Archive pour juin, 2012

ENSEIGNEMENT DU CARDINAL ANDRÉ VINGT-TROIS À MILAN

11 juin, 2012

http://www.zenit.org/article-31081?l=french

ENSEIGNEMENT DU CARDINAL ANDRÉ VINGT-TROIS À MILAN

« La famille, un bonheur à construire »

ROME, lundi 11 juin 2012 (ZENIT.org) – À l’occasion de la VIIe Rencontre internationale des familles, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la conférence des évêques de France est intervenu lors du rassemblement des pèlerins francophones organisé par le diocèse de Paris, les Associations Familiales Catholiques et la Communauté de l’Emmanuel, samedi 2 juin, à Milan, en la basilique S. Nazaro Apostolo. L’enseignement a été publié sur le site du diocèse de Paris.

Enseignement du Cardinal André Vingt-Trois :
« La famille, un bonheur à construire »

Chers amis,
Je suis heureux de cette occasion qui m’est donnée de m’adresser à vous, et je voudrais commencer par attirer votre attention sur une situation très paradoxale, mais en même temps significatrice de l’état d’esprit de notre société. Aujourd’hui, en France, il est clair que la famille est une réalité unanimement plébiscitée : tout le monde attend beaucoup de sa famille, chacun souhaite réussir une vie de famille et veut croire que sa famille sera une ressource importante pour lui. Mais – et c’est là le paradoxe – ces attentes à l’égard de la famille s’accroissent à mesure que la réalité familiale se dissout. Et on finit par se demander ce que concernent ces attentes. Tout se passe comme si tout le monde rêvait d’avoir quelque part une famille solide, dans laquelle il puisse s’abriter, sans que personne ne se demande à quelles conditions cette famille solide peut exister.
Comme nous sommes par ailleurs dans une période difficile du point de vue économique, beaucoup de jeunes attendent longtemps pour pouvoir avoir un emploi et s’établir. Ils restent parfois de longues années dépendants de leurs parents et de leur famille. Ces instabilités économiques accroissent aussi le besoin de soutien, de refuge et de protection, et la famille apparait alors comme un bon parapluie. Le seul problème est qu’à force d’avoir été utilisé et transformé, le parapluie n’est plus qu’une ombrelle et ne protège plus personne quand l’orage vient à tomber !
Face à toutes ces attentes, nous devons donc nous demander comment mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que la protection attendue de la cellule familiale ne soit pas un refuge virtuel, mais une ressource bien réelle. Je voudrais vous proposer trois points de réflexion, qui peuvent intéresser les familles actuelles et futures.
La famille demande du travail
L’existence d’une famille suppose un investissement de forces et de moyens, et, pourquoi ne pas le dire : un travail. Je ne parle pas ici du fait que la famille soit une base arrière pour que ceux qui ont une activité professionnelle puissent y refaire leurs forces. C’est la vie de famille elle-même qui doit être objet d’un travail. Elle a aujourd’hui besoin d’être prise en main, réfléchie et construite en fonction des difficultés auxquelles elle est confrontée et des attentes qu’on lui fait supporter.
Notre Église, en France, a beaucoup investi dans ce travail depuis des décennies. Antoine Renard évoquait le centenaire de la création des Associations Familiales Catholiques. Tout le XXème siècle a été jalonné d’initiatives pour soutenir la vie de couple, la vie de famille ou le métier de parent. Ainsi par exemple, on a réalisé progressivement que l’éducation ne se déroulait plus naturellement sans qu’on ait besoin de réfléchir au rôle des parents (et que ceux-ci aient besoin de s’y préparer en lisant des publications qui ont fait la fortune des éditeurs!). Je pense aussi aux initiatives des mouvements familiaux, des groupes de préparation au mariage (CPM ou autres) et plus largement à l’investissement de nombreux chrétiens, laïcs, hommes, femmes, et couples, au soutien de l’Église et au travail des pasteurs au service des familles, des époux, des enfants et des jeunes. Toute une pastorale s’est développée pour accompagner et soutenir l’implication décisive et centrale des couples dans la construction de leur famille.
Pour mieux définir la nature de ce travail, nous devons comprendre que le XXème siècle a fait passer notre société d’une représentation implicite de la famille, à la nécessité de la comprendre explicitement. Il y a un siècle ou même un demi siècle, la famille faisait partie des données non discutées et non réfléchies de la vie sociale. De même que l’on ne réfléchit pas au fait de respirer, tout en le faisant pourtant tous et tout le temps, la famille – à quelques notables et rares exceptions près – faisait partie des conditions de vie de tous, sans qu’il y ait tellement besoin d’y penser. On naissait dans une famille, on créait une famille en se mariant, on la faisant grandir en ayant des enfants, et vaille que vaille, avec les ennuis habituels de l’existence, tout cela avançait. Dans le couple, on ne voyait pas beaucoup d’alternative au fait de s’entendre. On se réjouissait donc lorsque les choses se passaient bien, et on endurait si elles se présentaient autrement. Pour l’éducation des enfants, on répétait à leur égard ce que l’on avait reçu de ses parents, sans avoir de grandes théories éducatives, du moins pour la plupart des gens. La solidarité intergénérationnelle ne posait aucune question, d’abord parce que, la vie étant moins longue qu’aujourd’hui, les personnes âgées moins nombreuses et la proportion des jeunes, considérable. Un aïeul pouvait avoir quinze ou trente descendants qui se partageaient sa charge, alors qu’aujourd’hui c’est l’inverse : de nombreuses personnes sont seules à devoir veiller sur quatre ou huit grands-parents et arrières grands-parents. Aujourd’hui, les relations intergénérationnelles ne sont plus portées comme elles l’étaient par un socle de jeunesse qui dynamise le système. Elles sont au contraire polarisées par des personnes plus âgées qui font pencher l’équilibre vers eux. Ce n’est d’ailleurs pas dramatique en soi et n’empêche pas de vivre heureux, mais cela change les conditions de vie, la manière de voir le monde et d’organiser son univers.
Toujours est-il que peu à peu, on a découvert que la famille n’était plus une institution fortement supportée et intégrée à la société dans laquelle il suffit d’investir notre sentiment et notre générosité. Elle n’est plus comme un immeuble bien construit, où chacun apporte ses capacités de collaboration et d’investissement sans avoir à assumer ou repenser l’architecture de l’ensemble. Aujourd’hui, l’architecture de cet immeuble est informe. Les éléments de repères qui constituaient l’organisation familiale sont devenus friables. Le mariage n’est plus systématiquement – loin de là ! – l’engagement mutuel d’un homme et d’une femme pour toujours et pour élever les enfants qu’ils auront. Son caractère définitif et exclusif n’est plus perçu, tout comme la nécessité de vouloir et même d’envisager d’avoir des enfants pour s’engager. D’autres éléments constitutifs de la famille sont même l’objet de remise en cause théorique, comme par exemple le fait que la famille suppose un homme et une femme. Et nous savons que beaucoup poussent, pour que cette question encore théorique devienne une question pratique…
Nous étions dans un équilibre et une représentation claire où l’institution soutenait l’implication personnelle et renforçait ceux et celles qui étaient éprouvés ou défaillants. Aujourd’hui, au contraire, chacune et chacun est sollicitée non pas pour entrer dans un projet encore bien défini, mais pour assumer la construction de cette institution afin qu’elle soit solide. On a toujours quelque part le plan de l’immeuble, mais personne ne le trouve déjà construit. Le travail de la famille est donc, pour chacun, de trouver les matériaux et de retrousser ses manches pour bâtir la maison dans laquelle il devra vivre. Comme tout travail, cette tâche est fatigante et demande du temps, de l’énergie et des ressources. Celui qui imagine la famille comme un havre où se reposer entre les épreuves, est surpris de devoir fournir ce travail. Celui qui espère s’appuyer sur la famille, n’est pas prêt à ce que ce soit la famille qui s’appuie sur lui !
Nous sommes donc dans une période de crise, non pas au sens négatif d’une crise- effondrement mais au sens où cette période doit conduire à prendre des décisions. La question n’est plus de rejoindre ou non le bataillon des « familles normales », parce qu’on ne sait pas où est le bataillon ! La question est de savoir si je veux construire une famille, comment je vais m’y prendre, quel prix je suis prêt à payer pour que cette famille existe, quel temps, quels efforts, quel engagement dans les relations de pardon et de miséricorde j’accepte d’y consacrer.
Nous sommes donc loin du stéréotype qui traine un peu dans les imaginations, même s’il ne correspond plus du tout à la réalité, de la famille « repos du guerrier ». Aujourd’hui, le guerrier, qui est d’ailleurs souvent aussi une guerrière, est allé travailler au dehors, il a sué sang et eau toute la journée et supporté des tensions et des conflits de toutes sortes. Quand il rentre chez lui, il espère peut-être avoir la paix, se reposer et ne pas avoir besoin de réfléchir à ce qu’il va faire ou dire, ou à la programmation de la soirée, de la semaine ou du week-end. Mais voilà qu’au contraire sa vie de famille doit être créée, soutenue, nourrie, réfléchie…, et qu’il ne peut pas se reposer, et qu’il doit continuer à se donner du mal.
La fonction sociale de la famille
Le deuxième point rejoint ce qu’Antoine Renard a pu expliquer : comment arriver à comprendre et à intégrer dans notre manière de vivre la fonction sociale de la famille ? Car s’engager de toutes nos forces dans la construction d’une famille ne porte pas seulement des fruits dans la vie privée. Le travail de mise en œuvre d’une vie de famille n’a pas pour seul but de fournir à chacun des membres de la famille un lieu harmonieux pour son existence. Il ne relève pas uniquement de ce que l’on appelle la vie privée. Bien-sûr, la réussite de la construction de la famille a des conséquences pour chacun des membres et permet de trouver un équilibre pour chacun d’eux et entre eux tous. Mais elle concerne aussi inséparablement toute la société.
Dire cela est aujourd’hui un message social et politique, que l’on n’ose pas souvent aborder de front. On peut en effet s’interroger sur les dommages sociaux de la désintégration des familles. Ils sont de plusieurs ordres et concernent par exemple le logement, puisque lorsqu’une famille se divise en deux, cela nécessite deux habitations au lieu d’une. Mais qui a le courage de dire que la pénurie de logement que nous connaissons ici et là s’explique en partie de cette manière ? La désintégration des familles à donc un cout économique. Elle entraine aussi des dommages éducatifs, par exemple les difficultés scolaires ou même d’intégration sociale que rencontrent les jeunes qui ont souffert de la séparation de leurs parents. L’étude des dossiers des délinquants juvéniles ou des adolescents ayant été condamné par la justice permet bien souvent de déceler des carences familiales dans l’enfance ou la jeunesse.
Je le répète, nous ne sommes pas là dans le domaine de la vie privée, mais dans celui de la vie sociale, puisqu’il s’agit de difficultés d’intégration scolaire, de l’accueil d’enfants perturbés nerveusement ou dans leur équilibre personnel, ou de la prise en charge des souffrances affectives d’enfants de parents séparés, qui doivent occulter leur mal-être parce qu’ils ne veulent pas le faire peser sur leur père ou leur mère, pour qui ils gardent toute leur affection. Si au départ, il s’agit d’un évènement tout-à-fait privé, il est clair que la séparation d’un couple et l’organisation de la garde de leurs enfants ne regarde pas qu’eux, puisqu’à travers eux, c’est une part de la vie sociale qui est mise en danger et perturbée.
