Archive pour août, 2012

Éloges funèbres de la Mère de Dieu, Église de Jerusalem, rite grec-orthodoxe

13 août, 2012

http://www.mariedenazareth.com/14360.0.html?&L=0

Éloges funèbres de la Mère de Dieu, Église de Jerusalem, rite grec-orthodoxe

L’ordre grec du Saint Sépulcre veille sans arrêt sur le sépulcre de la Vierge à Gethsémani et célèbre avec grande pitié la mémoire de la Dormition de Notre Dame la Très sainte et Toute bénie Mère de Dieu et Toujours vierge Marie.

Voici un extrait de leur liturgie :

Deuxième stance, t. 5

Il est vraiment digne et juste, o Mère de Dieu, de te glorifier toi qui es le grand trésor de toutes les vertus et de toutes les grâces dont te comble notre Dieu.
Comme le buisson brûlait sans se consumer sur le Sinaï, Moïse le visionnaire t’a contemplée (cf. Ex 3, 3) ; en effet le feu divin a pris place en ton sein ,o Vierge, sans le consumer.
A tous ceux qui veulent moissonner les gerbes du salut divin, la terre vénérée à Gethsémani s’est toujours montrée terre féconde, o Virginale Mère.
Il est clair, o Vierge, il est pour nous évident que personne n’est capable, sans ta médiation, de marcher droit et de suivre comme on le doit les pas et les traces de ton Fils notre Dieu.
Les apôtres réunis en chœur et l’armée des anges ont formé ici un cercle pour te célébrer, virginale Mère, et nous nous trouvons là aussi.
Vivifie, o Vierge Toute immaculée, les fidèles qui près de toi se réfugient, en faisant usage de ton pouvoir de médiation auprès de ton Fils, le divin Maître Tout-Puissant.
Tu as obtenu sur la nature la victoire qui manquait au genre humain, étant donné que sans semence tu as conçu le Christ; mais tu meurs, en obéissant à la loi de la nature.
O merveille vraiment prodigieuse : une vierge pure allaite un enfant, et parmi les morts la Mère de la vie languit dans une tombe, préservée de la corruption.
Vierge mère, guide-nous vers le port serein et le refuge du salut, nous que submerge la marée déchaînée de crimes terribles qui menacent notre âme.
Ton sépulcre, o Vierge Toute immaculée, est pour nous l’escalier qui amène vers Dieu les fidèles qui chantent, pleins de foi, et qui glorifient ta Dormition. [...]
Virginale Epouse de l’unique Dieu, tu es la porte apparue sur la terre pour introduire l’Orient venu d’en haut en faveur des fidèles.
Les orateurs les plus adroits et les anges ne sont pas dignement capables, virginale Mère, de te célébrer toi qui es la Souveraine honorée plus que tous.
Ton corps et ton âme, tu les as conservés dans une condition cristalline irrépréhensible, o Vierge glorieuse et toute immaculée, et le Maître a été séduit par ta beauté.
Toi, le livre nouveau, le rouleau nouveau dans lequel le Verbe fut écrit par le Père, intercède pour que soient inscrits dans le livre de la vie ceux qui te chantent, o Vierge immaculée. [...]

Église de Jérusalem, patriarcat orthodoxe de Jérusalem, Éloges funèbres de la Mère de Dieu.
Le texte n’est pas dans les livres liturgiques grecs, mais il circule à Jérusalem sur des feuilles et des fascicules pour suivre le rite.
Cité dans : : G. Gharib e E. Toniolo (ed) Testi mariani del secondo Millennio. 1. Autori orientali, Città nuova Roma 2008, p. 738-739

La dormition de Marie – by Frédéric Manns

13 août, 2012

http://jerusalem-dialogue.blogspot.it/2009/08/la-dormition-de-marie.html

La dormition de Marie

Posted 14th August 2009 by Frédéric Manns

Le terme technique de Dormition désigne dans la tradition chrétienne les derniers instants de la vie terrestre de Marie. En effet, la tradition juive parlait des justes qui s’endormaient et qui étaient réunis avec leurs Pères. L’icône de la Dormition est justement célèbre: au centre figure Marie étendue sur son lit de mort. Elle est entourée des douze apôtres qui se retrouvent curieusement autour d’elle. Le Christ en gloire, enveloppé dans une mandorle, apparaît auprès de sa mère et prend dans ses bras l’âme de Marie représentée par un petit enfant vêtu de linges blancs. Pour comprendre la théologie de l’icône il n’y a pas d’autre choix que de se référer à l’apocryphe connu sous le nom de Dormition de Marie.
Cet apocryphe traduit en différentes langues est très ancien. Il provient des milieux judéo-chrétiens de Jérusalem et pourrait dater de la fin du second siècle après J.-C. Des études basées sur les critères internes et externes ont permis d’arriver à la conclusion que la version grecque de l’apocryphe provenant de la bibliothèque du Vatican (Vatican grec 1982) est la plus ancienne. C’est sur ce texte que nous appuyons nos citations et nos commentaires. L’Apocryphe décrit les derniers instants de Marie sous la forme littéraire du Testament. De plus, il a recours à de nombreux symboles qu’il importe de décoder si l’on veut comprendre le message contenu dans l’Apocryphe. Le Pape Jean-Paul II a cité cet apocryphe dans son homélie de l’assomption, lui donnant ainsi un certain crédit.

L’annonce de la mort
« Quand Marie entendit de la part du Seigneur qu’elle allait sortir du corps, le grand Ange se rendit auprès d’elle et lui dit: « Marie lève-toi; prends cette palme que m’a donnée celui qui a planté le Paradis et transmets-la aux apôtres, afin que, la portant devant toi, ils chantent des hymnes, car d’ici trois jours tu déposeras ton corps. Voici que j’enverrai tous les apôtres auprès de toi et ils feront tes funérailles. Ils ne te quitteront plus jusqu’à ce qu’ils t’aient amenée au lieu où tu seras dans la gloire » (2).
« … Va au Mont des Oliviers et là tu connaîtras mon nom, car je ne le prononce pas au milieu de Jérusalem pour qu’elle ne soit pas totalement ruinée, mais tu l’entendras sur le Mont des Oliviers… » (3).
 » Marie se rendit au Mont des Oliviers. La lumière de l’Ange la précédait. Dans sa main elle tenait la palme. Quand elle arriva au Mont des Oliviers, celui-ci tressaillit avec tous les arbres qui s’y trouvaient, de sorte qu’ils inclinèrent leurs têtes et adorèrent la palme qui était dans sa main » (4).
« Lorsque Marie le vit, elle pensa que c’était Jésus et elle demanda: Seigneur n’es-tu pas mon seigneur? C’est pour cela que tant d’arbres t’ont adoré. Je dis en effet que personne ne peut faire tant de miracles de gloire sinon mon Seigneur. L’ange lui dit… Quand tu sortiras du corps c’est moi qui viendrai à lui le quatrième jour et je t’enlèverai le quatrième jour… » (5).

La palme
Le symbole de la palme revient douze fois dans l’Apocryphe. C’est le grand Ange qui n’est autre que le Christ qui vient l’apporter à sa mère pour qu’elle la transmette aux apôtres. Celui qui a planté le Paradis a chargé l’Ange de cette mission. En effet, dans la tradition juive la palme est l’arbre de vie du Paradis. Le livre d’Hénoch éthiopien 24,3-4 en témoigne. Plusieurs textes affirment que l’arbre de vie nourrira les élus: « Il y a là des arbres de sagesse: ceux qui en mangent possèdent une grande sagesse », affirme 1 Hénoch 32,3. Le Messie avait reçu la mission d’ouvrir les portes du Paradis, d’enlever l’épée menaçant Adam et de donner à manger aux justes de l’arbre de vie, selon le Testament de Lévi 18,10-11.
La fête des Tentes met à l’honneur la branche de palmier. En effet, tous les pèlerins qui montaient à Jérusalem pour la fête des Tentes devaient apporter avec eux une branche de palmier, une branche de saule, un rameau de myrte et un fruit appelé etrog. L’interprétation de ces symboles varie dans le judaïsme. Souvent un sens anthropologique leur est donné. Philon d’Alexandrie voit par contre dans la célébration de la fête qui exigeait du pèlerin d’habiter sous des tentes pendant une semaine le symbole du voyage mystique, de la migration du monde de la matière au monde de l’Esprit (Spec II, 204-213).
La palme, comme tous les symboles, a de nombreuses valences qui peuvent se compléter. Elle évoque la victoire en 1 Mac 13,37 et 2 Mac 14,4. Elle signifie aussi le juste pour souligner son sort dans le monde à venir : « De même que le palmier ne projette son ombre qu’à une certaine distance, de même le juste ne reçoit sa récompense qu’après un certain temps, souvent même il ne la reçoit que dans le monde à venir », déclare le midrash Nombres Rabbah 3,1.
La littérature judéo-chrétienne avait repris ce symbole comme trophée de victoire. Dans le Pasteur d’Hermas, Similitude 8,2 les justes sont couronnés de palmes. Dans la Passion de Perpétue 10,9 le Christ apparaît tenant dans ses mains un rameau vert où pendent des pommes d’or. Didyme l’Aveugle, dans son commentaire de Zacharie 5,168, écrit: « De ce palmier dont il faut prendre les branches pour orner la tente, l’épouse chante au Cantique des Cantiques: J’ai dit: Je monterai sur le palmier, j’en saisirai les extrémités (Ct 7,9) ». La branche de palmier reçoit un supplément de sens: elle est rapprochée du Cantique des cantiques.
L’apocryphe de la Dormition exploite ce même symbolisme lorsqu’il évoque la prière de Marie rentrée chez elle après sa visite au Mont des Oliviers: « Je te bénis parce que j’ai été trouvée digne du baiser de ta chambre nuptiale que tu m’avais promis. Je te bénis pour que je sois trouvée digne de participer à l’eucharistie parfaite et à ton offrande de parfum suave qui est le partage de toutes les nations » (10).
Pour l’auteur de l’Apocryphe de la Dormition Marie va entreprendre la migration de ce monde à l’autre dans trois jours. Inutile d’insister sur le symbole bien connu des trois jours. Elle reçoit de la part de son fils qui est présenté comme le grand Ange la certitude de la victoire finale. Par contre la Jérusalem infidèle sera mise à l’épreuve et sera jugée à cette occasion.

