Archive pour juin, 2012
DE SAINT SÉRAPHIM DE SAROV: LES INSTRUCTIONS SPIRITUELLES
5 juin, 2012http://www.pagesorthodoxes.net/saints/seraphim/seraphim-instructions.htm
LES INSTRUCTIONS SPIRITUELLES
DE SAINT SÉRAPHIM DE SAROV
Dieu
Dieu est un feu qui réchauffe et enflamme les coeurs et les entrailles. Si nous sentons dans nos coeurs le froid qui vient du démon – car le démon est froid – ayons recours au Seigneur et il viendra réchauffer notre coeur d’un amour parfait,non seulement envers lui, mais aussi envers le prochain. Et la froidure du démon fuira devant sa Face. Là où est Dieu, il n’y a aucun mal… Dieu nous montre son amour du genre humain non seulement quand nous faisons le bien, mais aussi quand nous l’offensons méritant sa colère…Ne dis pas que Dieu est juste, enseigne saint Isaac le Syrien… David l’appelait » juste « , mais son Fils nous a montré qu’il est plutôt bon et miséricordieux. Où est sa Justice? Nous étions des pécheurs, et le Christ est mort pour nous (Homélie 90).
Des raisons pour lesquelles
le Christ est venu en ce monde
1) L’amour de Dieu pour le genre humain. » Oui, Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16).
2) Le rétablissement dans l’homme déchu de l’image divine et de la ressemblance à cette image, comme le chante de l’Église (Premier Canon de Noël, chant 1).
3) Le salut des âmes. » Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3, 17).
De la foi
Avant tout, il faut croire en Dieu, » car il existe et se fait le rémunérateur de ceux qui le cherchent » (He 11, 6). La foi, selon saint Antioche, est le début de notre union à Dieu… La foi sans les oeuvres est morte (Jc 2, 26). Les oeuvres de la foi sont : l’amour, la paix, la longanimité, la miséricorde, l’humilité, le portement de croix et la vie selon l’Esprit. Seule une telle foi compte. Il ne peut pas y avoir de vraie foi sans oeuvres.
De l’espérance
Tous ceux qui espèrent fermement en Dieu sont élevés vers lui et illuminés par la clarté de la lumière éternelle. Si l’homme délaisse ses propres affaires pour l’amour de Dieu et pour faire le bien, sachant que Dieu ne l’abandonnera pas, son espérance est sage et vraie. Mais si l’homme s’occupe lui-même de ses affaires et se tourne vers Dieu seulement quand il lui arrive malheur et qu’il voit qu’il ne peut s’en sortir par ses propres moyens – un tel espoir est factice et vain. La véritable espérance cherche, avant tout, le Royaume de Dieu, persuadée que tout ce qui est nécessaire à la vie d’ici-bas sera accordé par surcroît. Le coeur ne peut être en paix avant d’avoir acquis cette espérance.
De l’amour de Dieu
Celui qui est arrivé à l’amour parfait de Dieu vit en ce monde comme s’il n’y vivait pas. Car il se considère comme étranger à ce qu’il voit, attendant avec patience l’invisible… Attiré vers Dieu, il n’aspire qu’à le contempler…
De quoi faut-il munir l’âme ?
- De la parole de Dieu, car la parole de Dieu, comme dit Grégoire le Théologien, est le pain des anges dont se nourrissent les âmes assoiffées de Dieu.
Il faut aussi munir l’âme de connaissances concernant l’Église : comment elle a été préservée depuis le début jusqu’à nos jours, ce qu’elle a eu à souffrir. Il faut savoir ceci non dans l’intention de gouverner les hommes, mais en cas de questions auxquelles on serait appelé à répondre. Mais surtout il faut le faire pour soi-même, afin d’acquérir la paix de l’âme, comme dit le Psalmiste : » Paix à ceux qui aiment tes préceptes, Seigneur « , ou » Grande paix pour les amants de ta loi » (Ps 118, 165).
De la paix de l’âme
Il n’y a rien au-dessus de la paix en Christ, par laquelle sont détruits les assauts des esprits aériens et terrestres. » Car ce n’est pas contre les adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes » (Ep 6, 12). Un homme raisonnable dirige son esprit à l’intérieur et le fait descendre dans son coeur. Alors la grâce de Dieu l’illumine et il se trouve dans un état paisible et suprapaisible : paisible, car sa conscience est en paix ; suprapaisible, car au-dedans de lui il contemple la grâce du Saint-Esprit…
Peut-on ne pas se réjouir en voyant, avec nos yeux de chair, le soleil ? D’autant plus grande est notre joie quand notre esprit, avec l’oeil intérieur, voit le Christ, Soleil de Justice. Nous partageons alors la joie des anges. L’Apôtre a dit à ce sujet » Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux » (Ph 3, 20). Celui qui marche dans la paix, ramasse, comme avec une cuiller, les dons de la grâce. Les Pères, étant dans la paix et dans la grâce de Dieu, vivaient vieux. Quand un homme acquiert la paix, il peut déverser sur d’autres la lumière qui éclaire l’esprit… Mais il doit se souvenir des paroles du Seigneur : » Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton oeil, et alors tu verras clair pour enlever la paille de l’oeil de ton frère » (Mt 7, 5).
Cette paix, Notre Seigneur Jésus Christ l’a laissée à ses disciples avant sa mort comme un trésor inestimable en disant : » Je vous laisse ma paix, je vous donne la paix » (Jn 14, 27). L’Apôtre en parle aussi en ces termes : » Et la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ » (Ph 4, 7).Si l’homme ne méprise pas les biens de ce monde, il ne peut avoir la paix. La paix s’acquiert par des tribulations. Celui qui veut plaire à Dieu doit traverser beaucoup d’épreuves. Rien ne contribue plus à la paix intérieure que le silence et, si possible, la conversation incessante avec soi-même et rare avec les autres. Nous devons donc concentrer nos pensées, nos désirs et nos actions sur l’acquisition de la Paix de Dieu et crier incessamment avec l’Église : » Seigneur ! Donne-nous la paix ! «
Comment conserver la paix de l’âme ?
De toutes nos forces il faut s’appliquer à sauvegarder la paix de l’âme et à ne pas s’indigner quand les autres nous offensent. Il faut s’abstenir de toute colère et préserver l’intelligence et le coeur de tout mouvement inconsidéré. Un exemple de modération nous a été donné par Grégoire le Thaumaturge. Abordé, sur une place publique, par une femme de mauvaise vie qui lui demandait le prix de l’adultère qu’il aurait soi-disant commis avec elle, au lieu de se fâcher, il dit tranquillement à son ami : Donne-lui ce qu’elle demande. Ayant pris l’argent, la femme fut terrassée par un démon. Mais le saint chassa le démon par la prière.
S’il est impossible de ne pas s’indigner, il faut au moins retenir sa langue… Afin de sauvegarder la paix, il faut chasser la mélancolie et tâcher d’avoir l’esprit joyeux… Quand un homme ne peut suffire à ses besoins, il lui est difficile de vaincre le découragement. Mais ceci concerne les âmes faibles. Afin de sauvegarder la paix intérieure, il faut éviter de juger les autres. Il faut entrer en soi-même et se demander » Où suis-je ? « Il faut éviter que nos sens, spécialement la vue, ne nous donnent des distractions : car les dons de la grâce n’appartiennent qu’à ceux qui prient et prennent soin de leur âme.
De la garde du coeur
Nous devons veiller à préserver notre coeur de pensées et d’impressions indécentes. » Plus que sur toute chose, veille sur ton coeur, c’est de lui que jaillissent les sources de la vie » (Pr 4, 23). Ainsi naît, dans le coeur, la pureté. » Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5, 8).Ce qui est entré de bon dans le coeur, nous ne devons pas inutilement le répandre à l’extérieur : car ce qui a été amassé ne peut être à l’abri des ennemis visibles et invisibles que si nous le gardons, comme un trésor, au fond du coeur.
Le coeur, réchauffé par le feu divin, bouillonne quand il est plein d’eau vive. Si cette eau a été versée à l’extérieur, le coeur se refroidit et l’homme est comme gelé.
De la prière
Ceux qui ont décidé de vraiment servir Dieu doivent s’exercer a garder constamment son souvenir dans leur coeur et à prier incessamment Jésus Christ, répétant intérieurement : Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur… En agissant ainsi, et en se préservant des distractions, tout en gardant sa conscience en paix, on peut s’approcher de Dieu et s’unir à lui. Car, dit saint Isaac le Syrien, à part la prière ininterrompue, il n’y a pas d’autre moyen de s’approcher de Dieu (Homélie 69).
A l’église, il est bon de se tenir les yeux fermés, pour éviter les distractions ; on peut les ouvrir si l’on éprouve de la somnolence ; il faut alors porter son regard sur une icône ou sur un cierge allumé devant elle. Si pendant la prière notre esprit se dissipe, il faut s’humilier devant Dieu et demander pardon… car, comme dit saint Macaire » l’ennemi n’aspire qu’à détourner notre pensée de Dieu, de sa crainte et de son amour » (Homélie 2).
Lorsque l’intelligence et le coeur sont unis dans la prière et que l’âme n’est troublée par rien, alors le coeur s’emplit de chaleur spirituelle, et la lumière du Christ inonde de paix et de joie tout l’homme intérieur.
De la lumière du Christ
Afin de recevoir dans son coeur la lumière du Christ il faut, autant que possible, se détacher de tous les objets visibles. Ayant au préalable purifié l’âme par la contrition et les bonnes oeuvres, ayant, pleins de foi au Christ crucifié, fermé nos yeux de chair, plongeons notre esprit dans le coeur pour clamer le Nom de Notre Seigneur Jésus Christ ; alors, dans la mesure de son assiduité et de sa ferveur envers le Bien-Aimé, l’homme trouve dans le Nom invoqué consolation et douceur, ce qui l’incite à chercher une connaissance plus haute.