L’enseignement de Jean Paul II tout au long de son pontificat a présenté la famille comme la première cellule de la société, non pas au sens chronologique (celle qui serait là avant les autres), mais au sens logique. La famille est la cellule de fondement de la société, parce qu’en elle les représentants des deux pôles entre lesquels se partage l’humanité (le pôle masculin et le pôle féminin) s’unissent et s’harmonisent, coexistent et collaborent. C’est parce que la famille est l’élaboration d’un processus de communion à partir d’une différence radicale, qu’elle est un lieu d’apprentissage de la vie sociale. La famille est la cellule fondamentale de la société parce qu’en elle, les enfants sont accueillis, aimés, écoutés, pris en charge, et toujours considérés comme tels quoiqu’ils fassent. La famille est première dans une société parce qu’elle inscrit dans la vie sociale un principe de régulation des relations entre les générations. Elle est première parce qu’elle est comme le laboratoire dans lequel chacun apprend à maîtriser et à dominer la violence des relations entres les hommes et les femmes, et entre les générations. Elle est le lieu où s’apprend la socialisation, où se construit la capacité de respect de l’autre, où s’engendre le désir de faire quelque chose avec l’autre.
Par là nous comprenons les effets positifs ou négatifs de l’équilibre familial sur la vie collective. Là où les familles sont déstructurées, ou affaiblies, les mœurs communes ne sont plus régulées de la même façon, et la volonté de puissance et la violence dominent. Le projet de réussir une vie de famille harmonieuse, n’est donc pas seulement un objectif privé, celui de « réussir son coup » pour soi ou plutôt pour soi et son conjoint. La réussite de ce projet participe de notre réussite collective, c’est un service du bien commun. Percevoir, comprendre et vivre cela, c’est donner à la vie familiale une dimension plus large que celle d’un réseau étroit de sentiments particuliers.
La famille lieu de témoignage
Aujourd’hui, la famille est le lieu d’un témoignage. Il faut dire les choses comme elles sont, notre société n’est pas à une contradiction près. Pour que la famille redevienne un lieu de sécurité affective, les hommes ou les femmes politiques de tous bords sont prêts à dire qu’ils vont soutenir la famille. Mais aucun ne sait dire comment il va le faire, quand et jusqu’où. Par principe, ils sont pour la famille, mais qui pourrait être contre ? Surtout si la famille c’est tout et son contraire !? Et dans cette perspective, soutenir la famille signifie simplement récupérer ce qui reste de sécurité affective dans la famille.
Ainsi, par exemple, on donne progressivement à chaque parent (pris d’ailleurs individuellement et non pas comme couple) un pouvoir de contestation de l’institution scolaire, au nom de raisons affectives. On trouve naturel que des parents s’unissent à deux ou trois pour défiler sous les fenêtres de l’école en disant « c’est inadmissible », parce que des enfants ont récolté des mauvaises notes, en raison du fait qu’ils ne sont pas compris par leur professeur, qui est tantôt professeur, tantôt éducateur.
Mais en cautionnant ce genre d’initiatives, ce n’est pas la famille que l’on soutien mais on encourage plutôt la prééminence des réactions affectives de la famille au dépend de l’institution sociale. Finalement, on veut soutenir la sécurité de la famille, sans reconnaître les conditions nécessaires pour qu’elle joue pleinement son rôle social.
Ainsi, dans le même numéro de n’importe quel hebdomadaire, on vous fera une page sur la disparition des pères dans l’éducation, et une autre sur les bienfaits du divorce par consentement mutuel devant un secrétaire de mairie, sans percevoir qu’il y a là une contradiction ! D’un côté, on trouve normal que les conjoints puissent s’unir et se désunir selon leurs désirs, et de l’autre on crie au secours parce que l’autorité parentale a disparu !
Mais il est difficile à ceux qui nous proposent cette lecture de voir que ces questions se rejoignent, parce que l’on ne fait pas appel au même expert. Aujourd’hui, vous trouverez toujours un expert pour vous expliquer qu’il n’y a pas assez de pères – ou de mères – et un autre pour vous montrer qu’il y en a trop. L’un démontrera que les enfants élevés par des parents séparés sont beaucoup plus heureux que ceux qui sont élevés par des parents unis, en expliquant qu’ils échappent ainsi aux discussions entre les parents (et sans se rendre compte que l’on enseigne ainsi à gérer les différents… en y échappant !). Un autre expert vous présentera une étude faite auprès de personnes homosexuelles ayant élevé des enfants dont les conclusions montrent qu’ils sont beaucoup mieux élevés que la moyenne, sans vous dire que ce sont les parents que l’on à interrogé, en laissant croire que les réponses venaient des enfants.
D’une certaine manière, cette incohérence par experts interposés traverse tous les aspects de notre vie. Sur les réalités économiques, écologiques ou sociales, on trouvera toujours un expert pour être d’un côté et un autre pour justifier le contraire, sachant que l’un des deux – au moins – dira forcément à la fin : « je vous l’avais bien dit ! »
Mais notre question est de savoir s’il suffit de plaquer l’étiquette famille sur n’importe quelle situation vécue pour lui donner une véritable capacité éducative. On peut crier et répéter que l’appellation famille n’a pas à être confisquée par un modèle (on se demande d’ailleurs comment), mais on ne peut pas éviter qu’un substantif corresponde à une réalité. Si vous avez une trottinette, vous ne l’appelez pas bicyclette parce que ce n’est pas une bicyclette ! Et si vous appelez bicyclette une trottinette, vous ne pourrez jamais faire des affaires… Mais cependant, on trouve normal que des mots comme ‘parents’, ‘couple’ ou ‘famille’ ne désignent pas une réalité définie mais puissent s’appliquer à un large panel de situations. Et pourtant, suffit-il de mettre le panneau à la devanture pour qu’il corresponde à ce qu’il y a dans la boutique ? Si l’on dit que tout le monde doit pouvoir se marier, que fait-on de ceux qui se marient pas, dont on dit qu’ils sont les plus nombreux ? Car si on est prêt à mettre l’étiquette à tout prix sur quelque chose qui ne correspond pas, on voit bien que certains vont être floués ! Ou alors, y-a-t-il quelque effet magique qui ferait que si l’on prononce le mot mariage, on arrive à capter des ondes positives ou quelque chose qui vient des dieux ? Tout cela est un peu étrange. Eh bien non, il ne suffit pas de plaquer l’étiquette pour que la réalité corresponde !
Le bienfait de la famille ne vient ni du substantif, ni du titre, mais de la réalité vécue. Car le bien-vivre des individus et l’équilibre de la société ne peuvent être atteints que par l’apprentissage patient et régulé de la gestion des relations humaines que permet une famille. C’est dans la relation d’un père et d’une mère, et dans leurs rapports avec leurs enfants que ceux-ci apprennent petit à petit à relativiser les drames. Dans une famille avec des enfants de différents âges, chacun voit comment un enfant apprend à sortir d’un conflit pour lui terrible avec un de ses frères et sœurs, lorsqu’on lui donne de redécouvrir que son ennemi juré est aussi son frère ou sa sœur à qui il peut pardonner, qu’il peut aimer encore, et que cette tragédie sans issue pouvait finalement être surmontée.
Il ne suffit pas de brandir un étendard pour que toutes les situations aient la même fécondité sociale. Cette tendance à privatiser la réalité familiale en en faisant un choix indéfini, vide finalement la famille de sa capacité à construire du lien social. La famille n’est plus que l’écrin dans lequel on enferme l’expérience privée, et n’est plus un cadre fondamental où l’expérience privée permet un apprentissage d’une manière d’être avec les autres, construit un certain type de relation et rend capable de participer au développement d’une société harmonieuse.
C’est pourquoi les chrétiens d’aujourd’hui sont appelés à vivre leur engagement familial, non comme un choix particulier mais comme un témoignage. Pour cela il faut que nous sortions de la logique induite par la formule « c’est son choix ». Quand on dit cela, cela signifie qu’il n’y a ni à réfléchir, ni à discuter. Même si on n’est pas d’accord, comme on ne veut pas avoir de conflit à gérer, et que tout le monde semble déjà convaincu, on n’envisage même plus de dire à son frère, sa sœur, son cousin ou sa cousine : « tu fais cela, mais je trouve que ce n’est pas bien », car ce serait risquer de se faire jeter par la fenêtre avec armes et bagages. Dire « c’est son choix » signifie au fond : « je ne suis pas d’accord mais je ne peux pas le dire ». Et il est devenu d’usage de considérer que la manière d’un homme et d’une femme de vivre leurs relations affectives soit leur choix : certains se mettent en ménage à l’année, d’autre pour un temps indéterminé, d’autres ne se mettent pas en ménage du tout, d’autres changent de partenaires, d’autres encore changent de sexe. C’est leur choix.
Nous chrétiens, nous sommes immergés dans cette manière de voir. Dès lors, allons- nous nous aussi suivre cette ligne indéfinie en réclamant simplement – par équité et non- discrimination – le droit d’avoir aussi notre choix ? Mais ce serait comprendre notre situation comme un particularisme de plus Or, nous ne sommes pas des gens particuliers, comme le rappelle l’épître à Diognète : « les Chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements… » (V, 1). Il ne s’agit pas de dire que nous serions comme tous les autres, hormis le fait que quand on s’aime, on se marie.
L’enjeu pour nous n’est pas de réclamer un droit à la particularité, mais de montrer que le choix d’une vie de famille vécue dans l’engagement mutuel des époux et la solidarité entre les générations, engage quelque chose qui n’est pas de l’ordre du choix confessionnel, mais du choix de société. Et puisque c’est un choix de société, nous avons non seulement le droit mais le devoir de le défendre socialement. Nous ne le défendons pas au nom de la foi, car la foi ne nous donne pas un droit particulier de défendre un modèle social. Nous le défendons au nom du bien commun.
Certes notre foi chrétienne nous enracine d’une manière plus déterminée dans cette conviction que l’union stable et définitive de l’homme et de la femme pour élever leurs enfants est comme ‘inscrit’ dans le code génétique de l’humanité. Le mariage doit être défendu au nom du respect de l’humanité, et nous lui sommes passionnément attachés par notre foi, parce que nous croyons que Dieu est Créateur et que l’être humain est créé à son image. Nous avons donc une force particulière pour rendre ce témoignage. Encore une fois ce n’est pas de l’ordre du particularisme d’une secte un peu égarée dans la société. Notre mission est d’être les précurseurs, ou les prophètes, qui annoncent quelque chose qui est de l’intérêt de tout le monde.
Que nous ne soyons pas toujours entendus, que nous soyons même combattus, c’est normal. Mais nous avons le devoir impératif de témoigner avec des arguments humanistes, des arguments de raisons et de bon sens, qui puissent être reçus par des hommes et des femmes de bonne volonté. Parmi ces arguments compréhensibles par tous, il y a cette question de bon sens : est-il mieux pour un enfant d’être élevé par son père et sa mère ou autrement ? Nul besoin de croire à la révélation biblique pour poser cette question, ni pour y répondre. De même, est-il mieux pour un homme et une femme de s’engager l’un envers l’autre ou pas ? Que nous soyons particulièrement convaincus de la réponse en raison de notre foi est un appui supplémentaire. Mais nous ne demandons pas à nos contemporains d’en être convaincus parce que l’Église le dit. Ce n’est pas l’Église qui a inventé que c’est mieux pour un enfant d’être élevé par son père et sa mère. Toute l’expérience de l’humanité le manifeste. Cela appartient à la sagesse humaine, et chacun peut le comprendre et en tenir compte.
Nous chrétiens, nous pouvons apporter un témoignage unique et original lorsque les circonstances nous permettent de comprendre et de vivre que cette alliance définitive entre un homme et une femme est une parabole de l’alliance définitive entre Dieu et l’humanité. Nous sommes chargés de vivre et d’annoncer que l’unité de la famille est l’image et le prototype de l’unité que Dieu veut accomplir entre lui et l’humanité, de ce que les récits apocalyptiques appellent « les noces éternelles » (Ap 19, 8-9). La réalité de la vie familiale est un message sur la fidélité de Dieu, sur sa miséricorde, sa patience, son inventivité et son projet de rassembler en lui toute l’humanité.
Chers amis, voilà ce que je voulais vous donner comme message d’espérance ; Je vous souhaite de le vivre du mieux que vous pouvez pour le bien de tous les hommes.

