Homélie du 15e dimanche ordinaire B

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Homélie du 15e dimanche ordinaire B

Am 7, 12-15 ;Ep 1, 3- 14 ; Mc 6, 7-13

Tout d’abord, une question : Pourquoi les chrétiens sont-ils appelés à se rassembler chaque dimanche ? Il ne faut surtout pas prendre nos églises comme des sortes de supermarchés pour denrées spirituelles, où chacun viendrait faire ses provisions pour la semaine. Cela serait consternant, disait un expert bibliste.
D’où, mon interrogation, à laquelle j’invite chacun à répondre à l’aise, en prolongement de la célébration eucharistique. Comme activité spirituelle personnelle, par exemple, ou sous forme de discussion familiale, très décontractée, « cool », comme disent les plus jeunes. Tout en sachant qu’il y a plusieurs réponses possibles, mais pas toutes égales en importance ou en exactitude.
Pourquoi cette question aujourd’hui ? Parce que l’évangile du jour nous dit que Jésus a rassemblé les Douze pour les envoyer en mission, et que le mot « envoyé » est le mot-clé de cette page de l’évangile de Marc. Mais il n’y a pas que les Douze. Luc parle aussi de Septante-deux, parmi lesquels des femmes. Or, Douze, dans la symbolique biblique, c’est le nombre des tribus d’Israël. Ce qui, dans l’évangile, représente ici l’embryon du peuple de Dieu, renouvelé par l’enseignement de Jésus. C’est l’avant-garde. Tandis que Septante-deux, c’est le nombre des autres nations de la terre (les nations non juives – les nations païennes).
Sans entrer dans plus de détails, on peut dire que Jésus convoque tous ses disciples le dimanche (le jour pascal – la Pâque hebdomadaire) pour un rassemblement (ekklesia), c’est-à-dire faire corps, faire Eglise. Et cela, notamment, pour les associer étroitement à sa mission et les envoyer pour accomplir les mêmes tâches que lui. Pas nécessairement au bout du monde, mais au moins dans nos milieux de vie : la famille, le quartier, le lieu de travail, le club sportif, les vacances.
Nous sommes envoyés comme les Douze ou les Septante-deux pour proclamer le message de Jésus, qui est un appel à la conversion, à un changement de mentalité, qui sera celle d’un royaume de justice et de paix. Le Royaume des Béatitudes. Il ne suffit pas pour autant de proclamer. Il s’agit de donner suite à la mission du Christ, assurer sa continuité, en sachant qu’il n’est pas venu pour juger mais pour délivrer, pour sauver.
Ici, les paroles attribuées à Jésus nous laissent un peu perplexes. Car il s’agit d’abord et surtout de chasser les démons, d’accomplir des gestes de délivrance et de guérison. En ce temps-là, c’est aux démons que l’on attribuait tous les malheurs, toutes les maladies incurables, celles du corps et celles de l’âme. Ces démons sont qualifiés d’esprits « impurs ». Ce qui, dans le langage biblique, signifie « incompatibles avec Dieu ».
Aujourd’hui, diables et démons ont changé de nom et de visage. Mais les esprits « incompatibles avec Dieu » sont toujours bien là, sous d’autres masques, plutôt séduisants. Ils symbolisent cependant toutes les forces d’asservissement. Tout ce qui enferme, qui enchaîne ou aveugle et trompe les humains.
Ces forces diaboliques, vêtues de respectabilité et toujours parfaitement à la mode, peuvent être culturelles, économiques, politiques et même religieuses. Autrement dit encore : tout ce qui est incompatible avec l’esprit du message évangélique… C’est donc un véritable défi, très concret, actuel, et même quotidien, que les disciples de Jésus que nous sommes, ont à relever. Dans tous les domaines. Sans utiliser pour autant des méthodes violentes.
Marc ajoute quelques directives précises, que l’on dirait sorties d’un petit manuel du parfait missionnaire de l’époque. Il ne s’agit pas de les prendre à la lettre, naïvement ou stupidement, au risque d’en tuer l’esprit, comme cela arrive malheureusement trop souvent.
Je m’arrête un instant à la première. Pourquoi aller deux par deux ? Parce que, dans la Loi de Moïse, qui était celle du ministère de la justice de l’époque, deux témoins étaient nécessaires pour qu’un témoignage soit crédible. Plus essentiellement, et donc qui vaut pour tous les temps, « deux », symbolise une responsabilité à partager. Les « envoyés » doivent œuvrer en collaboration, en équipe. La mission n’est pas un problème d’exploit individuel à accomplir, mais une entreprise menée en commun. Chacun a besoin du soutien des autres, de leurs expériences, de leurs lumières, leurs suggestions, leurs critiques positives. Tout envoyé re-présente une communauté, constituée par Jésus et les siens. Evangéliser n’est donc pas l’affaire de quelques spécialistes, mais bien de chacun et de tous les disciples de Jésus. Deux, c’est le symbole de la communauté.
C’est la raison pour laquelle on dit que les communautés chrétiennes sont le terreau qui permet ou favorise la naissance et l’éclosion de toutes les vocations de témoins et de messagers de l’Evangile. D’où, une responsabilité collective (Cf aussi la responsabilité matérielle – la collecte, budget et contribution paroissiale). Et sans oublier pour autant que le témoignage de chacun fait partie intégrante de la mission.
Ce qui nous rappelle l’existence des prophètes, hommes ou femmes. C’est-à-dire des personnes, inspirées, possédées par l’Esprit, et qui perçoivent le message évangélique avec d’autant plus d’acuité qu’il est déformé, oublié ou même méprisé. Donc, les prophètes dérangent. Ils apparaissent comme des casse-pieds. Voyez Amos. Il n’a cessé de dénoncer le formalisme d’une religion ritualiste toute extérieure et réclamé plus de justice sociale… (C’est l’occasion de faire plus ample connaissance : ce sont 10 pages, dans la Bible).
Un dernier point que je livre à votre réflexion : Savez-vous quand Marc situe l’épisode de l’envoi en mission ? Au lendemain de l’échec de Jésus à la synagogue de Nazareth, son village, où personne ne l’a cru. Il est venu parmi les siens, et les siens ne l’ont pas reçu. Ses concitoyens les plus proches l’ont même foutu dehors… Or, le lendemain, il reprend le combat, il poursuit sa mission, il envoie des disciples. Matthieu ajoute même : « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ».
Pourquoi dès lors s’étonner d’être un jour ou l’autre confronté à des oppositions ou à l’échec !

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2009

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