Quand par de tels exercices l’esprit s’est enraciné dans le coeur, alors la lumière de Christ vient briller à l’intérieur, illuminant l’âme de sa divine clarté, comme le dit le prophète Malachie : » Mais pour vous qui craignez son Nom, le soleil de justice brillera, avec le salut dans ses rayons » (Ml 3, 20). Cette lumière est aussi la vie, d’après la parole de l’Evangile : » De tout être il était la vie, et la vie était la lumière de hommes » (Jn 1, 4).
Quand l’homme contemple au-dedans de lui cette lumière éternelle, il oublie tout ce qui est charnel, s’oublie lui-même et voudrait se cacher au plus profond de la terre afin de ne pas être privé de ce bien unique – Dieu.
De l’attention
Celui qui suit la voie de l’attention ne doit pas se fier uniquement à son propre entendement, mais doit se référer aux Écritures et comparer les mouvements de son coeur, et sa vie, à la vie et à l’activité des ascètes qui l’ont précédé. Il est plus aisé ainsi de se préserver du Malin et de voir clairement la vérité.
L’esprit d’un homme attentif est comparable à une sentinelle veillant sur la Jérusalem intérieure. A son attention n’échappe ni » le diable (qui) comme un lion rugissant, rôde cherchant qui dévorer » (1 P 5, 8), ni ceux qui » ajustent leur flèche à la corde pour viser dans l’ombre les coeurs droits » (Ps 10, 2). Il suit l’enseignement de l’Apôtre Paul qui a dit : » C’est pour cela qu’il vous faut endosser l’armure de Dieu, afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister » (Ep 6, 13).Celui qui suit cette voie ne doit pas faire attention aux bruits qui courent ni s’occuper des affaires d’autrui… mais prier le Seigneur : » De mon mal secret, purifie-moi » (Ps 18, 13).
Entre en toi-même et vois quelles passions se sont affaiblies en toi ; lesquelles se taisent, par suite de la guérison de ton âme ; lesquelles ont été anéanties et t’ont complètement quitté. Vois si une chair ferme et vivante commence à pousser sur l’ulcère de ton âme – cette chair vivante étant la paix intérieure. Vois aussi quelles passions restent encore – corporelles ou spirituelles ? Et comment réagit ton intelligence ? Entre-t-elle en guerre contre ces passions, ou fait-elle semblant de ne pas les voir ? Et de nouvelles passions ne se sont-elles pas formées ? En étant ainsi attentif, tu peux connaître la mesure de la santé de ton âme.
Extrait des Instructions spirituelles,
dans Irina Goraïnoff, Séraphim de Sarov,
Éditions Abbaye de Bellefontaine et Desclée de Brouwer, 1995.
Reproduit avec l’autorisation des Éditions Desclée de Brouwer.
DÉCRET SUR LES VERTUS « HÉROÏQUES » DU P. MARIE-EUGÈNE DE L’ENFANT-JÉSUS
5 juin, 2012http://www.zenit.org/article-30997?l=french
DÉCRET SUR LES VERTUS « HÉROÏQUES » DU P. MARIE-EUGÈNE DE L’ENFANT-JÉSUS
« Un fait établi », déclare Benoît XVI
ROME, lundi 4 juin 2012 (ZENIT.org) – Benoît XVI a reconnu, en décembre dernier, « comme un fait établi » que le P. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus (au siècle Henri Grialou, ocd, 1894-1967), fondateur de l’institut séculier Notre-Dame de Vie « a pratiqué de manière héroïque les vertus théologales de Foi, d’Espérance, de Charité, aussi bien envers Dieu qu’envers le prochain, et les vertus cardinales de Prudence, de Justice, de Tempérance et de Force ainsi que celles qui leur sont annexes », comme l’indique le décret latin de la Congrégation pour les causes des saints approuvé par le pape, le 19 décembre 2011, dont voici une traduction non officielle (cf. Zenit du 19 décembre 2011).
Décret sur les vertus du P. Marie-Eugène de l’Enfant Jésus
« Quel est donc le serviteur fidèle et avisé à qui le maître de maison a confié la charge des gens de sa maison pour leur donner la nourriture en temps voulu ? Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera à son travail » (Mt 24, 45-46).
Le Serviteur de Dieu Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus ressemble en vérité à cet homme fidèle et avisé auquel le Seigneur confie la mission de veiller sur ses disciples : sa vie fut en effet une recherche constante de la perfection dans la foi, l’humilité et la charité, sous la motion de l’Esprit Saint.
Le Serviteur de Dieu (dans le siècle : Henri Grialou) est né le 2 décembre 1894 au Gua, en France, dans une famille de condition modeste. Se sentant appelé au sacerdoce dès son enfance, il fut accueilli à l’Ecole Apostolique des Pères du Saint-Esprit à Suse, en Italie ; mais il préféra ensuite demander son admission au Séminaire diocésain de Graves, où il devint un grand familier de la spiritualité de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Il suivit les cours de théologie et de philosophie au Grand Séminaire de Rodez.
Il fut, selon la loi, enrôlé dans l’armée : les années qu’il vécut comme militaire, spécialement durant la terrible première guerre mondiale, furent très rudes, mais elles lui donnèrent d’acquérir « l’expérience des hommes ». Le conflit terminé, le Serviteur de Dieu put reprendre ses études et, durant sa retraite de préparation au sous-diaconat, il prit clairement conscience de sa vocation au Carmel, surtout après la lecture d’une vie de saint Jean de la Croix. C’est ainsi que, peu après son ordination sacerdotale qui eut lieu le 4 février 1922, il entra au Noviciat des Carmes d’Avon. Là, il s’immergea profondément dans une vie de prière et dans la contemplation, approfondissant d’une manière spéciale la spiritualité de sainte Thérèse de Jésus et l’enseignement de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui lui inspira son nom de religion.
Après sa profession simple, le Serviteur de Dieu fut envoyé au Couvent de Lille pour y compléter sa formation religieuse ; le 11 mars 1926, il émit ses vœux solennels. En 1928, il fut nommé Supérieur du couvent-école de Tarascon sur le Rhône puis Prieur du nouveau Noviciat d’Agen : dans ces lieux de formation, il sut toujours présenter à l’imitation des jeunes générations un modèle de religieux passionné par le charisme carmélitain et animé d’un ardent zèle pastoral qui s’exprima particulièrement par la prédication de l’Evangile et par la direction spirituelle. La soif spirituelle de ses auditeurs lui révéla la nécessité de répandre plus largement la spiritualité du Carmel, si bien qu’il commença à réfléchir sur la possibilité de former des disciples qui s’en imprégneraient et la diffuseraient également « en-dehors des couvents et des monastères ».
En 1936, il fut nommé Prieur du Couvent d’études de Monaco; mais celui-ci fut, quelques mois plus tard, transféré à Agen. Disposant dès lors de davantage de temps, le Serviteur de Dieu consacra toutes ses énergies à l’organisation du groupement de Notre-Dame de Vie, qu’il suivait déjà depuis 1929 et qui, quelques années plus tard, fut érigé non sans raison en fraternité séculière.
Elu troisième Définiteur au Chapitre Général de 1937, il s’installa en Italie. Dès lors, les missions qu’on lui confia furent innombrables. Entre toutes ressort surtout celle qu’il reçut au service des Missions Carmélitaines au Proche Orient où il effectua un long voyage.
Au moment où éclata la seconde guerre mondiale, le Serviteur de Dieu, du fait de sa nationalité française, n’eut pas la permission de regagner l’Italie et fut même mobilisé comme officier dans l’Armée des Alpes. Après l’armistice de 1940, alors que la guerre faisait toujours rage, il accompagna les Monastères de Carmélites en France et veilla sur la croissance de son Institut. A la fin de la guerre, il retourna à Rome et, au Chapitre qui s’y tint en 1947, il fut élu premier Définiteur général. Il en assuma les fonctions jusqu’en 1954. Ce fut une période d’intense activité : entre autres, la Congrégation pour les Religieux lui confia en effet la charge de Visiteur Apostolique des Monastères des Carmélites de France et le nomma Délégué Apostolique pour la mise en place des Fédérations des Monastères carmélitains français. En mars 1954, le Serviteur de Dieu devint Vicaire Général de l’Ordre, charge qu’il exerça jusqu’à l’élection du nouveau Préposé, en 1955. Elu en 1957 Supérieur de la Province d’Avignon-Aquitaine, il ne négligea rien pour soutenir la fidélité des religieux, pour promouvoir le renouveau d’une vie fondée sur la contemplation et la solitude et pour permettre la présence des Carmes au Canada. Après le Chapitre de 1960, il resta dans le gouvernement de la Province en tant que premier Définiteur.
Dans la richesse d’une vie marquée par l’effort et l’activité, la spiritualité du Serviteur de Dieu se signala par la force de sa foi nourrie d’oraison quotidienne, par la ferveur de la célébration eucharistique, par la constance de son don à l’Esprit Saint, par son immense confiance en la Vierge Marie, par son amour pour les Saints du Carmel et pour Sainte Emérentienne, ainsi que par son zèle missionnaire qui le poussa à offrir sa vie tout entière au Seigneur. Avec la fondation de son Institut séculier, il proposa une synthèse équilibrée entre les dimensions de l’ordre du Carmel que sont la contemplation et l’apostolat. Il fut un Maître de spiritualité et il accompagna personnellement des prêtres, des séminaristes, des religieuses et aussi de nombreux fidèles. Il a laissé en héritage un patrimoine ample et riche d’homélies, de conférences et de retraites, ainsi qu’un ouvrage intitulé Je veux voir Dieu. Ces textes concrétisent clairement son désir de porter, comme il disait, « la contemplation dans la rue » et de propager l’appel universel à la sainteté. Il supporta avec force les souffrances intérieures et les labeurs apostoliques qui l’accompagnèrent tout au long de sa vie consacrée au service de l’Eglise.
