Archive pour juin, 2012

a été crucifié, est mort et a été enterré

18 juin, 2012

a été crucifié, est mort et a été enterré dans images sacrée the-mercy-seat-e

 

http://www.poorclarestmd.org/benedictxvi/introchristianity/the/creed.html

L’antipaulinisme chrétien au IIe siècle: Auteur: Luigi Padovese du même auteur (pour la mémoire)

18 juin, 2012

http://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2002-3-page-399.htm

L’antipaulinisme chrétien au IIe siècle

Auteur: Luigi Padovese du même auteur

Université Antonianum, Rome

Dans une précédente étude sur Paulin de Nole, j’ai montré que pour cet auteur, Paul est le premier des écrivains bibliques. Des lettres de l’apôtre, il retient surtout les passages renvoyant à la kénose du Christ, à la folie de l’annonce chrétienne et au mystère de la croix[1] [1] Cf L. Padovese, « Considerazioni sulla dottrina cristologica…
suite. Est ainsi mise en relief la distance entre le christianisme et les mondes païen et juif, non au niveau de la foi en Dieu ou en un médiateur entre Dieu et l’humanité, mais de ce que fut le Christ, son annonce et sa mort. Soulignant cette distance ou cette opposition, Paulin voit en Paul le disciple parfait du Christ.
2 D’autres Pères, surtout ceux des IV/Ve siècles, ont insisté sur la figure et les lettres de l’apôtre, cherchant à situer respectivement la soi-disant « sagesse du monde » et la « folie chrétienne » qui s’exprime dans le « scandale de la croix ». Devant un mode d’être chrétien qui n’exclut pas les accommodements, qui va jusqu’à taire le nom du Christ, à avoir honte et à rougir d’entendre parler du « crucifié »[2] [2] Voir les témoignages d’un tel comportement chez Augustin,…
suite, la figure et les lettres de Paul, avec leur orientation christique prononcée, aident à démasquer et stigmatiser les faux comportements chrétiens.

L’ANTIPAULINISME PAÏEN
3 Les critiques faites à l’apôtre à la fin du IIe par les païens manifestent l’importance qu’il avait auprès des chrétiens. C’est sur sa personne et ses écrits que Celse, Hiéroclès, Porphyre, l’empereur Julien concentrent leurs attaques, en démythifiant l’image qu’on avait de lui, et en relevant ce qu’ils perçoivent comme des bizarreries de comportement et de pensée. Julien rend l’apôtre responsable de la conversion des Grecs à la religion « galiléenne » et pense qu’« il dépasse les illusionnistes et charlatans de tout lieu et tout temps »[3] [3] Julien, Discorso contro i Galilei, 100A, G. Freda (éd. ),…
suite. Les critiques faites à l’apôtre touchent d’abord sa personne : on lui reproche la hardiesse avec laquelle il a critiqué l’« hypocrisie » de Pierre à Antioche, alors que lui-même ensuite a fait preuve d’incohérence. Ainsi, après avoir condamné la circoncision, il fait circoncire Timothée[4] [4] Voir ce que dit l’auteur cité par l’Ambrosiaster, Quaest. …
suite. Mais cette hypocrisie est encore plus manifeste dans ses écrits, en particulier dans la contradiction par rapport à la Loi. De fait, alors qu’en Galates, il dissuade qu’on obéisse à la Loi (Ga 3,10), en Rm il écrit que « la Loi est spirituelle » (Rm 7,14) et même qu’elle « est sainte, le précepte saint et juste » (Rm 7,12)[5] [5] Cf. Porphyre, Fragm. 30, en Discorsi, 66. …
suite. Sur le sujet, Porphyre fait le commentaire suivant : « [ce sage] démolit sans pitié la Loi, lui qui de tant de manières exhorte à lui obéir et dit qu’il est louable de vivre en conformité avec elle… »[6] [6] Porphyre, Fragm. 31, en Discorsi, 67. …
suite Cette incohérence est encore relevée à propos du comportement de Paul sur les aliments : parfois il interdit de manger la chair offerte aux idoles (1Co 10,20), et parfois déclare cela indifférent (1Co 10, 25-26)[7] [7] Porphyre, Fragm. 32, en Discorsi, 68. …
suite. De même, il fait l’éloge de la virginité, mais ensuite il prend la défense du mariage, et précise enfin qu’il n’a reçu aucune révélation spéciale du Seigneur concernant les vierges[8] [8] Cf. Porphyre, Fragm. 33, en Discorsi, 69. …
suite.
4 Les critiques de Porphyre et Julien concordent aussi sur la manière fourbe dont Paul sait s’adapter aux auditeurs pour convaincre (cf. 1Co 9,19) : « Si de fait — précise Porphyre — il s’est fait sans Loi avec ceux qui n’ont pas la Loi, et juif avec les juifs, et ainsi de suite (…), s’il vit avec les sans Loi et, ensuite, par écrit, se plaît à être juif et à jouir des prérogatives du judaïsme, chacune de ces prérogatives est contaminée par les erreurs des sans Loi, car il vit avec eux et subit leur influence »[9] [9] Porphyre, Fragm. 27, en Discorsi, cit. , 62-63. …
suite. On retrouve la même attitude mystificatrice, quand il déclare ici être juif et là romain (Ac 22,3), car il n’est de fait ni l’un ni l’autre. Et Porphyre d’ajouter que ce faisant « il est menteur et manifestement compagnon du mensonge (…). Un homme qui, dans le passé, a obéi à la Loi et, aujourd’hui, à l’Évangile, c’est avec raison qu’on le considère comme malhonnête et trompeur, en privé et en public »[10] [10] Porphyre, Fragm. 28, en Discorsi, cit. , 64. …
suite. Julien reprend cela avec d’autres images, en disant que Paul est comme les polypes qui changent de couleur selon les récifs[11] [11] Julien, Discorso contro i Galilei, 106 BC, 17-18. …
suite.
5 Il n’y a pas lieu de reprendre ici dans le détail les éléments de l’anti-paulinisme païen relatif à l’agir et à la pensée de l’apôtre[12] [12] Sur le sujet, voir G. Rinaldi, Biblia gentium, qui a recueilli…
suite. Il doit être compris dans son intention, qui est de combattre la nouvelle foi, en en érodant les fondements, c’est-à-dire en sapant la confiance qu’elle met dans ses textes sacrés[13] [13] Pour combattre radicalement le christianisme, il est nécessaire…
suite, et en démystifiant aussi des personnages clefs tel que Pierre, Paul et Jean, qu’on présente comme de pauvres hommes, sans formation particulière, prétendant avoir une sagesse divine qu’ils célèbrent sans la posséder, animés d’un zèle qui n’est qu’exaltation. Eu égard à Paul, la critique païenne de fond — venue peut-être d’une matrice judéo-chrétienne, car on retrouve ces aspects chez les uns et chez les autres —, consiste à dire qu’il oscille entre le monde juif et grec ; mais le fait « de passer entre deux mondes », selon une expression que M. Hengel reprend de S. Ben-Chorin, est en réalité lu comme un signe d’incohérence et fait dire qu’il n’a appartenu ni à l’un ni à l’autre[14] [14] Cf. M. Hengel, Il Paolo precristiano, Brescia 1992 (orig. …
suite. Manifestement, l’opposition toujours plus nette des païens par rapport à Paul montre l’importance de l’apôtre dans l’Église des III/IVe siècles. Mais cette importance ne s’est développée que progressivement, et non sans difficultés, comme on va maintenant le voir.

L’ANTIPAULINISME CHRÉTIEN
A – Remarques préliminaires
6 Le nombre et la nature des textes invitent à la plus grande prudence pour traiter cette difficile question. En effet :
7 1. Les textes que nous avons sur cette période (qui va plus ou moins de 70 à 150)[15] [15] Cf. A. Lindemann, Paulus im ältesten Christentum. Das Bild…
suite sont plutôt rares. Il faut dès lors éviter une simplification et généralisation indue du passé.
8 2. L’interprétation de ces textes religieux est très délicate, parce qu’elle n’est jamais privée de présupposés herméneutiques. Le genre littéraire de ces textes (parénétiques, apologétiques, polémiques, édifiants…) détermine la valeur à donner aux diverses affirmations.
9 3. La reconstruction du passé faite avec les seuls textes littéraires est partiale ; en effet, les écrits avec lesquels on travaille proviennent généralement de personnes appartenant aux classes cultivées, et plus spécifiquement d’auteurs ecclésiastiques et/ou de responsables de communautés vivant dans un milieu socio-religieux particulier dont le projet est de transformer leurs lecteurs, et dont le désir est d’imposer leur propre perspective ou vision des faits. Pour le cas en question, en plus de la production littéraire faible, nous ne connaissons pas la réaction des communautés face à cette aversion à la tradition paulinienne[16] [16] Cf. A. Lindemann, Paulus, 401. …
suite.
10 4. Il faut éviter de mesurer la réception de la tradition concernant Paul aux I/IIe siècles avec la compréhension que nous avons aujourd’hui de l’apôtre. Car à l’époque il n’y a pas encore de réception sous forme de commentaire suivi des lettres de l’apôtre. Elles furent parfois citées, parfois modifiées (qu’on pense, par ex., à l’utilisation de Mc par Lc et Mt), parfois mélangées à d’autres textes au point d’être difficilement reconnaissables[17] [17] Cf. A. Lindemann, Paulus, 3-4. …
suite.
11 À ces considérations de principe, s’en ajoutent d’autres, d’ordre historique, assez importantes pour le thème abordé ici.
12 1. Le premier christianisme se présente comme un phénomène complexe et différencié, marqué par les différences de temps et de lieu. Celui qui s’implante et se développe en Syrie-Palestine est en effet autre que celui d’Asie Mineure, d’Afrique ou d’Égypte. Celui des zones rurales est également autre que celui des cités. Il s’agit, en somme, d’un ensemble complexe de mouvements, ou de « fédérations d’Églises » ayant des formes différenciées en des sociétés diverses.
13 Ce fractionnement ne se vit pas seulement entre Églises, mais aussi à l’intérieur des grandes communautés, comme celles de Rome, d’Antioche, d’Alexandrie, d’Éphèse, où pour différentes raisons (distance, plus grand nombre d’ethnies, accroissement du nombre de membres) existent des groupes chrétiens divers. Ainsi en est-il de la communauté de Rome, où, par un ensemble de circonstances, le fractionnement produit par une pluralité de groupes chrétiens non homogènes s’est traduit par une cohésion faible qui, tout en favorisant les particularismes et un pluralisme de pensée, a néanmoins empêché les schismes et les ruptures auxquelles les petites communautés étaient plus facilement exposées. On a un autre effet de ce fractionnement de la première communauté chrétienne de Rome dans le retard avec lequel l’épiscopat monarchique s’est affirmé par rapport à la structure collégiale (de type presbytéral ou épiscopal) héritée du judaïsme, et assez représentative des diverses églises composant la communauté. Ces considérations valent aussi pour Éphèse qui, aux I/IIe siècles de notre ère, devait compter environ 250 000 habitants. Grâce à Paul, si l’on en croit Adolf von Harnack, cette métropole d’Asie Mineure était devenue troisième capitale de la chrétienté, la vraie capitale grecque, et semblait même destinée à être le centre de la nouvelle religion[18] [18] Cf. A. von Harnack, Missione e propagazione del cristianesimo…
suite. Il n’y a rien d’étonnant à ce que le christianisme qui s’y était installé, ait été représenté par diverses églises domestiques. Cela expliquerait aussi la présence d’une tradition johannique dans un territoire de mission paulinienne[19] [19] Cf R. Schnackenburg, « Ephesus : Entwicklung einer Gemeinde…
suite.
14 Ce qui vient d’être dit permet de conclure que le phénomène du pluralisme intra-chrétien observable au IIe siècle pose la question de l’identité chrétienne : à ce pluralisme correspondent diverses options dans la compréhension de la mission ou de l’appel à la conversion, ainsi que divers modèles d’inculturation (qu’on me permette le néologisme) du christianisme en de nouveaux contextes religieux et culturels.
15 2. Un christianisme multiforme existe aussi au niveau doctrinal, où diverses orientations de pensée se confrontent. C’est dans ce contexte que progressivement les catégories d’orthodoxie et d’hérésie se fixent, et que se fixe aussi l’idée que l’hérésie est une déviation postérieure à l’orthodoxie : réflexion quelque peu inexacte, car — comme l’a bien montré A. Orbe — la première théologie au sens strict (comme création d’un langage théologique technique et d’un système complexe et précis, jusque dans l’utilisation de représentations mythologiques) est celle des gnostiques valentiniens (et ophites)[20] [20] Cf. A. Orbe, La teologia dei secoli II e III. Il confronto…
suite.
16 Au IIe siècle, les doctrines chrétiennes primitives étaient encore fluides, et ce que nous appelons orthodoxie constitue plutôt le résultat de l’activité convergente de communautés et de penseurs divers, qui se mirent d’accord pour opposer à la vision unitaire de l’hérésie une vision elle aussi unitaire. Ainsi, « le terme dogme dit peu de choses lorsqu’on étudie une époque où l’on assiste à sa première apparition encore exempte de préjugés en des courants chrétiens variés. Un même thème, avant d’être élaboré par les ébionites, les monarchiens, les gnostiques, les ecclésiastiques de diverses tendances (platonique, asiatique), ne peut ni ne doit se présenter comme dogme. Il est d’abord considéré comme question libre »[21] [21] A. Orbe, La teologia I, 18. …
suite.
17 3. C’est dans ce contexte que se pose le statut des écrivains néotestamentaires. Le IIe siècle est bien avancé lorsqu’on en vient — de manière non uniforme — à les mettre sur le même plan que l’AT. On doit pourtant noter que l’utilisation de ce qu’on appela le NT est plus fréquent chez les chrétiens hellénistes que chez les judaïsants. Cela dit, aucun des premiers auteurs chrétiens, de tendance judéo-chrétienne (Didachè, Papias, Hermas) ou représentant d’un judéo-christianisme hellénistique (1Clém, 2Clém), ou encore représentant d’un christianisme hellénistique (Ignace, Polycarpe, le Pseudo-Barnabé), n’appelle les écrits néotestamentaires Écriture. Mais cela ne signifie pas que ces écrits n’aient pas d’autorité, bien que n’existât pas encore le consensus leur reconnaissant l’autorité qu’ils auront par la suite. C’est pourquoi on ne sent pas encore le besoin de fonder l’annonce ou les affirmations à l’aide de citations extraites d’écrits néotestamentaires qui ne possèdent pas encore l’intangibilité canonique.
18 4. La dernière précision concerne le judéo christianisme. L’expression — comme celle de christianisme hellénistique — renvoie à une multiplicité de variantes et exprime des phénomènes diversifiés. Concrètement, si par judéo/christianisme on peut entendre des groupes chrétiens distincts sociologiquement, qui suivent fidèlement la tradition juive et en particulier la loi cultuelle (« juifs à coloration chrétienne », comme dirait A. Orbe), il existe aussi un judéo/christianisme utilisant de manière plus ou moins différenciée des catégories théologiques et religieuses provenant du monde juif (« chrétiens à coloration juive »). Dans ce second cas, on peut aussi parler d’un judaïsme chrétien hellénistique et syrien, à cause de l’osmose qui s’est créée entre ces traditions culturelles et religieuses[22] [22] Cf. M. Hengel, L’« Ellenizzazione » della Giudea nel…
suite.
B – Le rejet de Paul au IIe siècle

