a pas d’autre discernement chez Augustin que celui de l’Evangile. Celui-ci invite à ne pas vouloir trop vite séparer le bon grain de l’ivraie :
« Vous voyez l’ivraie au milieu du bon grain, vous voyez les mauvais chrétiens au milieu des bons et vous voulez les arracher ? » (S. 73,1).
Considérer les personnes et les événements avec justesse, telle semble être la recommandation d’Augustin. Comme les chrétiens auxquels il s’adresse, nous avons à faire la part de ce qui relève de l’objectivité des situations et ce qui peut être attribué à nos perceptions, nos humeurs… pas toujours très réfléchies. La vigilance est de rigueur parce que nos réactions premières sont peu amènes :
« Mais parfois, selon le jugement humain, on pense que certains sont du froment et ils sont de l’ivraie ; et on pense que certains sont de l’ivraie, alors qu’ils sont du froment. C’est à cause de ces choses cachées que l’Apôtre dit : « Ne jugez de rien avant le temps, jusqu’à ce que vienne le Seigneur qui illuminera les secrets des ténèbres et qui révèlera les pensées du cœur (I Co 4,5) » (Sermon Caillau II, 5, 3).
Un peu de bienveillance est donc nécessaire. Mettre en place les différents éléments de la situation. Mettre en perspective par rapport à eux est indispensable pour pouvoir envisager la parole, le conseil, la réponse à apporter. L’Evangile intervient ici pour nous rappeler un minimum de prudence, à défaut de miséricorde.
« Les bons grains peuvent dégénérer en paille, de même que la paille peut être trasformée en grain » (S 223, 2)
Il ne nous est pas donné de tout prévoir. Les choses sont parfois ambiguës. Le rapport à Dieu ou aux autres paraît parfois faussé chez certains. Mais ce n’est pas une raison pour passer son temps à se lamenter, à critiquer. Augustin le fait remarquer aux chrétiens d’Hippone :
« Les temps sont mauvais. Nos ancêtres eux-mêmes se sont lamentés sur leur époque et leurs aïeux ont fait de même et chez les hommes personne ne s’est jamais complu dans le temps où il vivait » (S. 25, 3).
Le seul moyen de ne pas sombrer dans la désespérance, c’est de préférer le tête-à-tête avec le « Maître intérieur ».

Préférer
Choisir ce tête-à-tête avec le « Maître intérieur » n’est pas facile. Nous sommes parfois si « embarqués » dans le tourbillon des activités, des fausses questions et des difficultés que nous ne sommes même plus capables d’être dans ce lieu nourricier que nous devrions préférer. Aujourd’hui par exemple, l’environnement est assez hostile aux jeunes. Les chrétiens d’Hippone étaient en butte aux mêmes railleries. Augustin leur demande de tenir bon :
« Faites, chrétiens, ce qu’ordonne le Christ et laissez les païens blasphémer. Ils sauront ce qu’il en coûte » (S 81, 9)
Préférer le Christ, c’est apprendre à le contempler, à le suivre, malgré nos limites, nos fragilités. Ce chemin, droit et profond, peut faire peur. Augustin ne cache pas à son auditoire les risques de l’aventure personnelle et collective :
« Veux-tu que je te dise par quel chemin le suivre ? C’est par les tribulations, les opprobes, les fausses accusations, les crachats au visage, la couronne d’épines, la croix et la mort » (S. 345,6).
A première vue, ce programme n’a rien de réjouissant. Il ne faudrait pas oublier cependant que l’homme doit garder les yeux fixés au Ciel :
« La cité sainte, la cité fidèle, la cité en pèlerinage sur la terre a ses fondations dans le Ciel. Pourquoi t’effraies-tu quand les Royaumes de la terre périssent ? Dieu t’a promis un Royaume dans le Ciel afin que tu ne périsses pas avec ceux de la terre » (S 105, 9)
On peut trouver ces propos très insuffisants face à des « techniques » de discernement. Mais ne faut-il pas préférer une certaine souplesse, une liberté, un accueil des promesses de l’au-delà pour bien s’engager ici bas ? Augustin ne se maintient pas dans une indétermination face à des choix fondamentaux dans ce monde. Il exhorte les chrétiens à la charité :
« Soyez doux, compatissants pour ceux qui souffrent. Secourez les malades. Et en ce temps où l’on trouve tant d’exilés, d’indigents et de malheureux, que votre hospitalité soit généreuse » (S. 81, 9).
Voilà donc le « cœur » d’un discernement de style augustinien : s’engager avec amour au service de l’Evangile, personnellement et communautairement. Le passage à l’action, qui est le terme de la délibération, doit s’opérer dans la joie du service mutuel. Nous avons peut-être aujourd’hui à retrouver ce « goût des autres », cette grammaire élémentaire du don de soi.
C’est dans les actes concrets que notre confiance en Dieu s’exprime le mieux. Choisir une orientation, mettre en l’œuvre l’exercice de sa liberté, inventer sa vie… tout cela revient en définitive à tenter d’approcher Dieu :
« Vois le Seigneur ton Dieu, vois celui qui est et la tête et le modèle de ta vie » (S. 296, 6).

Jean-François PETIT
Augustin de l’Assomption
Paris

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