Corpus Domini, santino, image pieuse

8 juin, 2012

Corpus Domini, santino, image pieuse dans images sacrée

http://www.santiebeati.it/immagini/?mode=album&album=90912&start=40

SERMON POUR LA FETE-DIEU par SAINT THOMAS D’AQUIN,

8 juin, 2012

http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=saintfeast&localdate=20120610&id=52&fd=1

SERMON POUR LA FETE-DIEU par SAINT THOMAS D’AQUIN,

Docteur des Docteurs de l’Église

(prononcé au Consistoire, devant le Pape et les Cardinaux)

Révérendissimes Pères, les souvenirs pleins d’allégresse qu’évoque la solennité de ce jour nous invitent à entourer de joyeuses louanges le Corps très saint du Christ. Quoi de plus doux, quoi de plus suave au cœur des élus que de chanter les trésors de la divine charité et d’exalter l’ardeur d’un amour sans mesure ? C’est qu’à la table de la grâce nouvelle, tous les jours, par les mains du prêtre, Dieu donne à ses enfants et aux héritiers de son royaume sa chair en nourriture et son sang en breuvage. Ce sont là tes œuvres admirables, ô Christ, toi dont la puissance est infinie et la bonté sans bornes ! Dans cet aliment sacré et ce pain super-substantiel qu’annonçaient les prodiges antiques, tu as trouvé le secret d’une union merveilleuse et auguste : la chair immaculée de Jésus-Christ, l’Agneau sans tache, devient le remède de ceux que le fruit défendu avait rendus malades et qui avaient perdu l’éternelle et immarcescible couronne.
Ô prodige qu’on ne peut trop exalter ! Effusion permanente de la bonté divine et d’une miséricorde sans mesure ! Dans ce sacrement, consommation de tous les sacrifices, Il demeure, ce Dieu, indéfectiblement avec nous ; Il y est pour jusqu’à la fin des siècles ; Il donne aux fils d’adoption le pain des anges et les enivre de l’amour qu’on doit aux enfants.
Ô humilité singulière, délices de Dieu, et que le Christ pratique après l’avoir prêchée lui-même ! Il ne se refuse à personne ; Il ne craint pas de prendre pour habitacle même un cœur souillé.
Ô pureté, qui semblable à celle du soleil n’est ternie par aucune fange et ne craint nulle contagion, mais qui gagne les âmes et en fait disparaître toute tache ! Ô nourriture des esprits bienheureux, qui sans cesse nous renouvelle et jamais ne s’épuise ! Tu n’es ni brisée, ni divisée, ni transformée ; mais, gardant ton intégrité et ta nature, tu nous rappelles le buisson antique, la farine et l’huile miraculeuses qui ne diminuaient pas.
Ô Sacrement admirable, où Dieu se cache et où notre Moïse à nous se couvre le visage du manteau de ses œuvres, objet de louanges dans toutes nos générations ! Par la vertu des paroles sacrées, instrument de la puissance divine, les substances symboliques sont changées en chair et en sang ; les espèces sacramentelles subsistent sans support, et pourtant nulle loi naturelle n’a souffert violence. Par la vertu de la consécration, un seul Christ, parfait et intègre, se trouve en divers endroits, comme une parole se communique, toujours identique à elle-même. Quand l’hostie se divise, Jésus s’y trouve comme un même visage dans les fragments d’un miroir brisé. Les fidèles l’offrent à Dieu sous les deux espèces, quoiqu’il soit tout entier sous chacune d’elles, et c’est à bon droit qu’on agit ainsi, car ce sacrement donne aux hommes le double salut du corps et de l’Âme, et il rappelle l’amertume d’une double Passion.
Ô Vertu ineffable du Sacrement, qui embrase notre cœur du feu de la charité et marque du sang de l’Agneau immaculé, au-dessus de leurs deux battants, les linteaux de nos portes !
Ô véritable viatique de notre exil militant, soutien des voyageurs, force des faibles, antidote des infirmités, accroissement des vertus, abondance de la grâce et purificationdes vices, réfection des âmes, vie des débiles et union des membres dans l’organisme unique de la charité !
Sacrement ineffable de la foi, Tu augmentes notre charité et nous communiques l’espérance ; soutien de l’Église, Tu éteins la concupiscence et parfais le corps mystique du Christ. Voici la substance de l’arbre de vie, ô Seigneur Jésus !
Ô Pasteur et nourriture, prêtre et sacrifice, aliment et breuvage des élus, pain vivant des esprits, remède à nos faiblesses quotidiennes, festin suave, source de tout renouveau !
Ô sacrifice de louange et de justice, holocauste de la nouvelle grâce, repas excellent, non de volailles ou de taureaux, mais de viandes plus succulentes et de ce vin délicieux qui renouvelle les amis de Dieu et enivre ses élus !
Ô table de bénédiction, table de proposition garnie d’une nourriture substantielle ! Table immense où tout est prodige étonnant ! Table plus douce que toute douceur, plus délectable que toute saveur, plus suave que tout parfum, plus magnifique que toute parure, plus succulente que toute nourriture ! Table que le Christ a préparée à ses amis et commensaux, que le père de famille sert à son fils de retour, après le repas de l’agneau symbolique. Vous êtes le bain sacré que figuraient les antiques piscines, ô notre Pâque, immolation du Christ, et vous exigez la conversion du vice à la vertu, donnant ainsi la liberté aux Hébreux de l’esprit.
Ô nourriture qui rassasie et ne dégoûte point, qui demande la mastication de la foi, le goût de la dévotion, l’union de la charité, et que divise non les dents du corps, mais le courage de la croyance !
Ô viatique de notre pèlerinage, qui attire les voyageurs sur les sommets des vertus !
Ô pain vivant, engendré au ciel, fermenté dans le sein de la Vierge, cuit sur le gibet de la croix, déposé sur l’autel, caché sous les espèces sacramentelles, confirme mon cœur dans le bien et assure ses pas dans le chemin de la vie; réjouis mon âme, purifie mes pensées. Voici le pain, le vrai pain, consommé, mais non consumé, mangé, mais non transformé ; il assimile et il ne s’assimile pas ; il renouvelle sans s’épuiser ; il perfectionne et conduit au salut ; il donne la vie, confère la grâce, remet les péchés, affaiblit la concupiscence ; il nourrit les âmes fidèles, éclaire l’intelligence, enflamme la volonté, fait disparaître les défauts, élève les désirs.
Ô calice de toutes suavités, où s’enivrent les âmes généreuses ! Ô calice brûlant, calice qui tourne au sang du Christ ; sceau du Nouveau Testament, chasse le vieux levain, remplis notre intime esprit, pour que nous soyons une pâte nouvelle, et que nous mangions les azymes de la sincérité et de la vérité.
Ô vrai repas de Salomon, cénacle de toute consolation, soutien dans la présente tribulation, aliment de joie et gage de la félicité éternelle, foyer de l’unité, source de vertu et de douceur, symbole de sainteté ! La petitesse de l’hostie ne signifie-t-elle pas l’humilité, sa rondeur l’obéissance parfaite, sa minceur l’économie vertueuse, sa blancheur la pureté, l’absence de levain la bienveillance, sa cuisson la patience et la charité, l’inscription qu’elle porte la discrétion spirituelle, les espèces qui demeurent sa permanence, sa circonférence la perfection consommée ?
Ô pain vivifiant, ô azyme, siège caché de la toute-puissance ! Sous de modestes espèces visibles se cachent d’étonnantes et sublimes réalités.
Ô Corps, ô Âme, et Toi de tous deux inséparable, ô Substance Divine ! De ce dont on chante les grandeurs dans ce sacrement auguste, ô bon Jésus, seules, pour la foi, après la consécration, les espèces sacramentelles demeurent ; ce qui est mangé sans être assimilé ne souffre ni augmentation ni diminution ; ce que tous reçoivent en entier, mille ne le possèdent pas plus qu’un seul, un seul le possède autant que mille. Ce que contiennent tous les autels, les parcelles intactes ou brisées le contiennent toutes ; ta chair est mangée véritablement, c’est véritablement ton sang que nous buvons. Et tu es ici le prêtre, et tu es aussi l’hostie, et les saints Anges sont là présents, qui exaltent ta magnificence et louent ta souveraine majesté. C’est là ta puissance, Seigneur, qui seule opère de grandes choses ; elle dépasse tout sentiment et toute compréhension, tout génie, toute raison et toute imagination. C’est Toi qui as institué et confié à tes disciples ce sacrement où tout est miracle.
N’approche donc pas de cette table redoutable sans une dévotion respectueuse et un fervent amour, homme ! Pleure tes péchés et souviens-toi de la Passion. Car l’Agneau immaculé veut une âme immaculée qui le reçoive comme un pur azyme.
Recours au bain de la confession ; que le fondement de la foi te porte ; que l’incendie de la charité te consume ; que la douleur de la Passion te pénètre ; qu’un droit jugement t’éprouve.
Approche de la table du Seigneur, de cette table magnifique et puissante, de telle sorte que tu parviennes un jour aux noces du véritable Agneau, là où nous serons enivrés de l’abondance de la maison de Dieu; là où nous verrons le Roi de gloire, le Dieu des vertus dans toute sa beauté; là où nous goûterons la Pain vivant dans le royaume du Père, par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont la puissance et l’empire demeurent jusqu’à la fin des siècles. Amen.

Traduction du P. Sertillanges (Les plus belles pages de saint Thomas d’Aquin)

FÊTE DU SAINT-SACREMENT 2012: HOMÉLIE DE BENOÎT XVI

8 juin, 2012

http://www.zenit.org/article-31063?l=french

FÊTE DU SAINT-SACREMENT 2012: HOMÉLIE DE BENOÎT XVI

Ne pas opposer la célébration et l’adoration eucharistiques

ROME, jeudi 7 juin 2012 (ZENIT.org) – « C’est une erreur que d’opposer la célébration et l’adoration, comme si elles étaient concurrentes. C’est justement le contraire », explique Benoît XVI à l’occasion de la fête-Dieu.
Le pape a en effet présidé ce mercredi soir la messe de la fête du Saint-Sacrement – appelée plus souvent à Rome la fête du « Corpus Domini » – sur le parvis de la basilique Saint-Jean-du-Latran, puis la procession eucharistique de la cathédrale de Rome jusqu’à la basilique Saint-Marie-Majeure.