Paul dans le panorama du IIe siècle
19 Ces précisions étant faites, il est possible de faire les considérations suivantes :
20 1. Dans un christianisme aux expressions si variées, même s’il fait autorité, Paul n’est qu’une voix parmi d’autres, et sa manière d’interpréter l’annonce évangélique représente une des possibles lectures, comme le confirme par ailleurs la pluralité théologique des écrits néotestamentaires. Là où, ensuite, l’héritage paulinien n’a pas complètement disparu ou n’a pas été, à l’opposé, absolutisé, il se présente comme ajouté à d’autres et de manière variable.
21 2. Si l’on retient ce qui a été dit plus haut, on comprend que l’acceptation ou la non acceptation de Paul ne concerne pas seulement sa personne, mais tout ce qu’elle représente pour l’identité chrétienne et la fidélité à l’Évangile. Accepter ou rejeter Paul signifie un certain mode de comprendre le message et, par conséquent, de l’inculturer, de faire la mission, mais aussi une certaine manière de se rapporter au monde.
22 3. Dans la situation de fixation de structures et de doctrines ecclésiales qui se vérifie au IIe siècle, on ne s’étonnera pas de voir un certain recul des thèmes centraux de la prédication néotestamentaire. On peut même parler d’une flexion de la théologie paulinienne[23] [23] Cf P. Stockmeier, Fede e religione nella Chiesa primitiva,…
suite à cause de la tendance à comprendre le christianisme comme une doctrine ou une philosophie morale[24] [24] On note la montée des prescriptions orales ou d’une morale…
suite. Si d’importants théologoumènes (par ex. la doctrine de la justification ou ce qu’on appelle la théologie de la liberté) ont disparu des discussions, cela vient du changement de situation historique et de l’arrivée de nouveaux problèmes auxquels les écrits « occasionnels » de Paul ne donnaient pas de réponses. Un tel recul peut venir des raisons qui ont inspiré un écrit et/ou de la culture de l’auteur. Ainsi, par ex., les Actes de Paul ne montrent aucun intérêt pour la pensée de l’apôtre, mais mettent plutôt en lumière l’image qu’il donne du missionnaire et de l’ascète[25] [25] Dans les Actes, Paul est présenté comme prédicateur de…
suite.
23 Ainsi, on peut être d’accord avec Dassmann lorsqu’il déclare : « Paul n’a jamais été la figure dominante de la première théologie chrétienne, comme on pourrait le penser en partant du nombre de ses écrits retenus dans le canon. Il a toujours été un ferment au cœur du développement théologique, mais jamais son fondement général »[26] [26] Cf. E. Dassmann, Der Stachel im Fleisch. Paulus in der frühchristlichen…
suite. Comme confirmation de ces propos, qu’il suffise de noter l’utilisation réduite des lettres de Paul et l’émergence très discrète de sa figure dans les rares écrits chrétiens du IIe siècle[27] [27] Sur le sujet, voir l’avis de G. Strecker : « Globalement,…
suite.
Interpretation du rejet de Paul
24 Nous pouvons ainsi essayer d’interpréter aussi bien quelques « silences » que les expressions de discrédit ou de rejet de l’apôtre qu’on rencontre dans les rares écrits du IIe siècle.
Rappelons que l’intérêt pour la question du recul et du rejet de Paul durant les premiers siècles est grand, comme l’attestent les publications parues ces dernières décennies, surtout en allemand. Qu’il suffise de mentionner ici les études de U. B. Müller, Zur frühchristlichern Theologiegeschichte. Judentum und Paulinismus in Kleinasien an der Wende vom ersten zum zweiten Jahrhundert n.Chr. (Gütersloh 1976), de E. Dassmann, Der Stachel im Fleisch. Paulus in der frühchristlichen Literatur bis Irenäus (1979) ; de A. Lindemann, Paulus im ältesten Christentum, 1979, de G. Strecker « Paulus in nach-paulinischer Zeit », de G. Lüdemann (1983)[28] [28] Paulus, der Heidenapostel, en deux volumes, le deuxième…
suite. Également la monographie de R. Schnackenburg, Ephesus : Entwicklung einer Gemeinde von Paulus zu Johannes (1991), limitée géographiquement, comme le titre l’indique, mais très bien documentée.
Du côté italien, paulinisme et antipaulinisme ont fait l’objet de deux colloques exégétiques nationaux en 1985 et 1987, dont les actes ont respectivement été publiés dans Rivista Biblica 34 (1986) 419-637, et dans Ricerche storico-bibliche 2 (1989). Comme contributions patristiques, signalons les études de M. G. MARA, Ricerche storico-esegetiche sulla presenza del corpus paolino nella storia del cristianesimo dal II al V secolo, L’Aquila 1983, de F. Cocchini, « La recezione di Paolo nei primi tre secoli cristiani », dans Il Simposio di Turchia, Roma 1990, 49-60, de M. Simonetti, « Paolo nell’Asia Cristiana del II secolo », dans Vetera christianorum 27 (1990) 123-144. D’autres études affrontent le thème de la Wirkungsgeschichte de Paul et de ses lettres dans le christianisme des premiers siècles et, implicitement, le thème du silence ou du rejet dont il a été l’objet ; on peut les consulter dans les Actes des colloques pauliniens de Tarse publiés à partir de 1993.
En survolant ces différents travaux, on peut arriver à identifier les positions suivantes — étant bien entendu qu’on ne sait si les auteurs anciens passés en revue ont possédé toutes les lettres de Paul ou seulement quelques-unes, voire aucune, et n’ont alors connu que le renom de l’apôtre :
a – Une acceptation totale et exclusive
25 Telle est la position de Marcion (IIe), qui porte Paul aux nues à propos du rapport Loi -Évangile, rapport relu comme opposition entre judaïsme et paulinisme. Marcion rejette tous les autres textes néotestamentaires — excepté Lc qu’il expurge toutefois, à cause de certaines concessions faites à l’AT.
b – Une récupération
26 Les textes pauliniens sont assumés idéologiquement et déformés pour appuyer des théories ou pratiques particulières. Des passages comme 1Co 10,23 ; 2Tm 2,18 ; 2P 3,3 ; 3,16ss (2P en particulier, qui signale la difficulté des textes pauliniens), permettent de voir comment l’enseignement de Paul sur la résurrection, sur la liberté, sur l’émancipation de la femme, ont donné lieu à des incompréhensions. Voilà pourquoi on peut se demander si l’antipaulinisme a vraiment Paul comme objet ou les interprétations tendancieuses de ses lettres (le paulinisme radical) ? Prenons un exemple concret : la lettre de Jacques a-t-elle pour cible l’authentique théologie paulinienne, ou ne veut-elle pas plutôt corriger un faux paulinisme qui n’avait pas compris la loi de liberté annoncée par l’apôtre[29] [29] Sur l’antipaulinisme de Jc, voir E. Dassmann, Der Stachel,…
suite ? Il reste malgré tout que plusieurs textes de Paul ont été déformés, comme le montre Jules Cassien (IIe), représentant de l’encratisme, qui en appelait à 1Co 11,3 pour interdire la procréation[30] [30] Cf. Clément, Stromates, III 14-15, 94-96. Jules Cassien,…
suite.
c – Une acceptation partielle
27 Elle se rencontre dans la piété populaire chrétienne du IIe, telle qu’elle s’exprime en certains apocryphes (Acta Pauli, Acta Petri) et là où Paul est présenté hagiographiquement comme missionnaire, thaumaturge, ascète, alors que sa pensée reste dans la pénombre[31] [31] Cf. E. Dassmann, Der Stachel, 279. …
suite ou est même réinterprétée. Tel est le cas des Acta Pauli, composés vraisemblablement à la fin du IIe (entre 189 et 195), sinon avant, et où l’apôtre devient le prédicateur de la continence (enkrateia), comprise comme unique voie de salut et condition pour la résurrection de la chair.
d – Une absorption
28 Les gnostiques se sont appropriés Paul, même si, comme pour Marcion et son Église, il ne semble pas y avoir de lien personnel avec l’apôtre[32] [32] Cf. E. Dassmann, Der Stachel, 192, 198-199 ; A. Lindemann,…
suite.
29 L’utilisation que les gnostiques ont fait des textes pauliniens a provoqué une réaction dans la grande Église. Néanmoins, cette réaction ne doit pas être surévaluée, comme si le silence des auteurs ecclésiastiques sur la personne et l’œuvre de l’apôtre était dû à l’utilisation qu’en faisaient les gnostiques, comme si, d’autre part, en « redécouvrant » par la suite Paul, la grande Église ne faisait que réagir à l’utilisation gnostique[33] [33] Cf. A. Lindemann, Paulus, 113. …
suite.
e – Une acceptation
30 Il existe des traces de cette reprise même en dehors de la polémique antignostique, mais les variations sont nombreuses, en fonction du temps, du lieu et de l’origine — souvent inconnue — des écrivains ecclésiastiques.
31 À cet égard, la 1 Petri est un des premiers textes éclairant l’utilisation qu’on faisait de Paul. Si l’origine romaine de la lettre ne semble pas faire de doute, les questions relatives à l’auteur et à la datation restent encore discutées, même si l’on a tendance aujourd’hui à l’attribuer à un disciple de l’apôtre, qui, de Rome (=Babylone)[34] [34] Pour les judéo-chrétiens, Babylone (1P 5,13) désigne…
suite, entre les années 70 et 80, s’adresserait à des chrétiens provenant en général du paganisme et dispersés dans le Pont-Euxin, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie[35] [35] Voir R. Chudaska, « Pietro, Lettere di Pietro », Grande…
suite.
32 Partant de cette hypothèse, R. Brown note : « La raison principale d’une lettre envoyée de Rome par Pierre à l’Asie Mineure septentrionale pourrait être que les deux régions avaient un type de christianisme qui était le même et avait ses origines à Jérusalem »[36] [36] R. E. Brown-J. -P. Meier, Antioche et Rome, 170. …
suite. Mais il se pourrait aussi qu’en ces régions, partiellement évangélisées par Paul, se soit déjà produite une symbiose entre la pensée de Paul et celle de Pierre, comme c’est le cas à Rome[37] [37] Tel est l’avis de R. Penna, « Configurazione giudeo-cristiana…
suite. Le nom de Pierre qui accompagnait la lettre, est indicatif de l’orientation de la pensée et de la grande estime que l’apôtre-martyr avait en des régions qu’il n’avait jamais visitées. De plus, cet écrit, imprégné d’un paulinisme modéré, a des affinités avec la lettre aux Romains[38] [38] Comme le signale R. Penna. Noter les expressions linguistiques…
suite. Cela invite à proposer la fusion des deux orientations, même si Pierre est nettement distinct[39] [39] Voir R. E. Brown-J. -P. Meier, Antioche et Rome, 172-178. …
suite. Sans aucun doute, la communauté de Rome, en maintenant vive et unifiée la mémoire des deux hommes, veut montrer qu’elle en est la dépositaire et l’héritière, même pour la sollicitude envers les Églises judéo/païennes et judéo/chrétiennes modérées, objet de leur ministère[40] [40] Cf. R. E. Brown-J. -P. Meier, Antioche et Rome, 206-207. …
suite. La coloration juive discrète qui, par la suite, caractérise les quelques témoignages venant du groupe chrétien de la capitale, peut être lue comme un effort pour accommoder la pensée des « deux colonnes »[41] [41] Ainsi, 1Clem 5,2-5. …
suite et des divers groupes qui, à Rome, s’en remettaient aux deux apôtres comme expression de l’unité de l’Église.
33 En dehors des lettres pastorales, qui confirment la grande autorité dont a joui l’apôtre en Asie Mineure au IIe siècle[42] [42] Voir E. Dassmann, Der Stachel, 169-172. …
suite, et qui se recommandent de lui contre certaines traditions (légendes, généalogies, interdictions alimentaires) introduites par des juifs (Tt 1,10), ‘docteurs de la Loi’(nomo-didaskaloi) (1Tim 1,7), soit contre les paulinistes radicaux, pour lesquels, ‘la résurrection est déjà advenue’(2Tm 2,18), avec tout ce que le slogan impliquait[43] [43] Cf. M. Simonetti, « Paolo nell’Asia cristiana del II…
suite, l’auteur le plus nettement influencé par Paul semble avoir été Polycarpe. Seul personnage du Ier siècle à être cité trois fois dans la lettre au Philippiens (3,2 ; 9,1 ; 11,2s.)[44] [44] Il est désormais admis de pouvoir distinguer deux parties…
suite, Paul possède pour l’évêque de Smyrne une autorité théologique également incontestée, comme l’indique sa connaissance de toutes les lettres pauliniennes, à l’exception du billet à Philémon. Polycarpe est même le premier à montrer qu’il connaît les Pastorales[45] [45] Sur le sujet, voir l’article de G. Pani, « Il paolinismo…
suite.
34 Les écrits d’Ignace reprennent des éléments de la pensée paulinienne, et citent même explicitement l’apôtre (cf. Rom 4,3), alors que les lettres du même Ignace aux communautés d’Asie ne mentionnent ni les écrits johanniques, qu’il connaît probablement, ni Jean d’Éphèse[46] [46] Cf. L. Goppelt, L’età apostolica, 178-179. Observant…