Au Chapitre de 1963, il fut de nouveau élu Provincial et son mandat fut renouvelé en 1966. Cependant l’âge et la mauvaise santé avaient diminué les forces du Serviteur de Dieu qui, miné par une tumeur, mourut à Notre-Dame de Vie le 27 mars 1967 après avoir prononcé ces paroles : « Je m’en vais vers l’étreinte de l’Esprit Saint… In manus tuas, Domine ».
Etant donné sa réputation de sainteté, sa Cause de Béatification et de Canonisation fut engagée à la Curie Archiépiscopale d’Avignon avec la célébration de l’Enquête Diocésaine du 7 avril 1985 au 5 mars 1994 et de l’Enquête Rogatoire à la Curie Archiépiscopale de Tokyo du 3 au 5 avril 1990. Leur autorité et leur validité juridique furent approuvées par la Congrégation des Causes des Saints le 25 novembre 1994. Le 24 mars 1999, fut également reconnue la validité du Supplément de l’Enquête qui se déroula à la Curie Archiépiscopale d’Avignon du 20 février 1997 au 10 mars 1998. Une fois la Positio préparée, selon la coutume, les Consulteurs Théologiens réunis en Congrès Particulier le 14 juillet 2010 sont parvenus à une conclusion positive après avoir discuté pour savoir si le Serviteur de Dieu avait pratiqué les vertus chrétiennes de façon héroïque. Au cours de la Session ordinaire du 11 octobre 2011, après avoir entendu la relation du Ponant de la Cause, Son Excellence Mgr Laurent Chiarinelli, Evêque émérite de Viterbe, les Membres Cardinaux et Evêques ont déclaré que le Serviteur de Dieu a pratiqué de façon héroïque les vertus théologales, cardinales et annexes.
Une fois que le soussigné Cardinal Préfet eut présenté au Souverain Pontife Benoît XVI une relation précise sur toutes ces étapes, Sa Sainteté, ayant recueilli et ratifié l’avis de la Congrégation des Causes des Saints, a déclaré aujourd’hui : reconnaître comme un fait établi que le Serviteur de Dieu Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus (dans le siècle : Henri Grialou), Prêtre Profès de l’Ordre des Carmes Déchaux et Fondateur de l’Institut Séculier Notre-Dame de Vie, a pratiqué de manière héroïque les vertus théologales de Foi, d’Espérance, de Charité, aussi bien envers Dieu qu’envers le prochain, et les vertus cardinales de Prudence, de Justice, de Tempérance et de Force ainsi que celles qui leur sont annexes, ceci à propos de ce cas et en vue du but qu’on se propose.
Le Souverain Pontife a ensuite ordonné que ce décret soit rendu public et qu’il soit consigné dans les actes de la Congrégation des Causes des Saints.
Donné à Rome, le 19 décembre 2011.
Angelo Card. Amato, S.D.B.
Préfet
Marcello Bartolucci
Archevêque tit. de Mevania
Secrétaire
Elijah is taken up to heaven
4 juin, 2012Le cardinal Lustiger médite le Magnificat
4 juin, 2012http://www.paris.catholique.fr/311-20-Le-cardinal-Lustiger-medite.html
Le cardinal Lustiger médite le Magnificat
La liturgie du 15 août, pour l’Assomption de la Vierge Marie, nous donne d’entendre l’évangile de la Visitation. A cette occasion, Mgr Lustiger propose aux lecteurs de Paris Notre-Dame une méditation sur le Magnificat de la Vierge Marie. Une bonne manière d’entrer dans ce mystère et surtout dans ce que Dieu nous demande aujourd’hui.
[|"Mon âme exalte le Seigneur ; Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur. Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles : saint est son Nom". (Lc 1, 46-55)|]
D’abord, nous aurions tort de comprendre ces mots qui nous sont si familiers comme une sorte d’improvisation où la Vierge Marie ferait des confidences sur son état d’esprit. Si vous regardez attentivement votre bible, vous voyez dans la marge une colonne entière de références de citations de l’Ancien Testament. Le langage du Magnificat est totalement biblique. Si vous en aviez le temps, il vaudrait la peine de relire dans la bible ces différents passages et de découvrir pourquoi la Vierge Marie a retenu ces mots qui ne sont pas d’elle mais qui ont nourri sa prière. C’est elle qui parle d’une manière très personnelle et pourtant c’est la Parole de Dieu qui est sa parole. Nous sommes à l’opposé de l’entreprise poétique quand nous cherchons à dire les choses et à traduire nos sentiments avec une expression neuve et originale. Marie représente le destin le plus singulier dans toute l’histoire de l’humanité, au centre de l’ouvre du salut. Or son langage est celui que Dieu lui-même a mis sur ses lèvres au jour unique de la Visitation et qu’il ne cesse de mettre sur les lèvres des croyants. Le « je » du Magnificat est celui de Marie. Et par le « je » de Marie, c’est toute l’histoire d’Israël qui nous est rappelée. Le « je » de Marie c’est le « je » de tous les croyants qui l’ont précédée. Mais, le « je » de Marie, c’est aussi le nôtre. Par sa bouche, c’est l’Eglise entière qui parle, l’Eglise concrète constituée « d’âge en âge », de « génération en génération » par ces hommes et ces femmes qui se sont succédés dans l’histoire et dont nous faisons partie. Qui a chanté ce chant ? Marie, une fois ou plusieurs fois, nous n’en savons rien. Mais combien plus, des milliards de fois plus, les générations successives de chrétiens qui ont pris ces mots, en ont reçu une lumière et ont trouvé le sens de leur vie dans ce mystère donné à chacun de nous en Marie. Le Magnificat, loin d’être une projection sur Marie toute seule, nous prend, avec Marie, dans le faisceau lumineux de l’histoire du salut et nous fait entrer dans notre vocation, alors même que nous rendons grâce à Dieu pour l’appel qu’elle a reçu et la grâce qui lui est faite, à elle, pour nous. Enfin, lorsque Marie prononce ces paroles, elle porte Jésus en son sein. Le récit de la Visitation est cet extraordinaire dialogue sans paroles des deux enfants dans le sein de leur mère, enfants-prophètes qui tressaillent de joie l’un à l’égard de l’autre. Les merveilles que chante Marie, elles lui sont d’abord données, en sa chair et son cour. Le Magnificat propose à notre méditation et à notre adoration le plus extrême réalisme de l’Incarnation dans sa condition la plus secrète et la plus fragile. Il nous place devant la réalité charnelle, humaine du Verbe de Dieu fait homme : Dieu lui-même veut se rendre présent parmi nous en celle qui, en ce moment précis de l’histoire du salut, est « la Demeure de Dieu parmi les hommes » (Ap 21,3), figure de l’Eglise. Le « je » de Marie, c’est à la fois elle, Marie ; c’est la Parole de Dieu, l’histoire d’Israël, toute l’Eglise. Les merveilles que Dieu fait pour elle sont les merveilles qu’il fait pour nous et pour toute l’humanité appelée à la sainteté. Et ce « je » de Marie est totalement centré sur Dieu. Le sujet du verbe, c’est le Seigneur (« il fit, il s’est penché. Saint est son Nom »).
« Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ». L’idée que nous nous faisons de l’amour dans la culture contemporaine est floue, parfois dévalorisée et réduite à la réalité physique, et souvent marquée par la fragilité, l’inconsistance ou la seule affectivité. Lorsque nous entendons Marie employer ce mot, nous pouvons mettre dessous les synonymes suggérés par les diverses traductions. Son amour, c’est-à-dire sa miséricorde, sa bienveillance, sa tendresse, sa fidélité. « Sur ceux qui le craignent ». Dans la bible, l’expression « les craignant-Dieu » ne recouvre d’aucune façon une crainte d’esclave ou une notion de servitude. Ce n’est ni la peur du gendarme, ni celle du knout, ni celle du surveillant, ni celle du tyran ! La crainte de Dieu, « commencement de la sagesse » dit le livre de La Sagesse, exprime ce qu’un être humain, découvrant Dieu, saisit dans ce vis-à-vis : Dieu est plus grand que lui. La crainte de Dieu (le mot est trompeur en français) n’est pas faite de peur, mais d’un infini et confondant respect devant un amour si grand que nous nous en jugeons indignes et dont cependant nous voulons faire la règle de notre vie. La crainte de Dieu est empreinte non seulement de déférence respectueuse, mais surtout du sentiment de notre propre indignité et de la nécessité pour nous de donner toute notre vie à Dieu, en découvrant ainsi la réalité de Dieu. C’est l’éblouissement de l’amour véritable. Car l’amour véritable n’est pas un amour où on est seul à aimer et dont on se grise de façon narcissique, tel le jeune et beau Narcisse – qui se contemple dans le miroir de l’eau et finit par se noyer dans sa propre image ! « L’amour qui s’étend d’âge en âge » est l’amour du Tout Autre qui se fait tout proche. La crainte de Dieu est l’amour véritable par lequel le vis-à-vis de Dieu et de sa créature est donné comme une grâce. Cette découverte fondamentale d’une telle relation à Dieu est peut-être un des aspects de la grâce du Renouveau [charismatique NDLR], offerte à notre siècle. Siècle souvent de grande sécheresse spirituelle et de profond oubli de la réalité divine, car l’idée chrétienne – la Révélation que le Christ a faite du mystère de Dieu-Amour – s’est effacée devant la puissance grandissante de l’homme. Plus qu’une découverte de l’affectivité ou de la sensibilité, le Renouveau a été, par le don de l’Esprit, la re-découverte, l’irruption de Dieu lui-même en notre siècle qui s’était séparé de Dieu en s’enfermant dans sa propre suffisance. Le Renouveau n’est pas un renouveau fabriqué par l’homme, mais c’est le Renouveau que Dieu opère dans les hommes en les changeant, en se manifestant « à nouveau » à eux, en ouvrant la porte qu’ils ont fermée sur eux-mêmes pour empêcher Dieu. « Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ». C’est la découverte de Dieu et que Dieu nous aime. Et parce qu’il nous aime, nous pouvons, pauvrement, l’aimer. Notre amour n’est que la réponse à son amour ; il est toujours insuffisant, toujours en deçà ; mais il est notre joie.
