Archive pour le 6 juin, 2012
Marie, aqueduc de la grâce
6 juin, 2012http://www.salve-regina.com/salve/Marie,_aqueduc_de_la_gr%C3%A2ce
Marie, aqueduc de la grâce
Textes de méditation
Auteur : Abbé Jacques Olivier, FSSP
Remarque particulière : D’après des textes de saint Bernard
L’Apôtre nous dit : « Vous avez pour fruit la sainteté, et pour fin la vie éternelle » (Rom., VI, 22). La vie éternelle est la source intarissable qui arrose la surface entière du paradis. Bien plus, c’est la source enivrante, la fontaine qui orne les jardins, l’eau vive dont les flots impétueux se précipitent du Liban (Cantique IV, 15) et inondent d’un fleuve de joie la cité de Dieu (Ps. XLV, 5). Mais quelle est cette fontaine de vie, sinon le Christ Notre Seigneur ? « Quand le Christ, votre vie, apparaîtra, alors vous apparaîtrez, vous aussi, avec lui dans la gloire » (Col., III, 4). Sans doute la plénitude s’est pour ainsi dire vidée pour devenir notre justice, notre sanctification, notre pardon, n’apparaissant plus comme la vie, la gloire et la béatitude. Les eaux de cette fontaine ont été dérivées jusqu’à nous sur les places publiques, bien que l’étranger n’y puisse boire (Prov., V, 16 et 17). Ce filet d’eau céleste est descendu à nous par un aqueduc, qui ne nous distribue pas toute l’eau de la source, mais qui fait tomber la grâce goutte à goutte sur nos cœurs desséchés, aux uns plus, aux autres moins. L’aqueduc lui-même est plein, de sorte que tous reçoivent de sa plénitude, sans recevoir la plénitude qu’il contient.
Vous avez déjà deviné, si je ne me trompe, quel est cet aqueduc qui, recevant la plénitude de la source qui jaillit au cœur du Père, nous distribue ensuite ce que nous en pouvons recevoir. Vous savez, en effet, à qui s’adressaient ces paroles : « Je vous salue, pleine de grâce. » Mais n’est- il pas étonnant qu’on ait pu faire un tel aqueduc dont l’extrémité doit non seulement atteindre le ciel comme l’échelle que vit le patriarche Jacob (Gen., XXVIII, 12), mais y pénétrer pour parvenir jusqu’à la source des eaux vives qui jaillit au plus haut des cieux ? Salomon, lui-même, s’en étonnait et demandait comme en désespoir de cause : « Qui trouvera la femme forte ? » (Prov., XXXI, 10). Et si la grâce est restée si longtemps sans couler sur le genre humain, c’est qu’il n’y avait pas encore, pour la lui amener, cet aqueduc désirable dont nous parlons. Mais vous ne vous étonnerez pas qu’on l’ait attendu si longtemps, en vous rappelant combien d’années Noé, cet homme juste, mit à construire l’arche qui ne devait servir à sauver qu’un petit nombre d’âmes, huit seulement, et pour très peu de temps.
Mais comment notre aqueduc peut-il atteindre une source qui jaillit si haut ? Le peut-il autrement que par l’ardeur du désir, la ferveur de la dévotion, la pureté de la prière ? Ainsi qu’il est écrit : « La prière du juste pénètre les cieux. (Ecclésiastique XXXV, 21). Et qui est juste, si Marie ne l’est pas elle dont est né pour nous le Soleil de justice ? Or comment a t-elle pu atteindre cette inaccessible majesté, sinon en frappant, en demandant, en cherchant ? (Luc, XI, 9). Finalement elle a trouvé ce qu’elle cherchait, puisqu’il lui fut dit : « Vous avez trouvé grâce auprès de Dieu » (Luc, I, 30). Quoi, Marie est pleine de grâce, et elle a trouvé un surcroît de grâce ? Parfaitement, elle a trouvé la grâce qu’elle cherchait, car une plénitude personnelle ne lui suffit pas, et elle ne peut se contenter de jouir seule de son bien ; mais, suivant ce qui est écrit : « Celui qui me boira aura encore soif » (Ecclésiastique XXIV, 29), elle a demandé une surabondance de grâce pour le salut du monde entier. L’Esprit Saint, lui dit l’ange, sur viendra en vous (Luc, I, 35), et il y versera ce baume précieux avec une telle abondance et une telle plénitude qu’il débordera en toutes parts. C’est ce qui arrive ; nous l’éprouvons déjà, et une huile de joie fait épanouir nos visages (Ps. cm, 15), tandis que nous nous écrions : « Votre nom est une huile qui se répand (Cantique 2), et votre mémoire passe de génération en génération ! » Et ce n’est pas en pure perte que cette huile se répand, car son onction fait que les jeunes filles, c’est-à-dire nos pauvres petites âmes, aiment l’époux, et l’aiment beaucoup ; de la tête ce baume précieux coule non seulement sur la barbe, mais jusque sur les bords même du vêtement (Ps. CXXXII, 2 et 3).
