Archive pour le 2 août, 2012

la dormizione e l’Assunzione della Beata Vergine Maria

2 août, 2012

 la dormizione e l'Assunzione della Beata Vergine Maria dans images sacrée miniature47

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Création et nature dans l’Ancien Testament

2 août, 2012

http://www.eleves.ens.fr/aumonerie/numeros_en_ligne/pentecote04/seneve001.html

Création et nature dans l’Ancien Testament

Arnaud Basson

La création tient une place importante dans l’Ancien Testament, puisque c’est par elle que s’ouvre la Genèse. Mais cette place ne se limite pas au récit inaugural, bien au contraire, les épisodes de la création sont par la suite rappelés à de très nombreuses reprises. Nous allons donc explorer quelques textes bibliques où il est question de la création, entendue comme l’acte divin de créer ou comme l’univers créé, de la nature, en effet ces deux aspects sont souvent liés, et on verra que la nature ne manque pas de jouer un rôle dans l’histoire de l’Alliance de Dieu avec les hommes. J’ai choisi de ne pas évoquer les célèbres récits de la Genèse et de l’Exode (que le lecteur connaît au moins aussi bien que moi !), pour me concentrer davantage sur les psaumes et cantiques — la création a beaucoup inspiré les psalmistes — et les écrits prophétiques principalement.

La nature dans la rencontre de Dieu et de l’homme
La terre qui ruisselle de lait et de miel

La terre de Palestine joue un rôle important dans l’histoire de l’Alliance entre Dieu et le peuple qu’il s’est choisi. Elle est tout d’abord au coeur de la promesse faite à Abraham : c’est le pays que Dieu donne à ce nomade qui erre depuis que Dieu l’a fait quitter sa patrie1, c’est là que sa descendance se multipliera pour devenir aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel. Plus tard, Dieu, dans le buisson ardent, promet à Moïse d’y conduire Israël, de le faire monter « vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel »2. Ce don de la Terre promise se trouve marqué dans les rites d’Israël par l’offrande au Seigneur des prémices des récoltes (Dt 26) : pour commémorer ce don de la terre, on apporte à l’autel les prémices pour les consacrer à Dieu, en disant : « Je déclare aujourd’hui à Yahvé mon Dieu que je suis arrivé au pays que Yahvé avait juré à nos pères de nous donner » (v. 3) et en faisant mémoire de l’Exode, reconnaissant ainsi que les produits de la terre sont aussi un don du Seigneur (v. 10). Dans cette logique, Israël rend grâce à Dieu pour l’abondance des récoltes, comme dans le psaume 65 10–14, hymne empreint d’une grande allégresse : « Sur ton passage la fertilité ruisselle. Les pacages du désert ruissellent, les collines prennent une ceinture de joie, les prés se parent de troupeaux; les plaines se drapent de blé : tout crie et chante. » (vv. 12–14)
La Terre promise est encore associée au destin du peuple élu, à sa fidélité à Dieu, par l’intermédiaire de la fecondité ou de l’aridité du sol. En effet, la fertilité de la terre et l’abondance des récoltes sont une preuve de la faveur divine, un signe de paix, voire de salut (comme annoncé en Dt 7 13, 11 11–15, 28 4–5.8.11–12); au contraire, la sécheresse et les autres fléaux naturels sources de famine sont des châtiments de l’idôlatrie, de l’impiété du peuple qui s’est détourné de son Dieu3. Ceci est illustré par l’épisode de la grande sécheresse envoyée par Dieu en Israël par la bouche du prophète Élie (1 R 17–18) pour punir ceux qui adoraient les Baals; une fois qu’Élie a rétabli le culte de Yahvé et tué les prophètes de Baal, la pluie revient. Le prophète Osée développe des idées similaires, en superposant ce thème et celui de l’épouse infidèle (Os 2 4–15.24) : Israël s’étant prosterné devant des idoles pour obtenir la fécondité de la terre, le Seigneur va faire survenir l’aridité, pour que son peuple reconnaisse que c’est Yahvé qui donne « le froment, le vin nouveau et l’huile fraîche » (v. 10). Lorsqu’Israël se sera converti, l’abondance reviendra (v. 24). De même, le prophète Amos, qui menace Israël d’un châtiment imminent pour son infidélité, explique que Dieu a envoyé la sécheresse pour inciter à la repentance et à la conversion (Am 4 6–9). La faim et la soif de nourriture doivent conduire à la faim et la soif de la parole de Dieu (8 11–13). Enfin, le prophète promet une restauration finale à son peuple, symbolisée par une merveilleuse fécondité des récoltes (9 13–15)4. On retrouve encore ces thèmes en Jl 1 : le pays est dévasté par une invasion de sauterelles, mais la terre retrouve sa fécondité au jour du salut5.

