Homélie du père Jacques Fournier pour le dimanche 12 août 2012

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Homélie du père Jacques Fournier pour le dimanche 12 août 2012

Tout en continuant aujourd’hui notre méditation sur le « Pain de Vie », arrêtons-nous aussi sur l’épisode vécu par le prophète Elie, car il est proche de ce que nous vivons souvent. Et la réponse de Dieu est de même nature pour nous que pour lui, il dépose auprès de nous le pain qui nous redonne vitalité par la vitalité divine.

S’en est trop
Elie marche dans un désert. Les êtres et les choses sont contre lui. Seul un buisson le protège de l’ardeur du soleil. Un buisson … ce n’est pas un arbre. A l’hostilité de la reine, se joint une certaine hostilité de la nature. Il est à bout de forces physiques et psychologiques. Il se sent abandonné et il est seul. « C’en est trop ». Malgré son découragement et son amertume, il lui reste la foi en Dieu, même si elle n’est pas faite de confiance, peut-être. Il ne considère pas que Dieu est hors de sa vie, alors que tant de nos contemporains le pensent, ce qui les conduit au bord du suicide, de la drogue ou du vice.
Elie découvre ses limites. Il s’estimait au-dessus des autres, parce qu’il avait été appelé par Dieu, parce que le choix de Dieu était sur lui. Il découvre que le prophète, l’homme de Dieu, est comme les autres : « Je ne vaux pas mieux que mes pères. » Dieu lui a confié une mission dont il s’aperçoit qu’elle le dépasse. Elle lui paraît même impossible à réaliser. « Reprends ma vie ». Il s’étendit à l’ombre du buisson et s’endort.

Amour attentif de dieu
Or Dieu, lui, ne se lasse jamais. Il ne connaît ni amertume ni découragement envers les hommes quand il les voit s’égarer parce qu’ils ne comprennent pas ce qu’il leur propose. Et Dieu lui prépare un pain cuit sur la braise et une cruche d’eau, rafraîchissante dans ce désert brûlant. Jésus a fait de même, au bord du lac, au matin de la pèche miraculeuse. (Jean 21.9)
Fortifié par cette nourriture, Elie reprend vie et peut marcher quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, la montagne de la rencontre et de l’Alliance. Il en sera de même après le discours de Jésus sur le Pain de vie. Si les uns se retirent, d’autres se regroupent autour de Pierre : « A qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jean 6. 66 à 69)
Il n’est aucune situation qui ne reçoive une réponse de Dieu. A nous d’y être attentif, à nous de savoir patienter, à nous d’y apporter une participation de nous-mêmes si minime soit-elle. Dieu nous répond. « Je cherche le Seigneur. Il me répond…Un pauvre crie, le Seigneur entend ! » (psaume 33)

Au-delà de l’expérience immédiate
Dans l’Evangile de ce dimanche, les auditeurs se présentent, eux aussi, dans une attitude proche de celle d’Elie. Ils récriminent. Ils ne peuvent ni ne savent reconnaître la véritable personnalité de Jésus dans l’appel que leur lance le fils du charpentier et le fils de Marie de Nazareth, dans cette surprenante et même choquante affirmation : « Je suis descendu du ciel ! »
Nous-mêmes sommes déroutés par les affirmations de Jésus si nous en restons à leur simple énoncé et à notre expérience immédiate. Ces étonnantes affirmations justifient les abandons des premiers auditeurs, paysans réalistes de la terre de Galilée et juifs religieux adorant le Dieu unique.
Leur attitude devant elles, nous la reprenons d’une autre manière. Ne mesurant pas toute l’ampleur de ce pain qui est présence de la Vie divine en Jésus-Christ, nous en arrivons à dire : « La messe ? je n’en vois pas l’utilité. » Mais la messe n’est-elle fait que pour notre seule utilité ? La « réalisation » de la présence divine, du Christ mort et ressuscité, est-elle sans utilité ?
« Si je prie chaque jour, si je pratique la charité et l’amour envers les autres, est-ce que cela ne vaut pas mieux ? » C’est que nous ne réalisons pas assez que la plénitude de cet amour du prochain n’a sa source et ne se réalise, ne devient réelle, que dans le partage du Pain vivant que Dieu nous donne en son amour.
Combien de fois, lorsque nous montons vers la table eucharistique, n’en sommes-nous pas restés au seul « pain partagé » d’un repas communautaire alors qu’il est le pain vivant de Celui qui est gloire de Dieu et salut du monde.
En fait, la messe, la célébration eucharistique n’est pas une prière ordinaire, pas même une prière au-dessus des autres. Elle est participation réelle et vivante à la vie de Dieu par le Christ en sa présence réelle : « Par Lui, avec Lui, en Lui, tout honneur et toute gloire ! » C’est en cela qu’elle nous invite à devenir « Imitateurs de Dieu » (Ephésiens 5. 1)
Et cette imitation ne peut être qu’une identification. « Comme le Christ, vivez dans l’amour. »