Le symbole des nuées
Après avoir reçu la visite de l’Ange, Marie fit appeler ses parents et connaissances pour leur annoncer son départ dans trois jours. Elle les invita à prier. Après la prière, ils s’assirent en discutant entre eux des merveilles de Dieu, des signes et des prodiges que Dieu avait réalisés par sa mère.
Soudain arriva sur un nuage l’apôtre Jean (15). Marie, troublée en son esprit, éclata en sanglots et fit des reproches à celui qui avait reçu du Seigneur l’ordre de la prendre chez lui. Jean se justifie: il a laissé auprès de Marie son diacre pour lui préparer la nourriture et n’a pas voulu enfreindre l’ordre du Seigneur de partir en mission.
Il appelle familièrement Marie « soeur et mère des douze rameaux » (16). Ce titre s’inspire à nouveau du Cantique des Cantiques. Marie confie la palme à Jean pour qu’il la porte devant elle. Puis arrivent, portés sur des nuées, des extrémités de la terre les autres apôtres et avec eux Paul, compté au nombre des apôtres. Pierre les invite à prier pour qu’ils découvrent pourquoi Dieu les a réunis. La prière se termine par l’invocation au Christ « vainqueur de la mort, notre repos, qui a déraciné la mort, Manuel, Manuel, Maranatha » (25). Jean raconte aux disciples comment il fut emporté sur un nuage du milieu des disciples de Sardes. Durant les funérailles de Marie, Jésus et les anges, assis sur la nuée, précédaient le cortège d’une certaine distance. Enfin, c’est sur une nuée que le corps de Marie sera déposé au Paradis.
Dans la Bible, la nuée est considérée comme le véhicule de Dieu. Dieu est défini comme le « chevaucheur des nuées ». Lors du passage de la mer Rouge la colonne de nuée qui guidait le peuple se déplaça de l’avant à l’arrière, où elle se tint (Ex 14,19). L’Apocalypse de Jean 1,7 se souvient de ces textes lorsqu’elle décrit la venue du Christ escorté des nuées. De même, en Ap 14,14 l’auteur se réfère à Daniel 7 pour décrire le Fils de l’homme assis sur la nuée blanche et venant pour le jugement.
La tradition juive évoque le don de sept nuées de gloire dans le désert du Sinai lorsque les Juifs sortis d’Egypte arrivèrent à la localité de Succot. La version synagogale du livre de l’Exode 12,37 affirme que quatre nuées devaient protéger le peuple sur les quatre côtés, une au-dessus d’elle; une au-dessous d’elle et une allait au-devant d’eux pour aplanir les vallées et abaisser les montagnes. Le don de ces nuées fut rapproché rapidement de la fête des Tentes, appelée en hébreu Succot.
La tradition judéo-chrétienne n’hésitera pas à reprendre ce symbole. C’est avec des nuées de gloire que seront revêtus les justes, affirme 5 Esdras 2,23. La Didachè 16 affirme que lors du retour du Christ le monde verra le Seigneur venant sur les nuées du ciel.
L’auteur de l’apocryphe de la Dormition qui voit dans les nuées les véhicules des apôtres et qui met ces nuées en rapport avec le Paradis provient d’un milieu où les traditions juives étaient encore connues. Marie désigne sa maison par le terme grec de skênoma, qui signifie « tente ». C’est toujours dans le contexte de la fête des Tentes que l’auteur se meut.

Le symbole de la lampe
Avant sa mort Marie demande à tous les assistants de prendre une belle lampe et de ne pas l’éteindre pendant trois jours. Pierre profite de l’occasion pour commenter la parabole des dix vierges en orchestrant le symbolisme anthropologique de la lampe: « Tous mes frères et vous tous qui êtes entrés dans ce lieu, en cette heure, par gentillesse envers notre mère Marie, et vous qui avez allumé les lampes qui brillent du feu de la terre visible, vous avez rendu un beau service. Je désire que chaque vierge prenne sa lampe dans le firmament immatériel du ciel. C’est la lampe à trois becs de l’homme plus glorieux, qui est notre corps, l’âme et l’esprit. Si ces trois parties brillent du vrai feu pour lequel vous luttez, vous n’aurez pas de honte quand vous entrerez aux noces et vous vous reposerez avec l’époux. Ainsi est-il arrivé à Marie. La lumière de sa lampe a rempli l’univers et elle ne s’éteindra pas jusqu’à la fin des temps pour que tous ceux qui veulent prennent d’elle courage » (31).
Deux usages juifs de la lampe sont mis ici en évidence: l’usage de la lampe lors des funérailles et son usage lors des noces.
La lampe est le symbole du juste et de l’âme dans le livre des Proverbes 13,9. Le même livre, au chapitre 20,27, établit une relation entre la lampe de Yahve et l’esprit de l’homme. Job 21,17 affirmait de son côté que la lampe des impies s’éteindra. Le livre d’Hénoch éthiopien 104,2 donne aux justes l’assurance qu’ils brilleront comme des luminaires du ciel. La liturgie juive de la fête des tentes donne une grande importance à la cérémonie de l’illumination de la cour des femmes chaque soir. Quatre grands chandeliers illuminaient le Temple dans la cour des femmes. Tout Jérusalem se réjouissait à cette occasion.
La littérature judéo-chrétienne reprend ces symboles. L’âme de l’homme est comparée à une lumière dans les Odes de Salomon 11,10-16. La cérémonie du lucernaire avec le chant du Phôs hilaron (joyeuse lumière) voit dans le Christ qui illumine et fait entrer dans l’immortalité l’époux qui vient la nuit. Clément d’Alexandrie réfère le symbole de la lampe allumée à l’âme qui recherche la vérité au milieu des ténèbres (Stromates 5,3,17,3). Méthode d’Olympe introduit dans son commentaire de la parabole des dix vierges une note originale: la lampe des vierges devient symbole de chasteté. Dans son neuvième discours, Méthode revient sur le symbolisme de la lampe des vierges ornée par les bonnes oeuvres dans un contexte qui évoque la fête des tentes et la résurrection : « Je célèbre en toute légitimité la fête qui est dédiée. J’ai donné à mon tabernacle, à ma chair, la parure des bonnes oeuvres, comme tout à l’heure les vierges s’étaient parées de leur lampes à cinq flammes ».
L’auteur de l’Apocryphe de la Dormition prolonge la réflexion entreprise par le judaïsme et le judéo-christianisme. Son interprétation anthropologique de la lampe comme signifiant l’âme est en harmonie avec les anciens commentaires de la Parabole des dix Vierges. La lampe de Marie qui a rempli l’univers fait allusion probablement à la coutume juive d’allumer une lampe auprès du défunt. Marie est la nouvelle Eve qui a permis au nouvel Adam d’être la lumière du monde.