Homélie de Benoît XVI :
Chers frères et sœurs,
Ce soir, je voudrais méditer avec vous sur deux aspects, liés entre eux, du Mystère eucharistique : le culte de l’Eucharistie et son caractère sacré. Il est important de les prendre à nouveau en considération pour les préserver contre des visions incomplètes du Mystère lui-même, comme celles que l’on a constatées dans un passé récent.
Avant tout, une réflexion sur la valeur du culte eucharistique, en particulier de l’adoration du Saint-Sacrement. C’est l’expérience que nous vivrons ce soir aussi après la messe, avant la procession, pendant son déroulement et à son terme. Une interprétation unilatérale du concile Vatican II a pénalisé cette dimension en réduisant la pratique de l’Eucharistie au moment de la célébration. En effet, il a été très important de reconnaître le caractère central de la célébration, à laquelle le Seigneur convoque son peuple, où le rassemble autour de la double table de la Parole et du Pain de vie, le nourrit et l’unit à lui dans l’offrande du Sacrifice. Cette mise en valeur de l’assemblée liturgique dans laquelle le Seigneur agit et réalise son mystère de communion, demeure naturellement valable, mais elle doit être resituée dans un juste équilibre.
En effet, comme il arrive souvent, pour souligner un aspect on finit par en sacrifier un autre. Dans ce cas, l’accent mis sur la célébration de l’eucharistie s’est faite aux dépends de l’adoration, en tant qu’acte de foi et de prière adressée au Seigneur Jésus, réellement présent dans le Sacrement de l’autel. Ce déséquilibre a aussi eu des répercussions sur la vie spirituelle des fidèles. En effet, si l’on concentre tout le rapport avec Jésus Eucharistie dans le seul moment de la Sainte Messe, on risque de vider de sa présence le reste du temps et de l’espace essentiels. Et l’on perçoit ainsi moins le sens de la présence constante de Jésus au milieu de nous et avec nous, un présence concrète, proche, au milieu de nos maisons, comme « Cœur palpitant » de la ville, du pays, du territoire et de ses différentes expressions et activités. Le Sacrement de la Charité du Christ doit pénétrer toute la vie quotidienne.
En réalité, c’est une erreur que d’opposer la célébration et l’adoration, comme si elles étaient concurrentes. C’est justement le contraire : le culte du Saint Sacrement constitue comme le « milieu » spirituel dans lequel la communauté peut célébrer l’Eucharistie bien et en vérité. C’est seulement lorsqu’elle est précédée, accompagnée et suivie de cette attitude intérieure de foi et d’adoration que l’action liturgique peut exprimer toute sa signification et sa valeur. La rencontre avec Jésus dans la Sainte Messe se réalise vraiment et pleinement lorsque la communauté est en mesure de reconnaître que, dans le Sacrement, il habite dans sa maison, nous attend, nous invite à sa table, et puis, après que l’assemblée s’est dispersée, il reste avec nous, par sa présence discrète et silencieuse, et il nous accompagne de son intercession, en continuant à recueillir nos sacrifices spirituels et à les offrir au Père.
A ce propos, j’aime à souligner l’expérience que nous allons vivre ensemble aussi ce soir. Au moment de l’adoration, nous sommes tous sur le même plan, à genou devant le Sacrement de l’Amour. Le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel se trouvent rapprochés dans le culte eucharistique. C’est une expérience très belle et très significative que nous avons vécue à différentes reprises en la basilique Saint-Pierre, et aussi lors des inoubliables veillées avec les jeunes : je me souviens par exemple de celles de Cologne, de Londres, de Zagreb, de Madrid. Il est évident pour tous que ces moments de veillée eucharistique préparent la célébration de la Sainte Messe, préparent les cœurs à la rencontre, si bien qu’elle en devient plus féconde. Etre tous en silence de façon prolongée devant le Seigneur présent dans son sacrement, est l’une des expériences les plus authentiques de notre être Eglise, qui est accompagnée de façon complémentaire par celle de la célébration de l’Eucharistie, en écoutant la Parole de Dieu, en chantant, en s’approchant ensemble de la table du Pain de vie. Communion et contemplation ne peuvent pas être séparées, elles vont ensemble. Pour communiquer vraiment avec une autre personne, je dois la connaître, savoir être auprès d’elle en silence, l’écouter, la regarder avec amour. Le vrai amour et la vraie amitié vivent toujours de cette réciprocité de regards, de silences intenses, éloquents, pleins de respect, et de vénération, si bien que la rencontre soit vécue en profondeur, de façon personnelle et non pas superficielle. Et hélas, s’il manque cette dimension, même la communion sacramentelle peut devenir, de notre part, un geste superficiel. En revanche, dans la vraie communion, préparée par le colloque de la prière et de la vie, nous pouvons dire au Seigneur des paroles de confiance, comme celles qui viennent de résonner dans le psaume responsorial : « Je suis ton serviteur, el fils de ta servante : tu as rompu mes chaînes. Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce et j’invoquerai le nom du Seigneur (Ps 115,16-17).
Je voudrais maintenant passer brièvement au deuxième aspect : le caractère sacré de l’Eucharistie. Là aussi, on a, dans un passé récent, perçu un certain malentendu sur le message authentique de la Sainte-Ecriture. La nouveauté chrétienne concernant le culte a été influencée par une certaine mentalité sécularisée des années soixante et soixante-dix, du siècle dernier. Il est vrai, et cela reste toujours valable, que le centre du culte n’est plus désormais dans les rites et dans les sacrifices anciens mais dans le Christ lui-même, dans sa personne, dans sa vie, dans son mystère pascal. Et cependant, on ne doit pas déduire de cette nouveauté fondamentale que le sacré n’existe plus, mais qu’il a trouvé son accomplissement en Jésus-Christ, Amour divin incarné. La Lettre aux Hébreux que nous avons écoutée ce soir dans la seconde lecture, nous parle justement de la nouveauté du sacerdoce du Christ, « grand prêtre des biens à venir » (He 9,11), mais il ne dit pas que le sacerdoce est terminé. Le Christ « est médiateur d’une alliance nouvelle » (He 9, 15), scellée dans son sang, qui purifie « notre conscience des oeuvres de mort » (He 9,14). Il n’a pas aboli le sacré, mais il l’a porté à son accomplissement, en inaugurant un culte nouveau, qui est pleinement spirituel, mais qui cependant, tant que nous sommes en chemin dans le temps, se sert encore de signes et de rites, qui disparaîtront seulement à la fin, dans la Jérusalem céleste, là où il n’y aura plus aucun temple (cf. Ap 21,22). Grâce au Christ, le caractère sacré est plus vrai, plus intense, et, comme il advient pour les commandements, aussi plus exigeant ! L’observance rituelle ne suffit pas, mais il faut la purification du cœur, et l’engagement de la vie.
J’aime aussi à souligner que le sacré à une fonction éducative et que sa disparition appauvrit inévitablement la culture, en particulier la formation des nouvelles générations. Si, par exemple, au nom d’une foi sécularisée qui n’ait plus besoin des signes sacrés, on abolissait la procession du Corpus Domini dans la ville, le profil spirituel de Rome se trouverait « aplati » et notre conscience personnelle et communautaire en resterait affaiblie. Ou bien, nous pensons à une maman et à un papa qui, au nom de la foi désacralisée, priveraient leurs enfants des tout rituel religieux : ils finiraient en réalité par laisser le champ libre à tant de succédanés présents dans la société e consommation, à d’autres rites et à d’autres signes, qui pourraient devenir plus facilement des idoles. Dieu, notre Père, n’a pas agi ainsi avec l’humanité : il a envoyé son Fils dans le monde, non pour abolir, mais pour porter le sacré aussi à son accomplissement. Au sommet de cette mission, lors de la Dernière Cène, Jésus a institué le sacrement de son Corps et de son Sang, le Mémorial de son Sacrifice pascal. En agissant ainsi, il s’est mis lui-même à la place des sacrifices anciens, mais il l’a fait à l’intérieur d’un rite, qu’il a commandé à ses apôtres de perpétuer, comme le signe suprême du vrai Sacré, qui est Lui-même. C’est avec cette foi, chers frères et sœurs, que nous célébrons aujourd’hui et chaque jour le Mystère eucharistique et que nous l’adorons comme le centre de notre vie et le cœur du monde. Amen.

Traduction de ZENIT [Anita Bourdin]

La Sainte Trinité

7 juin, 2012

La Sainte Trinité dans images sacrée

http://www.artcurel.it/ARTCUREL/consacrazionedelsito.htm

Sur la terre comme au ciel – Une semaine après avoir fêté le Dieu Trinité

7 juin, 2012

http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=2799

Sur la terre comme au ciel - Une semaine après avoir fêté le Dieu Trinité 

P. Bernard Xibaut

Lectures : Genèse 14, 18-20 ; Psaume 109 ; 1 Corinthiens 11, 23-26 ; Luc 9,11-17 (année C)

Esprit & Vie n°223 – mai 2010, p. 38-39.

Une semaine après avoir fêté le Dieu Trinité – Père, Fils et Saint-Esprit -, nous retrouvons Jésus, apparemment seul, au milieu de la foule de ceux qui le suivent. Pourtant, ce n’est pas sa propre gloire qu’il annonce, mais le Règne de Dieu son Père. Et nous pouvons sentir la présence de l’Esprit Saint à travers la bénédiction qu’il prononce en partageant le pain. N’en va-t-il pas de même lorsque, dans la première prière eucharistique, nous demandons à Dieu de sanctifier les offrandes « par la puissance de [sa] bénédiction », autrement dit, de son Esprit !
Il semble capital d’établir le lien entre le verset qui ouvre le passage d’évangile et celui qui le conclut : Jésus a passé la journée à parler du Règne de Dieu. Or, les pages de l’Évangile de Luc qui précèdent nous ont suffisamment annoncé en quoi consiste ce Règne. Au chapitre 4, dans la synagogue de Nazareth, nous avons entendu que la Bonne Nouvelle était annoncée aux pauvres. Nous avons ensuite assisté à plusieurs scènes dans lesquelles Jésus a guéri des personnes affectées de diverses maladies corporelles (un lépreux, un homme à la main paralysée, un esclave moribond, etc.) et spirituelles (un homme possédé par des démons). Par ailleurs, au chapitre 6, Jésus a proclamé les béatitudes, en direction notamment de ceux qui ont faim. La nourriture par laquelle il va à présent rassasier la foule fait nécessairement écho à sa prédication d’un Royaume où tous mangent à satiété.
Le Royaume en partage
La réaction des Douze pourrait être qualifiée de décevante si elle ne rejoignait pas de manière évidente le bon sens que nous pratiquons habituellement : n’est-il pas plus judicieux de renvoyer chacun à sa propre recherche de nourriture ? Quelques uns – toujours les mêmes – seront accueillis par les « notables » des villages et des hameaux des environs et ils y trouveront un repas plantureux. D’autres, chanceux, disposent dans la région de parents ou d’amis – car les clans sont vastes et la région peu étendue : ceux-là aussi mangeront ce soir à leur faim et ils dormiront à l’abri. Une autre partie de la foule – pas forcément la plus importante – ne bénéficiera pas de la légendaire hospitalité orientale, mais, à force de mendier avec insistance, ces derniers finiront par obtenir un quignon de pain de la part des habitants de la contrée. Mais ils auront probablement attendu longtemps avant de l’obtenir et ils ne seront sans doute pas rassasiés lorsqu’ils l’auront mangé.
En fait, la suggestion des disciples revient à renvoyer aux règles habituelles d’une société dans laquelle règnent les inégalités, en fonction des positions sociales, des solidarités familiales et… de la chance ! Jésus s’élève contre cette situation en éveillant les Douze à une responsabilité qui leur était totalement étrangère : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Jamais les disciples de Jésus n’auraient pu imaginer qu’ils avaient leur part à prendre dans un problème qui, selon eux, ne les concernait pas. Disposant de cinq pains et de deux poissons, ils pensaient être exemptés de recherche de nourriture, puisqu’ils avaient prévu ce qui convenait pour eux et pour leur maître… Une grande leçon de cet évangile est probablement la prise de conscience de notre solidarité vis-à-vis de tous les hommes. La faim n’est pas seulement le problème des affamés, mais elle doit être combattue par l’humanité entière.
Fort heureusement pour les Douze, Jésus les dispense de pénibles recherches dans les environs, prenant les choses en mains. Tout au plus leur demande-t-il de participer à l’installation des cinq mille hommes par groupes d’une cinquantaine, ce qui fait cent groupes, si l’on compte bien. Les disciples s’exécutent sans rechigner, visiblement plus à l’aise dans ce rôle d’organisation de la communauté que dans celui, plus humble, du ravitaillement : il est plus facile de diriger que de servir, même dans l’Église…
Il ne faut pas être grand exégète pour remarquer la structure eucharistique que saint Luc a donnée à la suite du récit, qui apparaît spécialement dans les actions qui se succèdent. La comparaison entre Luc 9, 16 et 22, 19 (récit de l’institution) montre que les trois expressions « prendre », « rompre » et « donner » le pain s’y retrouvent. Une nuance apparaît cependant entre le « prononcer la bénédiction » du chapitre 9 et le « rendre grâce » du chapitre 22. Enfin, la mention des yeux levés vers le ciel est propre au récit de la multiplication.
La proximité de vocabulaire désigne clairement la dimension eucharistique de l’évangile de cette Fête-Dieu, qui nous invite à passer des réalités du monde ordinaire, où chacun est livré à lui-même pour sa nourriture et où tous ne mangent pas à leur faim, à celles du Règne de Dieu, où tous sont rassasiés par tous, et il reste encore douze paniers !
Les yeux au ciel
Glissons ici un regret sur la disparition de la mention des « yeux levés » dans les prières eucharistiques contemporaines, alors qu’elle figure dans le Canon romain, déjà cité plus haut. Sans doute a-t-on jugé que ce déplacement des yeux, demandé au prêtre, sentait le compassé et l’artificiel. Pourtant, ce mouvement du regard pourrait bien nous livrer la clef de tout le récit car Jésus, dans sa mission, procède à un va-et-vient permanent de son regard entre la terre et le ciel.
Parce que son regard est tourné habituellement vers la terre, il voit la difficulté de la foule, renvoyée sans nourriture alors que le jour commence à baisser. Il comprend que tous ne seront pas exaucés dans leur demande d’accueil et de nourriture. Il se préoccupe du sort de ceux qui le suivent. Il reste attentif à leurs besoins humains.
Mais Jésus lève aussi souvent les yeux vers le ciel, en même temps qu’il oriente ses pensées vers son Père. Il contemple le Règne de Dieu dans sa plénitude à venir, ce Règne dont il annonce les premiers surgissements. Voyant sur terre ce que produit l’individualisme et son cortège d’inégalités, il contemple au ciel ce que produisent le partage et la solidarité. Il peut alors prier comme il apprendra à ses disciples à le faire (Lc 11) : « Fais venir ton Règne. » À quoi saint Matthieu ajoute opportunément « sur la terre comme au ciel ».
Lisant cet évangile au jour où nous célébrons le mystère du Christ livré en nourriture dans son Corps et dans son Sang, sachons communier au souci de Jésus que notre terre reflète davantage le ciel de son Père. Rendons grâce que tant d’hommes et de femmes, depuis deux mille ans, aient été rassasiés spirituellement par le don de l’eucharistie. Ne cessons pas de porter le souci du monde brisé qui est le nôtre. Continuons de porter nos regards vers les autres, mais veillons à lever régulièrement nos yeux vers le ciel.