Considère, ô homme, le dessein de Dieu et reconnais que c’est un dessein de sagesse, un dessein de miséricorde quand il a voulu arroser l’aire de la rosée céleste, il a commencé par la faire tomber toute sur la toison (Juges, VI, 37-40) ; quand il a voulu racheter le genre humain, il a commencé par déposer tout le prix du rachat en Marie. Pourquoi ? Peut-être pour qu’Eve trouvât une excuse dans sa fille, et que fût apaisé désormais le grief de l’homme contre la femme. Ne dis plus, ô Adam : « La femme que vous m’avez donnée m’a présenté du fruit défendu » (Gen., III, 12) ; dis plutôt : la femme que vous m’avez donnée m’a nourri d’un fruit béni. Par cette raison le conseil divin nous apparaît déjà très miséricordieux, mais il s’y cache peut-être un plus profond mystère. Ce que nous avons dit est vrai, mais si je ne m’abuse, ne vous satisfait pas pleinement. C’est la douceur du lait, mais en le pressant davantage nous obtiendrons le beurre plus nourrissant (Prov., XXX, 33). Considérons donc plus à fond ce mystère et voyons avec quelle profonde dévotion Dieu veut nous voir honorer Marie, en qui il a déposé la plénitude de tout bien pour que nous sachions que tout espoir, toute grâce, tout salut débordent sur nous de celle qui monte comblée de délices (Cantique VIII, 5). Elle est le jardin de délices que la brise céleste n’a pas seulement effleuré, mais tellement agité en fondant sur lui, que ses parfums, c’est-à-dire les dons de la grâce, se répandent au loin de tous côtés (Cantique IV, 16). Enlevez ce soleil matériel qui illumine le monde, fera t-il encore jour ? Enlevez Marie, cette étoile de la mer, de l’océan immense, que reste t-il, sinon l’obscurité de toutes parts, l’ombre de la mort, les plus épaisses ténèbres ?
Du plus intime de nous-mêmes, du fond de nos entrailles, de tous nos vœux, vénérons-la, car telle est la volonté de Celui qui a voulu que nous ayons tout par Marie. Oui, c’est ce qu’il a voulu, mais pour nous. En toutes choses et de toute manière, en effet, venant en aide aux malheureux, Marie calme nos appréhensions, stimule notre foi, fortifie notre espérance, écarte de nous le désespoir, relève notre courage.