Le symbole du parfum
L’Apocryphe exploite plusieurs valences de ce symbole: le parfum est associé au sacrifice tout d’abord: un sacrifice agréé est un sacrifice de parfum suave. Marie bénit le Seigneur pour qu’elle soit trouvée digne de participer à l’eucharistie parfaite et à son offrande de parfum suave (10). Enfin, au moment de la mort de Marie, une odeur de parfum se répandit, de façon à ce que tous les participants s’endorment, excepté les trois vierges:
« Vers la troisième heure du jour un grand tonnerre se fit entendre et une odeur de parfum se répandit de façon que, par l’abondance du parfum, tous s’endormirent profondément, excepté les trois vierges. En effet, le Seigneur les fit veiller, afin qu’elles puissent témoigner des funérailles de Marie, la mère du Seigneur et de sa gloire. Et voici que subitement le Seigneur Jésus arriva sur les nuées de gloire avec un nombre incalculable de saints anges » (33).
« Alors Marie, ouvrant la bouche, bénit en ces termes: Je te bénis car tu as fait ce que tu as promis et tu n’as pas attristé mon esprit… Voici qu’il m’est advenu selon ta parole. Qui suis-je moi la pauvre pour être jugée digne d’une telle gloire? Après avoir dit cela, elle compléta sa carrière, avec le visage souriant vers le Seigneur » (34).
« Le Seigneur l’ayant embrassé prit son âme et la mit dans les mains de Michel en l’enveloppant de peaux dont on ne peut décrire en vérité la gloire » (35).
A noter que Marie meurt comme Myriam dans la tradition juive. Dieu ne permit pas que les leaders de l’exode connaissent la corruption du tombeau. La tradition juive affirme que Myriam mourut dans un baiser de Dieu. Marie, nouvelle Myriam, a ce même privilège.
La liturgie juive exploite le symbole du parfum lorsqu’elle demande à chaque fidèle de se présenter avec l’étrog parfumé. Elle avait interprété ce symbole en l’appliquant aux bonnes oeuvres qui parfument la vie. La tradition chrétienne reprend le même symbole. Dans la lettre de Barnabé 2,10 le coeur qui loue Dieu est un parfum. Le juste qui est ouvert à l’Esprit de Dieu répand la bonne odeur de l’Esprit. L’Ascension d’Isaïe 6,17 répète l’expression: « Les magistrats étaient des ouvriers de justice et ils avaient la bonne odeur de l’Esprit ». Le récit du martyre de Polycarpe 15,2 fait appel au symbole: « Et nous sentions un parfum pareil à une bouffée d’encens ou à quelque autre précieux aromate ».
L’auteur de l’Apocryphe rappelle que le Christ en personne vint auprès de sa mère. On se rappelle que l’épouse du Cantique assimile la présence du Bien-aimé à du nard, à un sachet de myrrhe (Ct 1,12), tandis que l’époux l’appelle « ma myrrhe, mon baume » (Ct 5,1).
En évoquant les principales valences des symboles de la palme, des nuées de gloire, de la lampe et du parfum nous avons montré leur lien avec la fête des Tentes. Pour comprendre le message de l’Apocryphe il faut scruter le sens de cette fête au premier siècle de l’ère chrétienne.
La fête des tentes est devenue synonyme de la fête de la joie en Dt 16,14. De fait, Marie accueille la mort le visage souriant. Elle défend aux apôtres de pleurer lors de ses funérailles. Ces derniers chanteront le Hallel en accompagnant son corps qui sera déposé dans un tombeau dans la vallée du Cédron où il reposera trois jours avant que le Christ ne vienne le prendre, tandis que son âme fut emportée immédiatement au ciel par Michel, l’archange.
Philon d’Alexandrie avait défini la fête comme celle de la transition du monde matériel au monde immatériel. Elle évoquait l’espoir d’immortalité, la révélation de la lumière cosmique et la migration du monde présent au monde immatériel.
La littérature rabbinique verra dans la tente une préfiguration du jour eschatologique et le symbole de la demeure des justes dans l’au-delà. Le midrash Pesiqta de Rav Kahana, Supplément 2,3-4 en témoigne. Le psaume 114,1: Quand Israël sortit d’Egypte que les apôtres chantent en accompagnant le corps de Marie est appliqué par les rabbins à la fête des Tentes pour commémorer le salut passé, tandis que les autres versets du psaume font allusion au salut futur. Le midrash Lévitique Rabbah 30,5 en témoigne.
Origène, dans son Homélie sur les Nombres 23,11 voit dans les tentes un symbole de la vie présente qui est un lieu de passage, en attendant la terre où coulent le lait et le miel. Dans son Homélie sur l’Exode 9,4 il s’attache au symbolisme des différentes branches que portaient les participants à la fête: la palme symbolise la victoire de l’Esprit sur la chair; le peuplier et le saule la chasteté, et l’arbre feuillu la vie éternelle. La réflexion la plus fouillée sur la fête des Tentes vient de Méthode d’Olympe qui y a consacré plusieurs passages de son Banquet. Après le rappel de l’interprétation matérielle que donnent les Juifs à la fête, Méthode donne la sienne qu’il tient des judéo-chrétiens: la fête signifie la résurrection et la fixation de notre tente tombée en terre: « Songez-y, cette fête des Tentes, c’est la résurrection; songez-y les matériaux qu’on prend pour l’érection des tabernacles, ce sont les oeuvres de justice » (243). Seuls ceux qui ont pratiqué les vertus célébreront la fête et ressusciteront. Ils entreront dans la terre promise.
Le but de l’auteur de l’Apocryphe était de rapporter la dernière célébration de la fête des Tentes de Marie. Elle se rend au Mont des Oliviers, anticipant l’accomplissement de la prophétie de Zacharie. Le symbolisme de la fête se prêtait à merveille pour illustrer l’idée principale de l’auteur : la mort, la résurrection et l’assomption de Marie.
Si cette hypothèse est fondée, il est permis d’en tirer une conclusion. L’auteur de l’Apocryphe provient d’un milieu où la fête des Tentes est encore célébrée ou du moins à l’honneur.
Nous avons parlé, avec l’auteur de l’Apocryphe, de la mort de Marie. On sait que la définition du dogme de l’assomption de la Vierge n’a pas voulu se prononcer sur ce problème. Pour l’auteur de l’Apocryphe Marie n’a pas eu un privilège supérieur à celui de son fils. Puisque le corps du Christ reposa au tombeau trois jours, celui de Marie connut le même sort. L’existence du tombeau traditionnel de Marie dans la vallée du Cédron a obtenu de nouvelles lettres de créance depuis les fouilles archéologiques de 1972 dues à une inondation providentielle. Les archéologues ont la certitude que la tombe vénérée de Marie à Jérusalem est une tombe taillée dans le rocher qui remonte au premier siècle. Bien plus, elle fait partie d’un complexe de trois chambres funéraires. Or, la version syriaque de l’Apocryphe fait mention des trois chambres. Le silence des pierres invite les archéologues à reprendre en mains le dossier de la littérature assomptioniste, car monument et document doivent s’éclairer réciproquement.
Le dogme de l’assomption n’a trouvé sa formulation définitive dans l’Eglise latine qu’au vingtième siècle. Mais l’Eglise pré-nicéenne, que nous appelons l’Eglise judéo-chrétienne, avait pressenti que Marie fut emportée au ciel en son corps et en son âme. C’est avec des catégories bibliques et juives qu’elle exprima cette conviction en ayant recours au genre littéraire du testament de Marie. « Toutes les générations me diront bienheureuse ». Cette prophétie de Marie s’est vérifiée même pour la proclamation de son Assomption au ciel qui fut proclamée en fait par de nombreuses générations avant le vingtième siècle.
Terminons en reproduisant la finale de l’Apocryphe de la Dormition de Marie:
« Les apôtres transportèrent Marie à sa tombe. Ils déposèrent son corps et s’assirent ensemble attendant le Seigneur comme il le leur avait ordonné… Voici que nous demeurons ici trois jours comme le Seigneur l’a demandé » (45).
« Ils discutaient entre eux de l’enseignement, de la foi, et de beaucoup d’autres sujets, assis devant la porte du tombeau, quand soudain arriva des cieux le Seigneur Jésus-Christ avec Michel et Gabriel. Il s’assit au milieu des disciples… » (46)
« Il donna alors un signal à Michel avec la voix propre des anges et les nuées descendirent vers lui. Le nombre des anges dans chaque nuée qui chantaient était de mille anges devant le Sauveur. Le Seigneur dit à Michel de prendre le corps de Marie sur la nuée tout près de lui. Quand ils furent montés dans la nuée, ils chantaient des hymnes avec des voix d’ange. Le Seigneur ordonna aux nuées de partir vers l’Orient, vers les régions du Paradis » (47).
« A peine arrivés au Paradis, ils déposèrent le corps de Marie sous l’arbre de vie. Michel apporta son âme sainte et ils la déposèrent dans son corps. Et le Seigneur envoya les apôtres dans leurs contrées pour (proclamer) la conversion et le salut des hommes. A lui conviennent la gloire, l’honneur et le pouvoir pour les siècles des siècles » (48).
La réflexion mariologique de cet apocryphe, pour simple qu’elle apparaisse au premier regard, est déjà poussée. Marie a droit aux titres bibliques de chaste colombe et de soeur provenant du Cantique des Cantiques. Elle est appelée « mère des douze rameaux » par Jean qui traduit ainsi sa fonction ecclésiale. Autant dire qu’elle est la mère de l’Eglise. Elle rassemble les douze avant de mourir : elle est la vigne fructueuse au milieu des apôtres rassemblés (29). Enfin, elle est définie comme nouveau Temple et arche de l’alliance par le grand prêtre juif qui dans un premier moment voulait brûler son corps. La mariologie de l’apocryphe est une relecture de Jean 19,27. C’est dans les cercles judéo-chrétiens johanniques que ce texte a vu le jour. L’Apocryphe de la Dormition qui a inspiré les artistes byzantins mérite d’être lu, à condition d’être remis dans son vrai contexte littéraire.