suite. Si l’on discute encore de la connaissance que l’évêque d’Antioche eut des lettres de Paul, les contacts, pour la christologie, la sotériologie et l’éthique, sont évidents. Mais la doctrine de la justification manque[47] [47] Cf E. Dassmann, Der Stachel, 135-147. …
suite. Et ce qu’Ignace voit en Paul, c’est l’exemple. La même chose peut être dite de la 1Clem qui, si elle utilise à fond la 1Co et reprend l’argumentation de la lettre aux Romains, connaît aussi Galates et Philippiens. Le texte clémentin fait en outre de l’apôtre un champion de foi et de persévérance, et — premier document chrétien à le faire — associe Pierre et Paul en les mettant sur le même plan[48] [48] Sur la présence de Paul dans la 1Clem voir G. Pani, «…
suite.
35 Dans les écrits dits « apologétiques » on note aussi une utilisation variée de Paul[49] [49] Cela va de l’absence de référence (Aristide), en passant…
suite, sans d’ailleurs jamais le nommer, selon le niveau théologique de l’auteur, selon la finalité de l’écrit, ou encore selon le temps et lieu de composition[50] [50] Cf E. Dassmann, Der Stachel, 259. …
suite.
36 C’est chez Irénée que la pensée de l’apôtre a une importance fondamentale : environ 1/3 des citations néotestamentaires de l’Adversus haereses renvoie aux textes pauliniens[51] [51] Cf. E. Dassmann, Der Stachel, 295. …
suite. Irénée est ouvertement contre « tous ceux qui disent que Paul seul a connu la vérité manifestée par révélation » (III 13,1), mais aussi contre ceux qui ne le reconnaissent pas comme apôtre (cf. III 15,1).
37 Les auteurs qui viennent d’être mentionnés ne constituent qu’un échantillon de la manière dont Paul et ses lettres ont été accueillis et compris, ce qui est normal en une Église qui, on l’a déjà noté, se présente plutôt comme une « fédération d’Églises » où cohabitent des milieux et des écoles diverses.
f – Un refus déclaré
38 On peut déjà repérer un tel refus au temps de Paul, à propos du problème des ethnico-chrétiens (cf. Ga 2,3), du cas d’Antioche (cf. Ga 2,11ss), de l’importance donnée à la Loi par les adversaires de Paul[52] [52] Cf. G. Lüdemann, Paulus der Heidenapostel, II 59-65. …
suite. Pourtant, dans le cas des tensions qui eurent lieu à Corinthe, l’hostilité ne semble pas avoir eu pour objet la judaïsation des ethnico-chrétiens, mais elle consistait en une contestation de l’autorité même de Paul (cf. 1Co 9,1), qui refusait d’être pris en charge par la communauté, à la différence des missionnaires judéo-chrétiens[53] [53] Sur le sujet, voir G. Theissen, Sociologia del cristianesimo…
suite.
39 Sans nous arrêter sur la signification de la collecte — qui ne semble d’ailleurs pas avoir été acceptée — faite par Paul pour légitimer son apostolat et ses communautés aux yeux de l’Église de Jérusalem, notons que Paul était mal vu des « faux apôtres » qui appartenaient toujours à la communauté mère[54] [54] Ainsi G. Barbaglio, qui note l’étrange silence de l’auteur…
suite.
40 Mais l’antipaulinisme qui est postérieur à la mort de l’apôtre est-il d’origine seulement juive ? Selon les sources dont nous disposons, il est plus le fait de sectes juives : ébionites, cérinthiens et elchasaïtes.
41 La qualification d’ébionites semble quelque peu générique, car sous ce nom ont été regroupés un certain nombre de groupes judéo-chrétiens. Ils ont en commun de voir en Jésus « un homme pur et simple » (nudus homo)[55] [55] Voir par ex. Tertullien, Sulla carne di Cristo 14,5, dans…
suite, d’accepter la Loi juive et de rejeter Paul, parce qu’il a annoncé la disparition et l’inefficacité de la Loi. Si l’on en croit Irénée, les ébionites qu’il connaît, « solo enim eo quod est secundum Matthaeum evangelio utuntur et apostolum Paulum recusant apostatam eum legis dicentes »[56] [56] Adv. Haereses III 15,1. Voir aussi I 26,2. …
suite. Pour sa part, Origène présente deux sectes ébionites : « Ceux qui comme nous, admettent que Jésus est né d’une vierge et ceux qui au contraire croient qu’il n’est pas né ainsi, mais comme tous les humains »[57] [57] Origène, Contre Celse, V 61. Sur ce groupe voir aussi Eusèbe,…
suite. Celse renvoie aussi à ces deux sectes, en précisant : « ils n’acceptent pas les lettres de l’apôtre Paul »[58] [58] En montrant l’existence de sectes chrétiennes, Celse…
suite. Pour le reste, il ne semble pas y avoir de différences majeures ; on peut donc supposer un comportement analogue à l’égard de Paul[59] [59] Cf. A. Orbe, Cristologia gnostica, I 360. …
suite. Dans son Dialogue avec Tryphon, Justin mentionne aussi deux groupes de judéo-chrétiens : ceux qui acceptaient la communion avec les ethnico-chrétiens, et ceux qui la refusaient, si ces derniers ne vivaient pas à la manière juive. Ces derniers rejetaient évidemment Paul[60] [60] Cf. Dialogue avec Tryphon, 47, 1-4. …
suite, mais cela montre aussi la non uniformité du groupe judéo-chrétien (pris stricto sensu) concernant Paul. Toujours à propos du phénomène ébionite, G. Lüdemann, s’appuyant sur des fragments d’Égésippe et Julien l’Africain cités par Eusèbe[61] [61] Eusèbe, Histoire, III, 20,1-6, IV, 22,4 et I, 7,14. …
suite pense que les ébionites comprenaient aussi quelques parents de Jésus (desposynoi) émigrés de Nazareth en Transjordanie à la suite de la guerre juive[62] [62] Eusèbe, qui connaît peu les groupes judéo-chrétiens,…
suite. L’hypothèse repose sur le fait que dans la même localité de Kokabe, on trouve aussi bien des ébionites que ces desposynoi. Analysant les textes en question, de manière qui me semble convaincante, Lüdemann en conclut que, dans la communauté chrétienne de Kokabe, dirigée par les parents de Jésus de manière quelque peu dynastique, l’antipaulinisme était, semble-t-il, bien implanté[63] [63] Cf. G. Lüdemann, Paulus, II 166-179. …
suite. Mais on ne peut montrer que cet antipaulinisme avait été transmis par Jacques, et s’il concernait le seul Paul « historique », ou s’il s’opposait à une tradition paulinienne alors en vigueur[64] [64] Cf. G. Lüdemann, Paulus, II 179. …
suite.
42 Quant à Cérinthe et aux cérinthiens, ils auraient constitué un groupe d’extraction juive et de couleur nationaliste, avec des aspirations terrestres, mais antipaulinien, car ils rejetaient Paul et ses disciples pour avoir été de faux apôtres[65] [65] Les témoignages d’Épiphane, Philastre et Praedestinatus…
suite.
43 Il y a aussi de l’antipaulinisme chez les elchasaïtes, un groupe syncrétiste gnostique d’origine judéo-chrétienne, comme l’atteste leur manière de prier tournés vers Jérusalem, d’observer le sabbat, de faire des sacrifices, et de croire que le Christ apparaît à toutes les époques. La seule information sur leur antipaulinisme vient d’Origène, qui, dans son exégèse du Ps 82, citée par Eusèbe[66] [66] Histoire, VI 38. …
suite, déclare que cette secte « rejette certaines parties de l’Écriture, fait un usage abusif de passages de l’Ancien Testament et des Évangiles, et rejette entièrement l’apôtre Paul ». Il est impossible de présenter ici dans le détail ce groupe né avant la fin du Ier siècle en milieu judéo-chrétien, aux confins du territoire des Parthes, et pas davantage ses rapports avec l’ébionisme[67] [67] Le mouvement doit son nom à Elchasai, dont l’activité…
suite. Une chose est en tout cas sûre : l’antipaulinisme, même après 70, a une origine judéo-chrétienne, mais il n’est pas directement relié — au moins pour le contenu — à l’antipaulinisme de la communauté de Jérusalem[68] [68] Voir G. Lüdemann, Paulus, II 261-263. …
suite.
44 Mentionnons aussi les Pseudo Clémentines, collection d’écrits pseudépigraphes attribués, comme leur nom l’indique, à Clément de Rome, et venant probablement d’un milieu judéo-chrétien syro-palestinien ; elles comprennent 20 Homélies et 10 livres de Recognitiones, qui ont été les unes et les autres élaborées à partir d’un écrit de base (Grundschrift)[69] [69] On se demande encore si l’antipaulinisme et l’ébionisme…
suite. Dans les passages antipauliniens des Pseudo Clémentines on rencontre la même attitude que chez les ébionites du IIe, en continuité, si l’on en croit L. Cirillo, avec l’Église de Jérusalem et avec les opposants du temps de Paul[70] [70] Cf. L. Cirillo, dans R. Penna (éd. ), Antipaolinismo : reazioni…
suite. Lorsqu’ils parlent de Simon le Mage, ils entendent Paul, qui trouble l’annonce de Pierre — conforme à la Loi —, renvoie à des visions, alors que Pierre, lui, a vécu en contact direct avec Jésus, Paul qui, en outre, n’a pas reçu l’approbation de Jacques, car il n’appartient pas au groupe des Douze[71] [71] Sur le sujet, voir G. Strecker, « Paulus in nachpaulinischer…
suite. Dans la communauté chrétienne du IVe siècle un tel anti-paulinisme est devenu marginal.
g – Un silence qui n’est pas un rejet
45 Cette catégorie — silence qui n’est pas un rejet de la personne et de la pensée de Paul — comprend la Didachè, le Pasteur d’Hermas, la II Clementis, le Pseudo Barnabé, l’Apologie d’Aristide[72] [72] Cf. E. Dassmann, Der Stachel, 222-236. …
suite.
h – Un silence tendancieux
46 Ce silence pourrait exprimer une mésestime et une hostilité voilée. Emblématique est à cet égard la position implicite des Actes de Paul. En associant, comme ils le font, la figure de Paul et une annonce de type encratique, qu’on lui attribue, ils donnent l’impression de vouloir faire accepter l’apôtre par les milieux encratiques auprès desquels il n’était pas bien vu. On en a une confirmation, lorsque Tertullien dit à propos de l’auteur de ces Actes : « Lorsque le presbytre qui les composa en Asie, pour augmenter la renommée de Paul, fut reconnu coupable, et admit les avoir écrits par amour de Paul, il fut déposé »[73] [73] Tertullien, Sul battesimo 17. Par Épiphane, on sait qu’existaient…
suite. Paul est donc relu et présenté à des milieux qui lui étaient hostiles à travers le filtre interprétatif qui fait de lui l’apôtre de l’enkrateia[74] [74] Voir E. Peterson, « Einige Beobachtungen zu den Anfängen…
suite. Il est néanmoins sûr que là où l’encratisme constituait bien plus qu’une tendance ascétique diffuse exaltant non seulement la virginité et la chasteté eschatologiques, mais s’opposant aussi au mariage et à l’usage des biens créés, l’apôtre Paul fut rejeté, comme le montre un texte d’Eusèbe, où il est question d’un certain Sévère qui redonna vigueur à un des groupes encratiques, lequel prit de lui le nom de Sévériens : « Ils se servent de la Loi, des prophètes, des Évangiles ; mais aux paroles de la Sainte Écriture ils donnent une interprétation extravagante ; ils diffament l’apôtre Paul et en refusent les lettres, tout comme il le font des Actes des Apôtres »[75] [75] Histoire, IV 29,5. …
suite.
47 Toujours à propos du silence relatif à Paul et à ses écrits, il est coutume de mentionner Égésippe, Papias de Hiérapolis, Polycrate d’Éphèse et, parmi les apocryphes, les Acta Johannis (IIe s.). D’Égésippe, nous savons qu’aux environs de 180 il écrivit cinq livres de Mémoires (Hypomnemata) dans le but de renvoyer à « la tradition sans erreurs de la prédication apostolique »[76] [76] Eusèbe, Histoire, IV 8,2. …
suite. D’origine probablement juive[77] [77] Selon G. Lüdemann, son appartenance au judéo-christianisme…
suite, il vécut longtemps à Rome. De lui, nous possédons des fragments concernant surtout l’histoire de la première communauté de Jérusalem et une information détaillée sur le martyre de Jacques[78] [78] Eusèbe, Histoire, II 23,4-18 ; III 20,1-2 ; 32,3-6 ; IV…
suite. C’est encore chez lui que divers groupes gnostiques sont dits tirer leur origine des sectes juives[79] [79] Eusèbe, Histoire, IV 22,5. Cf. F. Scorza Barcellona, «…
suite. Des fragments en notre possession, il est difficile de se faire une idée de l’antipaulinisme de cet auteur, qui est par ailleurs très désireux de savoir, partout où il va, si « tout se déroule selon l’enseignement de la Loi, des prophètes et du Seigneur »[80] [80] Eusèbe, Histoire, IV 22,3. …
suite. Ainsi, le rattachement à la tradition de Jésus n’exige pas un recours à Paul, dont Égésippe ne semble pas ranger les écrits parmi ceux qui sont norme de la foi chrétienne. Cela montre le peu d’intérêt qu’a Égésippe à pénétrer la théologie de la révélation — au sens paulinien — et sa préférence pour les données historiques[81] [81] Ainsi E. Dassmann, Der Stachel, 242-244. Sur l’impossibilité…
suite.
48 Quant à Papias de Hiérapolis, on sait qu’aux environs de 130-140 il écrivit cinq livres intitulés Explication des paroles du Seigneur. Grâce à Irénée[82] [82] Cf. Irénée, Adversus haereses, V 33,4. …
suite et Eusèbe[83] [83] Cf. Eusèbe, Histoire, II 15,2 ; III 36,2 ; 38,13-17. …