ENTRETIEN AVEC LE CARD. TARCISIO BERTONE À LA TÉLÉVISION ITALIENNE

7 juin, 2012

http://www.zenit.org/article-31058?l=french

ENTRETIEN AVEC LE CARD. TARCISIO BERTONE À LA TÉLÉVISION ITALIENNE

Cohésion et sérénité autour de Benoît XVI

Traduction d’Hélène Ginabat
ROME, jeudi 7 juin 2012 (ZENIT.org) – Ce temps est celui de la cohésion, pour « tous ceux qui veulent vraiment servir l’Eglise » déclare le cardinal Tarcisio Bertone, à propos de l’affaire des fuites de documents, dans un entretien accordé à la première chaîne de télévision publique italienne, Rai Uno, lundi 4 juin 2012 (cf. ZENIT du 5 juin 2012).
Revenant également sur la VIIème Rencontre mondiale des familles à Milan, le Secrétaire d’Etat évoque un temps où s’expriment de « grandes manifestations d’amour » et de fidélité envers le pape.
RAI 1 – Vous venez juste de rentrer de Milan où vous avez accompagné le Saint-Père pour la Rencontre mondiale des familles. Nous avons tous vu, à la télévision, une foule immense, et surtout une formidable affection pour le Saint-Père, qui a dit des paroles qui ont touché tout le monde, même les non-catholiques…
Card. Tarcisio Bertone – C’est vrai. Nous avons tous fait l’expérience de cette extraordinaire manifestation d’amour pour le pape, d’une proximité, d’un soutien de sa personne et de son magistère, de son œuvre aussi ; nous avons fait l’expérience de la joie et de l’enthousiasme qui l’entouraient. J’ai vu énormément de personnes émues, même dans les rues de Milan. Je pense aux rues de Milan le vendredi et le samedi, et donc le week-end, et pas uniquement dans les grands rassemblements du stade ou du parc de Bresso. C’était vraiment partout. Cela a donc été une belle manifestation d’amour pour le pape en ce moment particulier, et un geste d’estime à l’égard de Benoît XVI, qui a été surnommé « le grand entraîneur » de la grande équipe de l’Eglise universelle pour les championnats du troisième millénaire. Il a reçu une « standing ovation » qu’aucun joueur, aucun entraîneur ni aucun acteur de la vie sociale ou artistique n’a jamais eue. Le pape était très content et aussi très ému.
Naturellement on a parlé de la famille, puisque c’était la Rencontre mondiale des familles, et le pape a donné quelques repères. Il a aussi surpris certains lorsqu’il a parlé de la famille en faisant d’elle quasiment un élément utile et indispensable pour surmonter la crise économique qui frappe notre pays comme le reste du monde…
Oui. La famille vue comme une ressource, avant tout une ressource morale. Une famille unie, une famille qui éduque, une famille intègre qui enseigne les vertus fondamentales aux enfants, et cela dès le plus jeune âge, qui enseigne le travail et le respect de l’autre, la solidarité. Et puis une famille qui est une grande ressource pour la société, comme cela a déjà été démontré par les sociologues modernes. Je dirais que le pape a donné des instruments concrets : des instruments de solidarité, de jumelage entre familles, pour soutenir en particulier celles qui sont en difficulté ; des jumelages entre paroisses, entre communautés et entre villes. Il me semble qu’il a indiqué des voies à emprunter concrètement pour soulager les situations de précarité et pour regarder vers l’avenir.
Il était inévitable que les médias regardent ces trois journées à Milan avec une attention particulière, en raison de la coïncidence avec cette enquête interne au Vatican dont nous avons tous parlé et qui a été une grande épreuve de transparence pour le Vatican…
C’est vrai aussi. Je me souviens justement du samedi soir, lorsque nous sommes rentrés du parc de Bresso, du grand rassemblement en soirée, en direction de la cathédrale de Milan. J’étais avec le cardinal Scola, nous étions côte à côte dans la voiture. Nous avons vu les vitraux de la cathédrale de Milan illuminés et nous avons immédiatement fait la remarque suivante : « C’est cela l’Eglise, une maison lumineuse, malgré tous les défauts des personnes qui sont à l’intérieur ». Mais la transparence est un acte qui engage, un acte de solidarité les uns envers les autres, de confiance. Ce n’est pas un acte de cynisme ou un acte superficiel : il ne suffit pas d’accéder à la connaissance de quelques documents et de publier des documents partiels pour connaître la pleine vérité sur les faits. Il arrive souvent que les clarifications sont le fruit d’un travail de dialogue, de relations personnelles et aussi de conversion du cœur, et non pas simplement une conclusion basée sur des papiers ou sur de la bureaucratie. Les papiers sont importants, mais les relations personnelles le sont bien davantage. Le plus triste, dans ces événements et dans ces faits, c’est la violation de la vie privée du Saint-Père et de ses plus proches collaborateurs. Mais je voudrais dire que ces temps ne sont pas des jours de division mais d’unité, et j’aimerais ajouter que ce sont surtout des jours de force dans la foi, de ferme sérénité également dans les décisions. C’est le moment de la cohésion de tous ceux qui veulent vraiment servir l’Eglise.
Une dernière question, que tout le monde aimerait vous poser. Comment le Saint-Père a-t-il vécu ces événements ? Peut-on penser, comme cela a été écrit, qu’il y a des affirmations gratuites orchestrées pour attaquer l’Eglise et le pape ?
Les attaques orchestrées ont toujours existé, à toutes les époques : en ce qui concerne mon expérience de l’Eglise, je me souviens par exemple de l’époque de Paul VI, qui ne remonte pas très loin. Mais cette fois-ci, les attaques semblent être plus ciblées, parfois même cruelles, visant à diviser, et organisées. Je voudrais souligner le fait que Benoît XVI, comme tout le monde le sait, est un homme doux, de grande foi et de grande prière. Il ne se laisse pas du tout intimider par les attaques, quelles qu’elles soient, ni même par la dureté des préjugés. Ceux qui lui sont proches et qui travaillent à ses côtés sont soutenus par cette grande force morale du pape.
Benoît XVI, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, est un homme qui écoute tout le monde, un homme qui va de l’avant, fidèle à la mission qu’il a reçue du Christ et il est sensible à la grande affection que les gens lui expriment. En ces jours, en particulier, il a senti l’affection inconditionnelle des personnes qui l’entourent, des jeunes et des familles avec leurs enfants, qui applaudissaient le pape de tout leur cœur. Il me semble que ce voyage à Milan a renouvelé ses forces.
Je voudrais aussi souligner une parole qu’il a répétée très souvent, et qu’il a redite au moment de quitter Milan, dans la cour de l’archevêché : c’est le mot « courage ». Il l’a dit aux autres, il l’a dit aux jeunes, à ceux d’entre eux qui désirent former une famille, il l’a dit aux familles en difficulté et aussi aux autorités ; et enfin il le dit à toute l’Eglise. Il dit cette parole parce qu’il en est convaincu intérieurement, c’est sa force, qui lui vient de sa foi et de l’aide de Dieu, et c’est pourquoi il dit à chacun « Courage ! ». Et il l’a dit aussi aux victimes du tremblement de terre. Je le répète : j’aimerais que nous intériorisions cette parole aux côtés du pape, sous sa conduite.

“Sing aloud, O daughter of Zion; shout, O Israel! Rejoice and exult with all your heart, O daughter of Jerusalem!” (Zeph 3:14)

6 juin, 2012

 “Sing aloud, O daughter of Zion; shout, O Israel! Rejoice and exult with all your heart, O daughter of Jerusalem!” (Zeph 3:14) dans images sacrée Visitation