CLAIRE D’ASSISE

10 août, 2012

 CLAIRE D'ASSISE dans images sacrée 811clare31

http://365rosaries.blogspot.it/2010/08/august-11-saint-clare-of-assisi.html

Dimanche 12 août : commentaires de Marie Noëlle Thabut: Premiere Lecture – Premier Livre des Rois 19, 4 – 8

10 août, 2012

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

Dimanche 12 août : commentaires de Marie Noëlle Thabut

Premiere Lecture – Premier Livre des Rois 19, 4 – 8

Le prophète Elie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel,
4 marcha toute une journée dans le désert.
Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson,
et demanda la mort en disant :
« Maintenant, SEIGNEUR, c’en est trop !
Reprends ma vie :
Je ne vaux pas mieux que mes pères. »
5 Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit.
Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit :
« Lève-toi et mange ! »
6 Il regarda, et il y avait près de sa tête
un pain cuit sur la braise et une cruche d’eau.
Il mangea, il but, et se rendormit.
7 Une seconde fois, l’Ange du SEIGNEUR le toucha et lui dit :
« Lève-toi et mange !
Autrement le chemin serait trop long pour toi. »
8 Elie se leva, mangea et but.
Puis, fortifié par cette nourriture,
il marcha quarante jours et quarante nuits

jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu.
Nous avons déjà eu l’occasion de parler du prophète Elie (dix-neuvième dimanche ordinaire A) ; je vous rappelle brièvement son histoire : nous sommes dans les années 875 à 850 av.J.C. environ. Elie était originaire de Tishbé en Galaad (au nord de ce que nous appelons aujourd’hui la Jordanie), et il était surnommé Elie le Tishbite ; mais son vrai nom, Eliyyah, signifiait « Mon Dieu, c’est Yah » (première syllabe du nom de Dieu), ce qui résume bien sa vie : laquelle fut un combat incessant contre l’idolâtrie.
Or le royaume du Nord où Elie exerçait sa mission de prophète traversait une grave crise religieuse : le roi Achab avait épousé une princesse païenne, Jézabel, fille du roi de Sidon. Là-bas, on adorait Baal. La nouvelle reine n’avait pas changé de religion en épousant Achab ; au contraire, elle avait introduit son idolâtrie dans le palais même du roi à Samarie : elle avait apporté avec elle des statues de ses divinités, et pire encore, d’innombrables prêtres et prophètes de Baal qui faisaient la loi au palais.
Le récit que nous lisons ce dimanche se situe dans un moment crucial des relations entre la reine païenne qui donne un très mauvais exemple à tout son peuple et Elie, le prophète du Dieu unique. Je vous rappelle ce qui vient de se passer : on pourrait le résumer en deux grands épisodes : une longue période de sécheresse et le sacrifice du Carmel.
Acte 1, la sécheresse : c’est un fait historique qu’il y a eu au Moyen-Orient une très grande sécheresse au neuvième siècle. L’historien juif Flavius Josèphe (premier siècle ap.J.C.) en parle. Dans une civilisation exclusivement agricole, sécheresse veut dire famine et donc mort à très brève échéance : de nombreuses villes anciennes ont disparu de la carte uniquement à l’occasion d’une sécheresse durable. Prévenu par Dieu, Elie commence par déclarer solennellement « Par la vie du SEIGNEUR, le Dieu d’Israël au service duquel je suis, il n’y aura ces années-ci ni rosée ni pluie sinon à ma parole ». Traduisez Dieu est le seul maître des éléments, vos Baals n’y peuvent rien. Puis il se met à l’abri car Dieu lui a dit : « Va-t-en d’ici, dirige-toi vers l’orient et cache-toi dans le ravin de Kerith, qui est à l’est du Jourdain. Ainsi tu pourras boire au torrent, et j’ai ordonné aux corbeaux de te ravitailler là-bas. » (1 R 17, 3-4). La sécheresse persistant, le torrent cesse de couler et Dieu envoie Elie un peu plus loin, à Sarepta, près de Sidon. Là, Elie sera secouru par une veuve pauvre et aura l’occasion de lui prouver sa reconnaissance en accomplissant pour elle deux miracles (nous en reparlerons dans quelques semaines ; cf le trente-deuxième dimanche).
Acte 2, le sacrifice du Carmel : au bout de deux ans de sécheresse, Dieu annonce que la pluie va tomber et il envoie Elie prévenir Achab ; mais au lieu de se contenter de porter la bonne nouvelle, Elie cherche à exploiter la situation au profit de son Dieu ; il lance un défi aux innombrables prophètes de Baal : est-ce Baal ou le Dieu d’Israël qui est capable d’envoyer le feu du ciel ? Défi relevé, Elie d’un côté, le groupe des quatre cents prophètes de Baal de l’autre, chacun construit un autel gigantesque et prépare un sacrifice sur le mont Carmel. Mais les prophètes de Baal ont beau invoquer leurs dieux toute la journée, il ne se passe rien. Alors, à son tour, Elie se met à prier : « SEIGNEUR, Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël, fais que l’on sache aujourd’hui que c’est toi qui es Dieu en Israël » (1 R 18, 36) ; et le feu du ciel embrase tout le bûcher en un instant. Le peuple est éberlué. Elie profite de la liesse générale pour faire massacrer tous les prophètes de Baal. (Entre nous soit dit, cela Dieu ne le lui avait pas demandé !) Comme on pouvait s’y attendre, la reine Jézabel entre en grande fureur et menace Elie de mort. Il n’a plus qu’à fuir.
Et nous voici au début de notre lecture de ce dimanche : « Le prophète Elie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel, marcha toute une journée dans le désert. » Il est seul ; au passage, il a laissé son serviteur à Béer-Shéva et s’est enfoncé dans la solitude du désert. Le voilà bien fatigué, pire même découragé et doutant de lui-même : « Je ne vaux pas mieux que mes pères » dit-il. Pourquoi ? Parce que, tout à coup, il prend conscience de son indignité : il a annoncé un Dieu terrible, en éliminant tous les opposants ; ne s’est-il pas trompé de combat ? Pire, il a exigé des preuves de la présence de son Dieu : ne ressemble-t-il pas à ses pères qui, tout au long de l’Exode, murmuraient contre Dieu et l’obligeaient à se manifester ?
Or, voilà qu’au sein même de sa fuite et de sa détresse, il va découvrir un Dieu de compassion ; l’ange du Seigneur lui apporte la nourriture nécessaire pour survivre dans sa longue marche en lui disant : « Lève-toi et mange, car autrement le chemin serait trop long pour toi. » Il y puisera la force de marcher quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne du Sinaï (on l’appelle aussi l’Horeb).[1]
Il ne va pas là-bas par hasard : car c’est là que, déjà, Dieu s’est manifesté à Moïse : dans le feu du buisson ardent, il a prononcé son nom et manifesté sa sollicitude pour son peuple (Ex 3) ; dans la puissance, le vent, l’orage, et le tremblement de terre, il lui a donné les tables de la Loi (Ex 19) ; dans une caverne, il l’a caché pour le protéger de son rayonnement (Ex 33, 21-23). Les pas d’Elie le portent tout naturellement vers cette caverne de Moïse : là il découvrira le vrai visage de son Dieu ; car le temps est venu d’accueillir une nouvelle étape de la Révélation. Dieu est tout-puissant, oui, mais sa toute-puissance est celle de l’amour, dans la douceur d’une « brise légère ». En attendant, il n’a pas trop de quarante jours et quarante nuits pour se préparer : dans la Bible, le nombre quarante évoque toujours une gestation. Dans cette longue marche qui est aussi le temps de sa conversion, il est nourri par « l’Ange du SEIGNEUR », manière pudique de parler de Dieu en personne.
Désormais, chaque fois que nous nous approchons de la table eucharistique, nous entendons le Seigneur lui-même nous inviter : « Lève-toi et mange, car la route sera longue ».

Homélie du père Jacques Fournier pour le dimanche 12 août 2012

10 août, 2012

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/jfournier.html

Homélie du père Jacques Fournier pour le dimanche 12 août 2012

Tout en continuant aujourd’hui notre méditation sur le « Pain de Vie », arrêtons-nous aussi sur l’épisode vécu par le prophète Elie, car il est proche de ce que nous vivons souvent. Et la réponse de Dieu est de même nature pour nous que pour lui, il dépose auprès de nous le pain qui nous redonne vitalité par la vitalité divine.

S’en est trop
Elie marche dans un désert. Les êtres et les choses sont contre lui. Seul un buisson le protège de l’ardeur du soleil. Un buisson … ce n’est pas un arbre. A l’hostilité de la reine, se joint une certaine hostilité de la nature. Il est à bout de forces physiques et psychologiques. Il se sent abandonné et il est seul. « C’en est trop ». Malgré son découragement et son amertume, il lui reste la foi en Dieu, même si elle n’est pas faite de confiance, peut-être. Il ne considère pas que Dieu est hors de sa vie, alors que tant de nos contemporains le pensent, ce qui les conduit au bord du suicide, de la drogue ou du vice.
Elie découvre ses limites. Il s’estimait au-dessus des autres, parce qu’il avait été appelé par Dieu, parce que le choix de Dieu était sur lui. Il découvre que le prophète, l’homme de Dieu, est comme les autres : « Je ne vaux pas mieux que mes pères. » Dieu lui a confié une mission dont il s’aperçoit qu’elle le dépasse. Elle lui paraît même impossible à réaliser. « Reprends ma vie ». Il s’étendit à l’ombre du buisson et s’endort.