Le désert
Le désert dans la Bible est souvent un lieu privilégié de rencontre de l’homme avec Dieu. C’est l’endroit où l’on est seul face à soi et face à Dieu, c’est un lieu de vérité, de conversion, où il faut choisir pour de bon si l’on veut suivre ou non la voie du Seigneur. C’est donc aussi le lieu de la tentation suprême. Le peuple hébreu sorti d’Égypte chemine pendant quarante ans au désert, dans une relation privilégiée à Dieu qui le guide, le nourrit et le désaltère, et qui se révèle à Moïse : « Le Seigneur rencontre son peuple au pays du désert, dans les solitudes remplies de hurlements sauvages : il l’entoure, il l’instruit, il veille sur lui comme sur la prunelle de son oeil. »6 Mais il n’échappe pas à l’épreuve de la tentation7, comme le résume le psaume 95 : « N’endurcissez pas vos coeurs comme [...] au désert, où vos pères m’éprouvaient, me tentaient, alors qu’ils me voyaient agir ! » (vv. 8–9). Le thème de la tentation au désert est d’ailleurs repris dans les Évangiles à propos de Jésus. La conversion au désert est évoquée par le prophète Osée, par la bouche de qui le Seigneur promet châtiment puis restauration à sa femme infidèle Israël : « Je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son coeur » (Os 2 16).

La montagne, lieu de la théophanie
La montagne est par excellence le lieu de la manifestation de Dieu. C’est au Sinaï que Moïse voit le buisson ardent, c’est là encore que Dieu descend pour la conclusion de l’Alliance, provoquant coups de tonnerre, éclairs, nuée, son de trompette, tremblement de terre8, c’est là enfin que Moïse aperçoit la gloire de Yahvé (34 6). On retrouve d’ailleurs ce genre de manifestations divines dans de nombreux psaumes. C’est encore sur cette montagne que Dieu passe devant le prophète Élie9, qui assiste lui aussi à des signes spectaculaires, mais finalement c’est dans la brise légère qu’Élie reconnaît Dieu. Dans le Nouveau Testament, c’est sur une montagne que Jésus sera transfiguré.
Lieu de manifestation divine, la montagne est aussi un lieu de communication entre Dieu et les hommes : la présence divine est déjà une révélation; c’est au Sinaï que Dieu révèle son Nom, qu’il donne à son peuple les commandements et la loi et fait alliance avec lui. Enfin, la montagne est un lieu de culte, comme le montre par exemple l’épisode du sacrifice du Carmel10, ou l’autel bâti par Josué sur le mont Ébal, près de Sichem11. Primitivement, les Israélites offraient des sacrifices sur les hauts-lieux12 — les hauts-lieux sont aussi des lieux de culte des idoles. Le lieu de culte par excellence est bien sûr le Temple de Jérusalem, bâti sur la colline de Sion, qui est très souvent appelée la montagne du Seigneur, la montagne de Sion, ou la sainte montagne, notamment dans les psaumes13.

Contempler Dieu à travers la création
La création, par sa seule existence, contient déjà une première révélation de Dieu. Ainsi, le psaume 19 nous montre que la création nous parle de Dieu: « Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament proclame l’oeuvre de ses mains. [...] Ce n’est pas un récit, il n’y a pas de mots, leur voix ne s’entend pas. Leur harmonie éclate sur toute la terre et leur langage jusqu’au bout du monde. » (vv. 2.4–5) Par son existence même, par sa beauté, elle évoque Dieu comme son créateur, et constitue par elle-même une louange à sa gloire. C’est cependant dans le livre de la Sagesse que cette idée est véritablement développée (Sg 13 1–9) : la contemplation de la nature doit conduire à en reconnaître le créateur, il ne faut pas s’arrêter à l’apparence des choses ni faire des éléments et forces de la nature des idoles, mais il faut remonter jusqu’à Dieu à partir d’eux. « La grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur. » (v. 5); ceux qui « ont été capables d’acquérir assez de science pour scruter le monde, comment n’en ont-ils pas plus tôt découvert le Maître ! » (v. 9) On trouve aussi une allusion à cette idée en Si 17 8–10; elle sera plus tard reprise par saint Paul.

