Dimanche 12 août : commentaires de Marie Noëlle Thabut: Premiere Lecture – Premier Livre des Rois 19, 4 – 8

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Dimanche 12 août : commentaires de Marie Noëlle Thabut

Premiere Lecture – Premier Livre des Rois 19, 4 – 8

Le prophète Elie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel,
4 marcha toute une journée dans le désert.
Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson,
et demanda la mort en disant :
« Maintenant, SEIGNEUR, c’en est trop !
Reprends ma vie :
Je ne vaux pas mieux que mes pères. »
5 Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit.
Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit :
« Lève-toi et mange ! »
6 Il regarda, et il y avait près de sa tête
un pain cuit sur la braise et une cruche d’eau.
Il mangea, il but, et se rendormit.
7 Une seconde fois, l’Ange du SEIGNEUR le toucha et lui dit :
« Lève-toi et mange !
Autrement le chemin serait trop long pour toi. »
8 Elie se leva, mangea et but.
Puis, fortifié par cette nourriture,
il marcha quarante jours et quarante nuits

jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu.
Nous avons déjà eu l’occasion de parler du prophète Elie (dix-neuvième dimanche ordinaire A) ; je vous rappelle brièvement son histoire : nous sommes dans les années 875 à 850 av.J.C. environ. Elie était originaire de Tishbé en Galaad (au nord de ce que nous appelons aujourd’hui la Jordanie), et il était surnommé Elie le Tishbite ; mais son vrai nom, Eliyyah, signifiait « Mon Dieu, c’est Yah » (première syllabe du nom de Dieu), ce qui résume bien sa vie : laquelle fut un combat incessant contre l’idolâtrie.
Or le royaume du Nord où Elie exerçait sa mission de prophète traversait une grave crise religieuse : le roi Achab avait épousé une princesse païenne, Jézabel, fille du roi de Sidon. Là-bas, on adorait Baal. La nouvelle reine n’avait pas changé de religion en épousant Achab ; au contraire, elle avait introduit son idolâtrie dans le palais même du roi à Samarie : elle avait apporté avec elle des statues de ses divinités, et pire encore, d’innombrables prêtres et prophètes de Baal qui faisaient la loi au palais.
Le récit que nous lisons ce dimanche se situe dans un moment crucial des relations entre la reine païenne qui donne un très mauvais exemple à tout son peuple et Elie, le prophète du Dieu unique. Je vous rappelle ce qui vient de se passer : on pourrait le résumer en deux grands épisodes : une longue période de sécheresse et le sacrifice du Carmel.
Acte 1, la sécheresse : c’est un fait historique qu’il y a eu au Moyen-Orient une très grande sécheresse au neuvième siècle. L’historien juif Flavius Josèphe (premier siècle ap.J.C.) en parle. Dans une civilisation exclusivement agricole, sécheresse veut dire famine et donc mort à très brève échéance : de nombreuses villes anciennes ont disparu de la carte uniquement à l’occasion d’une sécheresse durable. Prévenu par Dieu, Elie commence par déclarer solennellement « Par la vie du SEIGNEUR, le Dieu d’Israël au service duquel je suis, il n’y aura ces années-ci ni rosée ni pluie sinon à ma parole ». Traduisez Dieu est le seul maître des éléments, vos Baals n’y peuvent rien. Puis il se met à l’abri car Dieu lui a dit : « Va-t-en d’ici, dirige-toi vers l’orient et cache-toi dans le ravin de Kerith, qui est à l’est du Jourdain. Ainsi tu pourras boire au torrent, et j’ai ordonné aux corbeaux de te ravitailler là-bas. » (1 R 17, 3-4). La sécheresse persistant, le torrent cesse de couler et Dieu envoie Elie un peu plus loin, à Sarepta, près de Sidon. Là, Elie sera secouru par une veuve pauvre et aura l’occasion de lui prouver sa reconnaissance en accomplissant pour elle deux miracles (nous en reparlerons dans quelques semaines ; cf le trente-deuxième dimanche).