[| "Déployant la force de son bras, il disperse les superbes ; il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles".|]
Toutes ces expressions se trouvent dans l’Ecriture. Souvent on s’étonne du petit air révolutionnaire que prend le Magnificat et on l’a parfois interprété comme un chant subversif, la Carmagnole version évangélique ! Quels sont ces humbles que Dieu élève ? Et s’agirait-il d’une subversion systématique de l’ordre établi ? En vérité, cette phrase nous pose, aujourd’hui plus que jamais, la question de l’ensemble du projet humain. Quel monde l’homme se construit-il pour lui-même ? Quels sont ces puissants, les superbes, les orgueilleux ? Pour répondre je prendrai comme guide cette parole de Jésus : « Là où est ton trésor, là est ton cour » (Mt 6, 21). Quel est le trésor dans lequel l’homme investit son cour, c’est-à-dire sa liberté ? Le mot « cour » dans la bible dépasse largement les sentiments pour signifier l’intelligence, la capacité de choix, tout ce qui constitue un destin humain. Bref, c’est le choix que l’homme fait de ce à quoi il va consacrer non seulement son temps, son énergie, mais lui-même. Il va s’y donner au point d’être pris entièrement. On en a des exemples multiples à l’échelle de toute une civilisation ou à l’échelle des destins personnels. Prenez un sportif de compétition : l’entraînement est tel qu’il ne fait plus que cela, il est son sport ; c’est la condition de sa réussite. Le tout est de savoir ce qu’on fait de sa vie. Chacun de nous est bien obligé de répondre lorsqu’il se pose lui-même un certain nombre de questions ou lorsque le Seigneur lui en pose ! Rappelez-vous la parabole de Jésus (Lc 12, 16-21) : un homme riche avait accumulé des richesses ; il s’était dit : « Je vais démolir mes greniers pour en construire de plus grands ; j’y rassemblerai tout mon blé et mes biens. Et je me dirai : Repose-toi, fais bombance ! » – « Insensé, cette nuit même on te redemandera ta vie et ce que tu as accumulé, qui l’aura ? » Jésus le dit encore d’une autre manière : « Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme ? » (Lc 9, 25) ou « Que donnera l’homme qui ait valeur de sa vie, en échange de son âme ? » (Mt 16, 26). Réponse : rien ; elle n’a pas de prix. Prenez une civilisation maintenant. Que sommes-nous en train de construire ? La mondialisation dont on parle tant, sur quoi repose-t-elle ? Sur le calcul financier et économique. L’univers social dans lequel nous vivons, univers de l’image, de la représentation, des apparences, sur quoi repose-t-il ? Quel univers construisons-nous ? Vers quelles fascinations notre civilisation conduit-elle ? D’abord, la fascination du pouvoir jusqu’à la violence la plus extrême ; et le pouvoir engendre la guerre. Nous le voyons dans les Balkans, dans le Caucase, en Afrique – au Burundi, au Rwanda : l’épreuve de ces peuples est terrible ; l’héroïsme des chrétiens qui résistent à cette idole de la violence remplit d’admiration et force le respect. Donc, la volonté de puissance, l’amour de l’argent, la possession des biens, l’ambition de maîtriser la vie. Mais au prix de combien de meurtres ? Combien de gens sacrifiés et de victimes de toute espèce ? Et encore, l’érotisation d’une société, souvent pour des raisons bassement mercantiles. Bref, on n’en finirait pas d’énumérer les traits d’un paganisme moderne, idolâtrique. Il a pour caractéristique première que l’homme s’investit dans les objets de son désir et en devient prisonnier. Et ce faisant, il entend déployer sa propre suffisance, mais il arrive à la négation de lui-même. C’est l’image de Babel. Alors, quel monde voulons-nous construire ? Ce monde suffit-il à combler le cour de l’homme ? A cette question fondamentale dont nous sommes les témoins, Marie déjà dans son Magnificat répondait par une phrase jugée subversive, nous montrant par toute sa vie le chemin. Pour nous, êtres humains « créés à l’image et à la ressemblance de Dieu », la seule réalité qui soit à notre mesure dépasse radicalement l’homme. Nous sommes faits pour Dieu. Non pas comme des esclaves seraient faits pour leur maître ou des outils pour ceux qui les manient. Nous sommes faits pour Dieu comme l’aimé pour celui qui l’aime ; et celui qui aime trouve sa joie dans celui dont il tient la vie. Nous sommes faits pour Dieu. Seul, lui, notre Créateur, notre Père, notre Rédempteur est le terme que nous pouvons proposer à l’ambition humaine. Car seul il correspond à notre désir le plus profond et il nous rend libres à l’égard de tout. Comme l’a écrit saint Augustin : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cour est sans repos tant qu’il ne repose en toi » (en latin : « Fecisti nos ad te, Domine ; et inquietum est cor nostrum donec requiescat in te »). Ce qu’il faut compléter par « Ama et fac quod vis » : « Aime et fais ce que tu veux ». Les humbles sont précisément ceux qui ne veulent pas se prendre eux-mêmes pour leur propre fin, mais qui acceptent de tout recevoir – et de se recevoir – de la main de Dieu. Sinon, toutes choses deviennent périlleuses lorsque l’homme en fait le but exclusif de son existence ; elles se retournent tôt ou tard contre lui. Ainsi en va-t-il du mauvais usage des techniques et du savoir-humain (le courant écologique, pour sa part, le met en évidence) avec leur lot de conséquences néfastes sur l’alimentation, la nature, l’urbanisme, etc. Comme si l’homme abusait de ce qu’il se proposait comme objectif ; comme si, à un moment donné, il ne parvenait plus à maîtriser, dans un juste équilibre, les réalités auxquelles il se consacre ; comme s’il allait toujours au-delà de la limite, au prix d’une destruction de soi-même ; comme s’il était incapable non pas de mesurer exactement son effort, mais de garder la bonne cible. Il croyait trouver une porte, un chemin de liberté et il se heurte à un mur. Il croyait vivre et il se tue. Il croyait construire une société conviviale et il déclenche la haine. Il croyait produire des richesses et il fait des pauvres. Il croyait aimer la vie et il la limite jusqu’à la détruire. Il croyait en la puissance de sa raison et de son intelligence et il tombe dans le mensonge. Il y a une perversion des meilleures choses parce qu’on ne s’en sert pas de la bonne façon ; comme celui qui voudrait se saisir d’un couteau en le prenant par la lame, il se blesserait lui-même. Rien de tout cela n’est Dieu. L’homme se construit des dieux avec des choses qui ne sont pas dignes de lui. Seul Dieu est digne de l’homme parce que c’est Dieu qui nous a faits, je le répète, à son image et à sa ressemblance. Cette humilité de la Vierge Marie qui reconnaît le don de Dieu lui permet de recevoir aussi en ce don toutes les réalités que l’homme, par ailleurs, veut s’approprier. Le monde nous est donné par Dieu, encore faut-il ne pas oublier Celui qui nous le donne. Nous sommes faits pour l’adorer et, recevant toutes choses de sa main, nous en servir pour notre bien et le bien de nos frères. A partir du moment où nous oublions le Donateur, le don lui-même est perdu. Jésus le dit dans une formule paradoxale : « A celui qui a il sera donné ; à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré » (Mt 13, 12). En perdant le Donateur, nous perdons la réalité humaine, historique, dans laquelle l’homme grandit. Cette strophe du Magnificat nous montre en peu de mots le but de l’existence humaine, ce pour quoi nous sommes faits, où est le vrai bonheur. En même temps, elle trace le chemin d’une civilisation où la vie de l’homme trouve sa dimension véritable dans l’accueil de l’amour qui vient de Dieu, qui est Dieu.