Amour attentif de dieu
Or Dieu, lui, ne se lasse jamais. Il ne connaît ni amertume ni découragement envers les hommes quand il les voit s’égarer parce qu’ils ne comprennent pas ce qu’il leur propose. Et Dieu lui prépare un pain cuit sur la braise et une cruche d’eau, rafraîchissante dans ce désert brûlant. Jésus a fait de même, au bord du lac, au matin de la pèche miraculeuse. (Jean 21.9)
Fortifié par cette nourriture, Elie reprend vie et peut marcher quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, la montagne de la rencontre et de l’Alliance. Il en sera de même après le discours de Jésus sur le Pain de vie. Si les uns se retirent, d’autres se regroupent autour de Pierre : « A qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jean 6. 66 à 69)
Il n’est aucune situation qui ne reçoive une réponse de Dieu. A nous d’y être attentif, à nous de savoir patienter, à nous d’y apporter une participation de nous-mêmes si minime soit-elle. Dieu nous répond. « Je cherche le Seigneur. Il me répond…Un pauvre crie, le Seigneur entend ! » (psaume 33)

Au-delà de l’expérience immédiate
Dans l’Evangile de ce dimanche, les auditeurs se présentent, eux aussi, dans une attitude proche de celle d’Elie. Ils récriminent. Ils ne peuvent ni ne savent reconnaître la véritable personnalité de Jésus dans l’appel que leur lance le fils du charpentier et le fils de Marie de Nazareth, dans cette surprenante et même choquante affirmation : « Je suis descendu du ciel ! »
Nous-mêmes sommes déroutés par les affirmations de Jésus si nous en restons à leur simple énoncé et à notre expérience immédiate. Ces étonnantes affirmations justifient les abandons des premiers auditeurs, paysans réalistes de la terre de Galilée et juifs religieux adorant le Dieu unique.
Leur attitude devant elles, nous la reprenons d’une autre manière. Ne mesurant pas toute l’ampleur de ce pain qui est présence de la Vie divine en Jésus-Christ, nous en arrivons à dire : « La messe ? je n’en vois pas l’utilité. » Mais la messe n’est-elle fait que pour notre seule utilité ? La « réalisation » de la présence divine, du Christ mort et ressuscité, est-elle sans utilité ?
« Si je prie chaque jour, si je pratique la charité et l’amour envers les autres, est-ce que cela ne vaut pas mieux ? » C’est que nous ne réalisons pas assez que la plénitude de cet amour du prochain n’a sa source et ne se réalise, ne devient réelle, que dans le partage du Pain vivant que Dieu nous donne en son amour.
Combien de fois, lorsque nous montons vers la table eucharistique, n’en sommes-nous pas restés au seul « pain partagé » d’un repas communautaire alors qu’il est le pain vivant de Celui qui est gloire de Dieu et salut du monde.
En fait, la messe, la célébration eucharistique n’est pas une prière ordinaire, pas même une prière au-dessus des autres. Elle est participation réelle et vivante à la vie de Dieu par le Christ en sa présence réelle : « Par Lui, avec Lui, en Lui, tout honneur et toute gloire ! » C’est en cela qu’elle nous invite à devenir « Imitateurs de Dieu » (Ephésiens 5. 1)
Et cette imitation ne peut être qu’une identification. « Comme le Christ, vivez dans l’amour. »

Entendre, écouter, vivre
Revenons aux paroles du Christ à Capharnaüm. Jésus se trouve devant des braves gens qui ne sont pas des intellectuels. Il n’utilise donc aucun argument persuasif ou savant pour forcer leur conviction. Nul ne peut saisir quoi que ce soit de ce qu’il dit, s’il n’écoute pas et s’il n’est pas attiré par la force de Dieu.
Entendre est une chose. L’écouter en est une autre, car c’est déjà vouloir entrer, par cette attitude d’accueil, dans la connaissance de ce que l’on a entendu. Une telle attitude permet à celui qui nous fait entendre sa pensée, en toute confiance et tout amour, d’agir en nous. Elle nous permet de partager avec lui ce qu’il nous fait ainsi connaître, ce qu’il fait naître en nous. C’est l’expérience de tout enseignant, celle du « maître » qui transmet un « savoir » à ses disciples.
Le Christ ne dit rien d’autre à ses auditeurs. Nul ne peut saisir quoi que ce soit des vérités divines s’il n’est pas instruit par Dieu lui-même. « Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire vers moi. Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. » (Jean 6. 44) Les termes grecs qu’utilise saint Jean sont « mathéma » (la science) que nous traduisons par enseignements et « didasko » (enseigner) que nous traduisons par instruire.

Dieu seul connaît Dieu.
C’est pourquoi Jésus peut affirmer qu’il faut être instruit par la lumière de Dieu lui-même, pour entrer tant soit peu dans le mystère du Pain de Vie.
L’Eucharistie est par excellence le signe de l’Alliance de Dieu avec les hommes. Elle est l’expression originale de son amour, réalisé par Jésus en une chair humaine comme la nôtre. Un amour signifié par l’offrande et le sacrifice de son Corps et de son Sang, célébrée chaque fois que nous faisons mémoire de la mort et de la Résurrection de Celui dont nous attendons l’avènement dans la gloire.

***

« Malheureusement nous avons pris l’habitude d’appeler cette célébration d’une manière toute banale : « la messe », ne retenant que le mot qui la conclut : « Ite missa est. » Ce qui est un peu court pour exprimer un mystère d’une dimension incommensurable : union d’amour en Jésus, élan d’amour avec Lui vers le Père, Communion d’amour avec les frères et sœurs qui partagent la même foi. » (Pierre Vanderlinden)
Puisque nous sommes ses enfants bien-aimés (Ephésiens 5. 1), nous pouvons reprendre la prière d’ouverture de la célébration de ce dimanche : « Fais grandir en nos cœurs l’esprit filial (qui est celui du Christ ton Fils), afin que nous soyons capables d’entrer un jour dans l’héritage qui nous est promis (dès aujourd’hui et durant notre vie terrestre) » (St Paul aux Romains. 8. 17)

11 AOÛT: CLAIRE D’ASSISE – 1193-1253

10 août, 2012

http://apotres.amour.free.fr/page4/claire.htm

11 AOÛT: CLAIRE D’ASSISE – 1193-1253

François était de la bourgeoisie; Claire de la noblesse. Elle naît en 1193 (sans précision de date), d’un riche chevalier, Messire Favarone, et de Dame Ortalano. Une pieuse mère, qui, de retour de Terre Sainte, aurait perçu une voix intérieure: «De toi naîtra une lumière pour le monde.» Elle l’appellera Clara, la lumineuse. Elle lui apprend à prier et à secourir les miséreux, la fillette elle-même donnant en cachette les aliments dont elle se prive.
Cependant, Claire devient une belle adolescente à la blonde chevelure, une écuyère habile à monter l’alezan. Et les galants ne manquent pas… Mais elle rêve d’un autre époux. Elle a entendu parler, comme toute la ville d’Assise, de François, le fils du riche drapier Bernardone, qui, après de folles équipées, a jeté sa bourse tintante de ducats pour épouser Dame Pauvreté. Elle l’a rencontré par les chemins, vêtu d’une minable coule de paysan, charroyant de la chaux et des pierres, ne demandant pour nourriture que le pain de la charité et une gorgée de l’eau des fontaines. Claire est frappée par une telle conversion. Dieu ne l’appelle-t-il pas à un dépouillement semblable? Mais comment réaliser son offrande? Son père veut en faire l’épouse d’un chevalier; il ne permettra pas l’engagement de sa fille.
A l’insu de ses parents, Claire se rend auprès de François, qui l’encourage dans son projet. Il cite l’Evangile: «Quiconque aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi.» Au cours d’un dernier entretien, il met au point le départ secret de Claire: ce sera le jour des Rameaux. Le dimanche 18 mars 1211, en la cathédrale Saint-Rufin, elle se joint, comme d’habitude, aux autres jeunes filles de la noblesse pour recevoir les palmes que distribue l’évêque Guido. Arrive la nuit décisive. Dans le palais du seigneur Favarone, tout le monde dort, jusqu’aux hommes d’armes. Claire parvient à ouvrir une porte dérobée. Libre, elle dévale les ruelles coupées d’escaliers et, passé la poterne, court à travers les vignes et les oliveraies argentées par le clair de lune.
La voici enfin, au milieu des bois, dans la petite église de ses voeux: Sainte-Marie des Anges de la Portioncule. François et ses frères, qui l’attendaient, l’accueillent avec des torches allumées. Elle arrive parée de ses plus beaux atours: robe de satin réhaussée d’or et coupée d’hermine, brodequins de soie, perles dans les cheveux. Prosternée devant l’autel, elle se consacre au Seigneur JésusChrist.
Elle reparaît bientôt, enveloppée d’une bure grossière, les pieds nus dans des sandales de bois, un épais voile noir sur la tête, dont les ciseaux de François ont fait tomber toutes les nattes blondes. La noble fille des Favarone, à 18 ans, est devenue la petite Soeur Claire.
L’exemple est contagieux. Bientôt Claire est rejointe par sa propre soeur Agnès, puis par Benvenuta, Amata, Pacifica… Ainsi naît spontanément le groupe des Pauvres Dames. Son berceau? L’ermitage Saint-Damien, si paisible derrière sa garde de cyprès. On y voit encore le choeur où psalmodiaient les premières Clarisses, la cloche qui appelait à l’oraison, le coin de terrasse où Claire poursuivait ses silencieux colloques, rythmés par le chant des cigales.
A Saint-Damien, sainte pauvreté est à l’honneur. Claire a obtenu du pape Innocent III un singulier privilège, le «privilège de la pauvreté absolue»: ni fonds de terre, ni rentes. Ses filles tendent la main. Et quand elles rentrent, elle les déchausse elle-même, lave leurs pieds, les baise.
Après 42 ans passés en ce lieu, la maladie cloue la fondatrice sur le sac de paille qui lui sert de matelas. Ses filles pleurent. Elle sourit. Elle meurt, une dernière, louange aux lèvres: «Beni sois-tu, Seigneur, de m’avoir créée.» C’était le 11 août 1253.