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Marie, aqueduc de la grâce

6 juin, 2012

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Marie, aqueduc de la grâce

Textes de méditation

Auteur : Abbé Jacques Olivier, FSSP

Remarque particulière : D’après des textes de saint Bernard

L’Apôtre nous dit : « Vous avez pour fruit la sainteté, et pour fin la vie éternelle » (Rom., VI, 22). La vie éternelle est la source intarissable qui arrose la surface entière du paradis. Bien plus, c’est la source enivrante, la fontaine qui orne les jardins, l’eau vive dont les flots impétueux se précipitent du Liban (Cantique IV, 15) et inondent d’un fleuve de joie la cité de Dieu (Ps. XLV, 5). Mais quelle est cette fontaine de vie, sinon le Christ Notre Seigneur ? « Quand le Christ, votre vie, apparaîtra, alors vous apparaîtrez, vous aussi, avec lui dans la gloire » (Col., III, 4). Sans doute la plénitude s’est pour ainsi dire vidée pour devenir notre justice, notre sanctification, notre pardon, n’apparaissant plus comme la vie, la gloire et la béatitude. Les eaux de cette fontaine ont été dérivées jusqu’à nous sur les places publiques, bien que l’étranger n’y puisse boire (Prov., V, 16 et 17). Ce filet d’eau céleste est descendu à nous par un aqueduc, qui ne nous distribue pas toute l’eau de la source, mais qui fait tomber la grâce goutte à goutte sur nos cœurs desséchés, aux uns plus, aux autres moins. L’aqueduc lui-même est plein, de sorte que tous reçoivent de sa plénitude, sans recevoir la plénitude qu’il contient.
Vous avez déjà deviné, si je ne me trompe, quel est cet aqueduc qui, recevant la plénitude de la source qui jaillit au cœur du Père, nous distribue ensuite ce que nous en pouvons recevoir. Vous savez, en effet, à qui s’adressaient ces paroles : « Je vous salue, pleine de grâce. » Mais n’est- il pas étonnant qu’on ait pu faire un tel aqueduc dont l’extrémité doit non seulement atteindre le ciel comme l’échelle que vit le patriarche Jacob (Gen., XXVIII, 12), mais y pénétrer pour parvenir jusqu’à la source des eaux vives qui jaillit au plus haut des cieux ? Salomon, lui-même, s’en étonnait et demandait comme en désespoir de cause : « Qui trouvera la femme forte ? » (Prov., XXXI, 10). Et si la grâce est restée si longtemps sans couler sur le genre humain, c’est qu’il n’y avait pas encore, pour la lui amener, cet aqueduc désirable dont nous parlons. Mais vous ne vous étonnerez pas qu’on l’ait attendu si longtemps, en vous rappelant combien d’années Noé, cet homme juste, mit à construire l’arche qui ne devait servir à sauver qu’un petit nombre d’âmes, huit seulement, et pour très peu de temps.
Mais comment notre aqueduc peut-il atteindre une source qui jaillit si haut ? Le peut-il autrement que par l’ardeur du désir, la ferveur de la dévotion, la pureté de la prière ? Ainsi qu’il est écrit : « La prière du juste pénètre les cieux. (Ecclésiastique XXXV, 21). Et qui est juste, si Marie ne l’est pas elle dont est né pour nous le Soleil de justice ? Or comment a t-elle pu atteindre cette inaccessible majesté, sinon en frappant, en demandant, en cherchant ? (Luc, XI, 9). Finalement elle a trouvé ce qu’elle cherchait, puisqu’il lui fut dit : « Vous avez trouvé grâce auprès de Dieu » (Luc, I, 30). Quoi, Marie est pleine de grâce, et elle a trouvé un surcroît de grâce ? Parfaitement, elle a trouvé la grâce qu’elle cherchait, car une plénitude personnelle ne lui suffit pas, et elle ne peut se contenter de jouir seule de son bien ; mais, suivant ce qui est écrit : « Celui qui me boira aura encore soif » (Ecclésiastique XXIV, 29), elle a demandé une surabondance de grâce pour le salut du monde entier. L’Esprit Saint, lui dit l’ange, sur viendra en vous (Luc, I, 35), et il y versera ce baume précieux avec une telle abondance et une telle plénitude qu’il débordera en toutes parts. C’est ce qui arrive ; nous l’éprouvons déjà, et une huile de joie fait épanouir nos visages (Ps. cm, 15), tandis que nous nous écrions : « Votre nom est une huile qui se répand (Cantique 2), et votre mémoire passe de génération en génération ! » Et ce n’est pas en pure perte que cette huile se répand, car son onction fait que les jeunes filles, c’est-à-dire nos pauvres petites âmes, aiment l’époux, et l’aiment beaucoup ; de la tête ce baume précieux coule non seulement sur la barbe, mais jusque sur les bords même du vêtement (Ps. CXXXII, 2 et 3).
Considère, ô homme, le dessein de Dieu et reconnais que c’est un dessein de sagesse, un dessein de miséricorde quand il a voulu arroser l’aire de la rosée céleste, il a commencé par la faire tomber toute sur la toison (Juges, VI, 37-40) ; quand il a voulu racheter le genre humain, il a commencé par déposer tout le prix du rachat en Marie. Pourquoi ? Peut-être pour qu’Eve trouvât une excuse dans sa fille, et que fût apaisé désormais le grief de l’homme contre la femme. Ne dis plus, ô Adam : « La femme que vous m’avez donnée m’a présenté du fruit défendu » (Gen., III, 12) ; dis plutôt : la femme que vous m’avez donnée m’a nourri d’un fruit béni. Par cette raison le conseil divin nous apparaît déjà très miséricordieux, mais il s’y cache peut-être un plus profond mystère. Ce que nous avons dit est vrai, mais si je ne m’abuse, ne vous satisfait pas pleinement. C’est la douceur du lait, mais en le pressant davantage nous obtiendrons le beurre plus nourrissant (Prov., XXX, 33). Considérons donc plus à fond ce mystère et voyons avec quelle profonde dévotion Dieu veut nous voir honorer Marie, en qui il a déposé la plénitude de tout bien pour que nous sachions que tout espoir, toute grâce, tout salut débordent sur nous de celle qui monte comblée de délices (Cantique VIII, 5). Elle est le jardin de délices que la brise céleste n’a pas seulement effleuré, mais tellement agité en fondant sur lui, que ses parfums, c’est-à-dire les dons de la grâce, se répandent au loin de tous côtés (Cantique IV, 16). Enlevez ce soleil matériel qui illumine le monde, fera t-il encore jour ? Enlevez Marie, cette étoile de la mer, de l’océan immense, que reste t-il, sinon l’obscurité de toutes parts, l’ombre de la mort, les plus épaisses ténèbres ?
Du plus intime de nous-mêmes, du fond de nos entrailles, de tous nos vœux, vénérons-la, car telle est la volonté de Celui qui a voulu que nous ayons tout par Marie. Oui, c’est ce qu’il a voulu, mais pour nous. En toutes choses et de toute manière, en effet, venant en aide aux malheureux, Marie calme nos appréhensions, stimule notre foi, fortifie notre espérance, écarte de nous le désespoir, relève notre courage.
Vous craigniez de vous approcher du Père, effrayé rien qu’à l’entendre, vous alliez chercher refuge dans le feuillage (Gen., III, 8) ; il vous a donné Jésus pour médiateur. Que n’obtiendrait pas un tel Fils auprès d’un tel Père ? Il sera exaucé par égard pour lui (Hebr., V, 7), car le Père aime le Fils (Jean, III, 35). Mais vous fait-il peur, lui aussi ? Il est votre frère, il est de même chair que vous, il a tout subi, le péché excepté, pour apprendre à devenir miséricordieux (Hebr. IV, 15). C’est Marie qui vous a donné ce frère. Mais peut-être craignez-vous en lui la majesté divine, car bien qu’il se soit fait homme, il reste Dieu cependant. Vous voulez avoir un avocat auprès de lui ? Recourez à Marie. Il n’y a en elle que l’humanité pure, non seulement parce qu’elle est pure de toute souillure, mais encore pure en ce sens qu’il n’y a en elle que la seule nature humaine. Et je n’hésite pas à dire qu’elle sera exaucée, elle aussi, par égard pour elle- même. Le Fils exaucera la Mère, et le Père exaucera le Fils. Mes petits enfants, voici l’échelle des pécheurs, voici ma suprême assurance, voici toute la raison d’être des mon espérance. Quoi donc ? Le Fils peut-il repousser sa Mère ou souffrir qu’elle soit repoussée ? Peut-il ne pas l’entendre ou n’être pas entendu lui-même ? Ni l’un, ni l’autre, évidemment. « Vous avez trouvé grâce auprès de Dieu » (Luc, I, 30), lui dit l’ange. Heureusement ! Désormais elle trouvera toujours grâce, et cela nous suffit. Vierge prudente, ce n’est pas la sagesse, comme Salomon (III Rois, III, 9), ni les richesses, ni les honneurs, ni la puissance, mais la grâce qu’elle cherchait, car c’est la grâce seule qui nous sauve.
Pourquoi cherchons-nous autre chose, mes frères ? Cherchons la grâce, et cherchons-la par Marie, car elle trouve ce qu’elle cherche et ne peut être déçue. Cherchons-la, mais auprès de Dieu, et non pas la grâce trompeuse qu’on trouve auprès des hommes. Que d’autres recherchent le mérite ; pour nous, appliquons-nous à trouver la grâce. N’est-ce pas, en effet, par grâce que nous sommes ici ? C’est bien grâce à la miséricorde du Seigneur que nous n’avons pas été anéantis (Thrènes, mu, 22). Nous, les parjures, les adultères, les homicides, les voleurs, l’ordure de ce monde ! Rentrez en vos consciences, mes frères, et constatez que là où abonde le péché, la grâce a surabondé (Rom., V, 20).
Marie ne met point en avant son mérite, mais elle cherche la grâce. Elle se confie tellement en la grâce et présume si peu d’elle-même, qu’elle est prise de crainte en entendant la salutation de l’ange. « Marie, dit l’Evangile, se demandait ce que pouvait bien signifier cette salutation » (Luc, I, 29). C’est-à-dire qu’elle s’estimait indigne d’être saluée par un ange et pensait : D’où m’est-il donné qu’un ange du Seigneur vienne à moi ! Ne craignez pas, Marie, ne vous étonnez pas qu’un ange vienne à vous, un plus grand que l’ange doit venir. Ne vous étonnez pas de voir l’ange du Seigneur, car le Seigneur de l’ange est avec vous. Enfin pourquoi ne verriez vous pas un ange, puisque vous menez déjà une vie angélique ? Pourquoi un ange ne visiterait-il pas celle qui partage son genre de vie ? Pourquoi ne saluerait-il pas celle qui fait partie de la cité des saints, qui jouit de la familiarité di vine ? La virginité est une vie tout angélique, car ceux qui ne se marient point seront comme les anges de Dieu (Matt., XXII, 30).
Voyez-vous ici une : nouvelle manière dont notre aqueduc monté jusqu’à la source, comment ce n’est plus par sa prière seulement qu’il pénètre dans les cieux, mais par la pureté parfaite qui rapproche de Dieu, comme dit le Sage ? (Sag., VI, 20). Elle était, en effet, la Vierge sainte de corps et d’âme, qui pouvait dire d’une manière toute spéciale « Notre vie est dans les cieux » (Phil., III, 20). Elle était, dis-je, sainte de corps et d’âme, pour que vous ne doutiez pas que notre aqueduc ne soit absolument intact. Si haut qu’il s’élève, il ne présente pas la moindre fissure.
Marie est le jardin fermé, la source scellée (Cantique IV, 12), le temple du Seigneur, le sanctuaire de l’Esprit Saint. Elle n’est pas une vierge folle, elle dont la lampe non seulement ne manque pas d’huile, mais en est toute remplie (Matth. XXV, 1-12). Elle a disposé dans son cœur des degrés (Ps. LXXXIII, 6) qu’elle gravit aussi bien par sa manière de vivre que par sa prière. Enfin elle s’est hâtée vers les montagnes pour saluer Elisabeth, qu’elle a servie pendant trois mois environ (Luc, I, 39-56) ; si bien que la Mère de Jésus pouvait déjà dire à la mère de Jean ce que le Fils de Marie dira beaucoup plus tard au fils d’Elisabeth : « Laissez-moi faire maintenant, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice » (Matth., III, 15). Elle a vraiment gravi les montagnes, elle dont la justice s’élève comme les montagnes de Dieu (Ps. XXXV, 7). La Vierge s’y est élevée par trois degrés, à l’aide d’une triple corde difficile à rompre (Ecclésiastique IV, 12) : la ferveur de la charité dans la recherche de la grâce, la splendeur de la virginité dans sa chair, la grandeur de l’humilité au service de sa cousine. En effet, si tout homme qui s’humilie doit être exalté (Luc, XIV, 11), quoi de plus sublime que son humilité ? Elisabeth S’étonnait déjà qu’elle fût venue, et elle disait : D’où m’est-il donné que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? » Mais elle s’est étonnée plus encore que, à la manière de son Fils, Marie fût venue non pour être servie, mais pour servir (Matth., XX, 28). Aussi est-ce avec raison que le Chantre divin, plein d’admiration, saluait sa venue par ce cantique : Quelle est celle ci qui monte comme l’aurore à son lever, belle comme la lune, pure comme le soleil, mais terrible comme une armée rangée en bataille ? » (Cantique VI, 9). Oui, Marie s’élève au- dessus de tout le genre humain, jusqu’aux anges qu’elle dépasse, et, même au ciel, elle est plus élevée que toute créature. Il est d’ailleurs nécessaire qu’elle aille puiser plus haut que les anges l’eau vive qu’elle répand sur les hommes.
« Comment, dit-elle, cela s’accomplira t-il, puisque je ne connais point d’homme ? » Vraiment sainte de corps et d’âme, elle est vierge et décidée à le rester. Mais l’ange lui répond : « L’Esprit Saint surviendra, en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. » Ne m’interrogez pas, ce que vous me demandez est au-dessus de moi et dépasse ma puissance. « C’est l’Esprit Saint », non un esprit angélique, « qui viendra en vous » ; ce n’est pas moi, mais « la vertu du Très-Haut qui vous couvrira de son ombre » (Luc, I, 34 et 35). Vous ne vous arrêterez pas même parmi les anges, Vierge sainte ; la terre altérée attend que vous l’abreuviez d’une eau dont la source est plus élevée. Quand vous aurez un peu dépassé les anges, vous trouverez le bien-aimé de votre âme (Cantique III, 4). Je dis un peu plus haut, non qu’il ne soit infiniment plus élevé qu’eux, mais parce qu’entre lui et eux vous ne trouverez plus personne. Dépassez donc les vertus et les dominations, les chérubins et les séraphins, jusqu’à ce que vous parveniez à Celui qu’ils acclament en choeur : « Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu des armées (Isaïe, VI, 3). Car l’Etre Saint qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu. Il est la source de la sagesse, le Verbe du Père au plus haut des cieux. Ce Verbe par vous se fera chair, de telle sorte que lui qui disait « Je demeure dans le Père, et le Père demeure en moi » (Jean, XIV, 10), pourra dire aussi : « Je suis sorti et je suis venu de Dieu » (Jean, VIII, 42). « Au commencement était le Verbe » ; la source jaillissait déjà ; mais en Dieu seulement. « Et le Verbe était en Dieu » (Jean, I, 1), habitant cette lumière inaccessible (I Tim., VI, 16). Dès l’origine, le Seigneur disait : « J’ai des pensées de paix et non d’affliction » (Jérémie, XXIX, 11). Mais votre pensée, Seigneur, reste en vous, et nous ignorons ce que vous pensez. Qui donc avait connu la pensée du Seigneur ? Qui était admis dans ses conseils ? (Rom., X 34). Aussi la pensée de paix s’est réalisée sur terre dans une œuvre de paix : « Le Verbe s’est fait chair » (Jean, I, 14), et désormais il habite parmi nous. Il habite par la foi en nos cœurs (Eph., III, 17), il habite dans notre mémoire, il habite dans notre pensée, il est même descendu jusqu’à notre imagination. En effet, l’homme pouvait-il jusque-là avoir une autre idée de Dieu que l’idole qu’il s’était faite dans son cœur ?
Dieu était incompréhensible et inaccessible, invisible et totalement insaisissable à la pensée ; mais il a voulu qu’on pût désormais le comprendre, le voir, penser à lui. Et comment cela ? En se manifestant couché dans la crèche, reposant sur le sein virginal de sa Mère, prêchant sur la montagne, passant la nuit en prière, suspendu à la croix, dans les pâleurs de la mort, libre entre les morts, descendant aux enfers, ressuscitant le troisième jour, montrant à ses apôtres, en signe de victoire, la trace des clous, enfin montant aux cieux devant eux. Est-il un de ces faits qui ne puisse être l’objet de véridiques, de pieuses, de saintes réflexions ? Chaque fois que je médite sur l’un d’eux, c’est à Dieu que je pense, car dans tous ces faits il est mon Dieu. J’ai dit que méditer ces faits était sagesse, et j’ai estimé qu’il était de la prudence de se rappeler la douceur qu’ils renferment, tels les noyaux des amandes que produisit en abondance la verge sacerdotale (Nom., XVII, 8), cette douceur que Marie a puisée au plus haut des cieux, pour la répandre abondamment sur nous. C’est bien au plus haut des cieux, plus haut que les anges, qu’elle reçut le Verbe du cœur même du Père, ainsi qu’il est écrit : « Le jour profère au jour la parole » (Ps. XVIII, 3). Le jour est le Père, puisque le jour qui sort du jour est le salut de Dieu (Ps. XCV, 2). Mais Marie n’est-elle pas aussi le jour ? Oui, et un jour splendide. Jour rutilant de lumière que celle qui s’avance comme l’aurore à son lever, belle comme la lune, pure comme le soleil (Cantique VI, 9).
Considérez donc comment, égale aux anges par la plénitude de la grâce, elle s’est élevée au-dessus d’eux quand sur vint en elle l’Esprit Saint. Vous trouvez dans les anges la charité, la pureté, l’humilité ; est-il une de ces vertus qui ne brille en Marie ? Je vous en ai déjà parlé du mieux que j’ai pu, je montrerai maintenant ce qui la met au-dessus de tous les anges. Quel est, en effet, celui d’entre eux à qui il ait jamais été dit : « L’Esprit Saint viendra en vous et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; c’est pour quoi l’Etre Saint qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu » ? D’ailleurs, c’est de la terre et non des anges que la Vérité est sortie (Ps. LXXXIV, 12), ce n’est pas la nature angélique, mais la race d’Abraham qu’elle a faite sienne. La grandeur de l’ange, c’est d’être le serviteur du Seigneur, la part de Marie est plus sublime, elle a mérité d’être sa Mère. La gloire suréminente de la Vierge consiste donc en sa fécondité ; son rôle unique la met d’autant plus haut au-dessus des anges qu’elle a obtenu un nom qui la distingue de tous les serviteurs (Hebr., I, 4), celui de Mère. Elle qui était déjà pleine de grâce a trouvé par sa charité fervente, son intégrité virginale, sa dévote humilité, cette grâce de concevoir sans connaître l’homme et de devenir mère sans souffrir des douleurs de la femme qui enfante. C’est encore peu. Celui qui est né d’elle est le Saint, le Fils de Dieu.
Après cela, mes frères, nous devons bien veiller à ce que la Parole sortie de la bouche du Père et venue jusqu’à nous par l’intermédiaire de la Vierge ne s’en retourne pas vide, mais à ce que nous lui rendions par cette même Vierge grâce pour grâce. Ramenons sans cesse à notre esprit le souvenir du Père, aussi longtemps que nous en serons réduits à soupirer après sa présence ; faisons remonter à leur source les flots de la grâce, afin qu’ils en reviennent plus abondants.
Quelle que soit l’offrande que vous présentez à Dieu, souvenez-vous de la confier à Marie, pour que vos actions de grâces remontent à l’auteur de la grâce par le même canal qui vous l’a apportée. Sans doute Dieu pouvait à son gré vous infuser la grâce sans passer par cet aqueduc, mais il a voulu vous ménager ce moyen de la faire descendre jusqu’à vous. Peut-être avez-vous les mains couvertes de sang ou souillées par des présents que vous n’avez pas complètement secoués, aussi ayez bien soin de présenter à Dieu le peu que vous avez à lui offrir par les mains très agréables et très dignes de Marie, si vous ne voulez pas essuyer un refus. Elles sont, en effet, des lis éclatants de blancheur, et celui qui aime les lis ne pourra pas se plaindre de ne pas découvrir parmi les lis tout ce qu’il trouvera dans les mains de Marie.
Ainsi soit-il.

