Archive pour le 11 juillet, 2012
Grégoire de Nazianze : quelques éléments sur ses Oeuvres poétiques
11 juillet, 2012http://peresdeleglise.free.fr/textesvaries/oeuvrespoetiques1.htm
Grégoire de Nazianze : quelques éléments sur ses Oeuvres poétiques
Grégoire de Nazianze (v.330 – v.390), appelé aussi « le théologien », pour le distinguer de son père, est le fils d’un autre Grégoire (appelé généralement « l’Ancien »), qui était quant à lui évêque de Nazianze. Ce prénom de « Grégoire » était, comme on le voit, très fréquent à cette époque et il était volontiers donné à des chrétiens (il signifie « Veillez », en relation avec la phrase du Christ rapportée en Mt 26, 41 : « Veillez et priez »).
Grégoire, issu donc d’une famille très chrétienne, a été ordonné prêtre par son père ; il est un théologien fondamentalement bibliste : il cite la Bible par coeur et constamment. Nourri de l’Ecriture depuis sa plus tendre enfance, il raconte comment sa mère, très pieuse, lui avait fait commencer la lecture de la Bible alors qu’il avait à peu près 6 ans.
Ami de Basile de Césarée (le Grand Basile) qui lui-même est le frère de Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze forme avec eux ce groupe de Pères qu’on appelle les « Cappadociens »
L’oeuvre poétique de Grégoire est très importante : à la fois par le nombre de vers (environ 17 000) que par sa place (lien entre l’antiquité classique et le monde byzantin, entre la culture grecque traditionnelle et la mentalité chrétienne.
Quelques extraits ici serviront d’introduction à l’oeuvre et à la pensée de Grégoire de Nazianze : dans ses poèmes, très personnels, c’est de lui et de sa vie qu’il est souvent question : il nous livre ainsi beaucoup de sa vie spirituelle, de sa relation intime avec Dieu.
« Vers du même. Sur la route » :
« C’est en toi que nous reposons, Verbe de Dieu,
quand nous restons chez nous : à toi nous attachons notre loisir.
Assis, nous sommes à toi ; à toi en nous levant et en nous arrêtant ;
à toi encore quand nous partons ; et maintenant, c’est sur tes indications
que nous marchons droit devant nous. Mais puisses-tu m’envoyer
l’un de tes anges pour me guider, un accompagnateur favorable
qui me conduirait au moyen d’une colonne de feu et de nuée,
qui d’un mot fendrait la mer et arrêterait les cours d’eau,
qui dispenserait avec largesse une nourriture venue d’en haut comme d’en bas.
La croix, tracée par mes mains, réfrénerait l’audace
des ennemis. Au milieu du jour, la canicule
ne me brûlerait pas, et la nuit ne m’apporterait pas la peur.
Le sentier ardu et escarpé,
tu le rendrais lisse et praticable pour moi qui suis ton serviteur,
commme souvent déjà auparavant, en m’abritant sous ta main
tu m’as sauvé des dangers de terre et de mer,
de terribles maladies et de situations pénibles.
Après avoir ainsi tout accompli heureusement et comme nous l’espérions,
après avoir trouvé une issue favorable à notre voyage,
vers nos amis et nos parents retournons
joyeux pour les retrouver en joie
quand nous paraîtrons chez nous au terme de nos peines.
Devant toi nous nous prosternons, en te demandant
de nous accorder un dernier voyage aisé et plein de facilité. »
(« Les Belles Lettres », 2004, p. 46)
« Hymne du soir »
« Nous te bénissons maintenant, mon Christ, Verbe de Dieu, lumière de la lumière sans principe et dispensateur de l’Esprit, troisième lumière unie en une seule et même gloire !
Tu as dissipé les ténèbres, tu as produit la lumière, afin de tout créer dans la lumière et de rendre stable l’instable matière, en lui donnant forme dans le monde et sa belle harmonie d’aujourd’hui.
Tu as illuminé la pensée de l’homme par la raison et la sagesse, en plaçant ici-bas l’image de la splendeur d’en haut, afin que par la lumière il voie la lumière et devienne tout entier lumière.
C’est toi qui as fait briller le ciel de mille feux, toi qui as fait céder doucement la nuit au jour et le jour à la nuit selon ton ordre, rendant honneur à la loi de la fraternité et de l’amour.