Les psaumes et cantiques

Dieu créateur et souverain de la création
Le thème de la création revient souvent dans les psaumes. Tout d’abord, on trouve de fréquentes affirmations que Dieu est le créateur : « Autrefois tu as fondé la terre, et les cieux sont l’oeuvre de tes mains » (Ps 102 26), le Seigneur est « l’auteur de la terre et des cieux, de la mer, de tout ce qui s’y trouve » (Ps 146 6)14.
En tant qu’oeuvre de Dieu, la création lui appartient : « Il tient dans sa main les gouffres de la terre; les crêtes des montagnes sont à lui. À lui la mer, c’est lui qui l’a faite, et les continents, que ses mains ont formés ! »15 Dieu est aussi le créateur des hommes, en particulier d’Israël son peuple, et à ce titre il faut l’adorer. C’est pourquoi le psalmiste ajoute aussitôt : « Allons nous incliner, nous prosterner; à genoux devant le Seigneur qui nous a faits! » (Ps 95 6)
Le psaume 8, qui propose une méditation sur la création dans son ensemble et particulièrement sur la place de l’homme dans celle-ci, mérite une attention particulière. Au verset 4, le psalmiste contemple la grandeur de la création, oeuvre de Dieu, il semble admiratif devant les cieux, la lune et les étoiles, mais il est surtout troublé de voir combien l’homme est peu de chose face à cet univers immense : « Qu’est donc l’homme pour que tu penses à lui, l’être humain pour que tu t’en soucies ? » (v. 5) La formulation de la question laisse déjà sous-entendre que Dieu a réservé à l’homme un statut particulier : « Tu en as presque fait un dieu, tu le couronnes de gloire et d’éclat. » (v. 6), et Dieu en a fait le sommet de la création, lui soumettant tous les animaux de la terre, du ciel et de la mer (vv. 7 à 9, cf. Gn 1 28). Cette contemplation de la création et de l’homme qui n’est rien par lui-même mais à qui Dieu a fait tant d’honneur, conduit à la louange du Seigneur, qui encadre le psaume (vv. 2 et 10).
L’affirmation que Dieu est le créateur est souvent associée à l’idée qu’il est le maître de la nature, de la création, qu’il la dirige ; ainsi dans les psaumes où on lui attribue les éléments climatiques : vent, éclairs16, nuages, pluie, neige, gel et dégel17, Dieu déchaîne et apaise les tempêtes18.
Arrêtons-nous un instant sur le premier de ces psaumes, qui est en fait une prière d’appel à l’aide contre les ennemis, suite à la destruction du temple de Jérusalem. Après une lamentation décrivant les méfaits des envahisseurs et interpellant le Seigneur qui a laissé faire (74 1–11), le psalmiste évoque la force et la puissance de Dieu qui maîtrise la mer et abat les monstres marins, contrôle les rivières et a créé les jours et les nuits, les astres, la terre et les saisons (vv. 12–17). Enfin il fait appel à Dieu contre ses ennemis (vv. 18–23). Ainsi le psalmiste décrit la puissance de Dieu, car il veut faire appel à elle pour être libéré de ses oppresseurs. La contemplation de la création, qui manifeste cette omnipotence divine, devient alors un puissant motif de confiance et d’espérance : puisque ce Dieu est le Seigneur tout-puissant, il est capable de vaincre aisément ses ennemis. Cet emploi du thème de la création associé au thème du salut (collectif ou individuel), via l’évocation de la puissance de Dieu, est sans doute l’un des plus fréquents dans les psaumes.
Cette association se retrouve dans les psaumes 124 et 146 par exemple; elle est développée aussi dans le psaume 33, dans une louange confiante au Seigneur pour sa fidélité et sa droiture. Ici le rôle central est joué par la parole efficace de Dieu : il a créé par sa parole (v. 6), « c’est lui qui a parlé, et cela arriva; lui qui a commandé, et cela exista » (v. 9). Autrement dit, le pouvoir du Seigneur est tel, que lorsqu’il commande quelque chose, son ordre est aussitôt exécuté, sa volonté s’accomplit toujours. Cela vaut aussi bien pour la création que pour ses desseins dans l’histoire du monde : c’est son plan qui se réalise et non celui des hommes (vv. 10–11). C’est pourquoi on peut se fier entièrement à lui, il est notre « aide, notre bouclier » (v. 20), et le psalmiste s’en réjouit, car Dieu préserve ses fidèles de la famine et de la mort (v. 19). Il peut alors s’écrier : « Notre confiance est dans le nom très saint [du Seigneur]. Que ta fidélité, Seigneur, soit sur nous, comme notre espoir est en toi. » (vv. 21–22)