[|"Il comble de biens les affamés il renvoie les riches les mains vides".|]
De quelle faim s’agit-il ? De la faim la plus fondamentale comme le suggère la béatitude de Jésus en saint Matthieu (5, 6) : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés ». De quelle justice s’agit-il ? Non seulement de la justice entre tous les hommes, l’équité dans la distribution des biens ou la considération des personnes ; mais de la justice divine : la sainteté même de Dieu qui est la perfection de la vie humaine. La faim qui apparaît en notre siècle est finalement, quoi qu’on en dise, la faim de la vie avec Dieu. Dans le verset précédent, nous avons vu comment la Vierge Marie nous met sur le chemin de la construction d’une société humaine digne de ce nom, avec le combat constant que cela implique de par le choix de nos libertés. Ici, elle nous montre et veut nous faire découvrir l’appétit insatiable de l’homme pour celui qui l’a créé. Ces dernières décennies, nous avons vu une résurgence, une remontée à la conscience commune de l’Occident des recherches de type dit « spirituel ». Alors que notre siècle, avait parié sur une destruction de la religion avec « la mort de Dieu », sur une raison ou une science triomphante qui aurait remplacé toutes les autres sources de comportement. Aujourd’hui, à nouveaux frais, on s’aperçoit avec le foisonnement du « spirituel » que la dimension religieuse fait partie de la condition humaine, que l’homme est un animal à fabriquer du divin ou, plutôt, à diviniser toutes choses. Sous couvert soit de bouddhisme ou de religion orientale, soit de technique psychologique ou de méthode de méditation, beaucoup de nos contemporains se sont engagés sans trop savoir où ils allaient ni pourquoi, si ce n’est en raison de cette recherche intérieure qui les habite. Ils se sont trompés, ceux qui prédisaient que tout cela appartenait à un âge révolu de l’humanité. Au contraire, dans le vide et la sécheresse actuels, l’instinct religieux réapparaît, foisonnant jusqu’à se fabriquer de nouveaux dieux. On a été étonné de la crédulité de certains contemporains face à des inventions fantasmatiques qui comblent leur soif ou leur faim par une nourriture creuse, telle une drogue, qui endort cette faim. Dans certains pays, en particulier de l’Est qui, pendant un demi-siècle, parfois presque un siècle, ont été sous la dure loi d’un athéisme d’Etat et de la persécution de la religion, des peuples entiers ont été dépossédés de leur mémoire et de leurs traditions chrétiennes, comme culture. En raison de cette déculturation de la foi chrétienne, ils sont dans un état de désert inouï. Et on s’aperçoit que dans ce désert calciné les gens se jettent sur n’importe quel substitut et peuvent prendre « des vessies pour des lanternes ». Le Curé d’Ars disait plus cruellement : « Laissez un village sans prêtre, bientôt ils adoreront les bêtes ». Sur de grandes étendues de l’humanité le déracinement de la mémoire chrétienne, au sens de la présence de l’Evangile, peut engendrer une fausse expérience spirituelle qui asservit plus lourdement encore. Il y a là un enjeu capital pour notre mission en ce siècle. En effet, la raison humaine n’est pas suffisante pour fournir un outil critique permettant de discerner entre les idoles qui aliènent, les mensonges qui falsifient comme une drogue le désir de Dieu ou de vie mystique et la rencontre véritable de Dieu. La législation actuelle sur les sectes, telle qu’on la voit s’élaborer pour les pays européens en est la preuve. Vous savez les débats qui existent entre les Etats-Unis et l’Europe à ce sujet ; et, sur ce point, nous ne sommes probablement qu’au début d’une période difficile. Comment distinguer la vraie mystique de la fausse mystique ? Comment reconnaître le véritable chemin qui conduit à découvrir le mystère de Dieu et avancer dans cette direction, au lieu de s’engager dans une impasse pour se repaître d’expériences illusoires qui asservissent l’homme ou le laissent sur sa faim ? Nous savons, nous, que seul Dieu, Vivant et Vrai, est capable de nous désapprendre des idoles et des fausses visions que l’homme se donne à lui-même. Voilà des millénaires que le Seigneur a commencé à faire comprendre la différence entre le vrai prophète et le faux prophète, entre le Dieu vivant et les dieux morts. Voilà des millénaires qu’un croyant a eu l’audace de regarder le sphinx dans le blanc des yeux en lui faisant les cornes et de lui dire avec le psalmiste : « Il a des yeux et il ne voit pas, il a des oreilles et il n’entend pas. Que ceux qui les ont faits leur deviennent semblables » (Ps 115, 5). Il fallait avoir de l’audace et le courage de la foi pour braver ainsi la fascination de ces idoles majestueuses ! Les idoles de notre temps le sont moins et sont moins esthétiquement accomplies que le Sphinx d’Egypte ; mais leur fascination ne s’en exerce pas moins. Alors, le témoignage d’une vie spirituelle forte qui ouvre un vrai chemin de liberté intérieure ; qui humanise en plénitude en nous libérant de nous-mêmes tout en nous donnant le goût de Dieu, l’expérience véritable de la prière qui n’est pas superstitieuse mais nous fait grandir et entrer dans le mystère de Dieu en nous identifiant au Christ (la prière chrétienne n’est rien d’autre que de suivre le Christ), sont le seul chemin pour aider notre monde à trouver sa liberté et la voie qui le mènera à la vérité. Nous sommes responsables en notre temps d’une plus grande exigence spirituelle chrétienne. Précisément parce qu’il existe un foisonnement de revendications ou de demandes spirituelles. Il y a un siècle, dans une atmosphère de rationalisme desséché, on pouvait se dire : toute reconnaissance de la force du religieux est un peu un réconfort pour le croyant. Aujourd’hui, la crédulité est générale et les gens risquent de prendre n’importe quoi pour argent comptant, fût-ce les superstitions les plus grossières ; regardez la place que les horoscopes occupent dans l’univers médiatique ! Pensez à l’imaginaire de la science-fiction. Beaucoup de jeunes, parmi les moins armés et les moins éduqués à l’esprit critique, le prennent pour un intermédiaire presque réel. On est très loin des contes de fées d’autrefois avec toute l’extension de l’image virtuelle ! Il y a là une fascination et une perversion de la liberté humaine. Certes, le travail de la raison consiste à dire : ne prenez pas des vessies pour des lanternes, car, pour parler comme le psalmiste : « Ils ont des yeux et ils ne voient pas. ». Mais la vraie réponse au problème actuel est de montrer où est la Vie. Et comment montre-t-on où est la Vie ? En vivant. Comment montre-t-on où est Dieu ? En priant. Comment l’amour de Dieu se fait-il découvrir ? En rendant témoignage de l’amour qu’il nous porte et en commençant à l’aimer ; en entrant dans cette grâce qui nous est faite d’être « rassasiés de son amour ». Car « Il comble de bien les affamés » chante Marie. La faim de l’homme est rassasiée. Tandis que Jésus promettra à ses disciples : « Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif. Celui qui mangera de ce Pain que je lui donnerai vivra pour l’éternité ; il aura en lui la vie éternelle » (Jn 6, 35. 58). Cette nourriture divine est Dieu lui-même. Nous devons à nos frères contemporains ce témoignage qui seul peut les libérer.
[|"Il relève Israël, son serviteur il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères en faveur d’Abraham et de sa race à jamais".|]
« Israël, son serviteur ». Déjà lorsque Marie répond à l’Ange de l’Annonciation qu’elle est « la servante du Seigneur », « son humble servante » dans le Magnificat, ce mot éveille immédiatement en résonance le « Serviteur » tel qu’Isaïe le décrit, à la fois Israël, un peuple, et le Messie, « le » Serviteur souffrant dont il est écrit : « C’était nos souffrances qu’il portait, nos péchés dont il était accablé. Nous le croyions châtié, humilié, mais il nous apportait la rédemption, la libération et la guérison » (cf. Is 53, 4-5). C’est Jésus, Fils de Dieu, fils d’Abraham, fils de David, qui a pris chair dans le sein de la Vierge Marie ; c’est Jésus dans sa réalité historique et singulière qui est l’objet de l’action de grâce de Marie. Mais, en même temps, elle nous met sur la voie de notre propre Magnificat. Car, dire « qu’il relève Israël son serviteur, qu’il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères », c’est évoquer la résurrection du Seigneur, avant même que Marie ne puisse le savoir ou le pressentir. Le « relevé d’entre les morts » est le secret ultime que le Christ confiera à ses apôtres, lors de la purification du Temple : « Détruisez ce Temple, en trois jours je le relèverai » (Jn 2, 19 sq). Saint Jean ajoute : « Lorsque Jésus se releva d’entre les morts, ses disciples se souvinrent qu’il avait parlé ainsi et ils crurent à l’Ecriture ainsi qu’à la parole qu’il avait dite ». Nous aussi, le Christ ressuscité nous charge d’en « être les témoins » (cf. Lc 24, 48). Avec Marie, il nous invite à participer à cet acte de rédemption. Dans la situation présente du monde où nous vivons, nous savons que nous sommes les bénéficiaires d’une grâce incommensurable : avoir part à cette promesse faite aux pères, être entré dans cette alliance pour laquelle Dieu a disposé de son peuple et singulièrement de la Vierge Marie. N’a-t-il pas voulu que « depuis la fondation du monde nous soyons les uns et les autres appelés et choisis pour rendre témoignage à son amour » ? (cf. Ep 1, 4). Toute l’histoire du salut est ainsi évoquée ; non pas seulement comme un spectacle devant nos yeux, mais comme un acte dans lequel nous sommes impliqués : la rédemption du monde ici et maintenant, l’ouvre de Dieu en train de s’accomplir en son Fils Jésus. Car l’unique Sauveur des hommes, c’est le Christ Jésus. Car l’unique Sauveur des hommes, c’est le Christ Jésus. Il est « la Voie, la Vérité, la Vie » (Jn 14, 6). Il n’est pas une forme possible de l’idéal humain. Il n’est pas une expression supérieure de l’homme transfiguré. Il est celui que la Vierge Marie porte dans son sein et qui, Verbe de Dieu fait homme, au jour de la Visitation fait bondir de joie Jean Baptiste dans le sein de sa mère (Lc 1, 41). Il est celui qui est mort, crucifié à Jérusalem, et qui est ressuscité au jour de Pâques. Ses apôtres l’ont vu ; Thomas a touché ses plaies. Il est celui dont le corps livré pour la multitude est la source de Vie qui repose sur nos lèvres et habite notre cour. Il est celui qui nous a donné son Esprit saint. Et nous, nous sommes chrétiens, non seulement en raison des déterminations de l’histoire, des cultures et des civilisations. Nous ne sommes pas chrétiens seulement comme en Asie d’autres sont bouddhistes ou comme ailleurs d’autres sont musulmans. Certes, c’est une ouvre de grâce qui passe par ces conditions de la naissance. Mais Dieu nous a choisis et appelés pour que le mystère de la rédemption s’accomplisse et se déploie dans le temps de l’histoire. La grâce qui vous est donnée d’être disponibles à l’appel du Christ, de rendre témoignage à son amour, en un mot, la mission, n’est donc pas une spécialité parmi d’autres, un choix parmi d’autres offerts à l’Eglise comme certains auront une activité de caractère social, d’autres s’occuperont de loisir, d’éducation, d’autres auront une plus grande sensibilité à tel aspect du christianisme, chacun dans ce grand magasin ecclésial étant attiré par l’article de son choix, faisant de la mission une option toute facultative ! Non ! Car c’est la volonté de Dieu que son serviteur soit dans le monde celui par qui la vie est donnée. Volonté de Dieu que la Vierge Marie accueille et reçoit : « Qu’il me soit fait selon ta Parole », rejoignant d’avance ce que Jésus dira à Gethsémani : « Non pas ma volonté, Père, mais la tienne » (Lc 22, 42), « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux » (Mc 14, 36). Ce consentement à la volonté de Dieu est un enfantement de la liberté humaine par ce mystère d’amour qu’est le mystère de la Croix. Et nous y sommes associés. Pourquoi ? Comment ? Non seulement par le don de notre vie et l’offrande de nous-mêmes, unis au Christ, grâce à l’Esprit qui nous habite et nous rend semblables au Fils ; mais aussi en annonçant ce mystère pour que d’autres naissent à la vie, comme Dieu le veut. Ceux à qui nous annonçons cette Parole et qui l’accueillent, Dieu les a destinés à poursuivre, à leur tour, son ouvre de salut à travers les siècles, les cultures et les nations jusqu’à ce que le Jour du Seigneur soit accompli, avec le Jugement ultime de toutes choses. Il nous échappe et nous n’avons pas à nous en tourmenter. « Ne jugez pas, dit le Seigneur, et Dieu ne vous jugera pas » (Mt 7, 1) ; le Jugement ne vous appartient pas ; c’est Dieu lui-même qui juge et lui seul. « Lorsque Dieu essuiera toute larme de nos yeux » (Ap 7, 17), que « toutes les nations seront rassemblées devant le trône du Fils de l’Homme » (Mt 25, 32), lorsque nous verrons enfin la vérité de toutes les vies humaines, l’histoire de l’humanité nous apparaîtra sous un jour dont nous ne savons rien actuellement, si ce n’est que Dieu est miséricordieux et veut que tous les hommes soient sauvés. Mais il veut aussi que l’homme, dans sa liberté, respecte l’amour pour lequel il est fait, la vérité dont il a faim et dont il doit se rassasier, la beauté de la vie que Dieu en son Fils Jésus est venu lui « donner en abondance » (Jn 10, 10). Disciples de Jésus, nous sommes appelés à être le Christ présent en ce monde et dans l’histoire. Puisque Dieu vous a choisis, personne ne vous remplacera. Là où vous êtes, vous êtes les yeux du Christ, vous êtes les mains du Christ, vous êtes les pieds du Christ, vous êtes la parole du Christ. Nous n’en sommes pas dignes, ni les uns ni les autres. C’est pourquoi il nous faut sans cesse nous convertir et recevoir cette « miséricorde de Dieu qui s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ». C’est pourquoi il nous faut sans cesse recourir à l’intercession maternelle de Marie et de l’Eglise qui nous replonge dans ce flux de grâce et nous donne le courage de la foi. Le Christ lui-même est à l’ouvre en tous ceux qui, par la maternité de la Vierge et de l’Eglise, sont enfantés à la vie de Dieu. La fête de l’Assomption de la Vierge Marie n’est que l’anticipation de ce jour ultime auquel nous aurons accès.