Grâce à la nuit, tu mets fin à la fatigue de la chair qui peine tant ; grâce au jour, tu l’éveilles pour son ouvrage et pour les oeuvres que tu aimes, afin qu’en fuyant les ténèbres, nous devancions le jour, ce jour que la triste nuit ne fera pas sombrer.
Que la pensée, loin du corps, converse avec toi, Dieu, qui es Père, Fils et Saint-Esprit, à qui soit l’honneur, la gloire, la puissance dans les siècles. Amen. »
(Grégoire de Nazianze : « Hymne du soir », Poèmes, 1, 1, 32, Traduit par G. Bady et paru dans Magnificat n° 200, juillet 2009, reproduit ici avec l’autorisation de l’auteur).
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Dieu a t-il créé à partir de rien ?
11 juillet, 2012http://www.evangile-et-liberte.net/elements/archives/171.html
La création
par André Gounelle
Voici quelques indications sur la manière dont deux théologiens du Process, John Cobb et Lewis Ford, comprennent et expliquent la création.
Dieu a t-il créé à partir de rien ?
La théologie classique affirme la création « ex nihilo ». Selon elle, Dieu a fait surgir le monde du néant. Quand il décide de créer, il n’existe absolument rien dont il pourrait se servir; il ne dispose pas d’une « manière », de « quelque chose » qui serait là et avec quoi il lui serait possible de travailler. Là où il y avait le vide le plus complet, par la seule puissance de sa parole il fait surgir de l’être. Tout vient de lui, naît de lui, est son oeuvre.
Les théologiens du Process rejettent cette doctrine de la création « ex nihilo » pour deux raisons :
1 – Elle est contraire à ce que nous apprend la Science. Certes, l’origine de l’Univers reste très mystérieuse ; dans ce domaine, nous n’avons pas de connaissances certaines, mais seulement des hypothèses plus ou moins probables. Nous ne savons pas très bien comment est né et s.’est développé le monde. Est-il issu d’un nuage gazeux ? Est-il le résultat d’une explosion initiale (le fameux « big bang ») ? En tous cas, il semble bien qu’à l’origine,de notre monde, il y ait « quelque chose » dont il serait sorti. Il n’est pas né du vide, mais d’un état antérieur de la matière ou de l’énergie.
2 – Elle est en contradiction avec les récits bibliques. Si on lit attentivement le premier chapitre de la Génèse, on constate (v2) qu’au départ existent le « tohu-bohu » (nos versions traduisent « informe et vide »; il serait plus juste de transcrire: la terre était un « tohu-bohu » ou « un chaos »), les ténèbres, l’abîme (il s’agit en fait d’un océan), des eaux primordiales. Dieu n »est pas devant le vide ou devant le néant, mais devant un monde confus, inorganisé. C’est dans un livre deutéro-canonique, écrit vers 120 avant Jésus Christ, le second livre des Macchabées, que l’on trouve pour la première fois l’affirmation de la création « ex nihilo ». Une mère juive, dont le fils va être exécuté par des paiens, lui dit pour le consoler et le réconforter : « regarde le ciel et la terre, comptemple ce qui est en eux, et reconnais que Dieu les a créés de rien ». Par contre, aucun écrit canonique n’affirme directement et explicitement la création « ex nihilo ». Dans sa Théologie de l’ancien Testament, le savant professeur de Strasbourg, Edmond Jacob, écrit : « cetteidée est étrangère à l’Ancien Testament où Dieu se contente d’organiser la matière sans la créer » (p. 116).
Pour les Théologiens du Process la doctrine de la création « ex nihilo » doit être abandonnée. Elle n’a pour elle ni l’appui de la science, ni l’autorité de l’Ecriture. C’est une doctrine qui s’est imposée, pour des raisons philosophiques, à la chrétienté, et qui se maintient par le poids de la tradition et par la force de l’habitude sans être vraiment fondée.
Comment Dieu créé-t-il ?
Reprenons le récit de la création au début de la Genèse. Au départ existe le tohu-bohu ou le chaos. A cette réalité initiale, Dieu parle. Il lui adresse un appel, il lui propose un programme, il lui désigne un objectif : devenir lumière et ténèbre, terre et eau, végétal et animal, etc… Le chaos répond positivement à l’appel de Dieu. Petit à petit, il sort de sa confusion et de son désordre ; par étapes successives (correspondant aux « jours » du récit de la création), il s’organise et se différencie sous l’impulsion et suivant les suggestions de Dieu.