Claire sans frontières
Depuis plus de sept siècles, près d’un millier de monastères de Clarisses ont fleuri à travers le monde, du Mexique au Japon, de Madagascar au Viêtnam. Les amis de Charles de Foucauld se souviennent qu’il fut le jardinier de la communauté de Nazareth. En nos jours troublés, on pense au monastère de l’Unité, près de Beyrouth, blessé par la guerre, et aux trois couvents qui subsistent sur cette terre déchirée, l’ex-Yougoslavie. La France, pour sa part, compte 870 Clarisses, qui prient en 54 monastères, en majorité situés dans le Midi. De nouvelles fondations se préparent en Suisse, au Togo, aux Philippines. Les échanges entre Clarisses des divers pays favorisent l’unité de la grande famille.
(D’après le père Jean Toulat – Chrétiens magazine n°72 – 15 juin 1994)

Martyre de saint Laurent, une fresque dans la crypte de Epiphane (IXe siècle)

9 août, 2012

Martyre de saint Laurent, une fresque dans la crypte de Epiphane (IXe siècle) dans images sacrée Martirio%20di%20San%20Lorenzo%20-%20%20affresco%20nella%20cripta%20di%20Epifanio%20800x578

http://www.associazionefalco.it/alessandro%20cimino/Articoli%20per%20sito%20Associazione%20Falco/La%20cripta%20di%20Epifanio.htm

10 août : Saint Laurent, diacre et martyr

9 août, 2012

http://missel.free.fr/Sanctoral/08/10.php

10 août : Saint Laurent, diacre et martyr

Biographie de Saint Laurent

En 257 l’empereur Valérien publiait contre la religion catholique son second édit de persécution qui amena une recrudescence de poursuites, de violences et de supplices. A Rome, la première victime fut le pape Sixte II. Le 6 août, le Pape qui était venu offrir le saint sacrifice dans une chapelle souterraine du cimetière de Prétextat, fut découvert et saisi avec les diacres qui l’entouraient. Sixte II fut immédiatement conduit devant un des préfets qui siégeaient en permanence pour juger les chrétiens. Il n’était question que de constater son identité : la mort devait s’ensuivre sans procès ; le pontife fut en effet condamné à être décapité au lieu du culte où il avait été arrêté. Or comme on le conduisait au lieu de son supplice, Laurent, son archidiacre, le rejoignit en hâte et lui dit : « Où allez-vous, père, sans votre fils ? Où allez-vous, prêtre saint, sans votre diacre ? Jamais vous n’avez offert le sacrifice hors de son assistance. Qu’est-ce qui vous a déplu en moi, ô mon père ? » Emu de ces plaintes, le pape martyr le consola ainsi : « Je ne t’abandonne pas, mon fils. Mais de plus grands combats t’attendent. Vieillard, je vais recevoir la récompense d’une lutte facile ; ta jeunesse remportera du tyran un triomphe plus glorieux. Ne pleure plus : dans trois jours tu me suivras. »
De famille très modeste, selon saint Pierre Chrysologue, Laurent avait été remarqué par le pape pour la pureté de ses mœurs ; Sixte II l’avait placé à la tête des sept diacres de l’Eglise romaine. Il revenait à l’archidiacre d’administrer les biens ecclésiastiques, de diriger les travaux des cimetières et d’en gouverner le personnel ; en outre, il présidait à la distribution des pensions et des aumônes. Il n’est pas sans exemple que l’archidiacre succédât au pontife près duquel il avait servi. Laurent occupait donc une position importante qui lui donnait une autorité considérable. La persécution ne l’avait pas pris au dépourvu ; comprenant que le but fiscal y était d’autant de poids que la haine contre les chrétiens, il avait pris des précautions pour que toute confiscation fût vaine. Réalisant autant qu’il le pouvait la fortune de l’Eglise, il l’avait déjà presque toute entière distribuée aux pauvres.
Il ne se trompait pas sur les intentions impériales. Si on ne l’avait pas arrêté avec Sixte et les autres diacres, c’était bien parce que les autorités le savaient chargé des intérêts de la communauté chrétienne, et qu’il était seul en mesure de leur livrer l’inventaire et leur possession. Aussi ne tarda-t-on pas à s’emparer de lui. Il fut conduit devant le préfet de Rome, Cornelius Secularius qui lui ordonna de remettre au fisc les trésors confiés à sa garde. Laurent ne refusa pas de satisfaire à la sommation du Préfet, mais il lui demanda le temps nécessaire pour réunir les biens de l’Eglise et les lui présenter. Ayant obtenu le délai, Laurent consacra trois jours à rassembler les pauvres, les vieillards et les orphelins qui étaient à la charge de la commu­nauté chrétienne. Cependant il devait sans doute revenir le soir dans la prison qui lui était assignée, puisqu’on la montre encore, transformée en église, et que la tradition raconte qu’il y convertit et baptisa Hyppolyte, l’officier de la milice chargé de sa garde.
Le troisième jour, Laurent reparut au tribunal, suivi d’une foule de plus de quinze cents personnes. « Eh bien ! lui dit le préfet, es-tu prêt à tenir ta parole ? Où sont tes trésors ? » Laurent, en montrant d’un large geste la multitude qui l’entourait, lui répondit : « Les voici. Voici les trésors de l’Eglise ! » Ainsi, jadis, se glorifiait de ses fils la mère des Gracques qui, en les présentant aux matrones chargées des bijoux et des pierres précieuses disait : « Voici mes joyaux ! » Secularius comprit qu’il était joué. Plus humilé peut-être de la charitable et pieuse mystification que déçu dans son avarice, il condamna Laurent au dernier supplice : il serait brûlé vif sur un gril.
La tradition encore désigne le lieu où la sentence se serait exécutée : il s’agit d’un cachot souterrain situé sous l’église de Saint-Laurent in panisperna. Le juge comptait sans doute sur l’horreur et la durée de la torture pour arracher quelque révélation au douloureux patient. Laurent trompa encore toutes ses espérances. Fortifié par la grâce divine, il vérifia, dit saint Augustin, la parole des livres saints : « Dans vos tourments vous posséderez votre âme. » Impassible et comme n’éprouvant nulle douleur, il se moquait de l’impuissante cruauté de ses tourmenteurs : « Ce côté, leur dit-il, est cuit assez ; tournez-moi de l’autre » ; et enfin : « C’est bien ainsi, mangez maintenant ! » Et il expira, « ayant, dit encore saint Augustin, bien mangé le Corps du Seigneur et largement bu au calice divin, fortifié de cette chair, enivré de ce sang, il ne ressentit pas la douleur de ce tourment et de cette longue mort. »
Son bienheureux corps, d’où, pendant le supplice, s’était exhalé un parfum d’une exquise odeur, fut recueilli par de fidèles amis et déposé dans un tombeau sur la voie de Tibur. La plus grande partie des reliques du Saint est encore dans l’église de Saint-Laurent-hors-les-murs, élevée sur son sépulcre. Comme le diacre saint Etienne fut la gloire de Jérusalem, ainsi le diacre saint Laurent combla d’honneur celle de Rome. Aussi y est-il particulièrement célébré : on ne compte pas, dans la Ville éternelle, moins de neuf églises et de deux oratoires qui lui soient dédiés et où sa fête se célèbre avec grande solennité.

