Archive pour le 30 juin, 2012
Mort, où est ta victoire ? – Livre de la Sagesse 1, 13-15 ; 2, 23-24
30 juin, 2012Mort, où est ta victoire ?
Par Bernard Rivière
Entre la notion de l’immortalité de l’âme et la vie de Dieu offerte en Jésus se situe, pour le croyant, le saut de la foi.
Livre de la Sagesse 1, 13-15 ; 2, 23-24
« Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il a créé toutes choses pour qu’elles subsistent ; ce qui
naît dans le monde est bienfaisant, et l’on n’y trouve pas le poison qui fait mourir. La puissance de la mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle. Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même. La mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon, et ceux qui se rangent dans son parti en font l’expérience. »
Le roi Salomon serait-il l’auteur du Livre de la Sagesse ? Le chapitre IX pourrait le laisser entendre, tant l’auteur, pour étayer son propos et lui donner plus de poids, s’attribue la grande sagesse de Salomon (fils du roi David, 970 à 931 av. JC), bien connu par le fameux épisode du Jugement de Salomon (1R 3,16-28). Il n’en est rien. L’auteur, dont le nom est inconnu, est un juif hellénisé, vivant aux environs de l’an 50 avant notre ère. Il prend à son compte l’axiome platonicien sur l’immortalité de l’âme : «?Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même. ?»
Entre cette notion de l’immortalité de l’âme et la vie de Dieu offerte en Jésus se situe, pour le croyant, le saut de la foi : «?Jésus Christ, notre Sauveur, a détruit la mort ; il a fait resplendir la vie par son Évangile?» (2Tim 1,10). Acte de foi rapporté par Marc 5, 39 lors de la guérison de la fille de Jaïre : «?L’enfant n’est pas morte : elle dort.?»
Cette affirmation « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants » a de quoi surprendre bon nombre de nos contemporains, malgré vingt siècles de christianisme. D’après un récent sondage, 34 % des Français qui se disent catholiques estiment ne pas croire… en Dieu. Le plus grand obstacle à leur adhésion porte sur la résurrection de Jésus. Déjà, lorsque Paul annonçait Jésus-Ressuscité aux Athéniens, «?les plus religieux des hommes?», il s’attirait les foudres de ses auditeurs : «?Ce sont d’étranges propos que tu nous fais entendre… Nous t’entendrons là-dessus une autre fois. » (Ac 17, 16-32).
Étranges propos, certes ! On se souvient de l’entretien de Jésus avec Nicodème (Jn 3) : «?Comment un homme peut-il naître une fois qu’il est vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le ventre de sa mère et naître ??» Ne serions-nous pas proches de Thomas l’Incrédule, qui ne pouvait croire en la Vie sans voir les marques de la Mort (Jn 20,19-29) ? Dans ce monde où «?votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui dévorer?» (1P 5,5), où la guerre trop souvent tient tête victorieusement à la paix, où l’injustice étouffe la plus élémentaire justice, où la maladie et la mort mettent quotidiennement en péril l’espérance et la vie, comment ne pas comprendre le scepticisme, le rejet de Dieu qui minent les cœurs et les esprits lorsqu’ils entendent «?la puissance de la mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle?» ?
Toutes les paroles humaines, les pensées les plus élaborées et les plus savantes ne sont qu’un vestibule ouvrant sur une lumière éblouissante jaillissant du fond de l’histoire humaine. Comme dans l’allégorie de la grotte de Platon, l’homme ne voit guère que ses propres ombres devant lui, mais la réalité lui fait défaut. Dieu n’est pas un au-delà fuyant comme l’horizon. La vie de Dieu, celle qui vient à bout du mal et des injustices, des guerres et de la pauvreté, de la souffrance et de l’anéantissement, ne se dévoile que dans un combat persévérant de tous les jours : «?La mort a été engloutie dans la victoire. Où est-elle, ô mort, ta victoire?» (1Co 15,54).
Nos « victoires » humaines sont les prémices de celle à venir, celle qui est promise, définitive et immortelle, en laquelle il m’est donné d’espérer au-delà de toute imagination. Comme l’épouse du Cantique des Cantiques (2,8) : «?J’entends mon Bien aimé. Voici qu’il arrive, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines (…). Voici qu’il se tient derrière notre mur, il guette par la fenêtre ; il épie par le treillis.?»
Homélie: 13 ème Dimanche du temps ordinaire B
30 juin, 2012http://www.chalais.fr/article.php3?id_article=207
Homélie du père Matthieu Thouvenot
13 ème Dimanche du temps ordinaire B
Marc 5, 21-43
lundi 24 juillet 2006
Jésus Christ est la source de la vie. Saint Marc le montre aujourd’hui concrètement : lorsque Jésus approche, il chasse la mort et apporte la vie. Et il ne le fait pas de loin, il vient toucher.