Acte 2, le sacrifice du Carmel : au bout de deux ans de sécheresse, Dieu annonce que la pluie va tomber et il envoie Elie prévenir Achab ; mais au lieu de se contenter de porter la bonne nouvelle, Elie cherche à exploiter la situation au profit de son Dieu ; il lance un défi aux innombrables prophètes de Baal : est-ce Baal ou le Dieu d’Israël qui est capable d’envoyer le feu du ciel ? Défi relevé, Elie d’un côté, le groupe des quatre cents prophètes de Baal de l’autre, chacun construit un autel gigantesque et prépare un sacrifice sur le mont Carmel. Mais les prophètes de Baal ont beau invoquer leurs dieux toute la journée, il ne se passe rien. Alors, à son tour, Elie se met à prier : « SEIGNEUR, Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël, fais que l’on sache aujourd’hui que c’est toi qui es Dieu en Israël » (1 R 18, 36) ; et le feu du ciel embrase tout le bûcher en un instant. Le peuple est éberlué. Elie profite de la liesse générale pour faire massacrer tous les prophètes de Baal. (Entre nous soit dit, cela Dieu ne le lui avait pas demandé !) Comme on pouvait s’y attendre, la reine Jézabel entre en grande fureur et menace Elie de mort. Il n’a plus qu’à fuir.
Et nous voici au début de notre lecture de ce dimanche : « Le prophète Elie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel, marcha toute une journée dans le désert. » Il est seul ; au passage, il a laissé son serviteur à Béer-Shéva et s’est enfoncé dans la solitude du désert. Le voilà bien fatigué, pire même découragé et doutant de lui-même : « Je ne vaux pas mieux que mes pères » dit-il. Pourquoi ? Parce que, tout à coup, il prend conscience de son indignité : il a annoncé un Dieu terrible, en éliminant tous les opposants ; ne s’est-il pas trompé de combat ? Pire, il a exigé des preuves de la présence de son Dieu : ne ressemble-t-il pas à ses pères qui, tout au long de l’Exode, murmuraient contre Dieu et l’obligeaient à se manifester ?
Or, voilà qu’au sein même de sa fuite et de sa détresse, il va découvrir un Dieu de compassion ; l’ange du Seigneur lui apporte la nourriture nécessaire pour survivre dans sa longue marche en lui disant : « Lève-toi et mange, car autrement le chemin serait trop long pour toi. » Il y puisera la force de marcher quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne du Sinaï (on l’appelle aussi l’Horeb).[1]
Il ne va pas là-bas par hasard : car c’est là que, déjà, Dieu s’est manifesté à Moïse : dans le feu du buisson ardent, il a prononcé son nom et manifesté sa sollicitude pour son peuple (Ex 3) ; dans la puissance, le vent, l’orage, et le tremblement de terre, il lui a donné les tables de la Loi (Ex 19) ; dans une caverne, il l’a caché pour le protéger de son rayonnement (Ex 33, 21-23). Les pas d’Elie le portent tout naturellement vers cette caverne de Moïse : là il découvrira le vrai visage de son Dieu ; car le temps est venu d’accueillir une nouvelle étape de la Révélation. Dieu est tout-puissant, oui, mais sa toute-puissance est celle de l’amour, dans la douceur d’une « brise légère ». En attendant, il n’a pas trop de quarante jours et quarante nuits pour se préparer : dans la Bible, le nombre quarante évoque toujours une gestation. Dans cette longue marche qui est aussi le temps de sa conversion, il est nourri par « l’Ange du SEIGNEUR », manière pudique de parler de Dieu en personne.
Désormais, chaque fois que nous nous approchons de la table eucharistique, nous entendons le Seigneur lui-même nous inviter : « Lève-toi et mange, car la route sera longue ».

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