Homélie du 22e dimanche ordinaire B
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Homélie du 22e dimanche ordinaire B
Dt 4, 1-2, 6-8 ; Ps 14 ; Jc 1, 17-18, 21b-22, 27 ; Mc 7, 1-8a, 14-15, 21-23
La langue française n’est pas toujours assez riche pour exprimer des nuances et même des différences. Cela permet cependant un certain nombre de jeux de mots qui peuvent être fort utiles pour attirer notre attention sur des problèmes très sérieux et pour les garder en mémoire.
C’est ainsi que l’enseignement et la leçon des textes bibliques d’aujourd’hui pourraient se résumer : il y a des pratiquants qui ne pratiquent pas et des non pratiquants qui pratiquent. Nous n’avons qu’un seul mot pour traduire deux réalités différentes que les principes unissent indissolublement mais que la vie sépare trop souvent.
Il faut en effet distinguer la pratique du comportement, la pratique du cœur et celle des signes, des gestes, des rites, des sacrements.
En principe, ces deux types de pratique doivent être inséparables. Le rite n’étant que l’expression extérieure d’une réalité intérieure. C’est le signe visible d’une réalité invisible, le déversement d’un trop plein et qui est en même temps un rappel qui entretient la flamme intérieure et la stimule.
L’être humain ne peut pas se passer continuellement de gestes et de signes. Mais pour qu’ils aient un sens, pour qu’ils soient authentiques et honnêtes, ils doivent être l’expression d’une attitude intérieure, d’esprit et de cœur. Sinon, ils sont superficiels, ils sont vides, ils sont hypocrites.
C’est ainsi que les gestes de la foi ne signifient pas nécessairement un comportement de la foi, exactement comme des gestes d’amour ne prouvent pas nécessairement un comportement d’amour.
L’alliance entre un homme et une femme est signifiée par un anneau que l’on appelle aussi une alliance, mais la véritable alliance est quelque chose qui se vit et non pas quelque chose qui se porte.
L’alliance de l’être humain avec Dieu est signifiée par des gestes et des paroles, des chants, des danses, des sacrifices, des onctions et des bénédictions, des prières et des sacrements. Mais l’alliance n’est pas seulement quelque chose qui se chante, c’est quelque chose qui se vit. Il faut mettre la Parole de Dieu en application et pas seulement l’écouter, l’encenser, la célébrer. Une réalité évoquée avec clarté et simplicité par Moïse, le psalmiste, Jésus et Jacques, qui s’adressent non à des païens ou des incrédules, mais à des croyants.
Or, la tentation est toujours de se limiter à des rites, à des pratiques, à des traditions, et de figer et même d’écraser l’essentiel dans des pratiques rituelles rigides et toutes relatives.
C’est de là que vient cet affrontement entre Jésus et les pharisiens qui défendent rageusement des traditions humaines en piétinant allègrement les Paroles de vie. En effet, ce ne sont pas les rites de purification qui rendent pur, dit Jésus, mais bien la purification intérieure opérée par la foi.
Il ne suffit pas d’écouter la Parole et de manger le Pain pour être allié au Christ et ne faire qu’un avec lui. Il faut mettre la Parole en pratique pour que le signe soit vraiment celui de l’alliance.
La religion n’est pas seulement mystique, prière et sacrement, elle est aussi opérationnelle, nous rappelle rudement Jacques : « La manière pure et irréprochable de pratiquer la religion, c’est de venir en aide aux orphelins et aux veuves dans leur malheur et de se garder propre au milieu du monde. »
Pendant des siècles, on a tellement insisté sur la pratique des rites qu’on en est venu à minimiser, parfois même à oublier l’importance de la proclamation de la Parole de Dieu, et les exigences élémentaires de la charité. A tel point que la pratique des signes est devenue le critère de l’authenticité chrétienne… Aujourd’hui, la tendance est parfois inverse : sous prétexte de lutter contre l’excès de rites ou leur hypocrisie, on les méprise et on les abandonne, pour donner priorité aux initiatives de justice et d’amour… Au risque d’oublier que la suppression des rites engendre le dessèchement du cœur, rend plus difficile le contact avec la Parole vivante de Dieu et tarit peu à peu les sources mêmes de la justice et de l’amour.
C’est pourquoi l’eucharistie reste toujours un test. La qualité de notre action de grâce et celle de la pratique des sacrements se juge à notre ouverture, à nos engagements, à notre capacité de partage, à notre sens de la communauté d’Eglise qui est le corps visible du Christ. Accepterons-nous de nous laisser changer et transformer par la Parole de ce jour ? … et de réfléchir sur la qualité de nos actes en toute vérité ?
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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