suite, il nous reste treize fragments de son œuvre. Selon Irénée, c’est un disciple de Jean, contemporain de Polycarpe ; et selon Eusèbe, c’est un penseur médiocre, soutenant beaucoup d’idées judéo-chrétiennes[84] [84] Histoire, III 39,13. …
suite. Dans les fragments de Papias, Mc et Mt sont mentionnés, mais pas Lc et Jn, ni les lettres pauliniennes et l’apocalypse — bien que l’auteur soit un fervent défenseur du millénarisme. Il est toutefois significatif que, des deux lettres citées par lui, l’une soit la 1Petri, assez influencée, comme on l’a déjà noté, par la théologie paulinienne. Et une étude des fragments qui nous restent des traités légendaires (la tuméfaction du corps de Judas et sa mort atroce, fragment 3 ; l’épisode de Judas Barsabée buvant du poison sans rien ressentir, fragment 11) montre qu’il est peu intéressé par les témoins qui ont réfléchi sur la révélation, bien plutôt par les témoignages sur les faits et les événements. Au fond, ce que Papias veut, c’est recueillir la tradition (paradôsis) orale des disciples et des apôtres, et les lettres pauliniennes ne pouvaient évidemment rentrer dans cette catégorie. Mais, d’autre part, s’il est vrai que la communauté de Hiérapolis vit le jour grâce au zèle missionnaire d’Épaphras, disciple de Paul (Col 4,13) et qu’elle était voisine des communautés pauliniennes de Colosses et Laodicée, si l’on tient aussi compte de l’amitié existant entre Papias et Polycarpe, lequel appréciait beaucoup Paul, alors Papias n’a pas pu ne pas connaître Paul et ses lettres. Les raisons du silence doivent être cherchées ailleurs, vraisemblablement dans son peu d’intérêt pour la théologie[85] [85] Cf. E. Dassmann, Der Stachel, 236-240. …
suite, ce qui, à mon avis, n’exclut pas une certaine méfiance envers les utilisations de la pensée de Paul qui donnaient forme à des groupes, voire à des Églises, et qui ne suivaient pas aussi fermement le principe de la paradôsis[86] [86] M. Simonetti, « Paolo nell’Asia Minore », 65, pense…
suite ; si l’on tient compte de la grande autonomie dont jouissent encore les communautés de ce temps-là, la chose ne paraît pas impossible ; ce serait donc les nécessités concrètes internes aux groupes chrétiens qui auraient ainsi suscité l’intérêt ‘archéologique’ de Papias pour la tradition des paroles du Seigneur. Mais, à cause du peu de fragments qui nous restent des écrits de Papias, ces hypothèses restent problématiques. Un témoignage supplémentaire du silence concernant Paul en Asie Mineure nous vient de Polycrate, évêque d’Éphèse vers la fin du IIe siècle. Suivant les informations et les fragments de Polycarpe rapportés par Eusèbe dans le cadre de la dispute quartodécimane[87] [87] Histoire III 31,2-3 ; V 22. 24,1-9. …
suite, M. L. Rigato a mis en évidence des caractéristiques linguistiques qui font penser à un chrétien d’origine juive[88] [88] M. L. Rigato, « La testimonianza di Policrate di Efeso…
suite. Voici le passage qui nous intéresse :
49
En Asie Mineure, en effet, de grands astres [litt. : éléments] se sont endormis ; ils ressusciteront au dernier jour de la parousie du Seigneur, qui viendra en gloire du ciel chercher tous les saints, [à savoir] Philippe, l’un des Douze apôtres, lui qui s’est endormi à Hiérapolis et repose à Éphèse, ainsi que deux de ses filles, restées vierges jusqu’en leur vieillesse, et son autre fille, dont la conduite fut animée par l’Esprit Saint ; et encore Jean, qui reposa sur la poitrine du Seigneur, qui naquit prêtre et a porté le pectoral, qui fut témoin et maître ; il s’est endormi à Éphèse ; également Polycarpe de Smyrne, évêque et martyr ; il y a Trasée d’Euménie, évêque et martyr, qui s’est endormi à Smyrne. Est-il aussi besoin de nommer Sagare, évêque et martyr, enseveli à Laodicée, le bienheureux Papirius, l’eunuque Méliton, qui fit tout sous l’inspiration de l’Esprit Saint, et qui repose maintenant à Sardes, dans l’attente de la visite céleste, quand il ressuscitera des morts ?[89] [89] Histoire V 24,2-5. …
suite
50 Sachant que quelques années auparavant, la lettre de Polycarpe († 167), évêque de la ville voisine (70 km) de Smyrne, écrite aux Philippiens, témoignait de la réception de Paul et de ses lettres, comment interpréter en ce texte le silence concernant Paul, fondateur de la communauté d’Éphèse[90] [90] Cf. G. Pani, Il paolinismo, 210-213. …
suite ?
51 La question devient plus intéressante si on la pose en termes de rapports entre communautés pauliniennes et johanniques en Asie Mineure. Rapport conflictuel ? Rapport de préséance de l’une sur l’autre ? Confirmation de l’existence de groupes chrétiens encore séparés à la fin du IIe siècle ? À mon avis, il ne faut surtout pas oublier que déjà à la fin du Ier siècle, c’est en Asie Mineure que le christianisme est le plus florissant et le plus vivace. En cette période, la majorité des auteurs chrétiens que nous connaissons ou que nous pouvons localiser appartiennent encore à l’Asie Mineure[91] [91] Cf. U. P. Müller, Zur frühchristlicheen Theologiegeschichte,…
suite. Mais si c’est en Asie Mineure que s’est opérée la plus grande et la plus ancienne christianisation, il est également vrai que les aventures du processus d’évangélisation y furent plus variées et plus compliquées que partout ailleurs[92] [92] Cf. M. Forlin Patrucco, « Asia Minore » dans DPAC I 394. …
suite. Un des éléments de variabilité est donné par la présence de communautés judéo-chrétiennes et ethnico-chrétiennes, comme semble l’indiquer la lettre connue aujourd’hui sous le nom de lettre aux Éphésiens (écrite vers 80), mais qui fut vraisemblablement envoyée à plusieurs communautés, pour rappeler l’unité de l’Église, unique corps du Christ[93] [93] Cf. R. Schnackenburg, Ephesus : Entwicklung, 52-53. …
suite.
52 Dans une réalité dont les formes sont encore diversifiées au début du IIe siècle, il semble possible d’individualiser aussi bien un christianisme judéo-chrétien de stricte observance (cf. les lettres pastorales), qu’à l’opposé, un paulinisme radical (manger les idolothytes, laisser les femmes prophétiser et parler en public). Si l’on suit M. Simonetti, le silence de Polycrate sur Paul signifierait l’émergence de la tradition johannique, qui représente un judéo-christianisme modéré, non pas opposé à Paul, mais au paulinisme radical, qui semble visé aussi dans l’Apocalypse de Jean que dans les Pastorales. La présentation que les Pastorales font de l’apôtre comme organisateur de communautés, docteur de l’Église, premier anneau d’une tradition apostolique, pourrait indiquer une récupération de sa figure de représentant du christianisme ecclésial, en la soustrayant à l’instrumentalisation des « hérétiques »[94] [94] Cf. G. Strecker, Paulus in nachpaulinischer Zeit, 318. …
suite. Analogue semble être la position de R. Schnackenburg, pour qui le fait que les communautés johanniques aient prévalu sur les communautés pauliniennes, avec pour conséquence leur silence sur Paul, doit être interprété en fonction du rôle que les communautés johanniques ont assumé dans la lutte contre le docétisme gnostique des IIe et IIIe siècles. En effet, en affirmant que le Logos s’était fait chair, la théologie johannique muselait toute éventuelle spéculation mythologique[95] [95] Cf. R. Schnackenburg, Ephesus : Entwicklung, 63-64. …
suite. S’il en était ainsi, l’absence de Paul de la liste faite par Polycrate signifierait « la disparition définitive des aspects plus personnels de la tradition qui venait de l’activité missionnaire de Paul »[96] [96] M. Simonetti, « Paolo nell’Asia cristiana », 85. …
suite, en clair, la disparition d’un personnage qui constituait un symbole idéologique aussi pour les gnostiques.
53 À mon avis, cette lecture est acceptable, et elle est renforcée si l’on considère l’existence d’un autre phénomène qui, dans la deuxième moitié du IIe siècle, a frappé les communautés d’Asie Mineure, le montanisme. Apparu vers 150-160, ce mouvement millénariste et prophétique, aux accents sévères et enthousiastes, exigeait un retour à la forme de l’Église primitive, en insistant sur l’Esprit Saint, le charisme prophétique, le parler en langues, le tout soutenu par une éthique rigoureuse. Montan, le fondateur, se voyait comme l’incarnation du Paraclet promis en Jn 14,26 et 16,7. Et l’on identifiait la nouvelle Jérusalem descendue du ciel (Apo 21,1.10) à Pépuze ou au village de Tymion. Ce mouvement, fortement influencé par l’évangile de Jean et par l’Apocalypse, se répandit en Phrygie et dans l’arrière pays de l’Asie Mineure[97] [97] Cf. A. Strobel, Das heilige Land der Montanisten. Eine religionsgeographische…
suite. Il est exclu de décrire ici à fond le phénomène, mais, comme ses zones d’expansion coïncident avec celles où opéraient les missionnaires pauliniens, on pourrait y trouver trace de traits repris de la pensée de Paul : l’idée de la Jérusalem d’en haut est présente en Ga 4,24 ; l’égalité religieuse de la femme, attestée par sa position sacerdotale et prophétique à l’intérieur du groupe[98] [98] Cf. A. Strobel, Das heilige Land, 276-277. …
suite, peut avoir été inspirée par 1Co 11,4-5. Du reste, Tertullien, qui passera au montanisme, justifie le fait en disant : « Apostolus praescribit silentium mulieribus in ecclesia ; ceterum prophetandi ius et illas habere iam ostendit, quum mulieri etiam prophetandi velamen imponit » (Adv Marc. V 8)[99] [99] Cf. A. Strobel, Das heilige Land, 275, où il est dit que…
suite. A. Strobel pense que l’idée de la collecte de Paul pour l’Église de Jérusalem, désignée par le terme grec koinônia (service ; cf. 2Co 8,4 ; Rm 15,26), très utilisé dans le montanisme, pourrait avoir favorisé une organisation analogue dans l’Église montaniste, en faveur de la « nouvelle Jérusalem »[100] [100] Cf. A. Strobel, Das heilige Land, 273-274. …
suite. Il faudrait aussi comparer le phénomène du prophétisme, tel qu’il est décrit chez Paul (cf. par ex. 2Co 12,9)[101] [101] En particulier 2Co 12,9 : « Et lui [le Seigneur] m’a…
suite et pratiqué dans le montanisme[102] [102] Pour le montanisme, voir D. A. Aune, La profezia, 272-277. …
suite, car il semble y avoir des points de contact. Il ne faut d’ailleurs pas oublier l’enthousiasme prophétique qui distingue le mouvement et a une connotation eschatologique, car lié à l’attente de la parousie imminente[103] [103] La perspective de la fin imminente est patente dans l’oracle…
suite.
54 Tertullien, parce que devenu lui-même montaniste, semble être un échantillon idéal pour étudier les contacts entre la pensée de Paul et le montanisme. Son utilisation des lettres de l’apôtre manifeste l’attitude du mouvement envers Paul. Citons-en un seul exemple, le De monogamia[104] [104] Écrit en 217, quand Tertullien était déjà montaniste. …
suite, où le texte le plus cité est la 1Co. Les montanistes y figurent comme les vrais héritiers de la doctrine de Paul : « Chez nous, qu’on appelle à bon droit spirituels [en opposition aux psychiques, c’est-à-dire aux catholiques], parce que nous reconnaissons les charismes spirituels… »[105] [105] Tertullien, De monogamia I 3. …
suite.
55 Dans cette situation, le silence de Polycrate sur Paul ne pourrait plus être dû à un hypothétique conflit entre groupes paulinien et johannique ; il s’expliquerait par l’émergence d’un judéo-christianisme modéré ayant plus trouvé son expression dans la figure de Jean que dans celle de Paul, mais aussi par l’utilisation que faisait de Paul un mouvement condamné par le synode de Laodicée (164-168) et par celui de Hiérapolis (entre 161 et 180). Cette hypothèse me semble plausible, car elle tient compte aussi bien de la « coloration « juive des idées de Polycrate, que de la présence du montanisme à Éphèse et dans les environs[106] [106] On sait en effet qu’APOLLONIUS, le successeur de Polycrate,…
suite. On se rappellera enfin que c’est dans ce cadre que le marcionisme a aussi pris racine[107] [107] Qu’il suffise de mentionner les Actes du martyre de Pionus,…
suite.
56 Les réflexions qui précèdent ne doivent pas faire oublier le risque qu’il y a à juger des personnes et des périodes historiques à partir de documents fragmentaires et rares. Le terrain sur lequel nous sommes est mouvant. Malgré tout, le cadre qui vient d’être tracé permet de se faire une idée des tensions concernant la figure de Paul et la réception de ses lettres. Cela confirme que l’histoire de la théologie paulinienne au IIe siècle constitue un des problèmes les plus fascinants de l’histoire de l’Église[108] [108] Position de Brandie, mentionnée par A. Lindemann, Paulus,…
suite, qui n’a pas encore trouvé de réponse définitive. ■

