Homélie du 18e dimanche ordinaire B
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Homélie du 18e dimanche ordinaire B
Ex 16, 2-4, 12-15 ; Ep 4, 17, 20-24 ; Jn 6, 24-35
Aujourd’hui et les trois dimanches suivants, la liturgie propose, en quatre parties, le discours de Jésus appelé discours du Pain de Vie, qui suit immédiatement le récit de la multiplication des pains. Non pas un reportage, mais une catéchèse biblique sur l’eucharistie, c’est-à-dire sur la Parole et sur le Pain.
Première partie : Les auditeurs de Jésus n’ont rien compris au signe du partage des poissons et du pain. A la foule qui le poursuit, Jésus adresse une mise au point. Il n’est pas un faiseur de miracles. Considérer Jésus comme tel, le prendre pour un généreux bienfaiteur, un leader social ou politique, c’est à coup sûr ne pas le comprendre, ne pas être vraiment un disciple.
Et malgré plus de 2000 ans de christianisme, nous sommes toujours plus ou moins dans le cas de la foule qui préfère un repas gratuit plutôt qu’un enseignement de vie, quelque chose plutôt que quelqu’un. Nous parlons « avoir », « posséder », « recevoir », « manger », « réaliser ». Et voici que Jésus avertit : Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’Homme.
Un premier avertissement qu’il nous faut méditer : quelles sont nos priorités ?, quelle est notre échelle des valeurs ?, quelles sont pour nous les choses essentielles ?, que faire concrètement ?, quel travail accomplir, quel service rendre, pour obtenir cette nourriture impérissable ?
Les auditeurs veulent des preuves bien tangibles, irréfutables, des certitudes apaisantes, des faits merveilleux, des assurances contre le doute. Un miracle ou des apparitions viendraient bien à point. Pour appuyer leurs revendications, ils citent l’Ecriture, l’épisode de la manne dans le désert : N’est-ce pas cela le pain venu du ciel ?
Mais Jésus veut les entraîner sur un tout autre plan : celui de l’attachement total, inconditionnel : croire en quelqu’un, croire en lui. C’est lui qui est la véritable nourriture pour la véritable vie. Et Jésus n’a d’autre preuve à donner que lui-même. Il est Parole de Dieu : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de mon Père ». Il s’agit bien de cette nourriture-là.
Moïse avait déjà le sens de cette nourriture, dont la manne n’était qu’un symbole. Il disait à ses contemporains : « Dieu vous a donné à manger la manne, il voulait vous apprendre ainsi que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche du Seigneur » (Dt 8,3).
Je suis cette Parole, je suis cette Nourriture, dira Jésus.. Et il ajoute, dans l’évangile de Jean : « Mais à vous je l’ai dit : Vous me voyez et cependant vous ne croyez pas. »
Même en nous réclamant de Jésus Christ, nous avons peine à comprendre les signes qu’il nous donne. Il nous arrive aussi, consciemment ou non, de réclamer des miracles et de solliciter des preuves : Pourquoi ne guérit-il pas les malades ? Pourquoi ne fait-il pas pleuvoir du pain sur les régions affamées ?
Mais nous nous trompons de terrain. Ce qu’il nous donne, c’est la Parole de Dieu qui fait vivre, qui peut opérer en nous une transformation. Le pain qui apaise la faim et la soif est d’abord parole reçue dans la foi et parole vécue dans l’amour.
Comme l’écrit Paul : Cette nourriture spirituelle nous permet de nous défaire de notre conduite d’autrefois, de l’homme ancien qui est en nous, corrompu par ses désirs trompeurs. C’est cette parole nourriture qui nous fait adopter le comportement de l’homme nouveau, qui se laisse guider intérieurement par l’Esprit.
Et c’est à cause de cet Esprit que nous sommes capables de nous soucier de nos frères et sœurs en humanité, de partager nous aussi nos pains et nos poissons et faire en sorte que des miracles s’accomplissent.
Quand Jésus nous affirme « Moi je suis le Pain de Vie, celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim, celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif », nous croyons peut-être avoir compris : La manne céleste c’est aujourd’hui le pain consacré, le pain du ciel qui donne la vie. C’est un peu court. Et nous risquons même de tomber dans l’erreur des foules qui suivaient Jésus sans bien saisir le sens des signes. Il faut du temps, beaucoup de purifications et de conversions pour bien comprendre ce qu’est le Pain de vie et s’en nourrir. Elle est longue la route de la foi. Il n’est ni facile, ni tranquille, le chemin qui conduit à ce « Pain de la Vie » et qui permet de croire en Lui.
« Ce que le Christ nous donne est une qualité, une valeur ineffable et impalpable, une tendre lumière qui adoucit et rend lumineux cet univers de boue et de sang, de détritus et de cendres. Sans nous aveugler un seul instant sur la boue, le sang et les cendres, il opère une étrange transmutation de toutes choses. Elles restent les mêmes et pourtant elles sont tout à coup « sauvées », « rédimées », « rachetées »… Il ne me donne rien sauf sa personne, sa vie, son agonie sur la croix, ce livre imprimé et ce tombeau vide au petit matin de printemps. Il ne me donne rien sauf le salut qui est tout » (Petru Dumitriu, dans « Comment ne pas L’aimer ? », Cerf, p 9).
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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