En attendant, quelques repères : La Promesse. « Il se souvient de la promesse faite à nos pères en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais ». La descendance : tous ceux aussi dont Jésus parle au soir de la dernière Cène : « Je ne prie pas seulement pour eux, dit-il, au Père (pensant à ses disciples présents autour de lui), mais pour tous ceux qui croiront en moi grâce à leur parole, grâce à leur témoignage » (Jn 17, 20). Les témoins : vous et le Christ en vous qui accomplit l’ouvre du salut.
RENCONTRE DES FAMILLES À BRESSO, 3 JUIN 2012 : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI
4 juin, 2012http://www.zenit.org/article-31012?l=french
RENCONTRE DES FAMILLES À BRESSO, 3 JUIN 2012 : HOMÉLIE DE BENOÎT XVI
Programme des familles catholiques du IIIe millénaire
MILAN, dimanche 3 juin 2012 (ZENIT.org) – Benoît XVI a donné aux familles catholiques du IIIe millénaire un programme que l’on peut résumer dans cette phrase de son homélie : « Nous sommes appelés à accueillir et à transmettre d’un commun accord les vérités de la foi ; à vivre l’amour réciproque et envers tous, en partageant joies et souffrances, en apprenant à demander et à accorder le pardon, en valorisant les différents charismes sous la conduite des pasteurs. En un mot, nous est confiée la tâche d’édifier des communautés ecclésiales qui soient toujours plus famille, capables de refléter la beauté de la Trinité et d’évangéliser non seulement par la parole mais, je dirais même, par « irradiation », par la force de l’amour vécu »
Voici le texte de l’homélie de Benoît XVI à Bresso, à l’occasion de la VIIe Rencontre mondiale des familles de Milan, qui a rassemblé un million de personnes ce dimanche matin, 3 juin.
Homélie de Benoît XVI:
Vénérés Frères, Éminentes Autorités, Chers frères et sœurs,
C’est un moment fort de joie et de communion que nous vivons ce matin, en célébrant le sacrifice eucharistique ; une grande assemblée, réunie avec le Successeur de Pierre, constituée de fidèles provenant de nombreuses nations. Elle offre une image expressive de l’Église, une et universelle, fondée par le Christ et fruit de cette mission, que Jésus, comme nous l’avons entendu dans l’Évangile, a confiée à ses Apôtres : aller et faire de tous les peuples des disciples, « les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28, 18-19). Je salue avec affection et reconnaissance le Cardinal Angelo Scola, Archevêque de Milan, et le Cardinal Ennio Antonelli, Président du Conseil pontifical pour la Famille, principaux artisans de cette VIIème Rencontre mondiale des Familles, ainsi que leurs collaborateurs, les Évêques auxiliaires de Milan et les autres Prélats. Je suis heureux de saluer toutes les Autorités présentes. Et aujourd’hui, toute mon affection va surtout à vous, chères familles ! Merci de votre participation !
Dans la deuxième Lecture, l’Apôtre Paul nous a rappelé qu’au Baptême nous avons reçu l’Esprit Saint, qui nous unit au Christ en tant que frères et nous met en relation avec le Père en tant qu’enfants, de sorte que nous pouvons crier : « Abbà Père ! » (cf. Rm 8, 15.17). En cet instant, il nous a été donné un germe de vie nouvelle, divine, pour le faire grandir jusqu’à son accomplissement définitif dans la gloire céleste ; nous sommes devenus membres de l’Église, la famille de Dieu, « sacrarium Trinitatis » – ainsi la définit saint Ambroise -, « peuple qui – comme l’enseigne le Concile Vatican II – tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint » (Const. Lumen gentium, 4). La solennité liturgique de la Sainte Trinité, que nous célébrons aujourd’hui, nous invite à contempler ce mystère, mais elle nous pousse aussi à nous engager à vivre la communion avec Dieu et entre nous sur le modèle de la communion trinitaire. Nous sommes appelés à accueillir et à transmettre d’un commun accord les vérités de la foi ; à vivre l’amour réciproque et envers tous, en partageant joies et souffrances, en apprenant à demander et à accorder le pardon, en valorisant les différents charismes sous la conduite des pasteurs. En un mot, nous est confiée la tâche d’édifier des communautés ecclésiales qui soient toujours plus famille, capables de refléter la beauté de la Trinité et d’évangéliser non seulement par la parole mais, je dirais même, par « irradiation », par la force de l’amour vécu.
Ce n’est pas seulement l’Église qui est appelée à être image du Dieu unique en trois Personnes, mais aussi la famille, fondée sur le mariage entre l’homme et la femme. Au commencement, en effet, « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds, et multipliez-vous » » (Gn 1, 27-28). Dieu a créé l’être humain mâle et femelle, avec une même dignité, mais aussi avec des caractéristiques propres et complémentaires, pour que les deux soient un don l’un pour l’autre, se mettent en valeur réciproquement et réalisent une communauté d’amour et de vie. L’amour est ce qui fait de la personne humaine l’image authentique de Dieu. Chers époux, en vivant le mariage, vous ne vous donnez pas quelque chose ou quelque activité, mais la vie entière. Et votre amour est fécond avant tout pour vous-mêmes, parce que vous désirez et vous réalisez le bien l’un de l’autre, expérimentant la joie de recevoir et de donner. Il est aussi fécond dans la procréation, généreuse et responsable, des enfants, dans l’attention prévenante pour eux et dans leur éducation attentive et sage. Il est fécond enfin pour la société, car votre vécu familial est la première et irremplaçable école des vertus sociales telles que le respect des personnes, la gratuité, la confiance, la responsabilité, la solidarité, la coopération. Chers époux, prenez soin de vos enfants et, dans un monde dominé par la technique, transmettez-leur, avec sérénité et confiance, les raisons de vivre, la force de la foi, en leur proposant des objectifs élevés et en les soutenant dans leurs fragilités. Mais vous aussi les enfants, sachez maintenir sans cesse une relation de profonde affection et d’attention prévenante à l’égard de vos parents, et que les relations entre frères et sœurs soient aussi des occasions de grandir dans l’amour.
Le projet de Dieu sur le couple humain trouve sa plénitude en Jésus-Christ qui a élevé le mariage au rang de sacrement. Chers époux, par un don spécial de l’Esprit Saint, le Christ vous fait participer à son amour sponsal, en faisant de vous le signe de son amour pour l’Église : un amour fidèle et total. Si vous savez accueillir ce don, en renouvelant chaque jour, avec foi, votre « oui », avec la force qui vient de la grâce du Sacrement, votre famille aussi vivra de l’amour de Dieu, sur le modèle de la Sainte Famille de Nazareth. Chères familles, demandez souvent, dans la prière, l’aide de la Vierge Marie et de saint Joseph, pour qu’ils vous apprennent à accueillir l’amour de Dieu comme ils l’ont accueilli. Votre vocation n’est pas facile à vivre, spécialement aujourd’hui, mais celle de l’amour est une réalité merveilleuse, elle est l’unique force qui peut vraiment transformer le monde. Devant vous vous avez le témoignage de nombreuses familles qui vous indiquent les voies pour grandir dans l’amour : maintenir une relation constante avec Dieu et participer à la vie ecclésiale, entretenir le dialogue, respecter le point de vue de l’autre, être prêts à servir, être patients avec les défauts des autres, savoir pardonner et demander pardon, surmonter avec intelligence et humilité les conflits éventuels, s’accorder sur les orientations éducatives, être ouverts aux autres familles, attentifs aux pauvres, responsables dans la société civile. Ce sont tous des éléments qui construisent la famille. Vivez-les avec courage, certains que, dans la mesure où avec le soutien de la grâce divine, vous vivrez l’amour réciproque et envers tous, vous deviendrez un Évangile vivant, une véritable Église domestique (cf. Exhort. apost. Familiaris consortio, 49). Je voudrais aussi réserver un mot aux fidèles qui, tout en partageant les enseignements de l’Église sur la famille, sont marqués par des expériences douloureuses d’échec et de séparation. Sachez que le Pape et l’Église vous soutiennent dans votre peine. Je vous encourage à rester unis à vos communautés, tout en souhaitant que les diocèses prennent des initiatives d’accueil et de proximité adéquates.