Vous craigniez de vous approcher du Père, effrayé rien qu’à l’entendre, vous alliez chercher refuge dans le feuillage (Gen., III, 8) ; il vous a donné Jésus pour médiateur. Que n’obtiendrait pas un tel Fils auprès d’un tel Père ? Il sera exaucé par égard pour lui (Hebr., V, 7), car le Père aime le Fils (Jean, III, 35). Mais vous fait-il peur, lui aussi ? Il est votre frère, il est de même chair que vous, il a tout subi, le péché excepté, pour apprendre à devenir miséricordieux (Hebr. IV, 15). C’est Marie qui vous a donné ce frère. Mais peut-être craignez-vous en lui la majesté divine, car bien qu’il se soit fait homme, il reste Dieu cependant. Vous voulez avoir un avocat auprès de lui ? Recourez à Marie. Il n’y a en elle que l’humanité pure, non seulement parce qu’elle est pure de toute souillure, mais encore pure en ce sens qu’il n’y a en elle que la seule nature humaine. Et je n’hésite pas à dire qu’elle sera exaucée, elle aussi, par égard pour elle- même. Le Fils exaucera la Mère, et le Père exaucera le Fils. Mes petits enfants, voici l’échelle des pécheurs, voici ma suprême assurance, voici toute la raison d’être des mon espérance. Quoi donc ? Le Fils peut-il repousser sa Mère ou souffrir qu’elle soit repoussée ? Peut-il ne pas l’entendre ou n’être pas entendu lui-même ? Ni l’un, ni l’autre, évidemment. « Vous avez trouvé grâce auprès de Dieu » (Luc, I, 30), lui dit l’ange. Heureusement ! Désormais elle trouvera toujours grâce, et cela nous suffit. Vierge prudente, ce n’est pas la sagesse, comme Salomon (III Rois, III, 9), ni les richesses, ni les honneurs, ni la puissance, mais la grâce qu’elle cherchait, car c’est la grâce seule qui nous sauve.
Pourquoi cherchons-nous autre chose, mes frères ? Cherchons la grâce, et cherchons-la par Marie, car elle trouve ce qu’elle cherche et ne peut être déçue. Cherchons-la, mais auprès de Dieu, et non pas la grâce trompeuse qu’on trouve auprès des hommes. Que d’autres recherchent le mérite ; pour nous, appliquons-nous à trouver la grâce. N’est-ce pas, en effet, par grâce que nous sommes ici ? C’est bien grâce à la miséricorde du Seigneur que nous n’avons pas été anéantis (Thrènes, mu, 22). Nous, les parjures, les adultères, les homicides, les voleurs, l’ordure de ce monde ! Rentrez en vos consciences, mes frères, et constatez que là où abonde le péché, la grâce a surabondé (Rom., V, 20).
Marie ne met point en avant son mérite, mais elle cherche la grâce. Elle se confie tellement en la grâce et présume si peu d’elle-même, qu’elle est prise de crainte en entendant la salutation de l’ange. « Marie, dit l’Evangile, se demandait ce que pouvait bien signifier cette salutation » (Luc, I, 29). C’est-à-dire qu’elle s’estimait indigne d’être saluée par un ange et pensait : D’où m’est-il donné qu’un ange du Seigneur vienne à moi ! Ne craignez pas, Marie, ne vous étonnez pas qu’un ange vienne à vous, un plus grand que l’ange doit venir. Ne vous étonnez pas de voir l’ange du Seigneur, car le Seigneur de l’ange est avec vous. Enfin pourquoi ne verriez vous pas un ange, puisque vous menez déjà une vie angélique ? Pourquoi un ange ne visiterait-il pas celle qui partage son genre de vie ? Pourquoi ne saluerait-il pas celle qui fait partie de la cité des saints, qui jouit de la familiarité di vine ? La virginité est une vie tout angélique, car ceux qui ne se marient point seront comme les anges de Dieu (Matt., XXII, 30).
Voyez-vous ici une : nouvelle manière dont notre aqueduc monté jusqu’à la source, comment ce n’est plus par sa prière seulement qu’il pénètre dans les cieux, mais par la pureté parfaite qui rapproche de Dieu, comme dit le Sage ? (Sag., VI, 20). Elle était, en effet, la Vierge sainte de corps et d’âme, qui pouvait dire d’une manière toute spéciale « Notre vie est dans les cieux » (Phil., III, 20). Elle était, dis-je, sainte de corps et d’âme, pour que vous ne doutiez pas que notre aqueduc ne soit absolument intact. Si haut qu’il s’élève, il ne présente pas la moindre fissure.
