Deuxième Livre des Rois, 4, 42 – 44 – commentaires de Marie Noëlle Thabut

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Dimanche 29 juillet: commentaires de Marie Noëlle Thabut

PREMIERE LECTURE – Deuxième Livre des Rois, 4, 42 – 44

42 Il y avait alors une famine dans le pays. Sur la récolte nouvelle, 
 quelqu’un offrit à Elisée, l’homme de Dieu, 
 vingt pains d’orge et du grain frais dans un sac. 
 Elisée dit alors :
 « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent. »
43 Son serviteur répondit :
 « Comment donner cela à cent personnes ? » 
 Elisée reprit :
 « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent, 
 car ainsi parle le SEIGNEUR :
 On mangera et il en restera. »
44 Alors il les servit, ils mangèrent, 
 et il en resta, selon la parole du SEIGNEUR.

Elisée a été prophète dans le Royaume du Nord, entre 850 et 800 av.J.C. environ. Son histoire se lit comme un roman : on la trouve pour la plus grande part dans le deuxième livre des Rois ; Elisée est le successeur du grand prophète Elie, il est son fils spirituel ; et, d’ailleurs, les auteurs bibliques lui attribuent des pouvoirs semblables à ceux du grand prophète. Voici comment, bien plus tard, vers 200 av.J.C, le livre du Siracide résume sa vie : « Lorsqu’Elie eut été caché dans le tourbillon, Elisée fut rempli de son esprit. Ses jours durant, il ne fut ébranlé par aucun chef et personne ne put lui en imposer. Rien n’était trop difficile pour lui… Pendant sa vie il fit des prodiges, même après sa mort ses oeuvres furent merveilleuses. » (Si 48, 12-14).
 Elisée n’a pourtant pas laissé d’écrits mais ses miracles et ses paroles de feu ont visiblement marqué la mémoire d’Israël ; familier des rois, il ne mâchait pas ses mots : apparemment, sa liberté de parole était totale parce qu’il était reconnu comme « un homme de Dieu » (2 R 3, 12). Et, malheureusement, il trouvait bien souvent à redire car, de son vivant, l’idolâtrie n’a jamais cessé dans le Royaume du Nord. Il lui est arrivé, plus d’une fois, de se mêler de politique, d’ailleurs, quand il s’agissait de favoriser un roi disposé à respecter l’Alliance. C’est ainsi, qu’un beau jour, il a tranquillement profité du déplacement du roi (Achazias) pour en faire sacrer bien vite un autre à sa place (Jéhu) !
 Mais cet « homme de Dieu » doit principalement sa célébrité à ses nombreux miracles : deux d’entre eux nous sont proposés ailleurs dans la liturgie : la naissance du fils de la Shunamite (2 R 4, 8-16) et la guérison du général syrien lépreux, Naaman (2 R 5). Mais il y en a bien d’autres ; à commencer par son premier geste, celui qui lui permit de se faire respecter comme porte-parole de Dieu : il ouvrit les eaux du Jourdain et traversa à pied sec (2 R 2, 14), comme Josué l’avait fait pour le peuple, lors de l’entrée dans la terre Promise (Jos 3), comme Elie lui-même venait de le faire devant lui (2 R 2, 8) ; je vous rappelle brièvement quelques autres des miracles d’Elisée dans l’ordre du récit du livre des Rois : quand les eaux de Jéricho devinrent mauvaises et frappèrent le peuple et les troupeaux de stérilité, c’est lui qu’on appela, et il les assainit (2 R 2, 19) ; il intervint à plusieurs reprises en faveur de la famille de Shunam qui l’avait hébergé, en particulier il ressuscita l’enfant (2 R 4 et 8). Pour finir, on ne parle pas souvent du miracle de l’huile, bien joli pourtant : une veuve pauvre, poursuivie par des créanciers, était sur le point de se faire enlever ses deux fils pour en faire des esclaves ; elle appela Elisée au secours ; celui-ci lui dit : « Que puis-je faire pour toi ? Dis-moi, que possèdes-tu chez toi ? » Elle répondit : « Je n’ai plus rien chez moi, si ce n’est un peu d’huile pour me parfumer. » C’était dire son extrême pauvreté : étant en deuil, elle ne se parfumait plus et avait rangé l’huile dans son placard, c’était la seule chose qui lui restait. Il n’en fallait pas davantage à l’homme de Dieu : il lui dit : « Va emprunter des vases chez tous tes voisins, des vases vides, le plus que tu pourras… Puis verse ton huile à parfumer dedans. » Vous devinez la suite : elle remplit autant de vases qu’elle put en trouver, l’huile coulait toujours. Elle n’avait plus qu’à vendre son huile pour payer ses dettes (2 R 4, 1-7).
 Venons-en à la multiplication des pains qui est notre première lecture de ce dimanche. Encore une fois, Elisée agit dans un contexte de pauvreté : grâce aux historiens, on sait que le royaume d’Israël a connu plusieurs fois la famine après une période de sécheresse. Ceci dit, la raison raisonnante n’est pas de son côté : on ne sait pas très bien quelle taille faisaient les vingt pains d’orge, mais il faut croire qu’ils étaient notoirement insuffisants, puisque, très sagement, et dans les meilleures intentions du monde, son serviteur a cherché à le dissuader : « Comment donner cela à cent personnes ? » sous-entendu « charité bien ordonnée commence par soi-même ». Mais la foi, la vraie, est têtue : sans désemparer, et sans changer un seul mot, d’ailleurs, Elisée répète « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent » ; cette fois, pourtant, il s’explique : « car ainsi parle le SEIGNEUR : On mangera, et il en restera. » Le serviteur n’a plus qu’à obéir, car, visiblement, Elisée ne puise pas son audace en lui-même. Comme toujours, il y a la voix de la raison humaine… et l’autre, celle qui sait que « Le SEIGNEUR est proche de ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent en vérité », comme dit le psaume de ce dimanche (Ps 144/145).
 Quelques remarques, pour terminer, sur le miracle lui-même : dans tous les récits de miracles, qu’ils soient de l’Ancien ou du Nouveau Testament, on retrouve quatre éléments, toujours les mêmes : premièrement, un vrai besoin : la maladie, le handicap, la mort, ou encore la famine (ici), …
 Deuxièmement, un geste libre : ici, quelqu’un a pris du pain sur sa récolte, en temps de famine, justement ;
 troisièmement, le recours à celui qui est considéré comme l’envoyé de Dieu : ici, Elisée ; les pains lui sont offerts, parce qu’il est reconnu comme l’homme de Dieu : on nous précise que ce sont des pains de prémices, (littéralement, de la récolte nouvelle) c’est-à-dire l’offrande liturgique.
 enfin, quatrièmement, la foi dans l’intervention du Seigneur : contre l’avis de son serviteur, Elisée maintient sa décision. La sollicitude de Dieu lui a donné raison !

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