La majesté et la puissance de Dieu manifestées dans la nature
Comme on l’a entrevu dans le psaume 74, la nature peut être utilisée pour décrire de façon poétique la puissance et la majesté de Dieu. Le psaume 29 en est une remarquable illustration. Dans ce chant d’adoration, la voix du Seigneur est assimilée à l’orage : elle « domine les eaux, fracasse les cèdres, fait bondir le Liban comme un veau, taille des lames de feu, fait trembler le désert, … » On retrouve cette métaphore dans le psaume 77 17–19, où les eaux, la terre et l’abîme frémissent devant Dieu. Comme précédemment, la description de la grandeur et de la force de Dieu, déjà manifestées dans ses exploits passés, suscite l’espérance de l’homme dans la détresse, et parvient même à vaincre ses doutes vis-à-vis du Seigneur (vv. 8–11).
La puissance de Dieu qui intervient pour sauver est encore mise en scène dans le psaume 18, bâti sur la même structure que les précédents: David, encerclé et en péril de mort, appelle Dieu à son secours (vv. 2–7). Le Seigneur entend et se manifeste par des signes cosmiques (vv. 8–16) pour délivrer David, qui peut alors rendre grâces à Dieu (fin du psaume). La force, la majesté de Dieu sont décrites à travers les signes de son passage : tremblement de terre, nuée, vent, feu, grêle, orage; « les fondations du monde furent dévoilées par ton grondement, Seigneur, par le souffle exhalé de ton nez » (v. 16). L’intervention du Seigneur est à la taille du monde entier, elle touche tout le cosmos, rien n’y échappe, c’est une puissance irrésistible. Ici encore, cette représentation grandiose est une façon de parler de la grandeur divine, de la célébrer, et surtout de montrer que l’on peut s’appuyer sur le Seigneur : le psaume l’exalte comme un refuge (vv. 3 et 31), un rocher (vv. 3, 32 et 47) — image très fréquente dans les psaumes pour désigner Dieu et son indéfectible fidélité — et nous montre sa force et sa fidélité en action.
Le prophète Nahum emploie les mêmes images pour décrire la puissance du Seigneur et inspirer la crainte de la colère divine qui s’abat sur ses ennemis, car Dieu est bon pour qui se confie en lui, mais redoutable pour ceux qui le défient : il provoque l’ouragan, menace les montagnes et les mers, brise les rochers (Na 1 3–6). La colère de Dieu contre les ennemis d’Israël et sa puissance déployée pour sauver le peuple élu apparaissent encore à la fin du livre d’Habaquq (Ha 3 3–15). Ici les signes spectaculaires semblent précéder rien moins que l’apparition de Dieu : « La majesté de Dieu voile les cieux, la terre est pleine de sa gloire. Son éclat est pareil au jour, des rayons jaillissent de ses mains. [...] Il se dresse et fait trembler la terre, il regarde et fait frémir les nations. Alors les monts éternels se disloquent, les collines antiques s’effondrent. [...] Le soleil et la lune restent dans leur demeure; ils fuient devant l’éclat de tes flèches, sous la lueur des éclairs de ta lance. » (vv. 3–4.6.11)
La mention de l’immense puissance du Créateur est souvent associée au rappel des merveilles qu’il a accomplies pendant l’Exode, car cet événement est évidemment le fondement de la confiance d’Israël en Dieu sauveur. C’est le cas dans le psaume 136 : Dieu est l’auteur du monde (vv. 4–9), il a fait sortir Israël d’Égypte et lui a fait passer la mer (vv. 10–15), le conduisant jusqu’en Terre promise. Tous les versets de ce psaume sont rythmés par le refrain « car sa fidélité est pour toujours », pour exprimer que le même Dieu est à la fois créateur, sauveur et fidèle. On peut citer aussi le psaume 77, versets 20 et 21, que l’on a déjà mentionné, et surtout le psaume 114 : à la vue de Dieu qui a tiré son peuple d’Égypte (v. 1), « la mer s’enfuit, le Jourdain reflua, les montagnes bondirent comme des béliers, les collines comme des cabris » (vv. 3–4 et 5–6), puis le psalmiste ajoute « terre, tressaille devant le Maître, devant le Dieu de Jacob, lui qui change le roc en étang, et le granit en fontaine19» (vv. 7–8). Toute la nature et même la terre entière sont saisies d’admiration et de crainte devant l’oeuvre de Dieu.
Les différents thèmes que nous avons rencontrés jusqu’ici se trouvent comme résumés dans le psaume 89 (versets 1 à 19), qui est une hymne de louange à Dieu pour son amour et surtout sa fidélité: Dieu est le créateur (vv. 12–13), il est le maître de la mer (v. 10) et il maîtrise les vagues déchaînées, tout comme il renverse ses ennemis (v. 11), il possède le ciel et la terre (v. 12). Le psalmiste chante la loyauté, la bonté et la justice du Seigneur, qui est le créateur plein de majesté et le maître tout-puissant du monde; pour cela, le monde entier lui rend grâce : les cieux célèbrent ses merveilles (v. 6), les monts Tabor et Hermon crient de joie pour lui (v. 13), et le peuple d’Israël l’acclame et danse de joie (vv. 16–17).

