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Dimanche 26 août : commentaires de Marie Noëlle Thabut : premiere lecture – Josué 24, 1-2a. 15-17. 18b
24 août, 2012http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html
Dimanche 26 août : commentaires de Marie Noëlle Thabut
premiere lecture – Josué 24, 1-2a. 15-17. 18b
1 Josué réunit toutes les tribus d’Israël à Sichem ;
puis il appela les anciens d’Israël
avec les chefs, les juges et les commissaires ;
ensemble ils se présentèrent devant Dieu.
2 Josué dit alors à tout le peuple :
15 « S’il ne vous plaît pas de servir le SEIGNEUR,
choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir :
les dieux que vos pères servaient au-delà de l’Euphrate,
ou les dieux des Amorites dont vous habitez le pays.
Moi et les miens, nous voulons servir le SEIGNEUR. »
16 Le peuple répondit :
« Plutôt mourir que d’abandonner le SEIGNEUR
pour servir d’autres dieux !
17 C’est le SEIGNEUR notre Dieu
qui nous a fait monter, nous et nos pères,
du pays d’Egypte, cette maison d’esclavage ;
c’est lui qui, sous nos yeux, a opéré tous ces grands prodiges
et nous a protégés
tout le long du chemin que nous avons parcouru,
chez tous les peuples au milieu desquels nous sommes passés.
18 Nous aussi, nous voulons servir le SEIGNEUR,
car c’est lui notre Dieu. »
S’il faut rendre à César ce qui est à César, comme dit Jésus, alors nous sommes injustes avec Josué. Nous ne lisons presque jamais le récit de son oeuvre : il y a pourtant un livre entier qui porte son nom et ce n’est pas sans raison ! Il apparaît très tôt dans la grande aventure de l’Exode (Ex 17), et semble être le plus proche de Moïse, son fils spirituel, en quelque sorte. Il avait depuis toujours fait montre d’une fidélité sans faille à Dieu et à Moïse ; et, juste avant sa mort, celui-ci a publiquement désigné son successeur : « Moïse appela Josué, et, devant tout Israël, il lui dit : « Sois fort et courageux, car c’est toi qui entreras avec ce peuple dans le pays que le SEIGNEUR a juré à leurs pères de leur donner ; c’est toi qui le leur donneras comme patrimoine. C’est le SEIGNEUR qui marche devant toi, c’est lui qui sera avec toi, il ne te délaissera pas, il ne t’abandonnera pas ; ne crains pas, ne te laisse pas abattre. » (Dt 31, 7-8). C’est donc Josué qui succéda à Moïse, et eut l’honneur et la responsabilité de faire entrer les fils d’Israël en terre promise. Le livre qui porte son nom rapporte les premiers événements qui marquèrent l’entrée des tribus d’Israël en Canaan ; notre texte de ce dimanche est le dernier grand moment de sa carrière : avant de mourir, il convoque une grande assemblée des douze tribus et scelle leur union autour de l’Alliance conclue au Sinaï.
Deuxième grand nom de ce texte, Sichem (l’actuelle Naplouse) ; nous le connaissons le plus souvent par le Nouveau Testament : quand Saint Jean rapporte le récit de la rencontre de Jésus avec la Samaritaine (Jn 4), il juge utile de préciser que cela se passe « non loin » de l’antique Sichem ; mais, si Jean en parle, c’est parce que, dans l’Ancien Testament, déjà, elle avait joué un grand rôle : on rappelait volontiers qu’Abraham y avait élevé un autel ; Jacob également ; c’est là aussi que Joseph fut enterré. Plus tard, après le schisme qui déchira le royaume en deux à la mort de Salomon, elle devint la première capitale du royaume du Nord.
Mais la véritable grandeur de Sichem est ailleurs : car elle est devenue le symbole du choix ; Jacob, déjà, au cours de ses pérégrinations, avait pris là une grande décision ; dans un geste ostentatoire de fidélité au Dieu qu’il avait découvert à Béthel, il avait obligé sa famille à abandonner les faux dieux et il avait enterré toutes leurs statues et autres amulettes au pied d’un arbre (Gn 35, 4) ; et voici, avec notre texte du livre de Josué le grand moment de Sichem : « Josué réunit toutes les tribus d’Israël à Sichem ».
