Homélie du 21e dimanche ordinaire B

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Homélie du 21e dimanche ordinaire B

Jos 24, 1-2a, 15-17, 18b ; Ep 5, 21-32 ; Jn 6, 60-69

Après l’enthousiasme facile de la foule, les crises hystériques et les applaudissements frénétiques, après les « coups de foudre » en série, les promesses exaltées et les serments de fidélité, voici déjà l’heure de tentation et de vérité.
La vedette a prononcé un discours choquant, des paroles intolérables, inacceptables. Elles étaient Esprit et Vie. Elles s’adressaient à la foi. Elles n’ont rencontré que des croyances superficielles, un terrain encombré de pierres charnelles et d’intérêts terre-à-terre. Le résultat ne s’est pas fait attendre… Crise parmi les « fidèles », crise parmi les disciples. C’est l’hémorragie. Les baudruches se dégonflent, les bras tombent, l’admiration inconditionnelle se fait méfiance. Les émotions changent de camp. L’anxiété agressive prend la relève de la joie débordante. C’est l’abandon et la fuite. « A partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en allèrent et cessèrent de marcher avec lui ».
Les Douze, eux, ont tenu. Mais ils ont dû choisir entre le Christ admiré et le Christ réel, le Christ à succès et le prophète qui annonce la vérité et indique le chemin. Choix entre le très sympathique Jésus qui dénonce les hypocrisies, protège les pauvres et guérit les malades, et ce Messie intransigeant dont la parole déroute la raison, secoue habitudes et traditions, accule à la conversion.
« Voulez-vous partir ? », ou encore : « S’il ne vous plaît pas de servir le Seigneur, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir… », comme le demandait Josué aux tribus d’Israël réunies à Sichem (1e lecture). C’est à prendre ou à laisser. Un choix à première vue étrange puisque imposé à des gens qui ont déjà choisi. Option déjà prise, en effet, par ceux qui appartenaient au groupe des adeptes. Alliance solennelle déjà conclue avec Dieu par les sauvés d’Egypte.
Une alliance dans la foi, une alliance d’amour, ne se contente pas de la fidélité d’un instant, ni de la ferveur d’un jour. Les lunes de miel ne tiennent pas lieu d’assurance ni de garantie.
Préférer un Dieu invisible et exigeant à l’attrait des idoles humaines bien concrètes et singulièrement plus accommodantes « engage dans l’aventure de la perpétuelle redécouverte de Dieu. C’est l’aventure même de l’amour. » (1)… Une relation sans cesse à nourrir et à entretenir. L’amour de quelqu’un qui nous entraîne sur les chemins où s’enchaînent les surprises et qui se fait connaître pas à pas et toujours autre. « Une alliance à reprendre et à approfondir » jour après jour.
A Sichem, les Hébreux ont renouvelé leur foi et leur alliance. « Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux !… C’est lui que nous voulons servir car il est notre Dieu ». En Galilée, les apôtres eux aussi réitérèrent leur credo : « Nous croyons ! Tu as les paroles de la vie éternelle »… Et Jésus ajoutera : « Et pourtant l’un de vous est un diable !  » (Jn 6, 70). La rénovation n’est pas non plus le dernier mot de l’amour et de la fidélité.
Ces foules, disciples et apôtres d’hier sont toujours ceux d’aujourd’hui, prompts aux grandes déclarations, enthousiasmes éphémères et bruyants applaudissements. L’illusion de croire nous aveugle aisément, et nous confondons volontiers l’observance des règlements humains avec la fidélité au Dieu fait homme. C’est une personne qui nous invite à la foi et non pas un code.
Nous suivons et acclamons le Christ quand il bénit. Mais nous sommes bien souvent incapables de l’écouter quand il parle d’accepter les exigences de son message et d’opérer les conversions qu’il propose : « Ce message est dur ! Qui donc pourrait l’accepter ? »… Et c’est ainsi qu’aujourd’hui encore des « fidèles » troublés, déçus, scandalisés, quittent les assemblées que Jésus rassemble. Des disciples s’en vont aussi en cessant de marcher avec lui pour faire eux-mêmes leur propre religion, ou préféreront à la Parole trop dure les rites, habitudes et traditions qui offrent le bienfait de l’assurance et de la sécurité.
D’autres restent, prenant les risques de la foi et des surprises de l’Esprit, des perpétuelles nouveautés et des inattendus d’un Dieu qui n’a jamais fini de se faire connaître.
A chaque Eucharistie, la Parole peut nous heurter. Elle est cependant la merveilleuse occasion d’approfondir l’alliance d’amour et de la renouveler.

P Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

(1) Le Missel Emmaüs des dimanches, p 695.

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