La louange
On débouche donc très naturellement sur une joyeuse louange de Dieu, qui s’exprime à travers la nature dans plusieurs autres psaumes, notamment les psaumes 96 à 98 : « Que les cieux se réjouissent, que la terre exulte, et que gronde la mer et ses richesses ! Que la campagne tout entière soit en fête, que tous les arbres des forêts crient de joie devant le Seigneur. »20 Ces psaumes acclament Dieu comme roi et juge du monde entier, suscitant une jubilation qui a un caractère tout à fait universel; le psalmiste répète à plusieurs reprises que la souveraineté de gloire et de justice du Seigneur s’étend sur toutes les nations21. La magnificence de la nature permet aussi de louer Dieu qui est encore plus magnifique, comme dans le psaume 93 : « Les flots ont enflé leur voix. Plus que la voix des grandes eaux, et des vagues superbes de la mer, superbe est le Seigneur dans les hauteurs ! » (vv. 3–4)
Autre forme de louange, le psaume 104 s’adresse au Seigneur en contemplant la merveille qu’est la création, oeuvre de Dieu. Les premiers versets décrivent la grandeur de Dieu à l’aide d’éléments célestes (vv. 2–4), puis le psalmiste retrace la création du ciel (v. 2) et de la terre, que Dieu sépara des eaux (vv. 5–9) — on retrouve encore les thèmes du tonnerre et de la domination de la mer. Puis le psalmiste passe en revue les animaux qui remplissent la création, dans une longue description, émerveillé par tous les bienfaits répandus par Dieu, et par sa prévoyance. Alors le psalmiste s’exclame : « Que tes oeuvres sont nombreuses Seigneur ! Tu les as toutes faites avec sagesse. » (v. 24) Dans ce psaume, la création semble comme suspendue à la bienveillance de Dieu : c’est lui qui dirige l’écoulement de l’eau (vv. 10–12), qui fait pousser l’herbe (v. 14), surtout qui fournit la nourriture aux êtres vivants (vv. 14–16.21.27–28) et enfin qui leur donne et retire le souffle vital (vv. 29–30). Il nous est ainsi rappelé que Dieu ne nous a pas seulement donné la vie, mais aussi que c’est grâce à lui que nous subsistons chaque jour. La nature n’est pas notre bien acquis définitivement qui nous rendrait autonome : tout demeure entièrement dépendant de Dieu, et c’est par lui que la création peut se maintenir et durer. Il est donc bon et juste de lui rendre grâce tous les jours de notre vie (v. 33) pour ses dons : « Bénis le Seigneur, ô mon âme ! » (vv. 1 et 35)
Terminons cette petite promenade dans les psaumes en convoquant toute la nature à louer Dieu avec le psaume 148 : « Alléluia ! Louez le Seigneur depuis les cieux : [...] louez-le, soleil et lune, louez-le, vous toutes les étoiles brillantes; louez-le, vous les plus élevés des cieux, et vous les eaux qui êtes par-dessus les cieux. [...] Louez le Seigneur depuis la terre : dragons et vous tous les abîmes, feu et grêle, neige et brouillard, vent de tempête exécutant sa parole, montagnes et toutes les collines, arbres fruitiers et tous les cèdres, etc. » L’élan de la louange dans le coeur du psalmiste est si puissant qu’il s’étend à toutes les créatures vivantes et inertes, il ne faut rien de moins pour louer la grandeur de Dieu. Si la majesté de Dieu est grande comme l’univers, il faut que la louange ne soit pas moins grande, que l’univers entier le glorifie ! Mais Dieu est plus grand encore : « Qu’ils louent le nom du Seigneur, car son nom est sublime, lui seul, sa splendeur domine la terre et les cieux. » (v. 13) Ainsi cette louange cosmique manifeste la grandeur suprême de Dieu qui dépasse tout le créé : elle nous montre sa transcendance. Enfin, elle établit une juste relation entre Dieu et sa création, fondée sur la reconnaissance que nous lui devons tout, à lui qui prend soin de son peuple (v. 14), une harmonieuse relation de communion, pleine d’allégresse, entre le créateur bienfaiteur et ses créatures remplies de joie dans l’action de grâce.
On retrouve ce même élan de louange universelle dans le cantique dit des trois enfants en Daniel 3 : trois jeunes juifs sont jetés dans une fournaise ardente car ils ont refusé d’adorer une idole, et le Seigneur les préserve miraculeusement des flammes, tandis qu’ils entonnent un cantique bénissant et glorifiant Dieu : « Toutes les oeuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur ; célébrez-le et exaltez-le à jamais… » (vv. 57–90) À la miséricorde du Seigneur qui les a délivrés de la flamme ardente, ils répondent par cette louange qui englobe toute la création et semble vouloir être sans limite : en effet on touche là sûrement à la plus grande, la plus éminente des oeuvres de Dieu : son amour qui sauve les hommes qui l’implorent, la merveille du salut, plus excellente encore que toutes les merveilles de la création22.