Regardons attentivement Jésus qui vient nous toucher dans notre mort : dans cet évangile il est confronté à la mort de 2 personnes : d’abord la femme hémorroïsse, qui perd du sang depuis 12 ans. Perdre du sang, c’est être en train de mourir, surtout dans la culture juive qui voit dans le sang le principe de la vie. Depuis 12 ans cette femme est en train de mourir. Quant à la petite fille, on vient annoncer à Jésus qu’elle est vraiment morte. Or Jésus va toucher ces deux personnes : la première involontairement et indirectement, puisque c’est la femme qui vient toucher son vêtement, mas la deuxième c’est Jésus qui lui prend la main. On constate déjà que Jésus n’a pas peur de se rendre impur, en touchant quelqu’un qui est en contact avec du sang ou qui est mort : il était rigoureusement interdit de toucher quelqu’un qui avait une telle maladie du sang, ou de toucher un cadavre, car on se rendait impur, on ne pouvait plus célébrer le culte. Mais Jésus, source de la vie, ne peut pas devenir impur, au contraire, il purifie ce qu’il touche, en lui redonnant la vie.
Lorsqu’on voit Jésus toucher ou être touché, on peut penser au 2ème récit de la Création, qui nous présente Dieu en train de créer l’homme en modelant de la terre. Dans la chapelle Sixtine au Vatican, on voit cette scène célèbre où Dieu touche du doigt Adam pour lui donner la vie. De même, Jésus redonne la vie en touchant les hommes. Mais le plus étonnant est peut-être quand il est touché à son insu : cette femme ne lui a rien demandé, elle prend sans demander, persuadée que le seul contact avec le vêtement de Jésus va la sauver. Le pire c’est que ça marche ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Jésus serait-il un porte-bonheur magique ? Sa réaction, lorsqu’il sent qu’une force est sortie de lui, montre qu’il a été surpris lui-même. On a presque l’impression qu’il va se fâcher, qu’on lui ait pris un peu de son pouvoir sans lui demander, et en plus par quelqu’un qui est impur. Heureusement ses paroles viennent mettre en défaut cette interprétation : « ta foi t’a sauvée ». Ce n’est pas un geste magique qui a sauvé, c’est la foi de cette femme, indépendamment de toute proposition de Jésus lui-même. L’histoire de la petite fille le confirme : le salut est une question de foi. D’abord celle dont témoigne le papa lorsqu’il exprime en public sa confiance dans la capacité de Jésus, et ensuite celle qui est demandée par Jésus : « ne crains pas, crois seulement ». La foi a rencontré beaucoup d’obstacles, peut-être d’abord la notoriété de ce chef de synagogue qui pouvait craindre pour sa réputation, ensuite la mauvaise nouvelle de la mort de la fille, qui pousse les messagers à dissuader Jésus de venir, enfin les moqueries de la foule lorsque Jésus annonce que la fille dort. Mais en ayant vaincu ces obstacles, les parents reçoivent la récompense de leur foi. En ressuscitant la fille, Jésus confirme que c’est la foi en lui qui sauve. Un salut d’ailleurs qui ne se limite pas à la guérison : par 2 fois, le récit distingue guérison et salut : « viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive », puis « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal ». La guérison arrive un peu comme la cerise sur le gâteau, l’essentiel étant d’être sauvé. Ce qui est très important pour nous, car beaucoup de gens ne sont pas guéris malgré nos prières et notre foi, mais on peut espérer qu’ils sont sauvés quand même.
Mais reprenons le geste de la femme hémorroïsse : quelle leçon pour nous qui ne sommes pas forcément malades ? En tout cas nous sommes tous dans le besoin face à Dieu. Nous avons besoin qu’il nous donne la vie éternelle, sa vie. Nous avons besoin de son amour pour aimer à notre tour. Nous avons besoin de lui en permanence, car comme dit Jésus en Jn 15 : « hors de moi, vous ne pouvez rien faire ». Si nous avons besoin de lui, la femme hémorroïsse nous montre une voie toute simple : il suffit de chercher à toucher Jésus. Il ne peut pas s’empêcher de nous donner, comme il n’a pas pu empêcher cette force de sortir de lui. C’est ce qu’écrivait le P. Marie-Eugène de l’Enfant Jésus, carme fondateur de l’Institut Notre-Dame de Vie : « de même qu’on ne peut plonger sa main dans l’eau sans se mouiller, ou dans un brasier sans se brûler, de même on ne peut prendre contact avec Dieu par la foi sans puiser en sa richesse infinie. [...]Tout contact avec Dieu par la foi a la même efficacité (que le geste de la pauvre femme malade) » (Je veux voir Dieu, p. 62). Le Père Marie-Eugène applique cela à l’oraison, qui peut être un exercice difficile, à la suite de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus : elle qui avait du mal à prier se contentait parfois de dire lentement un Notre Père, histoire d’être en contact avec Dieu, car la prière n’est pas autre chose. L’important pour prier est de désirer, et d’avoir foi. Comme la femme hémorroïsse : elle savait par la foi qu’en touchant le vêtement de Jésus elle serait sauvée, et elle le désirait tellement qu’elle a tout fait pour y parvenir. Soyons des hommes et des femmes de désir et de foi, pour mettre toute notre énergie à chercher à toucher Jésus, lui qui seul peut nous donner la vie éternelle.
Père Matthieu Touvenot