Entendre, écouter, vivre
Revenons aux paroles du Christ à Capharnaüm. Jésus se trouve devant des braves gens qui ne sont pas des intellectuels. Il n’utilise donc aucun argument persuasif ou savant pour forcer leur conviction. Nul ne peut saisir quoi que ce soit de ce qu’il dit, s’il n’écoute pas et s’il n’est pas attiré par la force de Dieu.
Entendre est une chose. L’écouter en est une autre, car c’est déjà vouloir entrer, par cette attitude d’accueil, dans la connaissance de ce que l’on a entendu. Une telle attitude permet à celui qui nous fait entendre sa pensée, en toute confiance et tout amour, d’agir en nous. Elle nous permet de partager avec lui ce qu’il nous fait ainsi connaître, ce qu’il fait naître en nous. C’est l’expérience de tout enseignant, celle du « maître » qui transmet un « savoir » à ses disciples.
Le Christ ne dit rien d’autre à ses auditeurs. Nul ne peut saisir quoi que ce soit des vérités divines s’il n’est pas instruit par Dieu lui-même. « Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire vers moi. Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. » (Jean 6. 44) Les termes grecs qu’utilise saint Jean sont « mathéma » (la science) que nous traduisons par enseignements et « didasko » (enseigner) que nous traduisons par instruire.

Dieu seul connaît Dieu.
C’est pourquoi Jésus peut affirmer qu’il faut être instruit par la lumière de Dieu lui-même, pour entrer tant soit peu dans le mystère du Pain de Vie.
L’Eucharistie est par excellence le signe de l’Alliance de Dieu avec les hommes. Elle est l’expression originale de son amour, réalisé par Jésus en une chair humaine comme la nôtre. Un amour signifié par l’offrande et le sacrifice de son Corps et de son Sang, célébrée chaque fois que nous faisons mémoire de la mort et de la Résurrection de Celui dont nous attendons l’avènement dans la gloire.

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« Malheureusement nous avons pris l’habitude d’appeler cette célébration d’une manière toute banale : « la messe », ne retenant que le mot qui la conclut : « Ite missa est. » Ce qui est un peu court pour exprimer un mystère d’une dimension incommensurable : union d’amour en Jésus, élan d’amour avec Lui vers le Père, Communion d’amour avec les frères et sœurs qui partagent la même foi. » (Pierre Vanderlinden)
Puisque nous sommes ses enfants bien-aimés (Ephésiens 5. 1), nous pouvons reprendre la prière d’ouverture de la célébration de ce dimanche : « Fais grandir en nos cœurs l’esprit filial (qui est celui du Christ ton Fils), afin que nous soyons capables d’entrer un jour dans l’héritage qui nous est promis (dès aujourd’hui et durant notre vie terrestre) » (St Paul aux Romains. 8. 17)

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