Dans le livre de la Genèse, Dieu confie au couple humain sa création pour qu’il la garde, la cultive, la conduise selon son projet (cf. 1, 27-28 ; 2, 15). Dans cette indication, nous pouvons lire la tâche de l’homme et de la femme de collaborer avec Dieu pour transformer le monde, par le travail, la science et la technique. L’homme et la femme sont images de Dieu aussi dans cette œuvre précieuse qu’ils doivent accomplir avec le même amour que le Créateur. Nous voyons que, dans les théories économiques modernes, prédomine souvent une conception utilitariste du travail, de la production et du marché. Le projet de Dieu et l’expérience elle-même montrent cependant que ce n’est pas la logique unilatérale du bénéfice personnel et du profit maximum qui peut contribuer à un développement harmonieux, au bien de la famille et à l’édification d’une société plus juste, car cette logique comporte une concurrence exaspérée, de fortes inégalités, la dégradation de l’environnement, la course aux biens de consommation, la gêne dans les familles. Bien plus, la mentalité utilitariste tend à s’étendre aussi aux relations interpersonnelles et familiales, en les réduisant à de précaires convergences d’intérêts individuels et en minant la solidité du tissu social.
Un dernier élément. L’homme, en tant qu’image de Dieu, est appelé aussi au repos et à la fête. Le récit de la création se termine par ces paroles : « Le septième jour, Dieu avait achevé l’œuvre qu’il avait faite. Il se reposa le septième jour, de toute l’œuvre qu’il avait faite. Et Dieu bénit le septième jour : il en fit un jour sacré » (Gn 2, 2-3). Pour nous chrétiens, le jour de fête c’est le dimanche, jour du Seigneur, Pâque hebdomadaire. C’est le jour de l’Église, assemblée convoquée par le Seigneur autour de la table de la Parole et du Sacrifice eucharistique, comme nous sommes en train de le faire aujourd’hui, pour nous nourrir de Lui, entrer dans son amour et vivre de son amour. C’est le jour de l’homme et de ses valeurs : convivialité, amitié, solidarité, culture, contact avec la nature, jeu, sport. C’est le jour de la famille, au cours duquel nous devons vivre ensemble le sens de la fête, de la rencontre, du partage, en participant aussi à la Messe. Chères familles, même dans les rythmes serrés de notre époque, ne perdez pas le sens du jour du Seigneur ! Il est comme l’oasis où s’arrêter pour goûter la joie de la rencontre et étancher notre soif de Dieu.
Famille, travail, fête : trois dons de Dieu, trois dimensions de notre existence qui doivent trouver un équilibre harmonieux. Harmoniser les temps de travail et les exigences de la famille, la profession et la maternité, le travail et la fête, est important pour construire des sociétés au visage humain. En cela, privilégiez toujours la logique de l’être par rapport à celle de l’avoir : la première construit, la deuxième finit par détruire. Il faut s’éduquer à croire, avant tout en famille, dans l’amour authentique, qui vient de Dieu et qui nous unit à lui et pour cela justement « nous transforme en un Nous, qui surpasse nos divisions et qui nous fait devenir un, jusqu’à ce que, à la fin, Dieu soit « tout en tous » » (1 Co 15, 28) » (Enc. Deus caritas est, 18). Amen.
© Libreria Editrice Vaticana
MESSE À SAINT-PIERRE DE ROME, POUR LA « FILLE AÎNÉE DE L’EGLISE » (card. Poupard)
2 juin, 2012http://www.zenit.org/article-30991?l=french
MESSE À SAINT-PIERRE DE ROME, POUR LA « FILLE AÎNÉE DE L’EGLISE »
La tradition de sainte Pétronille, par le card. Poupard
Anita Bourdin
ROME, vendredi 1erjuin 2012 (ZENIT.org) – C’est le roi franc Pépin le Bref (715-768) qui demanda au pape « que le corps de Pétronille soit porté au Vatican, qu’un sanctuaire y perpétue son culte, et qu’on y prie pour la nation franque », rappelle le cardinal Poupard. C’est ainsi que la France devint la « fille aînée de l’Eglise »
Le cardinal Paul Poupard, président émérite des Conseils pontificaux de la Culture ete pour le dialogue interreligieux, a en effet présidé ce vendredi matin, 1er juin, en la basilique Saint-Pierre, la traditionnelle messe en l’honneur de sainte Pétronille – fêtée le 31 mai -, en la basilique Saint-Pierre, en présence de l’ambassadeur de France près le Saint-Siège, M. Bruno Joubert.
Dans son homélie, le cardinal français a évoqué les souffrances actuelles de Benoît XVI en disant l’assurer « au milieu des pénibles épreuves que nous partageons avec lui, de notre filiale affection et de notre fervente prière ».
« Pétronille, vierge romaine, nous est connue par une inscription apposée sur son sarcophage, dans la catacombe de Domitille, à la mémoire de Petronillae, filiae dulcissima, rapidement attribuée à saint Pierre », a expliqué le cardinal Poupard.
Et de préciser : « Alors que les rapports se resserrent entre le Siège apostolique et la nation franque, et que le domaine temporel de Saint-Pierre est menacé par les Lombards, les papes Etienne II et Paul Ier se tournent vers la France. Une alliance est conclue sous le signe de Pétronille, qui personnifie dès lors la France chrétienne. Pétronille étant, selon la croyance du temps, la fille de saint Pierre, la France devient la fille aînée de l’Eglise ».
« A ce titre, Pépin le Bref demande au pape que le corps de Pétronille soit porté au Vatican, qu’un sanctuaire y perpétue son culte, et qu’on y prie pour la nation franque. Ce beau symbole devient le gage des bons rapports entre la France et la Papauté », a-t-il ajouté.
Après avoir rappelé les voyages de Jean-Paul II et ses messages à la France, – notamment le fameux « Qu’as-tu fait des promesses de ton baptême ? » -, le cardinal Poupard a aussi mentionné les voyages de Benoît XVI.
Il a cité le discours à l’Elysée, le 12 septembre 2006, dans lequel le pape a salué « tous ceux et toutes celles qui habitent ce pays à l’histoire millénaire, au présent riche d’évènements et à l’avenir prometteur. Qu’ils sachent que la France est très souvent au cœur de la prière du Pape, qui ne peut oublier tout ce qu’elle a apporté à l’Eglise au cours des vingt derniers siècles ! »
Le cardinal citait encore ce passage du discours de Benoît XVI sur la séparation entre « politique » et « religieux »: « Il est en effet fondamental, d’une part, d’insister sur la distinction entre le politique et le religieux, afin de garantir aussi bien la liberté religieuse des citoyens que la responsabilité de l’Etat envers eux, et, d’autre part, de prendre une conscience plus claire de la fonction irremplaçable de la religion pour la formation des consciences et de la contribution qu’elle peut apporter, avec d’autres instances, à la création d’un consensus éthique fondamental dans la société… Je vous assure de ma fervente prière pour votre belle nation, afin que Dieu lui concède paix et prospérité, liberté et unité, égalité et fraternité… Que Dieu bénisse la France et tous les Français ».
« Le Royaume de Dieu, a conclu le cardinal Poupard, ne s’acquiert pas par les valeurs périssables de l’avoir, du savoir et du pouvoir : « Qui aura trouvé sa propre vie la perdra et qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera », comme l’apôtre Pierre, sainte Pétronille, et tous les saints martyrs que nous vénérons et que nous prions en cette heure difficile, pour nous-mêmes et pour notre pays, pour l’Eglise et pour le monde ».
Le prénom de Pétronille est un diminutif féminin de « Petro » ou « Petrus » : elle aurait été une descendante de Titus Flavius Petro, grand-père de l’empereur romain Vespasien. Une fresque représente la jeune martyre chrétienne dans la catacombe de Domitille construite sur la via Ardeatina par le pape Sirice vers 390, avec l’indication : PETRONELLE MART.
C’est le pape Paul Ier – né vers 700, et pape pendant une dizaine d’années, du 9 mai 757 au 28 juin 767 – qui fit transférer le sarcophage où reposaient la jeune martyre en la basilique Saint-Pierre. Elle est honorée traditionnellement comme la fille ou la fille spirituelle de l’apôtre Pierre.
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Fête de la Sainte Trinité (3 juin 2012)
2 juin, 2012http://www.bible-service.net/site/434.html
Fête de la Sainte Trinité (3 juin 2012)
Nul ne pourra jamais décrire parfaitement tout ce que Dieu fait pour lui. Dieu règne sur le ciel comme sur la terre (première lecture). Le psaume prolonge cette lecture, en affirmant que Dieu donne ses bienfaits à tous ceux qui se tournent vers lui (psaume). St Paul, dans l’épître aux Romains (deuxième lecture), témoigne de l’action d’un dieu Trinité en disant que c’est avec le Fils, dans l’Esprit, que les croyants appellent Dieu “ Abba, Père ! ” C’est de ce Dieu là dont les disciples sont appelés à témoigner à toutes les nations (Evangile)
• Deutéronome 4,32-34.39-40
Dans ce discours, alors que le peuple est en vue de la Terre promise, Moïse l’invite à relire son histoire pour voir si d’autres peuples pourraient se targuer de vivre la même relation d’amour avec leur Dieu. Car il est évident que le Dieu d’Israël n’est pas comme les autres dieux. Il n’est pas dans un lieu, enfermé dans une fonction. Il aime son peuple, il vient vers lui, il agit pour lui “ par la force de sa main et la vigueur de son bras ”, le libérant de l’esclavage et lui donnant une Loi pour vivre. Dans son discours, Moïse s’appuie essentiellement sur les événements du Sinaï. Ainsi, rester fidèle à Dieu en observant ses commandements est un gage de bonheur.