Thérèse-Bénédicte de la Croix Edith Stein (1891-1942)

9 août, 2012

http://www.vatican.va/news_services/liturgy/saints/ns_lit_doc_19981011_edith_stein_fr.html

Thérèse-Bénédicte de la Croix Edith Stein (1891-1942)

Carmélite déchaussée, martyr

« Inclinons-nous profondément devant ce témoignage de vie et de mort livré par Edith Stein, cette remarquable fille d’Israël, qui fut en même temps fille du Carmel et soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix, une personnalité qui réunit pathétiquement, au cours de sa vie si riche, les drames de notre siècle. Elle est la synthèse d’une histoire affligée de blessures profondes et encore douloureuses, pour la guérison desquelles s’engagent, aujoud’hui encore, des hommes et des femmes conscients de leurs responsabilités; elle est en même temps la synthèse de la pleine vérité sur les hommes, par son coeur qui resta si longtemps inquiet et insatisfait, « jusqu’à ce qu’enfin il trouvât le repos dans le Seigneur » « . Ces paroles furent prononcées par le Pape Jean-Paul II à l’occasion de la béatification d’Édith Stein à Cologne, le 1 mai 1987.
Qui fut cette femme?
Quand, le 12 octobre 1891, Édith Stein naquit à Wroclaw (à l’époque Breslau), la dernière de 11 enfants, sa famille fêtait le Yom Kippour, la plus grande fête juive, le jour de l’expiation. « Plus que toute autre chose cela a contribué à rendre particulièrement chère à la mère sa plus jeune fille ». Cette date de naissance fut pour la carmélite presque une prédiction.
Son père, commerçant en bois, mourut quand Édith n’avait pas encore trois ans. Sa mère, femme très religieuse, active et volontaire, personne vraiment admirable, restée seule, devait vaquer aux soins de sa famille et diriger sa grande entreprise; cependant elle ne réussit pas à maintenir chez ses enfants une foi vivante. Édith perdit la foi en Dieu: « En pleine conscience et dans un choix libre je cessai de prier ».
Elle obtint brillamment son diplôme de fin d’études secondaires en 1911 et commença des cours d’allemand et d’histoire à l’Université de Wroclaw, plus pour assurer sa subsistance à l’avenir que par passion. La philosophie était en réalité son véritable intérêt. Elle s’intéressait également beaucoup aux questions concernant les femmes. Elle entra dans l’organisation « Association Prussienne pour le Droit des Femmes au Vote ». Plus tard elle écrira: « Jeune étudiante, je fus une féministe radicale. Puis cette question perdit tout intérêt pour moi. Maintenant je suis à la recherche de solutions purement objectives ».
En 1913, l’étudiante Édith Stein se rendit à Gôttingen pour fréquenter les cours de Edmund Husserl à l’université; elle devint son disciple et son assistante et elle passa aussi avec lui sa thèse. À l’époque Edmund Husserl fascinait le public avec son nouveau concept de vérité: le monde perçu existait non seulement à la manière kantienne de la perception subjective. Ses disciples comprenaient sa philosophie comme un retour vers le concret. « Retour à l’objectivisme ». La phénoménologie conduisit plusieurs de ses étudiants et étudiantes à la foi chrétienne, sans qu’il en ait eu l’intention. À Gôttingen, Édith Stein rencontra aussi le philosophe Max Scheler. Cette rencontre attira son attention sur le catholicisme. Cependant elle n’oublia pas l’étude qui devait lui procurer du pain dans l’avenir. En janvier 1915, elle réussit avec distinction son examen d’État. Elle ne commença pas cependant sa période de formation professionnelle.
Alors qu’éclatait la première guerre mondiale, elle écrivit: « Maintenant je n’ai plus de vie propre ». Elle fréquenta un cours d’infirmière et travailla dans un hôpital militaire autrichien. Pour elle ce furent des temps difficiles. Elle soigna les malades du service des maladies infectieuses, travailla en salle opératoire, vit mourir des hommes dans la fleur de l’âge. À la fermeture de l’hôpital militaire en 1916, elle suivit Husserl à Fribourg-en-Brisgau, elle y obtint en 1917 sa thèse « summa cum laudae » dont le titre était: « Sur le problème de l’empathie ».
Il arriva qu’un jour elle put observer comment une femme du peuple, avec son panier à provisions, entra dans la cathédrale de Francfort et s’arrêta pour une brève prière. « Ce fut pour moi quelque chose de complètement nouveau. Dans les synagogues et les églises protestantes que j’ai fréquentées, les croyants se rendent à des offices. En cette circonstance cependant, une personne entre dans une église déserte, comme si elle se rendait à un colloque intime. Je n’ai jamais pu oublier ce qui est arrivé ». Dans les dernières pages de sa thèse elle écrit: « Il y a eu des individus qui, suite à un changement imprévu de leur personnalité, ont cru rencontrer la miséricorde divine ». Comment est-elle arrivée à cette affirmation?
Édith Stein était liée par des liens d’amitié profonde avec l’assistant de Husserl à Gôtingen, Adolph Reinach, et avec son épouse. Adolf Reinach mourut en Flandres en novembre 1917. Édith se rendit à Gôttingen. Le couple Reinach s’était converti à la foi évangélique. Édith avait une certaine réticence à l’idée de rencontrer la jeune veuve. Avec beaucoup d’étonnement elle rencontra une croyante. « Ce fut ma première rencontre avec la croix et avec la force divine qu’elle transmet à ceux qui la portent [...] Ce fut le moment pendant lequel mon irréligiosité s’écroula et le Christ resplendit ». Plus tard elle écrivit: « Ce qui n’était pas dans mes plans était dans les plans de Dieu. En moi prit vie la profonde conviction que -vu du côté de Dieu- le hasard n’existe pas; toute ma vie, jusque dans ses moindres détails, est déjà tracée selon les plans de la providence divine et, devant le regard absolument clair de Dieu, elle présente une unité parfaitement accomplie ».
À l’automne 1918, Édith Stein cessa d’être l’assistante d’Edmund Husserl. Ceci parce qu’elle désirait travailler de manière indépendante. Pour la première fois depuis sa conversion, Édith Stein rendit visite à Husserl en 1930. Elle eut avec lui une discussion sur sa nouvelle foi à laquelle elle aurait volontiers voulu qu’il participe. Puis elle écrit de manière surprenante: « Après chaque rencontre qui me fait sentir l’impossibilité de l’influencer directement, s’avive en moi le caractère pressant de mon propre holocauste ».
Édith Stein désirait obtenir l’habilitation à l’enseignement. À l’époque, c’était une chose impossible pour une femme. Husserl se prononça au moment de sa candidature: « Si la carrière universitaire était rendue accessible aux femmes, je pourrais alors la recommander chaleureusement plus que n’importe quelle autre personne pour l’admission à l’examen d’habilitation ». Plus tard on lui interdira l’habilitation à cause de ses origines juives.
Édith Stein retourna à Wroclaw. Elle écrivit des articles sur la psychologie et sur d’autres disciplines humanistes. Elle lit cependant le Nouveau Testament, Kierkegaard et le livre des exercices de saint Ignace de Loyola. Elle s’aperçoit qu’on ne peut seulement lire un tel écrit, il faut le mettre en pratique.
Pendant l’été 1921, elle se rendit pour quelques semaines à Bergzabern (Palatinat), dans la propriété de Madame Hedwig Conrad-Martius, une disciple de Husserl. Cette dame s’était convertie, en même temps que son époux, à la foi évangélique. Un soir, Édith trouva dans la bibliothèque l’autobiographie de Thérèse d’Avila. Elle la lut toute la nuit. « Quand je refermai le livre je me dis: ceci est la vérité ». Considérant rétrospectivement sa propre vie, elle écrira plus tard: « Ma quête de vérité était mon unique prière ».
Le ler janvier 1922, Édith Stein se fit baptiser. C’était le jour de la circoncision de Jésus, de l’accueil de Jésus dans la descendance d’Abraham. Édith Stein était debout devant les fonds baptismaux, vêtue du manteau nuptial blanc de Hedwig Conrad-Martius qui fut sa marraine. « J’avais cessé de pratiquer la religion juive et je me sentis de nouveau juive seulement après mon retour à Dieu ». Maintenant elle sera toujours consciente, non seulement intellectuellement mais aussi concrètement, d’appartenir à la lignée du Christ. À la fête de la Chandeleur, qui est également un jour dont l’origine remonte à l’Ancien Testament, elle reçut la confirmation de l’évêque de Spire dans sa chapelle privée.
Après sa conversion, elle se rendit tout d’abord à Wroclaw. « Maman, je suis catholique ». Les deux se mirent à pleurer. Hedwig Conrad-Martius écrivit: « Je vis deux israélites et aucune ne manque de sincérité » (cf Jn 1, 47).
Immédiatement après sa conversion, Édith aspira au Carmel, mais ses interlocuteurs spirituels, le Vicaire général de Spire et le Père Erich Przywara, S.J., l’empêchèrent de faire ce pas. Jusqu’à pâques 1931 elle assura alors un enseignement en allemand et en histoire au lycée et séminaire pour enseignants du couvent dominicain de la Madeleine de Spire. Sur l’insistance de l’archiabbé Raphaël Walzer du couvent de Beuron, elle entreprend de longs voyages pour donner des conférences, surtout sur des thèmes concernant les femmes. « Pendant la période qui précède immédiatement et aussi pendant longtemps après ma conversion [... ] je croyais que mener une vie religieuse signifiait renoncer à toutes les choses terrestres et vivre seulement dans la pensée de Dieu. Progressivement cependant, je me suis rendue compte que ce monde requiert bien autre chose de nous [...]; je crois même que plus on se sent attiré par Dieu et plus on doit « sortir de soi-même », dans le sens de se tourner vers le monde pour lui porter une raison divine de vivre ».