Le Cantique des Cantiques
Dans cet étonnant chant d’amour d’un bien-aimé et de sa bien-aimée qu’est le Cantique des Cantiques, les comparaisons poétiques empruntées à la nature, telles les fleurs parfumées, les vignes qui bourgeonnent, la colombe, etc., sont légion. Un regard plus attentif permet de constater que ces comparaisons sont principalement appliquées à la bien-aimée, et elles renvoient à plusieurs reprises à la géographie d’Israël ou à des constructions célèbres, nous indiquant ainsi une des lectures possibles de ce texte : la jeune fille représente le peuple d’Israël, son fiancé le Seigneur, et ce chant d’amour célèbre l’amour entre Dieu et son peuple — la description de la relation entre le Seigneur et Israël en terme d’amour conjugal est d’ailleurs fréquente dans les écrits des prophètes.
L’identification de la bien-aimée avec la terre d’Israël s’appuie essentiellement sur la description que le bien-aimé fait d’elle : « Tes yeux sont des colombes, derrière ton voile, tes cheveux comme un troupeau de chèvre, ondulant sur les pentes du mont Galaad. Tes dents, un troupeau de brebis. [...] Tes joues, des moitiés de grenades, derrière ton voile. Ton cou, la tour de David, bâtie par assises. [...] Tes deux seins, deux faons, jumeaux d’une gazelle, qui paissent parmi les lis. [...] Viens du Liban, ô fiancée, viens du Liban, fais ton entrée. Abaisse tes regards, des cimes de l’Amana, des cimes du Sanir et de l’Hermon23. [...] Tes lèvres, ô fiancée, distillent le miel vierge. Le miel et le lait24 sont sous ta langue; et le parfum de tes vêtements est comme le parfum du Liban. »25 La fiancée est aussi comparée à Jérusalem et Tirça26 en 6 4; le bien-aimé continue : « Ton cou, une tour d’ivoire. Tes yeux, les piscines de Heshbôn, près de la porte de Bat-Rabbim. Ton nez, la tour du Liban, sentinelle tournée vers Damas. Ton chef se dresse, semblable au Carmel27. » (7 5–6) À cela, on peut ajouter la mention de la couleur de sa peau : « je suis noire et pourtant belle, filles de Jérusalem, comme les tentes de Qédar, comme les pavillons de Salma. Ne prenez pas garde à mon teint basané : c’est le soleil qui m’a brûlée » (1 5–6), le soleil a brûlé sa peau tout comme il brûle le pays d’Israël et les déserts voisins. Enfin, on peut voir dans les passages où la bien-aimée est à la recherche de son bien-aimé des allusions à la conversion d’Israël après s’être détourné de Dieu…
Dans ce contexte, les métaphores du jardin, des fleurs et plantes parfumées qui désignent la bien-aimée peuvent aussi être vues comme des allusions aux terres verdoyantes d’Israël : « Elle est un jardin bien clos, ma soeur, ô fiancée; un jardin bien clos, une source scellée. Tes jets font un verger de grenadiers, avec les fruits les plus exquis : le nard et le safran, le roseau odorant et le cinnamome. [...] Source des jardins, puits d’eaux vives, ruissellement du Liban ! » (4 12–15) Les noces des deux fiancées sont ensuite exprimées par la venue du fiancé dans ce jardin où il recueille toutes ces plantes embaumées et fleurissantes, symboles de leur amour (4 16–5 1, 6 2), « au jardin des noyers je suis descendu, pour voir les jeunes pousses de la vallée, pour voir si la vigne bourgeonne, si les grenadiers fleurissent » (6 11), puis un peu plus loin : « [La bien-aimée :] Dès le matin nous irons aux vignobles. Nous verrons si la vigne bourgeonne, si les pampres fleurissent, si les grenadiers sont en fleur. Alors je te ferai le don de mes amours. Les mandragores exhalent leur parfum, à nos portes sont tous les meilleurs fruits. Les nouveaux comme les anciens, je les ai réservés pour toi, mon bien-aimé. » (7 13–14; cf. aussi 8 2)