• Psaume 32
Continuant la lecture du Deutéronome, ce psaume parle du Dieu Créateur, du Dieu de l’Alliance : “ Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l’univers, par le souffle de sa bouche… ”. Deux manières d’affirmer la même conviction : tout ce qui existe vient de Dieu. La troisième strophe précise même : tout cela vient de l’amour de Dieu.
Ensuite, le psaume évoque le Dieu de l’Alliance : celui qui prie met son espoir en Dieu, car il sait que “ Dieu veille sur ceux qui le craignent ”. Celui qui prie peut être un individu, mais également un collectif, le peuple. La certitude de vivre dans l’Alliance avec Dieu est un appui, un bouclier, une force contre toute adversité. Lors, le psalmiste peut laisser éclater sa joie (dernière strophe), qui s’exprime elle aussi en termes d’Alliance, avec ce va-et-vient qui unit terre et ciel : “ Que ton amour soit sur nous comme notre espoir est en toi ! ”.
• Matthieu 28,16-20
Pour saisir cette mention de la Trinité lors de l’envoi des disciples à la fin de l’Évangile de Matthieu, il n’est pas inutile de remonter au baptême. En effet, pour les évangiles (sauf Jean), la vie publique de Jésus commence avec son baptême dans les eaux du Jourdain. Et, lors de sa dernière apparition à ses disciples, après sa Résurrection, il leur commande d’aller enseigner toutes les nations, d’en faire des disciples et de les baptiser “ au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ”.
Le baptême de Jésus dans le Jourdain fut le moment de la première claire manifestation – dans le Nouveau Testament, et donc dans toute la Révélation – du Dieu Père, Fils et Esprit.
Lorsque Jésus descendit dans les eaux du fleuve, pour y être baptisé par Jean-Baptiste, comme le faisaient les foules qui descendaient de Jérusalem, l’Esprit descendit sur lui sous la forme d’une colombe, et il entendit la voix du Père disant : “ Tu es mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes complaisances. ” Et dans l’Évangile d’aujourd’hui, au moment de quitter ses disciples, il leur dit de baptiser les nations et de le faire “ au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit ”.
À travers tout son enseignement Jésus témoigne de la relation privilégiée qu’il entretenait avec Dieu qu’il appelait “ Père ” ; tout son être se trouve exprimé dans cette relation de Fils à Père. Le Père se dit tout entier dans son Verbe; et lorsque le Verbe incarné dit “ Abba, Père ”, il exprime dans ce simple mot tout son être de Fils. Il n’est rien d’autre. Jésus nous enseigne aussi tout au long de l’Évangile que son Père et Lui sont un, unis par l’Esprit d’amour qui leur est commun. Et, finalement, il révèle que les chrétiens sont appelés à vivre la même relation. Cet appel devient une réalité à travers le baptême et le don de l’Esprit. Au contact de Jésus, les disciples ont appris une nouvelle manière de connaître Dieu et de vivre avec lui.
2 juin, 2012
http://paroissesaintpaul.com/index.php?option=com_content&task=view&id=609&Itemid=1
Homélie pour la fête de la Sainte-Trinité (Année B)
Abbé Alexandre GERAULT +
(Homélie par une paroisse)
A Pâques, nous avons célébré la résurrection du Christ. Mis à mort par des mains humaines, le Père a relevé son Fils d’entre les morts. Apparu aux disciples, le Ressuscité a envoyé d’auprès du Père l’Esprit-Saint, l’Esprit de Dieu. C’est cet amour que nous célébrons aujourd’hui en cette fête de la Sainte Trinité. C’est cet échange permanent, ce don total de l’un à l’autre des trois personnes de la Trinité dont nous faisons mémoire en ce jour. Le Christ n’a rien gardé pour lui, tout ce qu’Il a reçu du Père, Il l’a remis entre ses mains. La volonté de Jésus n’a rien été d’autre que nous manifester l’amour de son Père. C’est dans son Fils unique que le Père nous a manifesté sa tendresse. C’est dans la personne du Crucifié qu’Il nous a montré sa patience. C’est dans la personne du Ressuscité qu’Il a montré sa puissance. C’est grâce à l’action de l’Esprit-Saint que tout ceci s’est réalisé. C’est dans la puissance de l’Esprit-Saint que tout ceci s’est accompli. La Sainte Trinité est ce mystère d’amour et de vie que nous sommes invités à contempler.
Dans sa lettre aux Romains, saint Paul nous fait prendre conscience de la gloire à laquelle nous sommes tous appelés. Au jour de notre baptême, nous avons reçu l’Esprit-Saint. Par ce don, nous sommes devenus enfants de Dieu. « L’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur, écrit l’Apôtre ; c’est un Esprit qui fait de vous des fils ». De même qu’un enfant reçoit la vie de ses parents, c’est de Dieu que nous avons reçu la vie. Devenus enfants de Dieu, entrés dans une relation personnelle avec Dieu, la vie présente en nous est ce dynamisme d’amour qui relie entre elles chacune des personnes divines. C’est l’amour qui unit le Père au Fils dans l’Esprit-Saint qui désormais est présent en nous. Nous avons sans doute du mal à concevoir la grandeur de notre vocation. « C’est donc l’Esprit-Saint lui-même qui affirme à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu » écrit saint Paul. Cette relation filiale que nous avons avec Dieu ne s’arrête pas avec notre mort, nous sommes appelés à ressusciter et à entrer dans la gloire du Fils, Lui qui partage l’intimité du Père dans l’Esprit-Saint. Nous n’avons pas été créés pour la mort. Créés à l’image de Dieu, nous sommes destinés à entrer dans la gloire de la Trinité. Il est bon de réentendre saint Paul nous le dire : « Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers ; héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, à condition de souffrir avec lui pour être avec lui dans la gloire ».
Ce mouvement d’offrande que le Christ fit de lui-même, cette gloire qui nous est promise, c’est ce qui est présent dans chacune de nos eucharisties. En elles, le Christ nous attire dans son acte d’offrande. En communiant à son Corps et à son sang, nous devenons unis à Lui. Comme le rappelait le pape Benoît XVI dans son encyclique sur la charité : « L’union avec le Christ est en même temps union avec tous ceux auxquels Il se donne. Je ne peux avoir le Christ pour moi seul ; je ne peux lui appartenir qu’en union avec tous ceux qui sont devenus ou qui deviendront siens. La communion me tire hors de moi-même vers Lui et, en même temps, vers l’unité avec tous les chrétiens » Deus caritas est n° 14.
Cet amour qui unit entre-elles chacune des personnes de la Trinité est l’amour qui constitue le fondement de la communauté chrétienne. Nous sommes appelés à vivre entre nous mais également avec ceux qui ne partagent pas notre foi cet amour dont Dieu nous aime. Aimer comme Dieu nous aime, aimer de l’amour que Dieu a pour nous ; telle est la réponse que Dieu attend de nous.
Dans le nouveau projet pastoral dont vous découvrirez les axes dans le prochain numéro de Graine de Moutarde, les membres du Conseil paroissial ont voulu souligner la dimension de la solidarité : solidarité entre nous mais également solidarité avec des personnes extérieures à la communauté paroissiale. Au cœur de cet engagement qui ne doit pas s’épuiser dans un activisme où nous perdrions notre âme, se trouve l’amour dont Dieu nous aime. Dans les rencontres que font les membres du service évangélique de visites aux personnes malades ou isolées, c’est le Christ qui est présent. Dans l’écoute et la disponibilité dont fait preuve l’équipe paroissiale d’accompagnement des familles en deuil, c’est le Ressuscité qui les habite. Dans le soutien scolaire qu’assurent des bénévoles du Secours catholique, c’est le Seigneur qui soutient afin d’aider des jeunes à grandir tout comme le fit le Christ qui nous appelle à la vie. Dans l’accueil et l’aide apportée par la Conférence saint Vincent de Paul à des personnes en situation de précarité, c’est le Christ est présent. Dans le cycle de conférence qui sera organisé à Mesnil-Esnard autour de sujets liés à la solidarité, c’est l’invitation à découvrir combien le Christ a épousé notre humanité. Dans l’aide vécue à un niveau international grâce aux missions, c’est le rappel que le Christ est venu pour tous les hommes.
Pour nous acquitter en vérité de cette mission, il nous faut prendre le temps de nous ressourcer. Eclairés par l’Esprit-Saint, travaillés par le Parole du Christ, cherchant à faire la volonté du Père, c’est alors que nous serons vraiment ces fils appelés à témoigner de l’amour de Dieu Trinité. Il nous faut prendre le temps de la prière, accueillir le Christ présent dans les sacrements, discerner sa volonté avec l’ensemble de la communauté chrétienne. Nous ne nous donnons pas une mission, nous la recevons du Seigneur par l’intermédiaire de son Eglise. C’est en vivant la mission reçue en communion avec toute l’Eglise que nous répondons à l’appel de Dieu. Nous vivons alors réellement de cet amour présent dans la Sainte-Trinité.
Ensemble, rendons grâce à Dieu pour cet amour présent dans la Sainte-Trinité et auquel nous sommes rendus participants grâce à l’Esprit-Saint. Que cette eucharistie où nous communions à ce mystère d’amour affermisse la communion entre nous et fasse de nous des témoins de la charité de Dieu pour tous nos frères. Amen.