LE PARDON DE JÉSUS PEUT ÊTRE « MON » PARDON – homélie du card. Turkson

18 juin, 2012

http://www.zenit.org/article-31153?l=french

LE PARDON DE JÉSUS PEUT ÊTRE « MON » PARDON

Congrès eucharistique de Dublin: homélie du card. Turkson

ROME, vendredi 15 juin 2012 (ZENIT.org) – « La vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ pourraient-elles être aussi mon histoire ? Le pardon de Jésus-Christ pourrait-il être aussi mon pardon ? » : telles sont les questions que le cardinal Turkson a invité à se poser au cours de la liturgie de la réconciliation qui a eu lieu ce jeudi 14 juin, au Congrès eucharistique international de Dublin.
Le cardinal ghanéen, qui est président du Conseil pontifical Justice et paix, a conclu en invitant les participants à accueillir « une paix que nous ne méritons pas et que nous n’avons pas gagnée, mais qui est répandue sur nous comme un cadeau ».

Homélie du card. Turkson :

Chers frères et sœurs,
En tant que pèlerins, nous partageons tous l’appel du Christ à la conversion, à la réconciliation, à la communion, à la sainteté et à la « sequela ». Ce matin, nous avons contemplé, chanté et prié ensemble. Les lectures résonnent encore dans nos oreilles : « Quiconque accueille un petit enfant tel que lui à cause de mon nom, c’est moi qu’il accueille », dit Jésus : « Dieu, crée pour moi un cœur pur, restaure en ma poitrine un esprit ferme », s’écrie le psalmiste : «Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu », dit Jésus, et «mais qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle ». Et il dit aussi : « Va, désormais ne pèche plus ».
Je vous invite à garder les oreilles et le cœur ouverts pendant que vous allez écouter une histoire, quelque chose qui s’est passé à notre époque, et à vous demander : cela pourrait-il être mon histoire à moi aussi ?
Je m’appelle sœur Geneviève et j’appartiens à la communauté de Sainte-Marie de Namur au Rwanda. Je suis une survivante du génocide des Tutsis en 1994.
Beaucoup de membres de ma famille ont été tués dans notre église paroissiale. A la vue de ce bâtiment, j’avais l’estomac noué et j’étais horrifiée, tout comme j’étais remplie de dégoût et de rage lorsque je rencontrais l’un des auteurs du crime.
J’étais dans cet état d’esprit quand quelque chose s’est passé, en 1997, qui allait changer toute ma vie et mes relations.
Un groupe catholique appelé « Les Dames de la Miséricorde Divine » m’a emmenée dans deux prisons de la région de Kibuye, ma ville natale. Elles préparaient les détenus pour le Grand Jubilé de l’an 2000. Leur message aux prisonniers et aux survivants était le suivant :
« Si vous avez tué, engagez-vous à demander pardon à la victime ; de cette manière, vous pouvez aider la victime à se libérer du fardeau de la vengeance, de la haine et de la rancœur ».
« Si vous êtes une victime, engagez-vous à offrir votre pardon à ceux qui ont fait du mal à votre famille ; de cette manière, vous pouvez libérer l’auteur du crime du poids de son crime et du mal qui est en lui ».
Ce message a eu un effet immédiat sur l’un des prisonniers … et ensuite sur moi.
Un prisonnier s’est levé, en larmes, il est venu vers moi, il est tombé à genoux devant moi et a supplié en criant : « Pitié ! Pitié ! ». J’étais horrifiée, pétrifiée, en reconnaissant un ami de la famille qui avait grandi avec nous et tout partagé avec nous.
Il a reconnu avoir tué mon père. Il m’a donné des détails sur les décès de membres de ma famille.
Un sentiment de pitié et de compassion m’a envahie. Je l’ai relevé, l’ai embrassé en pleurant et lui ai dit : « Tu es mon frère et tu le seras toujours ».
Puis j’ai senti comme un poids énorme qui se détachait de moi et, à la place, coulait en moi une paix intérieure. J’ai remercié l’homme que j’embrassais. A ma grande surprise, il s’est écrié : « La justice peut faire son travail et me condamner à mort, maintenant je suis libre ! »
Serait-ce mon histoire, votre histoire aussi ?
Si saint Paul avait entendu le témoignage de sœur Geneviève, il nous exhorterait de tout son cœur : « Au demeurant, frères, soyez joyeux ; affermissez-vous ; exhortez-vous. Ayez même sentiment ; vivez en paix, et le Dieu de la charité et de la paix sera avec vous » . Je voudrais maintenant explorer avec vous ce que signifient pour nous aujourd’hui ces cinq exhortations.
1. La première chose que je suggère, avec la même tendresse pastorale que Paul, c’est que nous nous soyons joyeux ! Réveillons cette joie à l’intérieur de nous-mêmes ! Une telle joie ne supprime rien à la sobre solennité de cette célébration. Au contraire ! Paul a su être joyeux, même dans les situations les plus difficiles, en raison de sa ferme croyance en la présence du Seigneur. Jérémie révèle que Dieu lui-même nous invite à la célébration : « Vous me chercherez et vous me trouverez, car vous me rechercherez de tout votre cœur ; je me laisserai trouver par vous ». Il est proche, en effet, comme nous l’entendons dans l’Apocalypse : «Voici, je me tiens à la porte et je frappe » . Au début de cette liturgie, nous avons chanté : « Appelés dans le calme ». Ecoutez Dieu qui frappe à votre porte ; laissez-le entrer; et réjouissez-vous en sa présence !
Saint-Paul est allé exhorter les Philippiens : « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, je le dis encore, réjouissez-vous ». Et nous nous réjouissons précisément parce que « le Seigneur est proche » et son nom, ajoute saint Matthieu, est « Emmanuel, ce qui se traduit : ‘Dieu avec nous’ » . Alors, c’est une invitation à vous réjouir en présence du Seigneur qui vient avec le pardon, qui vient avec la guérison, et qui vient avec la réconciliation.
Le Seigneur qui vient pour sauver son peuple de ses péchés est proche de chacun d’entre nous . C’est la présence du Seigneur, qui se lève sur nous comme le soleil de justice et qui vient à nous avec la guérison dans ses rayons dans le sacrement de pénitence. Nous sommes sur le point de rencontrer le même Seigneur qui est heureux d’aller chez Zachée, le percepteur, le même Seigneur qui dit à la femme pécheresse : «Je ne te condamne pas ». C’est le Seigneur qui remplit nos cœurs de joie, de la façon dont il a rempli de joie le cœur de sœur Geneviève, et de la façon dont il a rempli de joie le meurtrier de ses parents les plus proches, une joie qui est à la fois la promesse et le fruit de la libération et de la paix intérieure.
2. Après nous avoir exhortés à nous réjouir, l’apôtre Paul nous donne un autre commandement, plus difficile : Affermissez-vous ! Ceci fait écho aux paroles qu’emploie Jésus pour résumer le Sermon sur la Montagne, l’essence de son message : « Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait ». Ce qui me pousse à vous encourager à vous souvenir de votre vocation fondamentale, qui est de refléter la perfection et la sainteté de Dieu parce que, dit la Genèse, nous avons été créés à son image et à sa ressemblance, et comme le dit Paul, nous avons été rachetés par Jésus, le fils de Dieu et l’image parfaite du Père, en qui nous avons reçu notre adoption comme enfants.
L’exhortation Affermissez-vous vous invite à être fidèles à votre vocation en tant que créés à l’image et à la ressemblance de Dieu afin qu’une fois vos péchés pardonnés, vous puissiez à nouveau refléter sa perfection. Non pas de manière statique ou passive, mais ressourcés par la dynamique de la réparation et de la rédemption, de même que le filet déchiré, une fois raccommodé, peut de nouveau attraper des poissons, de même qu’un violon endommagé, une fois réparé, peut à nouveau jouer une mélodie entraînante. Pour saint Paul, une chose peut être parfaite après qu’elle a été complètement remise à neuf. Ainsi cette seconde exhortation vous invite-t-elle à être réparés et guéris.
Mais vous ne pouvez pas réparer ou restaurer sans regarder d’abord ce qui est cassé ou endommagé. Affermissez-vous est un appel à examiner ma propre vie et à revoir notre vie en Église : qu’est-ce qui est cassé ou endommagé au point de me faire – ou de nous faire – jouer faux ou perdre des poissons ? Quels sont mes défauts, mes erreurs, mes péchés et mes faiblesses? Quelles sont les attitudes, les habitudes ou les tendances qui blessent notre Eglise, compromettent notre crédibilité, diminuent notre efficacité et nous rabaissent ? Nous devons remettre tout cela au Christ pour recevoir le pardon et la guérison. Ensuite, nous pourrons être restaurés en tant que serviteurs rachetés et donc dignes de confiance, de la maison de Dieu, comme nous le lisons dans la Lettre aux Hébreux, et même plus en tant qu’ enfants adoptés, parce que frères et sœurs de Jésus-Christ, le Fils de Dieu.
Affermissez-vous et repentez-vous : c’est un appel à une introspection et un examen de conscience intenses, afin que nous puissions déposer tout ce qui ne va pas chez nous entre les mains de Dieu qui guérissent et qui réparent, dans le sacrement de Pénitence, une pénitence qui peut nous réconcilier les uns avec les autres et nous ramener dans une communion fraternelle les uns avec les autres.
3. Ensuite, avec saint Paul, nous vous invitons à vous exhorter mutuellement. De même que le jardinier émonde le sarment pour qu’il porte plus de fruits, Jésus enseigne à ses disciples la nécessité et la manière d’exercer la correction fraternelle : « Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le, seul à seul ».
Sans miroir, il est difficile de deviner ce défaut qui peut être sur son propre visage. « L’œil, disait Shakespeare, ne se voit pas lui-même ; il lui faut son reflet dans quelque autre chose ». Pour aider un frère ou une sœur à voir sa faute, il y a la critique constructive. Où exactement le filet de pêche est-il déchiré ? Quelle corde du violon a-t-elle besoin d’être accordée ? On ne peut pas réparer ou ajuster si le défaut reste caché, dit Paul aux Corinthiens et aux Romains. Vous ne condamnez donc pas votre frère ou votre sœur, mais vous l’aidez à renoncer aux choses honteuses qui sont restées cachées en l’encourageant, en le construisant. Exhortez-vous ! C’est un acte de solidarité communautaire ; c’est un acte de charité fraternelle s’il est motivé par la compassion, l’humilité et l’amour.
Nos frères et sœurs qui se regardent dans une glace afin d’y discerner quelques défauts ou péchés éventuels auront besoin de force et de consolation. Tout le monde a besoin de quelqu’un pour tenir la glace. Quelqu’un de solide qui ne les laissera pas tomber. Quelqu’un pour les aider à traverser leur épreuve – comme le dur combat du meurtrier pour demander pardon, et, comme le dur combat de sœur Geneviève pour pardonner. Cette troisième exhortation nous invite à nous consoler et nous fortifier mutuellement avec la fermeté mais aussi la douceur du Saint-Esprit, le Consolateur.
4. Jusqu’à présent, saint Paul nous a demandé d’examiner, de corriger, et de réparer. « D’accord , pensez-vous, à chacun sa manière. » Mais non ! Paul revient avec sa quatrième exhortation, d’adopter la même attitude ou le même état d’esprit que notre Seigneur lui-même. « Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus », écrit Paul aux chrétiens de Philippes.
Les mêmes sentiments et la même attitude devraient clairement nous identifier, vous et moi, comme appartenant à la famille de Dieu. Mais pas parce que je porte un T-shirt qui dit « chrétien » ou « catholique » sur ma poitrine. Non, tout le monde devrait être capable de reconnaître un disciple de Jésus, parce qu’il ou elle comprend les choses de la même manière que Jésus. Avoir son « état d’esprit », c’est voir les choses comme il les voit, sentir les événements comme il les sent et, le plus difficile peut-être, pardonner comme il pardonne.
Au début, avant et après le récit de sœur Geneviève, je vous ai invités à vous poser cette question : cette histoire pourrait-elle être aussi la mienne ? Mais maintenant, je vous invite à aller plus loin. La vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ pourraient-elles être aussi mon histoire ? Le pardon de Jésus-Christ pourrait-il être aussi mon pardon ?
Pensez à la Passion lorsque la plupart des disciples ont trahi l’amitié de Jésus. Ils ont trompé sa confiance et rompu leurs promesses. Après sa résurrection, ont-ils dit : « Pardon » ? Non. Notre Seigneur ressuscité les a-t-il confrontés à leur trahison ? Non, il ne leur a pas reproché de l’avoir abandonné. Et à Pierre qui le renia trois fois, Jésus a simplement demandé à trois reprises : « M’aimes-tu ? ».
C’était très dur pour sœur Geneviève de pardonner au meurtrier de sa famille, mais celui-ci a reconnu la vérité et il a imploré sa pitié. Les autorités juives et romaines qui ont crucifié Jésus ne pensaient pas que leurs actions étaient mauvaises. Elles n’ont jamais dit : « Pardon ». Pourtant, sur la croix, dans les plus grandes souffrances, Jésus a prié ainsi : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Mourant et incapable de pardonner à ceux qui l’avaient trahi, jugé et crucifié, Jésus a demandé à son Père de leur pardonner à sa place. Lorsque nous trouvons pratiquement impossible de pardonner, alors, avec les sentiments et l’attitude de Jésus, prions et demandons à notre Père de pardonner à ceux qui nous ont offensés.
5. Soyez en paix ! C’est l’exhortation finale : Vivez en paix ! Permettez-moi de répéter les cinq exhortations. Tout d’abord : « Soyez joyeux » ; puis : « Affermissez-vous » ; troisièmement : « Exhortez-vous ». Nous venons de parler de la quatrième : « Ayez même sentiment » ; et enfin, « Vivez en paix ».
Comme saint Paul, je vous exhorte à vivre en paix, à recevoir et partager la paix du Seigneur, car comme le dit Paul, « le Christ est notre paix ». Si nous avons les sentiments du Christ, nous ferons certainement l’expérience de sa paix. En effet, comme le dit la lettre aux Romains, « Ayant donc reçu notre justification de la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ ». C’est grâce à notre Seigneur Jésus-Christ que nous avons obtenu l’accès à cette grâce dans laquelle nous nous trouvons maintenant : la grâce de demander pardon et de pardonner aux autres : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Accueillez profondément ces mots si étonnants du prêtre : « Je te pardonne tous tes péchés au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ». Cette absolution nous rétablit dans la communion avec Dieu et avec les autres. C’est la grâce du retour dans la maison de Dieu.
C’est surtout de cette manière extraordinaire que nous faisons l’expérience de la paix : alors que nous sommes encore pécheurs, toujours coincés dans notre péché, notre Père fait bien plus de la moitié du chemin pour venir à notre rencontre par la réconciliation que le Christ nous a obtenu en mourant. Le Christ ressuscité dit : « Paix ! », avant même que nous commencions à dire : « Pardon ! ». C’est, par conséquent, une paix que nous ne méritons pas et que nous n’avons pas gagnée, mais qui est répandue en nous comme un cadeau. Ce don de la paix nous transforme de l’intérieur et transforme nos relations. Ce don de la paix fera de nous des porteurs de paix dans nos communautés, dans nos pays et dans le monde.