La création et l’espérance du salut dans la prédication d’Isaïe à Babylone
Les thèmes de la création et des éléments de la nature apparaissent de très nombreuses fois dans les chapitres 40 à 55 du livre d’Isaïe — ce que l’on appelle le Second Isaïe. Le prophète se trouve alors avec son peuple en exil à Babylone, et il prêche la consolation d’Israël : le Seigneur va libérer son peuple — il est contemporain de la montée en puissance du souverain perse Cyrus (évoqué à plusieurs reprises dans ses oracles) qui va bientôt renverser l’empire babylonien et permettre le retour des exilés. Cependant ses compatriotes semblent douter de leur prochaine libération, et le prophète doit s’efforcer de les convaincre (cf. 50 2). Le Dieu dont parle Isaïe est le créateur du ciel et de la terre, de ceux qui la peuplent, il a « tendu les cieux et fondé la terre » (le prophète le répète une dizaine de fois28); et lorsqu’Isaïe parle de Dieu en ces termes, c’est pour annoncer le salut d’Israël. Ceci nous fournit une première clé pour comprendre l’objectif de cette insistance : si Dieu est le créateur du monde, alors il en est aussi le souverain, il est le maître de l’histoire, il a tout pouvoir sur ce monde : en particulier celui de provoquer la chute de Babylone et de ramener les Israélites sur leur terre. En affirmant ce statut unique de Dieu, dont personne ne peut remettre en question les desseins et qui décide du destin des nations (cf. 40 12–18, 45 11–13), le prophète veut montrer à Israël la puissance de son Dieu et par suite la certitude du salut annoncé.
Le salut que Dieu apporte à son peuple est encore symbolisé par l’eau : le Seigneur fait couler de l’eau, ou jaillir des sources, des fleuves, dans le désert29. Le Seigneur va désaltérer les assoiffés : la soif représente l’exil, l’oppression, et l’eau la libération, le bonheur. En 44 3–5, le salut va plus loin que la simple libération, l’eau devient symbole de l’Esprit qui inspirera à Israël une nouvelle fidélité au Seigneur. De la même façon, Dieu change les steppes arides en pays verdoyants, symbole de renouveau, de vivification (41 19, 45 18) où le salut et la justice ruissellent comme la rosée et germent comme les plantes (49 9, 55 13). Inversement, Dieu peut assécher les rivières et la végétation, dévaster la nature, en signe de sa puissance que rien n’arrête, de sa victoire sur ses ennemis, ou manifestation de sa colère contre l’impiété30. Une dernière image qui évoque le salut est celle des montagnes et collines que le Seigneur aplanit pour tracer son chemin au milieu du désert31 : rien ne saurait s’opposer au Seigneur, pas même une montagne ou un désert, son plan de salut se réalisera quoi qu’il arrive.
L’affirmation forte que le Seigneur est le créateur a un autre corollaire, c’est celui de l’inexistance d’autres dieux, des idoles des peuples étrangers (vers lesquelles Israël s’était tourné). Nous trouvons là une autre caractéristique du second Isaïe, c’est la proclamation d’un monothéisme vigoureux et triomphal. Le prophète se plaît à décrire le Dieu d’Israël, créateur et seigneur du monde, qui tient en main les destinées des nations, sauve son peuple et lui fait part de ses plans par l’intermédiaire des prophètes, tandis que les idoles ne sont que des morceaux de bois, des cailloux ou des statues inertes… Que Dieu soit le créateur et le maître du monde entier a une troisième conséquence : les desseins divins ne concernent pas que le peuple d’Israël, mais tous les peuples, c’est l’universalisme — autre trait saillant du deutéro-Isaïe (ce qui n’empêche pas Israël de garder une place centrale et unique dans le plan de Dieu)32.
Enfin, le prophète n’hésite pas à personnifier des éléments de la nature, principalement pour leur prêter exultation et cris de joie à la nouvelle et à la vue de la libération d’Israël : 43 20 (les animaux du désert rendent gloire à Dieu), 44 23 (ciel, terre, montagnes et forêts acclament le Dieu rédempteur), 49 13 (idem), 55 12 (montagnes, collines et tous les arbres battent des mains au passage d’Israël libéré). Ainsi, dans cette seconde partie du livre d’Isaïe, les évocations de la nature sont toujours en lien avec Dieu (on pourrait s’attarder aussi sur l’emploi de métaphores, par exemple en 55 9–10…), et visent à exprimer et renforcer le message du salut proclamé par le prophète (il faut mentionner aussi le rappel des miracles de l’Exode : la traversée de la mer, l’eau jaillie du rocher…). On voit donc que la création, tout entière dominée par Dieu, peut jouer un rôle dans la relation entre les hommes et Dieu.
La création a toute sa place dans l’histoire du salut : elle révèle Dieu d’une certaine manière, elle est le signe de sa toute-puissance qui réconforte le psalmiste comme le prophète en exil lorsque sa confiance en Dieu est ébranlée; par elle, l’auteur biblique chante la gloire du créateur et lui rend grâce avec allégresse; elle est parfois aussi un instrument dans la main de Dieu qui fait des miracles. On peut aller plus loin : la création semble même participer à l’Alliance, comme gage et témoin de la fidélité de Dieu vis-à-vis des hommes : « si vous réussissez à rompre mon alliance avec le jour, et mon alliance avec la nuit, en sorte que le jour et la nuit n’arrivent plus au moment voulu, alors mon alliance avec mon serviteur David sera également rompue » (Jr 33 20–21, cf. 31 35–37); comme le montrent les perspectives de fécondité paradisiaques déjà évoquées, la création doit surtout participer à la rédemption d’Israël — et des nations, car la nature est aussi un signe d’universalisme — aux temps messianiques du salut, où elle sera transfigurée. Cette transformation est déjà en germe lors de l’Exode, où la nature est comme remodelée pour le salut des Israélites33; elle apparaît aussi dans les paroles d’Isaïe qui voit la création exultant de joie à l’annonce et lors de la libération des exilés de Babylone. Aux temps messianiques, la paix et l’harmonie seront rétablies dans la création tout entière, toutes les créatures seront en communion avec Dieu et entre elles : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits, même gîte. Le lion, comme le boeuf mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra. Sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main. Il ne se fera ni mal, ni destruction sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur, comme la mer que comblent les eaux. » (Is 11 6–9, repris en 65 25), et encore: « Je concluerai pour eux une alliance, en ce jour-là, avec les bêtes des champs, avec les oiseaux du ciel et les reptiles du sol; l’arc, l’épée, la guerre, je les briserai et les bannirai du pays, et eux, je les ferai reposer en sécurité. » (Os 2 20)

A.B.