« LA THÉORIE DU GENRE ET L’ORIGINE DE L’HOMOSEXUALITÉ », PAR MGR ANATRELLA

6 juin, 2012

http://www.zenit.org/article-31042?l=french

« LA THÉORIE DU GENRE ET L’ORIGINE DE L’HOMOSEXUALITÉ », PAR MGR ANATRELLA

Milan 2012 et le « mariage » homosexuel

Propos recueillis par Anita Bourdin
ROME, mardi 5 juin 2012 (ZENIT.org) – Mgr Tony Anatrella, psychanalyste et spécialiste en psychiatrie sociale, consulte et enseigne à Paris et il est, entre autres, consulteur du Conseil pontifical pour la Famille et du Conseil pontifical pour la Santé. Il a présenté son dernier livre paru en italien sous le titre : « La teoria del « gender » e l’origine dell’omosessualità » (« La théorie du genre et l’origine de l’homosexualité »), aux éditions San Paolo, au Centre Culturel de Milan le lundi 28 avril 2012, à la veille des 7èmes Rencontres Mondiales des Familles, devant un public constitué de nombreuses personnes parmi lesquelles des universitaires, des psychiatres et divers spécialistes de sciences humaines. Le Dr Marco Invernizzi et le Dr Roberto Marchesini ont su dégager les thèmes et les enjeux de ce livre. Mgr Jean-Marie Mupendawatu, Secrétaire du Conseil pontifical pour la Santé, a adressé un message aux participants de cette conférence montrant que le titre de l’ouvrage indiquait les problèmes anthropologiques soulevés par cette théorie et la valorisation actuelle de l’homosexualité.
Mgr Tony Anatrella a bien voulu présenter son livre au lecteurs de Zenit.
Zenit – Les 7èmes Rencontres Mondiales des Familles viennent de s’achever quelles conclusions pouvez-vous en tirer? On a eu l’impression que les Français n’étaient pas aussi nombreux que la proximité pouvait le laisser espérer, et que la presse a peu parlé de l’événement ?
Mgr Tony Anatrella – Ces journées ont été un beau succès et elles ont suscité un grand intérêt et la joie de se retrouver en Église. Le congrès de théologie pastorale a rassemblé 7.000 personnes autour du thème du travail et de la fête, ce qui a permis de prendre de la distance pour mieux comprendre la dynamique et les nécessités familiales. Je sais que certains ont regretté que les problématiques actuelles n’aient pas été suffisamment prises en compte au sujet des séparations, des divorces, de la préparation au mariage, des situations de « fait », de la militance en faveur du mariage homosexuel et l’approche anthropologique de la famille là où l’on a tendance à en rester à des constats sociologiques. La sociologie est intéressante pour observer des comportements et des pratiques, mais elle est insuffisante pour énoncer ce qui fonde le sens de la famille. C’est particulièrement important dans un contexte d’émiettement de la vie affective et de la famille. On ne peut pas baser la pastorale familiale sur un simple empilement d’observations sociologiques mais sur le sens de la famille que l’on veut promouvoir et qui prend en compte les besoins de la personne et le sens du bien commun. Lors de la messe de clôture qui a rassemblé plus d’un million de participants, le Pape a su redire les fondements anthropologiques du mariage et de la famille. De quoi argumenter les réflexions actuelles qui peuvent aussi s’inspirer de Familiaris consortio dont nous fêtons le 30ème anniversaire. Il a également insisté sur l’accueil des divorcés-remariés et sur l’esprit de créativité à développer là où des personnes ne peuvent pas avoir accès aux sacrements. Il peut y avoir d’autres façons de s’unir au Christ eucharistique, ce qui implique un approfondissement de la foi et du sens du sacrement de mariage.
Les familles avec leurs enfants, accompagnées par de nombreux évêques et prêtres, sont venues des quatre coins du monde. Elles ont ainsi exprimé l’universalité de l’Église autour du Saint-Père. Elles lui ont manifesté de l’affection et un grand soutien au moment où le Pape est éprouvé par la trahison de l’un des siens. C’est souvent ainsi dans la vie ! Certains journalistes développent des commentaires fantaisistes et se complaisent dans la surinterprétation plutôt que de s’en tenir aux faits. Au lieu de parler de l’événement exemplaire de Milan et de ce qui se vivait, de nombreux articles ou de reportages radios et télévisés préféraient amplifier le vol de documents dans le bureau de Benoît XVI et épiloguaient sur l’idée d’un complot. C’est extraordinaire de voir comment on réécrit l’histoire quand on ne sait rien. Les dépêches de certaines agences étaient également pernicieuses en opposant au discours du Saint-Père sur le mariage et la famille, un discours militant en faveur du mariage homosexuel. La palme revient sans doute au chroniqueur religieux d’une grande radio périphérique qui, en direct de Milan, a sous-entendu à l’antenne le dimanche 3 juin au matin que les documents volés avaient été mis exprès dans l’appartement du majordome…
Enfin, il est vrai que les Français n’étaient pas aussi nombreux à Milan que pour les JMJ. Comment expliquer ce phénomène alors que ce type de rassemblement se prépare au moins sur deux ans à l’avance et que leur petit nombre n’est pas lié à des circonstances passagères ? La politique familiale et la pastorale de la famille reposent davantage en France sur des mouvements familiaux comme les AFC et ceux, entre autres, de la Communauté de l’Emmanuel, que sur les paroisses. Ce sont donc les mouvements qui ont su mobiliser les familles. Cela doit inciter les paroisses à investir davantage dans la pastorale de la famille, même si certaines le font déjà, car elle représente un enjeu d’avenir. La Nouvelle évangélisation doit se faire, entre autres, à partir de la famille et du suivi des personnes ainsi engagées et d’autres qui peuvent se trouver dans diverses situations. Il y a là un tissu humain à développer et à enrichir socialement et spirituellement.
Vous avez déjà publié de nombreux ouvrages sur la question du gender et de l’homosexualité (pour mémoire rappelons : La différence interdite, Flammarion. Époux, heureux époux, Flammarion. Le règne de Narcisse, Presses de la renaissance et qui vient d’être à nouveau édité en audio-livre aux éditions Saint-Léger-Productions. La tentation de Capoue, Cujas. Et plus récemment Le gender aux éditions Téqui, mais aussi aux éditions italiennes ESD) : quelle est la nouveauté de ce livre en italien?
Ce livre est inédit et il est pour l’instant uniquement publié en italien. Je fais une analyse de la théorie du gender à partir des concepts de l’encyclique de Benoît XVI, Caritas in Veritate, qui permettent de souligner le caractère irréaliste et idéaliste de cette idéologie. Elle prétend que la personne humaine est un être uniquement construit culturellement et en particulier ce qui concerne le corps sexué, l’identité sexuelle et les relations sociales. C’est le rôle que la société assignerait à chaque personne, dite homme ou femme, qui ferait l’identité sexuelle de chacun et en même temps il revient à chacun de s’assumer en fonction d’une orientation sexuelle à partir de laquelle il souhaite vivre. Le corps sexué n’est pas reconnu pour lui-même comme un « fait » à partir duquel le sujet se développe mais comme un artifice défini par la société. Enfin la sexualité humaine ne serait plus définie à partir de l’identité de l’homme ou de la femme, mais à partir des orientations sexuelle comme par exemple l’homosexualité.
Autrement dit, dans le cadre de cours d’éducation sexuelle qui sont donnés à partir de cette théorie, on laisse entendre à des enfants et à des adolescents qu’ils croient être filles ou garçons alors que ce n’est pas certain. Tout dépend de l’orientation sexuelle qui apparaîtra en eux et à partir de laquelle ils auront à se définir. Cette vision est complétement déconnectée du réel et entraîne une division entre le corps réel, qui lui est sexué au masculin ou au féminin (nous ne sommes que mâles ou femelles et pas autre chose), tout en étant nié, au bénéfice d’un corps imaginé en dehors de sa condition sexuée avec tout ce qui en découle. Pour la théorie du gender, le corps s’arrête à la hauteur de la tête alors que le reste n’existe pas ou du moins il n’existe qu’en fonction des aléas des images corporelles que le sujet peut avoir selon le mouvement de ses affects et de ses représentations internes qui, elles, sont plus ou moins conflictuelles avec la réalité. C’est donc à partir des hésitations, bien connues, à l’égard du corps que l’enfant ou l’adolescent peuvent éprouver, que les théoriciens du gender en font une idéologie holistique allant jusqu’à remettre en question la réalité du corps sexué. Chacun est invité, ainsi que toute la société, à se redéfinir à partir d’un corps imaginaire, proche d’une vision psychotique, avec toutes les conséquences anthropologiques et sociales que ce système peut engendrer lorsque l’on tente de violer la réalité en nommant des choses qui n’existent pas.
Caritas in Veritate propose des réponses appropriées en soulignant que chaque époque secrète des idéologies qui s’éloignent des intérêts de l’homme et du bien commun. Le marxisme à travers le communisme et le socialisme, nous promettait un homme nouveau avec l’idée dépressive de « changer la vie » au lieu de l’assumer. Le nazisme en appelait à une race supérieure. Nous savons combien ces fausses idées ont été meurtrières à bien des égards. Et maintenant la théorie du gender veut nous libérer de la condition de notre corps sexué et de la différence sexuelle. Elles inspirent les institutions onusiennes, le Parlement européen, la Commission de Bruxelles et les lois des différents pays membres à travers la notion de parité, d’égalitarisme et d’orientations sexuelles appliquées de façon uniquement instrumentale et sans aucun discernement objectif. Elle est enseignée dans les écoles et inspire les programmes d’éducation sexuelle. Les organismes spécialisés de l’ONU à Genève ont voulu, en mars dernier, imposer aux pays membres la condamnation de toutes discriminations à l’égard du mariage en faveur des personnes de même sexe. L’opération s’est répétée dans la cadre de la Commission européenne auprès des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, elle a été rejetée. Des lois se préparent un peu partout dans le monde pour réprimer ce que l’on appelle « l’homophobie » sans savoir ce que l’on met sous ce terme au-delà du nécessaire respect de chacun. C’est une machine de guerre qui se met en place pour pénaliser tous les propos qui ne seraient pas en faveur de l’homosexualité : on crée ainsi un délit de penser.
Dans son encyclique le Pape Benoît XVI montre bien le rôle pervers du législateur lorsqu’il modifie les lois civiles dans l’idée de changer l’homme alors que son but est d’organiser la vie en société. Il précise en montrant que le concept de « progrès » conduit à une impasse surtout lorsque l’on insiste sur l’idée d’un homme construit culturellement et façonné par des lois civiles comme dans les pays totalitaires. Il préfère retenir la notion de « développement » qui est davantage pertinente pour comprendre que la réalité est un fait, un donné et une condition à partir de laquelle se développe chacun.
Dans votre livre vous consacrez également un long chapitre à l’origine de l’homosexualité. Pourriez-vous en préciser les thèmes ?
L’homosexualité est un des effets de la théorie du gender qui tente de définir la sexualité non pas à partir des deux seules identités sexuelles qui existent (l’homme et la femme), mais en fonction des orientations sexuelles, qui elles sont nombreuses et variées et relèvent du conflit plus ou moins remanié avec les pulsions partielles et les identifications primaires.
Lorsque l’on parle de l’homosexualité, il convient de distinguer l’aspect individuel de l’aspect social, notamment en ce qui concerne le mariage entre personnes de même sexe et l’adoption des enfants.
