Mort, où est ta victoire ? – Livre de la Sagesse 1, 13-15 ; 2, 23-24

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Mort, où est ta victoire ?

Par Bernard Rivière
Entre la notion de l’immortalité de l’âme et la vie de Dieu offerte en Jésus se situe, pour le croyant, le saut de la foi.
Livre de la Sagesse 1, 13-15 ; 2, 23-24

« Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il a créé toutes choses pour qu’elles subsistent ; ce qui
naît dans le monde est bienfaisant, et l’on n’y trouve pas le poison qui fait mourir. La puissance de la mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle. Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même. La mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon, et ceux qui se rangent dans son parti en font l’expérience. »
Le roi Salomon serait-il l’auteur du Livre de la Sagesse ? Le chapitre IX pourrait le laisser entendre, tant l’auteur, pour étayer son propos et lui donner plus de poids, s’attribue la grande sagesse de Salomon (fils du roi David, 970 à 931 av. JC), bien connu par le fameux épisode du Jugement de Salomon (1R 3,16-28). Il n’en est rien. L’auteur, dont le nom est inconnu, est un juif hellénisé, vivant aux environs de l’an 50 avant notre ère. Il prend à son compte l’axiome platonicien sur l’immortalité de l’âme : «?Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même. ?»
Entre cette notion de l’immortalité de l’âme et la vie de Dieu offerte en Jésus se situe, pour le croyant, le saut de la foi : «?Jésus Christ, notre Sauveur, a détruit la mort ; il a fait resplendir la vie par son Évangile?» (2Tim 1,10). Acte de foi rapporté par Marc 5, 39 lors de la guérison de la fille de Jaïre : «?L’enfant n’est pas morte : elle dort.?»
Cette affirmation « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants » a de quoi surprendre bon nombre de nos contemporains, malgré vingt siècles de christianisme. D’après un récent sondage, 34 % des Français qui se disent catholiques estiment ne pas croire… en Dieu. Le plus grand obstacle à leur adhésion porte sur la résurrection de Jésus. Déjà, lorsque Paul annonçait Jésus-Ressuscité aux Athéniens, «?les plus religieux des hommes?», il s’attirait les foudres de ses auditeurs : «?Ce sont d’étranges propos que tu nous fais entendre… Nous t’entendrons là-dessus une autre fois. » (Ac 17, 16-32).
Étranges propos, certes ! On se souvient de l’entretien de Jésus avec Nicodème (Jn 3) : «?Comment un homme peut-il naître une fois qu’il est vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le ventre de sa mère et naître ??» Ne serions-nous pas proches de Thomas l’Incrédule, qui ne pouvait croire en la Vie sans voir les marques de la Mort (Jn 20,19-29) ? Dans ce monde où «?votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui dévorer?» (1P 5,5), où la guerre trop souvent tient tête victorieusement à la paix, où l’injustice étouffe la plus élémentaire justice, où la maladie et la mort mettent quotidiennement en péril l’espérance et la vie, comment ne pas comprendre le scepticisme, le rejet de Dieu qui minent les cœurs et les esprits lorsqu’ils entendent «?la puissance de la mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle?» ?
Toutes les paroles humaines, les pensées les plus élaborées et les plus savantes ne sont qu’un vestibule ouvrant sur une lumière éblouissante jaillissant du fond de l’histoire humaine. Comme dans l’allégorie de la grotte de Platon, l’homme ne voit guère que ses propres ombres devant lui, mais la réalité lui fait défaut. Dieu n’est pas un au-delà fuyant comme l’horizon. La vie de Dieu, celle qui vient à bout du mal et des injustices, des guerres et de la pauvreté, de la souffrance et de l’anéantissement, ne se dévoile que dans un combat persévérant de tous les jours : «?La mort a été engloutie dans la victoire. Où est-elle, ô mort, ta victoire?» (1Co 15,54).
Nos « victoires » humaines sont les prémices de celle à venir, celle qui est promise, définitive et immortelle, en laquelle il m’est donné d’espérer au-delà de toute imagination. Comme l’épouse du Cantique des Cantiques (2,8) : «?J’entends mon Bien aimé. Voici qu’il arrive, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines (…). Voici qu’il se tient derrière notre mur, il guette par la fenêtre ; il épie par le treillis.?»

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