Jean Paul II: Ps 141, 2-3.6-8

2 août, 2012

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2003/documents/hf_jp-ii_aud_20031112_fr.html

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II

Mercredi 12 novembre 2003

Premières Vêpres – dimanche de la 1 semaine
Lecture: Ps 141, 2-3.6-8

1. Le soir du 3 octobre 1226, saint François d’Assise était en train de s’éteindre: sa dernière prière fut précisément la récitation du Psaume 141, que nous venons d’écouter. Saint Bonaventure rappelle que saint François « se mit à réciter avec force le Psaume: « A Yahvé mon cri! J’implore! A Yahvé mon cri! Je supplie » et il le récita jusqu’au dernier verset: « Autour de moi les justes feront cercle, à cause du bien que tu m’as fait »" (Legenda maior, XIV, 5, in: Fonti Francescane, Padoue – Assise 1980, p. 958).
Le Psaume est une intense supplication, rythmée par une série de verbes d’imploration adressés au Seigneur: « J’implore à l’aide », « Je supplie Yahvé », « Je déverse ma plainte », « ma détresse, je la mets devant lui » (vv. 2-3). La partie centrale du Psaume est dominée par la confiance en Dieu qui n’est pas indifférent à la souffrance du fidèle (cf. vv. 4-8). C’est dans cette attitude que saint François alla vers la mort.
2. Dieu est interpellé par un « Tu », comme une personne qui donne la sécurité: « Toi, mon abri » (v. 6). « Toi, tu connais mon sentier », c’est-à-dire l’itinéraire de ma vie, un parcours marqué par le choix de la justice. Sur cette voie, les impies lui ont cependant tendu un piège (cf. v. 4): il s’agit de l’image typique tirée des scènes de chasse et fréquente dans les supplications des Psaumes pour indiquer les dangers et les menaces auxquels le juste doit faire face.
Face à ce cauchemar, le Psalmiste lance comme un signal d’alarme, afin que Dieu voie sa situation et intervienne: « Regarde à droite et vois » (v. 5). Dans la tradition orientale, à la droite d’une personne se tenait le défenseur ou le témoin favorable au cours d’un procès, ou bien, en cas de guerre, le garde du corps. Le fidèle est donc seul et abandonné, « pas un qui me reconnaisse ». C’est pourquoi il exprime une constatation angoissée: « Le refuge se dérobe à moi, pas un qui ait soin de mon âme » (v. 5).
3. Immédiatement après, un cri révèle l’espérance qui demeure dans le coeur de l’orant. Désormais, l’unique protection et la seule présence efficace est celle de Dieu: « Toi, mon abri, ma part dans la terre des vivants » (v. 6). Le « sort » ou la « part », dans le langage biblique, est le don de la terre promise, signe de l’amour divin à l’égard de son peuple. Le Seigneur reste désormais le dernier et l’unique fondement sur lequel se baser, la seule possibilité de vie, l’espérance suprême.
Le Psalmiste l’invoque avec insistance, car « il est à bout de force » (v. 7). Il le supplie d’intervenir pour briser la chaîne de sa prison de solitude et d’hostilité (cf. v. 8) et le tirer de l’abîme de l’épreuve.
4. Comme dans d’autres Psaumes de supplication, la perspective finale est celle d’une action de grâce, qui sera offerte à Dieu lorsque le fidèle aura été exaucé: « Fais sortir de prison mon âme, que je rende grâce à ton nom » (ibid.). Lorsqu’il aura été sauvé, le fidèle se rendra au milieu de l’assemblée liturgique pour rendre grâce à Dieu (cf. Ibid.). Les justes l’entoureront, car il considéreront le salut de leur frère comme un don qui leur a également été fait.
Cette atmosphère devrait régner également dans les célébrations chrétiennes. La douleur de chaque personne doit trouver un écho dans le coeur de tous; la joie de chacun doit également être vécue par toute la communauté de prière. En effet, qu’il est « bon et doux d’habiter en frères tous ensemble » (Ps 132, 1) et le Seigneur Jésus a dit: « Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18, 20).
5. La tradition chrétienne a appliqué le Psaume 141 au Christ persécuté et souffrant. Dans cette perspective, l’objectif lumineux de la supplication du Psaume se transfigure en un signe pascal, sur la base de l’issue glorieuse de la vie du Christ et de notre destin de résurrection avec lui. C’est ce qu’affirme saint Hilaire de Poitiers, célèbre Docteur de l’Eglise du IV siècle, dans son Traité sur les Psaumes.
Il commente la traduction latine du dernier verset du Psaume, qui parle de récompense pour l’orant et d’attente des justes: « Me expectant iusti, donec retribuas mihi ». Saint Hilaire explique: « L’Apôtre nous enseigne quelle récompense le Père a donnée au Christ: « Aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout au nom de Jésus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2, 9-11). Telle est la récompense: au corps, qu’il a assumé, est donnée l’éternité de la gloire du Père. Le même Apôtre nous enseigne ensuite ce qu’est l’attente des justes, en disant: « Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons ardemment, comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire » (Ph 3, 20-21). Les justes, en effet, l’attendent pour qu’il les récompense, en les rendant conformes à la gloire de son corps, qui est béni pour les siècles des siècles. Amen » (PL 9, 833-837).