Son programme de travail est énorme. Elle traduit les lettres et le journal de la période pré-catholique de Newman et l’œuvre  » Questiones disputatx de veritate  » de Thomas d’Aquin et ce dans une version très libre, par amour du dialogue avec la philosophie moderne. Le Père Erich Przywara S.J. l’encouragea à écrire aussi des oeuvres philosophiques propres. Elle apprit qu’il est possible « de pratiquer la science au service de Dieu [... ] ; c’est seulement pour une telle raison que j’ai pu me décider à commencer une série d’oeuvres scientifiques ». Pour sa vie et pour son travail elle trouve toujours les forces nécessaires au couvent des bénédictins de Beuron où elle se rend pour passer les grandes fêtes de l’année liturgique.
En 1931, elle termina son activité à Spire. Elle tenta de nouveau d’obtenir l’habilitation pour enseigner librement à Wroclaw et à Fribourg. En vain. À partir de ce moment, elle écrivit une oeuvre sur les principaux concepts de Thomas d’Aquin: « Puissance et action ». Plus tard, elle fera de cet essai son ceuvre majeure en l’élaborant sous le titre « Être fini et Être éternel », et ce dans le couvent des Carmélites à Cologne. L’impression de l’œuvre ne fut pas possible pendant sa vie.
En 1932, on lui donna une chaire dans une institution catholique, l’Institut de Pédagogie scientifique de Münster, où elle put développer son anthropologie. Ici elle eut la possibilité d’unir science et foi et de porter à la compréhension des autres cette union. Durant toute sa vie, elle ne veut être qu’un « instrument de Dieu ». « Qui vient à moi, je désire le conduire à Lui ».
En 1933, les ténèbres descendent sur l’Allemagne. « J’avais déjà entendu parler des mesures sévères contres les juifs. Mais maintenant je commençai à comprendre soudainement que Dieu avait encore une fois posé lourdement sa main sur son peuple et que le destin de ce peuple était aussi mon destin ». L’article de loi sur la descendance arienne des nazis rendit impossible la continuation de son activité d’enseignante. « Si ici je ne peux continuer, en Allemagne il n’y a plus de possibilité pour moi ». « J’étais devenue une étrangère dans le monde ».
L’archiabbé Walzer de Beuron ne l’empêcha plus d’entrer dans un couvent des Carmélites. Déjà au temps où elle se trouvait à Spire, elle avait fait les veeux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. En 1933 elle se présenta à la Mère Prieure du monastère des Carmélites de Cologne. « Ce n’est pas l’activité humaine qui peut nous aider, mais seulement la passion du Christ. J’aspire à y participer ».
Encore une fois Édith Stein se rendit à Wroclaw pour prendre congé de sa mère et de sa famille. Le dernier jour qu’elle passa chez elle fut le 12 octobre, le jour de son anniversaire et en même temps celui de la fête juive des Tabernacles. Édith accompagna sa mère à la Synagogue. Pour les deux femmes ce ne fut pas une journée facile. « Pourquoi l’as-tu connu (Jésus Christ)? Je ne veux rien dire contre Lui. Il aura été un homme bon. Mais pourquoi s’est-il fait Dieu? » Sa mère pleure.
Le lendemain matin Édith prend le train pour Cologne. « Je ne pouvais entrer dans une joie profonde. Ce que je laissais derrière moi était trop terrible. Mais j’étais très calme – dans l’intime de la volonté de Dieu ». Par la suite elle écrira chaque semaine une lettre à sa mère. Elle ne recevra pas de réponses. Sa soeur Rose lui enverra des nouvelles de la maison.
Le 14 octobre, Édith Stein entre au monastère des Carmélites de Cologne. En 1934, le 14 avril, ce sera la cérémonie de sa prise d’habit. L’archiabbé de Beuron célébra la messe. À partir de ce moment Édith Stein portera le nom de soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix.
En 1938, elle écrivit: « Sous la Croix je compris le destin du peuple de Dieu qui alors (1933) commençait à s’annoncer. Je pensais qu’il comprenait qu’il s’agissait de la Croix du Christ, qu’il devait l’accepter au nom de tous les autres peuples. Il est certain qu’aujourd’hui je comprends davantage ces choses, ce que signifie être épouse du Seigneur sous le signe de la Croix. Cependant il ne sera jamais possible de comprendre tout cela, parce que c’est un mystère ».
Le 21 avril 1935, elle fit des voeux temporaires. Le 14 septembre 1936, au moment du renouvellement des voeux, sa mère meurt à Wroclaw. « Jusqu’au dernier moment ma mère est restée fidèle à sa religion. Mais puisque sa foi et sa grande confiance en Dieu [...] furent l’ultime chose qui demeura vivante dans son agonie, j’ai confiance qu’elle a trouvé un juge très clément et que maintenant elle est ma plus fidèle assistante, en sorte que moi aussi je puisse arriver au but ».
Sur l’image de sa profession perpétuelle du 21 avril 1938, elle fit imprimer les paroles de saint Jean de la Croix auquel elle consacrera sa dernière oeuvre: « Désormais ma seule tâche sera l’amour ».
L’entrée d’Édith Stein au couvent du Carmel n’a pas été une fuite. « Qui entre au Carmel n’est pas perdu pour les siens, mais ils sont encore plus proches; il en est ainsi parce que c’est notre tâche de rendre compte à Dieu pour tous ». Surtout elle rend compte à Dieu pour son peuple. « Je dois continuellement penser à la reine Esther qui a été enlevée à son peuple pour en rendre compte devant le roi. Je suis une petite et faible Esther mais le Roi qui m’a appelée est infiniment grand et miséricordieux. C’est là ma grande consolation ». (31-10-1938)
Le 9 novembre 1938, la haine des nazis envers les juifs fut révélée au monde entier. Les synagogues brûlèrent. La terreur se répandit parmi les juifs. La Mère Prieure des Carmélites de Cologne fait tout son possible pour conduire soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix à l’étranger. Dans la nuit du 1er janvier 1938, elle traversa la frontière des Pays-Bas et fut emmenée dans le monastère des Carmélites de Echt, en Hollande. C’est dans ce lieu qu’elle écrivit son testament, le 9 juin 1939: « Déjà maintenant j’accepte avec joie, en totale soumission et selon sa très sainte volonté, la mort que Dieu m’a destinée. Je prie le Seigneur qu’Il accepte ma vie et ma mort [...] en sorte que le Seigneur en vienne à être reconnu par les siens et que son règne se manifeste dans toute sa grandeur pour le salut de l’Allemagne et la paix dans le monde ».
Déjà au monastère des Carmélites de Cologne on avait permis à Édith Stein de se consacrer à ses oeuvres scientifiques. Entre autres elle écrivit dans ce lieu « De la vie d’une famille juive ». « Je désire simplement raconter ce que j’ai vécu en tant que juive ». Face à « la jeunesse qui aujourd’hui est éduquée depuis l’âge le plus tendre à haïr les juifs [...] nous, qui avons été éduqués dans la communauté juive, nous avons le devoir de rendre témoignage ».
En toute hâte, Édith Stein écrira à Echt son essai sur « Jean de la Croix, le Docteur mystique de l’Église, à l’occasion du quatre centième anniversaire de sa naissance, 1542-1942″. En 1941, elle écrivit à une religieuse avec laquelle elle avait des liens d’amitié: « Une scientia crucis (la science de la croix) peut être apprise seulement si l’on ressent tout le poids de la croix. De cela j’étais convaincue depuis le premier instant et c’est de tout coeur que j’ai dit: Ave Crux, Spes unica (je te salue Croix, notre unique espérance) ». Son essai sur Jean de la Croix porta le sous-titre: « La Science de la Croix ».
Le 2 août 1942, la Gestapo arriva. Édith Stein se trouvait dans la chapelle, avec les autres soeurs. En moins de 5 minutes elle dut se présenter, avec sa soeur Rose qui avait été baptisée dans l’Église catholique et qui travaillait chez les Carmélites de Echt. Les dernières paroles d’Édith Stein que l’on entendit à Echt s’adressèrent à sa soeur: « Viens, nous partons pour notre, peuple ».
Avec de nombreux autres juifs convertis au christianisme, les deux femmes furent conduites au camp de rassemblement de Westerbork. Il s’agissait d’une vengeance contre le message de protestation des évêques catholiques des Pays-Bas contre le progrom et les déportations de juifs. « Que les êtres humains puissent en arriver à être ainsi, je ne l’ai jamais compris et que mes soeurs et mes frères dussent tant souffrir, cela aussi je ne l’ai jamais vraiment compris [...]; à chaque heure je prie pour eux. Est-ce que Dieu entend ma prière? Avec certitude cependant il entend leurs pleurs ». Le professeur Jan Nota, qui lui était lié, écrira plus tard: « Pour moi elle est, dans un monde de négation de Dieu, un témoin de la présence de Dieu ».
À l’aube du 7 août, un convoi de 987 juifs parti en direction d’Auschwitz. Ce fut le 9 août 1942, que soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix, avec sa soeur Rose et de nombreux autres membres de son peuple, mourut dans les chambres à gaz d’Auschwitz.
Avec sa béatification dans la Cathédrale de Cologne, le ler mai 1987, l’Église honorait, comme l’a dit le Pape Jean-Paul II, « une fille d’Israël, qui pendant les persécutions des nazis est demeurée unie avec foi et amour au Seigneur Crucifié, Jésus Christ, telle une catholique, et à son peuple telle une juive ».

Mount Tabor, the church, the birth of Jesus

8 août, 2012

Mount Tabor, the church, the birth of Jesus dans images sacrée

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