Qui a pu écrire ce texte ? Quand ? Et pour qui ? On ne sait pas le dire, vu la difficulté de reconstituer l’histoire réelle de l’entrée des tribus d’Israël en Canaan. Les différents textes bibliques sur ce point ne sont pas toujours compatibles ; parce que leur but n’est pas de faire de l’histoire au sens moderne du mot : leur but est toujours d’abord théologique.
Ici, on peut noter quelques insistances majeures : tout d’abord le rôle de Josué ; visiblement, certains auteurs ont souhaité le mettre en valeur : par exemple, le livre des Nombres (13, 16) note que, primitivement, il ne s’appelait pas Josué, mais Hoshéa : son premier nom signifiait « il sauve », le second, Josué, est plus précis, puisqu’il veut dire : « C’est le SEIGNEUR qui sauve ». Or, ici, nous voyons Josué dans son rôle de sauveur : il assure l’unité du peuple entier autour de son Dieu. Et il prend la tête de son peuple en donnant l’exemple : « Moi et les miens, nous voulons servir le SEIGNEUR. » Et, bien sûr, il invite toute l’assistance à s’engager comme lui au service du Dieu d’Israël. Pour cela (dans les versets 3-14 manquants dans notre lecture liturgique) il retrace toute l’oeuvre de Dieu en leur faveur, depuis le choix d’Abraham « au-delà de l’Euphrate » jusqu’à l’entrée dans ce bon pays (la terre promise), en passant par le miracle de la sortie d’Egypte. Puis il les met en quelque sorte au pied du mur : « Choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir : les dieux que vos pères servaient au-delà de l’Euphrate (en Mésopotamie), ou les dieux des Amorites (Cananéens) dont vous habitez le pays. Moi et les miens, nous voulons servir le SEIGNEUR. »
Deuxième insistance de ce texte, la nécessité, et même l’urgence du choix : si notre texte insiste tellement sur la résolution non équivoque du peuple rassemblé à Sichem, c’est peut-être parce que leurs lointains descendants (pour qui ces lignes furent écrites) avaient bien besoin d’en prendre de la graine. On retrouve ici les accents du livre du Deutéronome : « Gardez-vous bien de vous laisser séduire dans votre coeur, de vous dévoyer, de servir d’autres dieux et de vous prosterner devant eux… » (Dt 11, 16). Or on sait bien que la tentation du retour à l’idolâtrie a été permanente, que ce soit par exemple au temps des rois (il suffit de se rappeler le combat d’Elie contre les prêtres de Baal, 1 R 19), ou plus tard au temps de l’Exil à Babylone (la mention des dieux du pays au-delà de l’Euphrate n’est probablement là par hasard). Notre texte est exemplaire : évidemment, le peuple saisit la gravité de la question : « Plutôt mourir que d’abandonner le SEIGNEUR pour servir d’autres dieux ! » et fait le bon choix : « Nous aussi, nous voulons servir le SEIGNEUR, car c’est lui notre Dieu. »
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Compléments
– A lire le chapitre 24 en entier, ce grand rassemblement fait penser à une liturgie, une cérémonie de profession de foi, en quelque sorte : tout y est ; la convocation du peuple (v. 1 « ensemble ils se présentèrent devant Dieu » est une formule liturgique), la prédication (v.2-15), la profession de foi de l’assemblée (v. 16-18), l’engagement à la fidélité sous forme d’un dialogue entre Josué et les assistants (v. 19-24), la ratification par le célébrant (parole v. 25, écriture v. 26a, signe, la pierre dressée v.26b- 27), et enfin le renvoi de l’assemblée (v.28).
– Certains exégètes pensent que si certains clans descendant d’Abraham n’étaient pas partis en Egypte (au temps de Joseph) ils n’avaient pas non plus fait l’expérience de la sortie miraculeuse d’Egypte : l’assemblée de Sichem pourrait avoir été pour eux le lieu décisif de l’entrée dans la fédération des tribus, au prix de l’abandon des religions locales.
– Jésus, le nouveau Josué, propose lui aussi le salut à la Samaritaine de Sichem : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit donne-moi à boire, c’est toi qui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive. »
Homélie du 21e dimanche ordinaire B
24 août, 2012http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
Homélie du 21e dimanche ordinaire B
Jos 24, 1-2a, 15-17, 18b ; Ep 5, 21-32 ; Jn 6, 60-69
Après l’enthousiasme facile de la foule, les crises hystériques et les applaudissements frénétiques, après les « coups de foudre » en série, les promesses exaltées et les serments de fidélité, voici déjà l’heure de tentation et de vérité.