Conclusion
Après ses cinq exhortations, saint Paul promet que le Dieu de la charité et de la paix sera avec vous ! Nous avons commencé avec l’histoire de pardon et de la libération de sœur Geneviève, que nous avons cherché à comprendre avec l’exhortation en cinq parties de saint Paul : soyez joyeux, affermissez-vous, exhortez-vous, ayez même sentiment, vivez en paix. Après avoir entendu l’histoire de sœur Geneviève, si nous osons encore affirmer que la présence de Dieu est la source de notre joie, nous pouvons alors en toute confiance invoquer son amour éternel et sa paix qui nous réconcilie.
Puisse l’amour indéfectible et la paix de Dieu qui réconcilie être sur tous ceux qui ont péché et sur tous ceux qui ont été victimes du péché des autres, sur ceux qui ont pardonné et sur ceux qui ont encore du mal à le faire. Puissent l’amour indéfectible et la paix de Dieu qui réconcilie descendre sur vous tous ici dans ce grand stade, et sur son peuple tout entier à travers le monde.

Que le Dieu de l’amour et la paix soient avec vous pour toujours, AMEN !

Cardinal Peter K.A. Turkson

Traduction d’Hélène Ginabat

Noms de Dieu dans la Bible, The Redemptive Names of God

17 juin, 2012

 Noms de Dieu dans la Bible, The Redemptive Names of God dans images sacrée Names-of-God-13_md__25636_zoom

http://onlyamustardseed.blogspot.it/2011/12/redemptive-names-of-god.html

LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN : CHAPITRE PREMIER., I,II,III, IV

17 juin, 2012

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/confessions/livre1.htm#_Toc509572055

LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN

CHAPITRE PREMIER., I,II,III, IV

GRANDEUR DE DIEU.

1. « Vous êtes grand, Seigneur, et infiniment louable (Ps, CXLIV, 3) ; grande est votre puissance, et il s n’est point de mesure à votre sagesse (Ps. CXLVI, 5). » Et c’est vous que l’homme veut louer, chétive partie de votre création, être de boue, promenant sa mortalité, et par elle le témoignage de son péché, et la preuve éloquente que vous résistez, Dieu que vous êtes, aux superbes (I Petr. V, 5 )! Et pourtant il veut vous louer, cet homme, chétive partie de votre création! Vous l’excitez à se complaire dans vos louanges; car vous nous avez faits pour vous, et notre coeur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en vous.
Donnez-moi, Seigneur, de savoir et de comprendre si notre premier acte est de vous invoquer ou de vous louer, et s’il faut, d’abord, vous connaître ou vous invoquer. Mais qui vous invoque en vous ignorant? On peut invoquer autre que vous dans cette ignorance. Ou plutôt ne vous invoque-t-on pas pour vous connaître? « Mais est-ce possible, sans croire ? Et comment croire, sans apôtre (Rom. X, 14) ? » Et: « Ceux. là loueront le Seigneur, qui le recherchent (Ps. XXI, 27). » Car le cherchant, ils le trouveront, et le .trou vaut, ils le loueront. Que je vous cherche Seigneur, en vous invoquant, et que je vous invoque en croyant en vous; car vous nous avez été annoncé. Ma foi vous invoque, Seigneur, cette foi que vous m’avez donnée, que vous m’avez inspirée par l’humanité de votre Fils, par le ministère de votre apôtre.

CHAPITRE II.
DIEU EST EN L’HOMME; L’HOMME EST EN DIEU.

2. Et comment invoquerai-je mon Dieu, mon Dieu et Seigneur? car l’invoquer, c’est l’appeler en moi. Et quelle place est en moi, pour qu’en moi vienne mon Dieu? pour que Dieu vienne en moi, Dieu qui a fait le ciel et la terre? Quoi! Seigneur mon Dieu, est-il en moi de quoi vous contenir? Mais le ciel et la terre que vous avez faits, et dans qui vous m’avez fait, vous contiennent-ils?
Or, de ce que sans vous rien ne serait, suit-il que tout ce qui est, vous contienne? Donc, puisque je suis, comment vous demandé-je de venir en moi, qui ne puis être sans que vous soyez en moi? et pourtant je ne suis point aux lieux profonds, et vous y êtes; « car si je descends en enfer je vous y trouve (Ps CXXXVIII,8). » Je ne serais donc point, mon Dieu, je ne serais point du tout si vous n’étiez en moi. Que dis-je? je ne serais point si je n’étais en vous, « de qui, par qui et en qui toutes choses sont (Rom. XI, 36.» (363) Il est ainsi, Seigneur, il est ainsi. Où donc vous appelé-je, puisque je suis en vous? D’où viendrez-vous en moi? car où me retirer hors du ciel et de la terre, pour que de là vienne en moi mon Dieu qui a dit: « C’est moi qui « remplis le ciel et la terre (Jérém. XXIII, 24)? »

CHAPITRE III.
DIEU EST TOUT ENTIER PARTOUT.

3. Etes-vous donc contenu par le ciel et la terre, parce que vous les remplissez? ou les remplissez-vous, et reste-t-il encore de vous, puisque vous n’en êtes pas contenu? Et où répandez-vous, hors du ciel et de la terre, le trop plein de votre être? Mais avez-vous besoin d’être contenu, vous qui contenez tout, puisque vous n’emplissez qu’en contenant? Les vases qui sont pleins de vous ne vous font pas votre équilibre; car s’ils se brisent, vous ne vous répandez pas; et lorsque vous vous répandez sur nous, vous ne tombez pas, mais vous nous élevez; et vous ne vous écoulez pas, mais vous recueillez.
Remplissant tout, est-ce de vous tout entier que vous remplissez toutes choses? Ou bien, tout ne pouvant vous contenir, contient-il partie de vous, et toute chose en même temps cette même partie? ou bien chaque être, chacune; les plus grands, davantage; les moindres, moins? Y a-t-il donc en vous, plus et moins? Ou plutôt n’êtes-vous pas tout entier partout, et, nulle part, contenu tout entier?

CHAPITRE IV.
GRANDEURS INEFFABLES DE DIEU.

4. Qu’êtes-vous donc, mon Dieu? qu’êtes-vous, sinon le Seigneur Dieu? « Car quel autre Seigneur que le Seigneur, quel autre Dieu que notre Dieu (Ps XVII, 32)? » O très-haut, très-bon, très-puissant, tout-puissant, très-miséricordieux et très-juste, très-caché et très-présent, très-beau et très-fort, stable et incompréhensible, immuable et remuant tout, jamais nouveau, jamais ancien, renouvelant tout et conduisant à leur insu les superbes au dépérissement, toujours en action, toujours en repos, amassant sans besoin, vous portez, remplissez et protégez ; vous créez, nourrissez et perfectionnez, cherchant lorsque rien ne vous manque!
Votre amour est sans passion; votre jalousie sans inquiétude; votre repentance, sans douleur; votre colère, sans trouble; vos oeuvre changent, vos conseils ne changent pas. Vous recouvrez ce que vous trouvez et n’avez jamais perdu. Jamais pauvre, vous aimez le gain; jamais avare, et vous exigez des usures. On vous donne de surérogation pour vous rendre débiteur; et qu’avons-nous qui ne soit vôtre? Vous rendez sans devoir; en payant, vous donnez et ne perdez rien. Et qu’ai-je dit, mon Dieu, ma vie, mes délices saintes? Et que dit-on de vous en parlant de vous? Mais malheur à qui se tait de vous! car sa parole est muette.

Coeur Immaculé de Marie

15 juin, 2012

Coeur Immaculé de Marie dans images sacrée

http://www.spiritualite-chretienne.com/au_fil_des_jours/02-07-2011.

