Homélie du 20e dimanche ordinaire B
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P. Fabien Deleclos, franciscain (T) 1925 – 2008
Homélie du 20e dimanche ordinaire B
Pr 9, 1-6 ; Ep 5, 15-20 ; Jn 6, 51-58
Il n’y a pas de brevet ni de diplôme qui puissent confirmer chez qui que ce soit son intelligence des choses de Dieu. Il existe cependant un chemin qui permet d’y accéder. Un chemin qui aboutit à un repas dont la Sagesse a dressé la table et fignolé le menu.
L’invitation est lancée tous azimuts à tous ceux qui manquent de sagesse et d’intelligence. Un premier test d’humilité qui risque fort d’agresser la susceptibilité et la vanité de tous ceux et celles qui sont ancrés définitivement dans leurs certitudes et leurs connaissances des choses de la terre et du ciel. On ne se bousculera donc pas au banquet de la Vérité, qui fait tomber les masques et dévalue décorations et préséances.
« Venez manger mon pain et boire le vin que j’ai apprêtés ! ». Deuxième test ou deuxième piège. Car il ne s’agit pas d’un banquet gastronomique, ni d’une invitation à s’enivrer « du vin qui réjouit le cœur… ». C’est une question de vie ou de mort : « Quittez votre folie et vous vivrez », ou, comme l’écrit Paul : « Ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages. Ne soyez donc pas irréfléchis, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur… Laissez-vous remplir par l’Esprit Saint » (2e lecture).
La sagesse de Dieu et son Verbe, c’est tout un. Et les repas qu’ils préparent et président sont tous deux « manducation » de la parole d’amour et du pain de vie, Sagesse incarnée dans la Loi et Parole devenue chair en Jésus Christ.
Manger et vivre, s’abstenir et mourir. C’est le seul choix qui nous est offert. « Celui qui mange ma chair, dit Jésus, et boit mon sang, demeure en moi, et moi, je demeure en lui… Celui qui me mangera vivra par moi ». Par contre, « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous ».
Nous voici plongés en plein mystère, où la science est sans pouvoir et les analyses chimiques inutiles. Pour pénétrer au cœur de ce réel fondamental, il faut opérer une conversion du cœur et modifier son regard, percer la croûte des réalités visibles et contrôlables, pour atteindre la vérité sans visage et la source invisible.
Confrontés à cette révélation, « les juifs, écrit Jean, discutaient entre eux », multipliant les interrogations incrédules et méfiantes, que poursuivent d’ailleurs les chrétiens depuis des siècles. L’histoire de l’eucharistie, en effet, qui rassemble et unit, forme et nourrit, sanctifie les pécheurs et envoie des témoins, reste une histoire mouvementée, parsemée elle aussi d’incrédulité destructrice ou de sentimentalité passionnée et aveugle.
Vulgaire et triste bataille de rites, où l’on sacrifie la Parole et le Pain, l’amour et l’unité, à la relativité des mots et des gestes. Fragilité de la foi en l’humanité du Christ, qui transforme parfois la messe en un « sacrifice redoutable » et l’autel en « table effrayante ». Le Christ indivisible, Dieu et homme, Parole et Pain, fut bien des fois écartelé jusqu’à la division de son corps mystique qui est l’Eglise. Certes, pendant des siècles, Parole et Pain furent également mangés et respectés, accueillis et vénérés. C’est ainsi, par exemple, que l’évangéliaire était souvent enrichi d’une reliure à couverture d’ivoire, d’or pur ou d’argent, car en lui, c’est le Christ lui-même qu’on voulait honorer.
Mais on vit aussi au XIIe siècle une vague de dévotion eucharistique mettre tellement à l’honneur la contemplation de l’hostie que l’on en vint à remplacer la communion sacramentelle par des « communions spirituelles ». Le « prenez et mangez » de Jésus était devenu « regardez et adorez ».
Vatican II, puisant aux sources mêmes de la Tradition, nous a heureusement rappelé que les Divines Ecritures doivent être vénérées comme le Corps même du Seigneur, et que l’Eglise a mission « de prendre le Pain de Vie sur la table de la Parole de Dieu et sur celle du Corps du Christ, pour l’offrir aux fidèles ».
Mais après ce rappel essentiel, qui est une question de vie ou de mort, les retards imposants et chroniques des invités au rassemblement dominical, révèlent une étonnante négligence du repas de la Parole. Comme si la réception du Pain pouvait dispenser d’une adhésion au Verbe qui conditionne la communion d’amour. Et comment est traité et habillé, respecté et vénéré le « Livre de la Parole », qui est présence du Verbe proclamant la Bonne Nouvelle ?
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