Nous constatons que dans la formation du monde trois facteurs entrent enjeu :
1 – d’abord, il y a un « donné », quelque chose qui est là, une matière initiale. La création ne se fait pas à partir de rien, mais à partir du chaos, elle utilise ce que lui apporte et transmet un passé.
2 – ensuite, une intervention de Dieu. Sans lui, sans son initiative, rien ne se passerait. Le Chaos resterait chaos. Pour que la création se fasse, il faut que Dieu se mette à parler. Sa parole fait surgir des perspectives nouvelles ; elle propose un avenir différent du passé ; elle suggère une transformation, elle pousse le chaos à devenir monde. Elle suscite une vision du futur qui aimante et mobilise le présent.
3 – enfin, la parole de Dieu doit trouver un écho, rencontrer un consentement. Il faut que ‘le présent réponde et réagisse à la parole de Dieu. L. Ford.écrit : « la parole divine réclame une écoute ; Elle demande un être, humain ou non humain, qui soit capable de répondre. Quand Dieu dit : « que la terre se couvre de verdure », nous devons comprendre que la végétation qui apparaît est la réponse de la terre à l’objectif indiqué par Dieu ». Dieu ne crée donc pas le monde tout seul. D’abord, il se sert d’une matière initiale ; ensuite, il a besoin d’une collaboration. Dieu rend possible la création du monde, mais cette création s’opère par le concours de plusieurs acteurs. Comme le dit l’apôtre Paul, « nous sommes ouvriers avec Dieu ».
Dieu crée aujourd’hui
Pour la Théologie du Process, la création n’a pas eu lieu autrefois, dans des temps reculés au commencement de l’histoire. Elle a lieu tous les jours.
En effet, les choses et les êtres ne s’arrêtent pas de bouger et d’évoluer. L’histoire amène constamment du nouveau. Rien n ‘ est stable, ni fixe ; tout se transforme. Le monde s’est formé hier, il se forme également aujourd’hui, et il continuera à se former demain. Toute réalité est en Process (d’où le nom donnée à cette théologie), c’est à dire en devenir et en mouvement
La création n’est pas achevée, elle se poursuit ; à chaque moment, Dieu nous pousse à aller de l’avant ; son dynamisme créateur nous entraîne toujours plus loin
Aussi le récit de la Genèse ne doit-il pas être compris comme une histoire qui raconterait l’origine ou les premières minutes de la, vie de l’Univers, il est plutôt une parabole qui nous montre comment, à chaque minute, Dieu agit en nous et autour de nous ; ce récit ne nous parle pas seulement d’hier, mais aussi d’aujourd’hui et de demain. A tout moment, à partir d’une situation donnée qui est l’héritage du passé, Dieu fait surgir des possibilités nouvelles, et nous suggère un avenir différent ; il nous demande dès à présent de répondre à son appel, et de nous orienter vers l’avenir qu’il nous ouvre. Dans la Bible, on trouve maints exemples de cette manière de faire. Dieu demande à Abraham de quitter la maison de son père (passé), de se mettre en route (présent) pour le pays qu’il lui montrera (avenir). Il envoie Moïse au peuple hébreu esclave en Egypte (passé) pour l’en faire sortir (présent) et le conduire vers la terre promise (futur). De même Jésus demande à ses disciples de quitter leur situation, de le suivre dans le présent, en leur annonçant,le Royaume à venir. Paul compare la vie chrétienne à une course où on oublie ce qui est en arrière, où on regarde ce qui est en avant afin d’atteindre le but.
Ce que Dieu a fait hier pour les hommes de la Bible, il le fait aujourd’hui pour nous. A chaque instant, il intervient dans notre monde et en nous même pour nous donner des impulsions novatrices et nous ouvrir des possibilités inédites. Constamment, il nous demande de dépasser l’état actuel des choses, de transformer les réalités existantes. Il nous invite à devenir de nouvelles créatures, et nous oriente vers une nouvelle création. Jamais il ne force ni ne contraint. Il ne conduit pas les événements et les êtres de manière autoritaire, comme un tyran. Mais il parle, il persuade, il attire, il encourage, il stimule. Il agit à travers les libres décisions de ceux qui se laissent convaincre et prendre par sa parole.