Sur le plan individuel, l’homosexualité a toujours existé et existera sans doute toujours plus ou moins. La plupart des études sérieuses indiquent qu’il n’y a pas d’origine génétique ou neurophysiologique à cette tendance particulière. Il est assez étonnant de constater que l’on nie la nature humaine avec des caractéristiques particulières à l’homme et à la femme et en même temps on voudrait affirmer qu’il existe une nature homosexuelle fondée sur du génétique ou du biologique comme pour montrer le caractère normal de cette inclination. Si la sexualité humaine est relativement conditionnée par des déterminants biologiques, elle dépend aussi et surtout de la représentation que chacun se fait de ses désirs. La vie pulsionnelle s’élabore dans un système de représentations liées aux diverses expériences que l’enfant et l’adolescent font de leur corps. Les premières identifications sont multiples et souvent en direction des personnes de même sexe pour conforter l’identité du garçon et de la fille. Et c’est lorsque des conflits internes se présentent et ne sont pas résolus que des orientations particulières peuvent apparaître en contradiction avec l’identité du sujet. Ce qui veut dire que l’homosexualité n’est pas une alternative à l’altérité sexuelle qui se noue uniquement entre un homme et une femme. Elle est davantage l’expression d’une fixation primitive au même et au semblable que soi, et relève d’une difficulté à intérioriser l’autre sexe.
Il y a différentes formes d’homosexualité : certaines peuvent évoluer et s’acheminer naturellement vers l’attrait de l’autre sexe pendant que d’autres sont moins mobiles. Le drame est que le contexte actuel ne favorise pas une interrogation sur soi à ce sujet afin de savoir à quoi correspond cette tendance. Or, de nombreuses personnes viennent souvent consulter dans l’espoir de modifier cette orientation et certains arrivent à la remanier. Mais il y a une sorte de tabou et d’interdit à penser que l’on pourrait changer une orientation homosexuelle alors que pourtant des personnes y parviennent. On admet facilement que quelqu’un qui est hétérosexuel puisse devenir homosexuel alors que l’inverse serait impossible.
Bien entendu, il ne s’agit pas d’utiliser des démarches et des pratiques d’autosuggestion mais de laisser la liberté de parole au sujet qui va chercher à prendre conscience de ce qui l’a conduit à s’organiser psychologiquement de cette façon et à décider ce qu’il peut vivre et assumer.
Il est vrai que l’influence sociale d’une société narcissique incline à se penser de façon confuse en matière sexuelle. Des adolescents et des jeunes consultent car après quelques échecs amoureux, ils s’imaginent qu’ils sont peut-être homosexuels et vivent même des expériences afin de savoir ce qu’ils sont. Ce qui montre combien les sujets actuels ont du mal à occuper leur intériorité et à savoir identifier leurs désirs ; tout devrait se jouer dans l’agir.
La question homosexuelle est insuffisamment travaillée afin de comprendre de quel fonctionnement psychique elle relève. Il y a également une sorte de paresse intellectuelle qui consiste à attribuer à la relation entre deux personnes de même sexe les mêmes caractéristiques qui sont celles, et de façon exclusive, propres au couple formé par un homme et une femme.
Dans ces conditions, pourquoi cette volonté de « marier » des personnes de même sexe ?
Nous passons ici sur le versant social de la question homosexuelle avec plusieurs réponses que j’ai déjà eu l’occasion de développer dans mes ouvrages et articles.
- Il y a derrière cette revendication une volonté d’être reconnu par la société et d’admettre l’homosexualité comme une autre forme de sexualité parmi d’autres. La question est de savoir si elle peut être considérée socialement comme une forme de sexualité comme une autre et de s’interroger aussi sur le fait suivant : à partir de quel type de sexualité la société s’organise ? L’homosexualité ne représente aucune nécessité sociale, c’est pourquoi toutes les sociétés se sont toujours organisées autour du mariage entre l’homme et la femme puisqu’ils sont les seuls à former un couple et à signifier l’altérité sexuelle dont le lien social a besoin.
- Il faut également considérer que le divorce a entraîné une dévalorisation du sens du mariage comme alliance entre un homme et une femme, du fait de l’affaiblissement de ses obligations et du laxisme de la loi et des juges qui ne les respectent plus. Sans doute parce que cet état de vie n’a pas été suffisamment préparé, la maturité restait encore fragile pour avoir le sens d’un engagement et que le projet de vie était à peine ébauché. De là est née une mentalité individualiste à partir de laquelle de nombreuses personnes ont eu du mal à accéder à la dimension sociale de la vie affective à travers le mariage et de sa responsabilité objective à l’égard de l’autre et des enfants. Le couple sentimental (en dehors de toute dimension sociale) s’est imposé au détriment du couple fondé sur une alliance (mariage). Il suffit ainsi d’éprouver de forts sentiments pour partager une vie commune sans avoir à l’inscrire dans le conjugal et le familial. D’où des formes d’unions de « fait » qui créent des confusions et ne favorisent pas le lien social. Le concubinage, les foyers monoparentaux et les couples dissociés, et pas davantage les duos entre personnes de même sexe, ne peuvent en aucun cas représenter des modèles cohérents d’avenir. Ils sont contextuels et, en eux-mêmes, ils ne sont pas structurants. Il suffit de constater que les foyers monoparentaux et les couples divorcés s’appauvrissent à bien des égards et notamment sur le plan économique pour réaliser qu’ils ne peuvent pas servir de référence. C’est bien souvent ce que disent des adultes issus de ces situations alors qu’ils étaient enfants, sans avoir à condamner ou à rejeter leurs parents. Mais ils savent qu’ils veulent vivre autrement dans l’intérêt de leur couple et de leurs enfants, et découvrent le sens du mariage et de la fidélité.
- Aujourd’hui,le mariage apparaît davantage comme la reconnaissance sociale des sentiments que comme l’expression de l’engagement irrévocable entre un homme et une femme et détaché de la procréation et donc de la filiation. Dans ces conditions purement sentimentales n’importe qui peut se marier avec n’importe qui, et n’importe qui peut se désigner père ou mère d’un enfant en dissociant la parenté (on a tort de parler de parentalité) de la fertilité et de l’acte sexuel. En manipulant le langage, il est possible de dire une chose et son contraire et de chercher à nommer l’impensable et ce qui n’existe pas en réalité. La nature du mariage ne se réduit donc pas à être la reconnaissance sociale des sentiments. Il est une institution dans laquelle un homme et une femme inscrivent leur conjugalité et la génération dans une continuité familiale et intergénérationnelle. Deux personnes de même sexe ne sont pas situées pour être capables d’assumer ces caractéristiques objectives du mariage. La filiation et l’intergénérationnel s’arrêtent à leur monosexualité.
-L’égalité des droits et la lutte contre les discriminations sont d’autres arguments utilisés pour justifier le mariage entre personnes de même sexe.
Si nous sommes tous égaux devant la loi, cela ne veut pas dire que toutes les situations de vie sont égales et ont la même valeur. Il y a ici un détournement du sens de l’égalité et des droits qui laisse entendre que toutes les associations affectives seraient de même nature et pourraient s’inscrire dans le mariage. Le mariage relève d’un droit uniquement réservé aux hommes et aux femmes puisqu’il correspond à l’alliance des sexes, mais il est actuellement instrumentalisé à des fins politiques comme pour normaliser l’homosexualité.
Les responsables politiques qui légifèrent ainsi sur toutes les failles et les points aveugles de la société, contribuent surtout à fragiliser le cadre porteur et à participer à la déstructuration des citoyens à commencer par les plus jeunes. Nous en payerons le coût humain et social sur les générations à venir dans trente à quarante ans.
Il n’y a rien de discriminatoire et c’est faire œuvre de raison que de soutenir que le mariage comme la conception et l’adoption des enfants ne se définissent uniquement qu’à partir d’un homme et d’une femme. En ce sens, l’enfant n’est pas un droit, alors que son droit et son intérêt supérieur sont d’être conçu et éduqué entre un homme et une femme, un père et une mère, qui vivent dans cette cohérence leur sexualité. L’adoption des enfants dans un univers monosexué est souvent présentée en termes purement affectifs plutôt que structurels : de quoi a besoin un enfant ?
- Ce détournement de sens du mariage s’est amplifié avec la création du Pacs, comme je l’avais dit à l’époque, en participant à la déstructuration du mariage jusqu’à favoriser son inutilité, voire sa disparition. Le mariage, qui est une institution, devient de plus en plus un contrat (comme un contrat de biens) qui va d’union en désunion au point de créer les conditions psychologiques d’une société d’instables affectifs, de polygames à travers le multipaternariat, de relations précaires et de confusions sexuelles.
En ce sens, le Pacs qui est plus facile à manier juridiquement, risque de se substituer au mariage en baisse constante, en devenant le signe de l’inconstance affective de l’époque contemporaine. Les pouvoirs publics prennent une grave responsabilité en dérégulant un système symbolique qui a mis des siècles à s’élaborer et à s’affiner au bénéfice de l’alliance entre l’homme et la femme. Le Pacs et le mariage entre personnes de même sexe va rendre inutile le mariage étant donné que divers contrats d’association se mettent en place. Dans ces conditions, il y a une forme d’injustice et de discrimination à obliger le mariage civil avant de se marier religieusement. Je l’avais évoqué dans mon livre « La différence interdite », qui est toujours d’actualité au moment où certains se demandent pourquoi on les oblige à se marier devant cette confusion légale.
- Le mariage entre personnes de même sexe représente une véritable incohérence qui porte atteinte à l’altérité sexuelle dont la société a besoin. Le signal qui est ainsi envoyé à la société laisse entendre que celle-ci valorise la recherche du même et du semblable et qu’elle le reconnaît dans la loi au détriment du sens de l’autre. A-t-on mesuré toutes les conséquences collatérales d’une telle vision restrictive des relations individuelles et du lien social ? Il suffit de réfléchir pour savoir comment nommer ce système dans lequel on voudrait nous enfermer.
Enfin il est assez étonnant de constater, au moment où l’implosion financière menace la planète, où la famille fondée par un homme et une femme a besoin d’être soutenue tout en accompagnant des situations particulières comme celles des foyers monoparentaux, alors que l’école, les programme scolaires et la transmission posent de grave problèmes et que nous allons vers un relatif effondrement de l’emploi, que pendant ce temps-là, les responsables politiques légifèrent sur des problèmes de mœurs manifestant ainsi leur impuissance à traiter l’essentiel. C’est de cela dont témoignent également les campagnes législatives dans de nombreux pays : les questions de fond ne sont pas abordées et les projets des candidats ne sont pas révélés dans l’espoir de remporter les suffrages. Il est assez inquiétant d’observer que la plupart des politiques ne cherchent pas à évaluer les conséquences quand, sous la pression des lobbies, ils imaginent marier les personnes de même sexe. Il n’y a pas un droit au mariage en dehors de certaines nécessités, encore faut-il être en condition pour se marier.
On l’aura compris, il est injuste de parler des « familles » en laissant entendre qu’il y aurait plusieurs modèles possibles alors qu’il s’agit de conditions singulières à partir desquelles la famille ne saurait se définir. Il est tout aussi inadéquat de parler de la « famille traditionnelle » en l’accolant à de soi-disant nouveaux modèles (concubinage, foyers monoparentaux, homoparentalité) alors qu’ils représentent une segmentation du sens de la famille à laquelle il deviendra de plus en plus difficile de s’identifier. Il convient surtout de parler de la famille à partir de l’identité qu’elle revêt. L’identité de la famille n’est pas dans ce qu’on en fait, mais dans ce qu’elle est intrinsèquement. Sinon on confond les aléas de l’existence, les affects et les situations singulières avec ce qui définit la famille.
C’est dans ce sens que le Pape Benoît XVI a parlé à Milan aux 7èmes Rencontres Mondiales des Familles en disant : « La famille doit être redécouverte en tant que patrimoine principal de l’humanité, signe d’une culture vraie et stable au profit de l’homme … L’État est appelé à reconnaître l’identité propre de la famille, fondée sur le mariage et ouverte à la vie, et le droit primordial des parents à la libre éducation des enfants, selon le projet éducatif qu’ils jugent valide et pertinent ».

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