Coeur Immaculé de Marie Refuge des pécheurs

15 juin, 2012

http://www.serviteurs.org/Coeur-Immacule-de-Marie-Refuge-des.html

Coeur Immaculé de Marie Refuge des pécheurs

(est célébré le samedi de la troisième semaine après la Pentecôte, le lendemain de la solennité du Sacré coeur de Jésus)

par frère Raphaël, sjm

Cadeau de Dieu
Le mystère du cœur immaculé de Marie refuge des pécheurs est incomparablement au-dessus de ce qu’en peuvent dire les paroles humaines. Il reste un secret entre la Vierge et son Fils.
L’Ecriture, comme dépôt révélé, contient le peu qui en ait été divinement communiqué aux hommes. L’Eglise ose l’interpréter en le célébrant dans la liturgie et en le proposant à notre dévotion. Or, il n’est pas de vocable concernant Marie qui soit aussi difficile à saisir par notre raison. En effet, cette association de termes (« cœur immaculé » / « pécheurs ») recèle une tension apparemment insurmontable. Quel point commun, quel lien entre d’un côté ce qu’il y a de parfait, de saint et de l’autre ce qu’il y a de plus éloigné de Dieu ? La confiance dans l’enseignement de l’Eglise nous invite pourtant à tenir ces deux « extrêmes. » L’Eglise nous propose d’unir ce qu’il y a de premier dans le mystère de Marie (son cœur immaculé) et de dernier du point de vue de l’économie divine (le constituer refuge pour les pécheurs.)
Quelques lieux communs peuvent nous aider à entrer dans l’intelligence de ce mystère. On l’entend souvent : Marie immaculée ne comprend pas le pécheur. Pour comprendre quelqu’un il faut être dans la même situation que lui (principe d’égalité.) Ou encore, Marie parce qu’elle est immaculée ne peut pas comprendre le pécheur ; elle est trop pure, trop grande. Elle est donc trop loin de nous.
Considérons l’amour qui est entre Jésus et Marie. Du côté de Jésus, il ne peut grandir. Il a du premier coup sa pleine et excessive mesure, si haute que rien n’y saurait ajouter. Mais il peut grandir du côté de sa Mère. On le voit cependant admirable dès le premier instant. C’est un composé de ce que l’ordre de la nature (l’amour sensible de Marie pour Jésus) et celui de la grâce (l’amour d’un cœur surnaturellement pur) peuvent offrir de plus merveilleux.`
Il nous faut tenir cet amour de Marie pour Jésus parfait dès son commencement et en même temps un amour appelé à grandir. Sa perfection première est celle du germe, le cœur immaculé comme cadeau de Dieu. La croissance s’achève dans la perfection du fruit, le refuge des pécheurs comme cadeau de Dieu. Ainsi, il nous faut suivre ce chemin pour mieux comprendre ce mystère. Nous partons de l’œuvre gratuite, surabondante de Dieu, le cœur immaculé : c’est notre première partie. Au terme, nous contemplons le chef d’œuvre de Dieu en Marie, le cœur offert comme refuge des pécheurs : notre deuxième partie. Entre les deux, nous contemplerons cette suprême ascension de l’amour chez Marie.

Cœur immaculé de Marie Quelques considérations bibliques
Dans la Bible, le « cœur » ne dit pas « quelque chose » de l’homme mais il signifie l’homme intégral, le « dedans » de l’homme. Le cœur est la partie de l’homme la plus profonde, le siège de sa volonté, de sa pensée.
Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur « 
Matthieu 6, 21. Un texte biblique nous donne des éclairages précieux sur ce cœur de Marie. La prophétie de Siméon (Luc 2, 34-35) lui annonce que son Fils sera « un signe de contradiction » et que son âme, con cœur « sera transpercé d’un glaive. » Marie est sûre désormais d’être divinement associée à la souffrance de son Fils. Elle ignore encore tout de ce glaive, mais elle comprend cette communauté de destin entre Elle-même et son Fils.

Cadeau de la miséricorde du Père
L’Eglise a saisi à fond ces signes visibles que l’Ecriture nous a laissés. Comprenant cette communauté de destins dont nous avons parlée, elle est remontée en amont pour l’expliciter à la lumière de la miséricorde prévenante du Père. L’Eglise décrit le cœur de Marie comme très pur, intact, non atteint par le péché, bref un cœur vide de lui-même et plein de Dieu. Car il y a toujours une hâte dans la miséricorde. Elle devance, comme le Père du fils prodigue. Dans sa grande bonté, le Père a devancé le mystère de la croix pour envelopper le cœur de Marie de sa miséricorde.
Il a constitué son cœur immaculé pour pouvoir être la digne mère de Jésus. Grâce à ce cadeau, Marie peut être tournée vers Jésus d’un cœur sans partage, vivre le mystère de sa maternité dans la limpidité de la contemplation. Il fallait un cœur immaculé pour qu’elle soit la première à contempler ce mystère de Dieu fait homme, qu’il n’y ait rien d’elle-même et de la faute originelle qui fasse écran au dessein de Dieu. Le cœur de Marie est immaculé pour pouvoir pleinement vivre le mystère de la croix. Au pied de la croix, la douleur de Marie est vécue dans la contemplation. Ecrasée de douleur, elle est cependant retenue par le « fil » de la foi, confiance totale en Dieu qui tient ses promesses. Elle sait qu’elle est à sa place. Sa douleur n’est pas repli sur soi, elle est tout absorbée dans ce regard de foi. Elle lui est, pour ainsi dire, soumise. Par son cœur immaculé Marie est unie à ce point au sacrifice de son Fils.

Conséquences
Marie s’est employée à faire fructifier ce trésor que Dieu avait déposé en elle. Nous le voyons au calvaire, Dieu lui demande plus qu’à tous les autres. Et c’est ainsi qu’il fera grandir en elle l’amour. Cette ascension de l’amour est la réponse à la docilité totale de la Vierge. Cette docilité, voilà la part de Marie dans cette relation.
Saint Jean de la Croix a parlé de la ressemblance ultime du cœur, la transfixion, comme d’une grâce concédée aux âmes fidèles jusqu’au bout à l’amour. Le cœur est comme percé pour que les flots de la grâce s’en échappent et se répandent sur les autres. C’est en ce sens que les souffrances de Jésus sur la croix sont mêlées à celles de Marie et comptées avec les siennes pour compenser notre iniquité.
Pour nous, ce mystère nous fait découvrir quelque chose de nouveau de la miséricorde du Père. En effet, elle enveloppe tout, elle est capable de se servir de toutes les conséquences du péché pour réaliser une intimité plus profonde avec Lui. Nous avons contemplé Marie comme chef d’œuvre de la miséricorde du Père en tant qu’elle vit de cette miséricorde pour elle. Pouvons-nous dire de Marie qu’elle exerce cette miséricorde pour les hommes ?

Messe du 16 janvier
Refuge des pécheurs Quelques considérations bibliques
Nous l’avons vu, l’Ecriture ne présente qu’implicitement ce mystère du cœur immaculé de Marie refuge des pécheurs. L’Eglise en extrait le sens ; elle sait mieux que personne que les seules paroles inspirées, quand elles sont reçues par la foi vive nous font entrer de manière privilégiée jusqu’au cœur du mystère. Aussi, elle privilégie le recours aux termes même de l’Ecriture pour exprimer ce qu’elle célèbre dans la liturgie. Dans la Bible, le refuge est d’abord appliqué à Dieu (psaumes.) Pour notre sujet, une autre mention du refuge est éclairante : celle des « villes refuge ».

La ville Refuge dans la BIBLE :
Cette institution visait à rompre l’enchaînement automatique des vengeances après un crime. Tout meurtrier pouvait trouver dans ces villes (Sichem, Hébron…) un asile provisoire contre la vengeance de sang. Il passait en jugement devant la communauté qui devait estimer la gravité du fait. Ces villes de refuge étaient en même temps des villes lévitiques, ce qui assurait dans leur tribunal la présence d’hommes religieux, gage d’une meilleure justice.
Pour notre propos, il est intéressant de relever que le terme de refuge dans la Bible est un lieu où nous nous trouvons en sûreté à condition d’y demeurer.

La miséricorde de Marie
Une mauvaise compréhension de la prévenance de Dieu affirme que la part de l’homme dans cette relation est nulle puisque Dieu fait tout. Marie n’aurait donc aucun mérite ; pourquoi parler de sa miséricorde puisque tout revient à celle de Dieu ? La miséricorde du Père veut que nous apportions quelque chose de nous. Il nous faut laisser toute la place à Dieu, cela implique toute notre personne. Ainsi, la miséricorde de Dieu peut se déployer en nous après des luttes, des arrachements successifs. Il en est ainsi chez Marie. Dans l’Evangile, quand Jésus rencontre sa mère, c’est souvent pour briser quelque chose en elle. Il semble que Jésus la traite avec une dureté étonnante, inconcevable. Le secret des duretés surprenantes dont Jésus use envers elle paraît à découvert dans l’Evangile. L’épisode de la Cananéenne (Mt. 15, 22-28) est éclairant. « Elle criait en disant : Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. » « Mais il ne lui répondit pas un mot. » Les disciples sont touchés et intercèdent pour elle. « Mais lui répondant, dit : »Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël« . Voilà donc Jésus plus dur que ses disciples ? »Mais elle, étant venue, se tenait prosternée devant Lui, en disant : Seigneur, viens à mon secours ! Répondant, il dit : il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens !« C’est un affront. Mais elle insiste : »Seigneur ! Les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leur maître.« Où donc ce cœur offensé, apparemment dédaigné puise-t-il tout l’amour qui inspire cette réplique ? N’est-ce pas Jésus qui fait grandir progressivement en la repoussant, l’amour de cette femme, à la manière dont on barre un fleuve pour en multiplier la puissance ? Oui, c’est Jésus qui opère en elle. Et c’est pourquoi la foi en elle est merveilleuse. A ce point que l’artiste admire ce qu’il a fait et devient captif en quelque sorte de la beauté de son œuvre :
O femme, ta foi est grande ! Qu’il te soit fait comme tu veux. »
C’est en ce sens que nous pouvons saisir le ressort de l’apparente dureté de Jésus envers sa mère, la part de Marie et finalement sa puissance d’intercession.

Conséquences
Marie ayant fait aussi loin cette expérience de la miséricorde, étant entrée aussi profondément dans cette pédagogie divine n’a plus qu’un seul désir : nous faire partager son bonheur, nous donner cette vie divine. A qui ? A ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire à nous tous les pécheurs. Et rien n’arrête Marie dans cette proximité à l’égard des pécheurs. C’est la proximité d’une mère. La mère est celle qui porte la vie, qui porte plus qu’elle ne devrait porter. Ce n’est pas au nom de la justice (comme les villes refuges) mais au nom de l’Amour que Marie exerce cette proximité. Et l’Amour va toujours plus loin. Refuge pour les pécheurs, Marie ne les protège pas seulement ; elle porte leurs misères car elle connaît leur malheur plus profondément qu’eux-mêmes ne le connaissent. Elle les accueille, les protège, leur donne la vie divine pour leur permettre de repartir.
Cœur immaculé de Marie refuge des pécheurs
Considérons le chemin parcouru. Nous sommes partis de la contemplation du cœur immaculé de Marie pour aboutir à sa compassion pour le pécheur. Nous avons vu que tout l’entre deux était celui d’une configuration progressive à son fils. Nous pouvons à présent unir ces deux extrêmes et dans une certaine mesure en balbutier l’intelligibilité.
Le cœur est immaculé pour être le refuge des pécheurs Il s’agit de saisir que plus on s’élève vers les principes, plus on est capable de comprendre ce qui en dépend. Plus nous nous élevons vers le mystère de Dieu, plus nous sommes capables de comprendre ce qui est loin de Dieu, le péché. Comprenons : c’est quand nous avons aimé que nous saisissons avec acuité ce que représente le manque d’amour et, alors, celui-ci nous blesse. Il faut donc être dans une profonde intimité avec Dieu pour pénétrer l’opacité du péché. N’est-ce pas là la mission de Marie ? Marie sans être affectée par le péché est donc liée à l’opacité du pêché. Si Marie est immaculée, c’est donc pour être le refuge des pécheurs. Dans la lumière de la sagesse de Dieu, il fallait un cœur absolument exempt de toute trace du péché pour pouvoir être proche du pécheur.

Entrer dans ce regard de Marie
Au terme de ce parcours, nous pouvons puiser de nombreux enseignements dans cette docilité de Marie. Marie n’est-elle pas la préfiguration de ce que chaque Chrétien est appelé à être ? Comme pour elle, notre miséricorde doit jaillir de la surabondance de notre amour pour Son Fils. Elle nous apprend à dépasser notre regard instinctif de justice. En effet, nous divisons facilement l’humanité entre les « bons » et les « méchants ». Avec Marie, nous sommes appelés à ne plus diviser. Dans notre cœur, tous doivent occuper la même place et être présentés pareillement à Jésus.
Marie nous enseigne aussi par son exemple à plaider la cause des pécheurs auprès de Jésus. Il n’y a pas là de pieuse condescendance ; c’est une attitude que nous devons recevoir d’elle. Elle nous apprend à envelopper d’amour les plus déshérités. Bien plus, elle nous apprend à leur pardonner. Un pardon divin qui consiste à se mettre à la place du pécheur et à porter en face de Dieu et des hommes la responsabilité du pécheur : à se servir des conséquences du péché pour donner davantage.