La vedette a prononcé un discours choquant, des paroles intolérables, inacceptables. Elles étaient Esprit et Vie. Elles s’adressaient à la foi. Elles n’ont rencontré que des croyances superficielles, un terrain encombré de pierres charnelles et d’intérêts terre-à-terre. Le résultat ne s’est pas fait attendre… Crise parmi les « fidèles », crise parmi les disciples. C’est l’hémorragie. Les baudruches se dégonflent, les bras tombent, l’admiration inconditionnelle se fait méfiance. Les émotions changent de camp. L’anxiété agressive prend la relève de la joie débordante. C’est l’abandon et la fuite. « A partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en allèrent et cessèrent de marcher avec lui ».
Les Douze, eux, ont tenu. Mais ils ont dû choisir entre le Christ admiré et le Christ réel, le Christ à succès et le prophète qui annonce la vérité et indique le chemin. Choix entre le très sympathique Jésus qui dénonce les hypocrisies, protège les pauvres et guérit les malades, et ce Messie intransigeant dont la parole déroute la raison, secoue habitudes et traditions, accule à la conversion.
« Voulez-vous partir ? », ou encore : « S’il ne vous plaît pas de servir le Seigneur, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir… », comme le demandait Josué aux tribus d’Israël réunies à Sichem (1e lecture). C’est à prendre ou à laisser. Un choix à première vue étrange puisque imposé à des gens qui ont déjà choisi. Option déjà prise, en effet, par ceux qui appartenaient au groupe des adeptes. Alliance solennelle déjà conclue avec Dieu par les sauvés d’Egypte.
Une alliance dans la foi, une alliance d’amour, ne se contente pas de la fidélité d’un instant, ni de la ferveur d’un jour. Les lunes de miel ne tiennent pas lieu d’assurance ni de garantie.
Préférer un Dieu invisible et exigeant à l’attrait des idoles humaines bien concrètes et singulièrement plus accommodantes « engage dans l’aventure de la perpétuelle redécouverte de Dieu. C’est l’aventure même de l’amour. » (1)… Une relation sans cesse à nourrir et à entretenir. L’amour de quelqu’un qui nous entraîne sur les chemins où s’enchaînent les surprises et qui se fait connaître pas à pas et toujours autre. « Une alliance à reprendre et à approfondir » jour après jour.
A Sichem, les Hébreux ont renouvelé leur foi et leur alliance. « Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux !… C’est lui que nous voulons servir car il est notre Dieu ». En Galilée, les apôtres eux aussi réitérèrent leur credo : « Nous croyons ! Tu as les paroles de la vie éternelle »… Et Jésus ajoutera : « Et pourtant l’un de vous est un diable ! » (Jn 6, 70). La rénovation n’est pas non plus le dernier mot de l’amour et de la fidélité.
Ces foules, disciples et apôtres d’hier sont toujours ceux d’aujourd’hui, prompts aux grandes déclarations, enthousiasmes éphémères et bruyants applaudissements. L’illusion de croire nous aveugle aisément, et nous confondons volontiers l’observance des règlements humains avec la fidélité au Dieu fait homme. C’est une personne qui nous invite à la foi et non pas un code.
Nous suivons et acclamons le Christ quand il bénit. Mais nous sommes bien souvent incapables de l’écouter quand il parle d’accepter les exigences de son message et d’opérer les conversions qu’il propose : « Ce message est dur ! Qui donc pourrait l’accepter ? »… Et c’est ainsi qu’aujourd’hui encore des « fidèles » troublés, déçus, scandalisés, quittent les assemblées que Jésus rassemble. Des disciples s’en vont aussi en cessant de marcher avec lui pour faire eux-mêmes leur propre religion, ou préféreront à la Parole trop dure les rites, habitudes et traditions qui offrent le bienfait de l’assurance et de la sécurité.
D’autres restent, prenant les risques de la foi et des surprises de l’Esprit, des perpétuelles nouveautés et des inattendus d’un Dieu qui n’a jamais fini de se faire connaître.
A chaque Eucharistie, la Parole peut nous heurter. Elle est cependant la merveilleuse occasion d’approfondir l’alliance d’amour et de la renouveler.
P Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
(1) Le Missel Emmaüs des dimanches, p 695.