Création et progrès
Très souvent, dans l’histoire du christianisme, la doctrine de la création a servi à justifier le conservatisme et l’immobilisme. On disait, en effet, que puisque le monde a été créé et voulu tel qu’il est par Dieu, l’obéissance de la foi consistait à accepter ce qui est, à maintenir le statu quo. Toutes les tentatives de l’homme pour modifier l’ordre des choses apparaissent comme une révolte contre Dieu et la manifestation d’un orgueil démesuré. Il fallait être insensé pour vouloir modifier la création de Dieu, et changer quoi que ce soit dans ce monde qu’il avait voulu. La prédication chrétienne a souvent invité à la soumission, à la résignation et au conformisme au nom du Dieu créateur. Elle a favorisé une certaine passivité et même un fatalisme.
La doctrine de la création telle que la comprend la théologie du Process va dans un sens totalement opposé. Ici, en effet, ce que Dieu veut, c’est que le monde change. Il travaille à sa transformation. Il s’efforce de faire bouger les choses et de susciter du nouveau. Il ne veut pas maintenir ce qui est, mais installer ce qui n’est pas encore. L’obéissance de la foi consiste à répondre à son appel, à participer à son action, et donc à aller de l’avant, à lutter pour la nouveauté. Cobb écrit : «Dieu n’est pas celui qui sanctionne l’ordre établi… Répondre à Dieu signifie quitter la sécurité des habitudes, des coutumes, des conformismes, cela veut dire vivre pour un avenir radicalement nouveau».
Autrement dit, Dieu nous demande de nous engager pour que le monde progresse et s’améliore. La création ne parle pas de la stabilité du monde, mais de son mouvement.
Dieu dépendant
Le monde nous venons de le voir, dépend de Dieu. Sans l’action et la parole divine, il resterait à l’état de chaos : il ne se développerait pas, ni ne progresserait. Au contraire, il se dégraderait et finirait par périr. Les théologies du Process estiment que Dieu est nécessaire à la vie du monde. Selon eux, d’un point de vue rigoureusement scientifique, il est impossible d’expliquer de manière cohérente et satisfaisante l’univers sans faire intervenir Dieu. L’hypothèse «théiste» est très supérieure à l’hypothèse athée, et la science est logique appellée à postuler Dieu.
Inversement, Dieu dépend du monde. En effet, si Dieu agit, et s’il le fait avec dynamisme et puissance, il n’est cependant pas «tout-puissant». Il ne peut pas faire absolument tout ce qu’il veut ; il ne détermine pas avec une entière liberté les choses, les événements’et les êtres.
L’action de Dieu est limitée par deux sortes de facteurs
1- D’abord, par cette matière initiale que Dieu utilise au départ. Une situation donnée ne permet qu’un nombre restreint de possibilités. On ne peut pas passer directement du chaos à
l’homme ; une série d’intermédiaires est nécessaire avant que l’homme soit envisageable ; dans le récit de la Genèse la création ne se fait pas d’un coup, mais par étapes successives. De même, on ne peut pas passer de la Préhistoire au message de Jésus ; pour que l’Evangile ait quelque chance d’être entendu, il a fallu une longue préparation, celle de l’Ancien Testament. Dieu ne peut qu’agir progressivement lentement, avançant petit à petit vers son but.
2- L’action de Dieu est également liée à la réponse donnée à sa Parole. Quand on ne l’entend pas, quand on refuse ses suggestions et qu’on rejette son appel, Dieu ne peut pas imposer sa volonté par la contrainte. La seule force de Dieu est la persuasion, et sa seule arme la Parole. Il arrive que les êtres répondent négativement à ses propositions, et qu’ils ne suivent pas, ou suivent imparfaitement ses impulsions. C’est pourquoi, il y a du mal dans le monde ; il arrive contre volonté de Dieu. Cependant, malgré les refus et les pesanteurs qu’on lui oppose, Dieu ne se décourage pas, et il n’abandonne pas la partie. Il revient sans cesse, nous parle encore, tente à nouveau de nous convaincre. Il agit et agira ainsi jusqu’à ce qu’il soit entendu, jusqu’à ce que l’état du monde réponde à ses vœux. Et ainsi, avec une tendresse infinie, avec une patience à toute épreuve, non sans peines, sans difficultés et même sans échecs, Dieu nous conduit vers ce qui est son but : un univers où tous les êtres, les hommes, les animaux, les végétaux et même les minéraux connaissent le bonheur dans une totale harmonie.
André Gounelle