Homélie du 11e dimanche ordinaire B

15 juin, 2012

http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/

Homélie du 11e dimanche ordinaire B

Ez 17, 22-24 ; 2 Co 5, 6-10 ; Mc 4, 26-34

Bien joli le langage poétique d’Ezéchiel et de Marc. Même rassurant. Une tendre pousse et un grain de blé, un cèdre magnifique et un moutardier géant, des nids et une multitude d’oiseaux. Cela nous change de ce que nous voyons trop souvent sur nos écrans. Ainsi, les affamés, malades ou blessés, les destructions, guerres, litanies de souffrances et de désespoirs… Or, le prophète Ezéchiel a vécu ce même genre d’épreuve. Il a fait partie de ces lamentables cortèges jetés sur les routes de la déportation.
Il était parmi les hommes, les femmes et les enfants accablés, découragés, désespérés et sans avenir, la plupart sans doute tentés par la violence, l’esprit de vengeance ou révoltés contre Dieu.
C’est dans cet enfer que ce prêtre, arraché de force à son temple, a semé une petite graine d’espérance dans un océan d’amertume. Une simple et fragile bouture qui deviendra un conifère géant.
Marc n’a pas présenté ces ravissantes paraboles de Jésus dans le cercle feutré d’un salon de poésie, mais à des chrétiens, minorité incomprise et persécutée au cœur de la Rome païenne.
Eux aussi sont découragés et rongés par le doute. Comment pourraient-ils bâtir dès ici-bas ce royaume de Dieu, d’amour, de justice et de paix, que le Christ leur a promis et confié ? Marc leur offre à méditer les leçons de la nature et de ses incroyables forces de fécondité. On ne fait pas grandir une plante en tirant sur ses feuilles. Ce ne sont pas des arbres couverts de fruits et de nids d’oiseaux que l’on plante. Il faut de la patience et de la persévérance, de la continuité dans l’effort et une solide confiance en Dieu. Et la foi n’est-elle pas la plus mystérieuse et la plus forte des énergies de création et d’espérance ?
En 1944, la fragile et sanglante tête de pont en Normandie n’était certes pas encore la libération de l’Europe… Personne, à l’époque, n’aurait pu dire que, cinquante ans plus tard, des ennemis apparemment irréductibles seraient invités à voter ensemble, avec d’autres Européens, pour former un Parlement commun. C’est-à-dire une semence fragile, mais qui porte en elle la capacité vitale d’un grand arbre européen, capable de porter du fruit et où les oiseaux de tous ramages et plumages pourront y faire paisiblement leur nid ? Mais pas en quelques années, et pas sans l’effort de chacun et de tous.
C’est dans cette réalité temporelle que s’incarne le royaume de Dieu, dont nous sommes, par le Christ, des semences et des artisans.
L’Evangile n’a pas de programme politique et ce n’est pas la vocation de l’Eglise d’en proposer un. Mais les communautés chrétiennes et chaque chrétien en particulier sont les missionnaires et les témoins de valeurs évangéliques et humaines. Elles constituent d’ailleurs le fondement et la sève de notre civilisation. Chrétiens, nous n’avons rien à imposer, mais bien à nous plonger, à nous incarner dans la société pour y exister en tant que croyants. Et donc faire entendre notre voix dans le concert démocratique. Même si nous sommes minoritaires. Nous n’avons pas à nous cacher ni à nous taire.
Nous sommes, par exemple, aux premières loges pour apporter chacun notre petite graine pour une Europe spirituelle, une Europe œcuménique, une Europe ouverte et fraternelle. Les chrétiens ne sont-ils pas pressés par l’Evangile d’être des instruments inusables de pardon et de réconciliation ? Nous sommes appelés à guérir la haine par la connaissance et le respect de l’autre. Nous avons vocation, particulièrement dans un monde en crise, d’être des facteurs de solidarité, de tolérance et de paix. Et l’Evangile est la meilleure charte des droits fondamentaux de la personne humaine.
De même, l’Evangile est un rempart contre l’idolâtrie de l’Etat absolu, celle du peuple, de la nation ou de la race. Idolâtrie de l’ordre économique et social également. C’est l’Evangile aussi qui nous entraîne à lutter à tous les niveaux contre les nationalismes agressifs, la xénophobie, le racisme et l’individualisme. Et que dire du combat pour le respect de la vie, la promotion de la vie familiale, et j’en passe…
Ce qui veut dire que voter est bien une responsabilité de citoyen et de chrétien. Voter, c’est opter pour une échelle de priorités, et donc se référer à des valeurs. C’est soutenir un projet qui soit porteur de sens. Le grand arbre à fruits, digne de Dieu et de l’être humain, sera ce que nous aurons choisi d’en faire.
Timorés et parfois désabusés, nous risquons de dire : « Que pouvons-nous faire ? » Pas plus et pas moins qu’une graine que l’on enfouit en terre pour une future moisson. A chacun de nous de « distiller l’espérance » en pariant sur tous les côtés positifs du débat démocratique.
Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus annonçait la Parole. « Heureux donc qui reçoit cette Parole de vie et la fait fructifier ».

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

PÈLERINAGE PÉNITENTIEL À LOUGH DERG: HOMÉLIE DU CARD. OUELLET

15 juin, 2012

http://www.zenit.org/article-31142?l=french

PÈLERINAGE PÉNITENTIEL À LOUGH DERG: HOMÉLIE DU CARD. OUELLET

Demande de pardon dans le cadre du congrès eucharistique

ROME, vendredi 15 juin 2012 (ZENIT.org) – « Je tiens à réaffirmer l’engagement de l’Eglise catholique pour créer un environnement sûr pour les enfants », déclare le cardinal Ouellet, qui exhorte aussi les chrétiens à la conversion : « Une vraie conversion ne peut se faire qu’à travers une relation personnelle profonde, restaurée, avec le Christ que nous invoquons pour toute l’Eglise ».
Le préfet de la Congrégation pour les évêques et légat du pape au Congrès eucharistique international de Dublin, a en effet effectué, au nom du pape, un pèlerinage pénitentiel au sanctuaire de saint Patrick à Lough Derg, comme c’est la tradition, dans le jeûne et la prière. On appelle ce centre de pèlerinage situé sur une île le« Purgatoire » de saint Patrick. Il a présidé la messe et a prononcé l’homélie, mardi, 12 juin, en la basilique Saint-Patrick (http://www.loughderg.org/). La célébration eucharistique a été suivie d’une prière d’intercession pour les victimes d’abus et pour l’Eglise dont nous proposons ci-dessous une traduction, après le texte de l’homélie.

Homélie du card. Ouellet :

Chers frères et sœurs,

Le pape Benoît XVI m’a demandé, en tant que Légat au 50ème Congrès eucharistique international de Dublin, de venir à Lough Derg demander pardon à Dieu pour les temps où des clercs ont agressé sexuellement des enfants non seulement en Irlande mais aussi ailleurs dans l’Eglise.
Lough Derg, en Irlande, est le symbole de la conversion, de la pénitence et du renouveau spirituel. Beaucoup de gens viennent ici pour prier, jeûner et demander pardon pour leurs péchés. Selon une longue tradition, ils suivent les pas de saint Patrick qui évangélisa le pays au cinquième siècle.
Je suis venu ici dans l’intention spécifique de chercher le pardon de Dieu et des victimes, pour la grave faute des abus sexuels sur des mineurs par des clercs. Nous avons appris au cours des dernières décennies tout le mal et le désespoir que de tels abus ont causés à des milliers de victimes. Nous avons appris aussi que la réponse de certaines autorités de l’Église à ces crimes a souvent été inadéquate et inefficace pour y mettre fin, malgré des indications claires dans le code de droit canonique.
Au nom de l’Eglise, je présente encore une fois mes excuses aux victimes, que j’ai rencontrées, pour certaines, ici même, à Lough Derg.
Je redis ici ce que le Saint-Père a dit aux victimes dans sa Lettre aux catholiques d’Irlande : « Il est compréhensible que vous trouviez difficile de pardonner ou de vous réconcilier avec l’Eglise. En son nom, j’exprime ouvertement la honte et le remords que nous éprouvons. Dans le même temps, je vous demande de ne pas perdre espoir. C’est dans la communion de l’Eglise que nous rencontrons la personne de Jésus-Christ, qui a lui-même été victime de l’injustice et du péché ».
Chers frères et sœurs, dans l’Evangile d’aujourd’hui, Jésus dit à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel se dénature, comment redeviendra-t-il du sel ? Il n’est plus bon à rien : on le jette dehors et les gens le piétinent ».
La tragédie des abus sexuels de mineurs perpétrés par des chrétiens, surtout quand ce sont des membres du clergé, est une source de grande honte et un scandale énorme. C’est un péché contre lequel Jésus lui-même s’est indigné : « Mieux vaudrait pour lui se voir passer autour du cou une pierre à moudre et être jeté à la mer que de scandaliser un seul de ces petits » (Lc 17, 2).
En tant que membres de l’Église, nous devons avoir le courage de demander humblement le pardon de Dieu, ainsi que le pardon de ceux qui ont été blessés : nous devons rester proches d’eux sur leur chemin de souffrance et chercher tous les moyens possibles pour guérir et panser les blessures en suivant l’exemple du Bon Samaritain.
Dans le contexte de ce Congrès eucharistique international, je tiens à réaffirmer l’engagement de l’Eglise catholique pour créer un environnement sûr pour les enfants et nous prions pour qu’une nouvelle culture de respect, d’intégrité et d’amour à la manière du Christ, l’emporte au milieu de nous et pénètre la société dans son ensemble .
Que l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie et de tous les saints nous aide tous à éradiquer le fléau des abus sexuels et nous libère en vue d’un renouvellement profond et durable spirituelle de l’Eglise tout entière.
Nous sommes ici pour prier Dieu avec les paroles mêmes de saint Augustin dans les Confessions : « Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ; tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ; j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ; tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix » (Livre 10, 27).
Une vraie conversion ne peut se faire qu’à travers une relation personnelle profonde, restaurée, avec le Christ que nous invoquons pour toute l’Eglise, comme nous le rappelle la prière de Saint Patrick, l’apôtre de la foi dans ce pays :

Le Christ avec moi, le Christ en moi,
Le Christ derrière moi, le Christ devant moi,
Le Christ à côté de moi, le Christ me gagne,
Le Christ me réconforte et me redonne des forces. Amen.

Après l’homélie, l’assemblé prié aux intentions suivantes :
- Pour l’Église et ses dirigeants : que leur soient accordés sagesse et courage pour fortifier la foi des fidèles et leur donner la nourriture pour la route. Seigneur, écoute-nous.
- Pour nous tous ici présents : que nous puissions être sel de la terre pour ceux qui nous entourent et une lumière pour guider les gens sur leur chemin de pèlerin. Seigneur, écoute-nous.
- Pour les manquements à l’amour, au respect, au soutien et à l’éducation des jeunes, en particulier les plus vulnérables, nous te demandons pardon. Seigneur, écoute-nous.
- Pour les crimes et les péchés d’abus sexuels et physiques perpétrés contre des enfants et des jeunes par des prêtres ou par d’autres ministres de l’Église, en particulier dans les institutions gérées par celle-ci. Seigneur, écoute-nous.
- Pour la réponse inadéquate souvent donnée par des responsables de l’Église quand des personnes victimes de ces abus ont parlé de ce qui leur était arrivé, nous demandons pardon. Seigneur, écoute-nous.
- Que tous ceux dont la vie a été brisée par des abus de toute nature puissent recevoir un soutien et faire l’exoérience d’une guérison durable. Seigneur, écoute-nous.
- Pour des intentions personnelles, pour les intentions d’autres pèlerins et pour toutes les personnes malades. Seigneur, écoute-nous.
- Pour toutes les personnes en deuil, et pour nos morts, en particulier les membres de nos familles et tous ceux qui nous sont chers ; pour les personnes qui nous ont quittés récemment, toutes celles qui sont venues en pèlerinage à Lough Derg et pour les victimes de mort tragique ou violente. Seigneur, écoute-nous.
- Seigneur Dieu, par l’intercession de Patrick notre saint patron, entends les prières de ton peuple ici rassemblé dans la foi et l’espérance. De même que tu nous nourris par ta parole, donne-nous aussi le pain qui nous donne la vie, Jésus Christ, ton Fils notre Seigneur, qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen.

Traduction d’Hélène Ginabat

Le sacre coeur de Jesus, (Fresque de la coupole de la Basilique de Montmartre)

14 juin, 2012

Le sacre coeur de Jesus, (Fresque de la coupole de la Basilique de Montmartre) dans images sacrée sacrecoeur

http://leblogdeliemarie.wordpress.com/2010/06/11/le-sacre-coeur-et-la-naissance-de-la-flotte-providentialiste/

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