Marie est le jardin fermé, la source scellée (Cantique IV, 12), le temple du Seigneur, le sanctuaire de l’Esprit Saint. Elle n’est pas une vierge folle, elle dont la lampe non seulement ne manque pas d’huile, mais en est toute remplie (Matth. XXV, 1-12). Elle a disposé dans son cœur des degrés (Ps. LXXXIII, 6) qu’elle gravit aussi bien par sa manière de vivre que par sa prière. Enfin elle s’est hâtée vers les montagnes pour saluer Elisabeth, qu’elle a servie pendant trois mois environ (Luc, I, 39-56) ; si bien que la Mère de Jésus pouvait déjà dire à la mère de Jean ce que le Fils de Marie dira beaucoup plus tard au fils d’Elisabeth : « Laissez-moi faire maintenant, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice » (Matth., III, 15). Elle a vraiment gravi les montagnes, elle dont la justice s’élève comme les montagnes de Dieu (Ps. XXXV, 7). La Vierge s’y est élevée par trois degrés, à l’aide d’une triple corde difficile à rompre (Ecclésiastique IV, 12) : la ferveur de la charité dans la recherche de la grâce, la splendeur de la virginité dans sa chair, la grandeur de l’humilité au service de sa cousine. En effet, si tout homme qui s’humilie doit être exalté (Luc, XIV, 11), quoi de plus sublime que son humilité ? Elisabeth S’étonnait déjà qu’elle fût venue, et elle disait : D’où m’est-il donné que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? » Mais elle s’est étonnée plus encore que, à la manière de son Fils, Marie fût venue non pour être servie, mais pour servir (Matth., XX, 28). Aussi est-ce avec raison que le Chantre divin, plein d’admiration, saluait sa venue par ce cantique : Quelle est celle ci qui monte comme l’aurore à son lever, belle comme la lune, pure comme le soleil, mais terrible comme une armée rangée en bataille ? » (Cantique VI, 9). Oui, Marie s’élève au- dessus de tout le genre humain, jusqu’aux anges qu’elle dépasse, et, même au ciel, elle est plus élevée que toute créature. Il est d’ailleurs nécessaire qu’elle aille puiser plus haut que les anges l’eau vive qu’elle répand sur les hommes.
« Comment, dit-elle, cela s’accomplira t-il, puisque je ne connais point d’homme ? » Vraiment sainte de corps et d’âme, elle est vierge et décidée à le rester. Mais l’ange lui répond : « L’Esprit Saint surviendra, en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. » Ne m’interrogez pas, ce que vous me demandez est au-dessus de moi et dépasse ma puissance. « C’est l’Esprit Saint », non un esprit angélique, « qui viendra en vous » ; ce n’est pas moi, mais « la vertu du Très-Haut qui vous couvrira de son ombre » (Luc, I, 34 et 35). Vous ne vous arrêterez pas même parmi les anges, Vierge sainte ; la terre altérée attend que vous l’abreuviez d’une eau dont la source est plus élevée. Quand vous aurez un peu dépassé les anges, vous trouverez le bien-aimé de votre âme (Cantique III, 4). Je dis un peu plus haut, non qu’il ne soit infiniment plus élevé qu’eux, mais parce qu’entre lui et eux vous ne trouverez plus personne. Dépassez donc les vertus et les dominations, les chérubins et les séraphins, jusqu’à ce que vous parveniez à Celui qu’ils acclament en choeur : « Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu des armées (Isaïe, VI, 3). Car l’Etre Saint qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu. Il est la source de la sagesse, le Verbe du Père au plus haut des cieux. Ce Verbe par vous se fera chair, de telle sorte que lui qui disait « Je demeure dans le Père, et le Père demeure en moi » (Jean, XIV, 10), pourra dire aussi : « Je suis sorti et je suis venu de Dieu » (Jean, VIII, 42). « Au commencement était le Verbe » ; la source jaillissait déjà ; mais en Dieu seulement. « Et le Verbe était en Dieu » (Jean, I, 1), habitant cette lumière inaccessible (I Tim., VI, 16). Dès l’origine, le Seigneur disait : « J’ai des pensées de paix et non d’affliction » (Jérémie, XXIX, 11). Mais votre pensée, Seigneur, reste en vous, et nous ignorons ce que vous pensez. Qui donc avait connu la pensée du Seigneur ? Qui était admis dans ses conseils ? (Rom., X 34). Aussi la pensée de paix s’est réalisée sur terre dans une œuvre de paix : « Le Verbe s’est fait chair » (Jean, I, 14), et désormais il habite parmi nous. Il habite par la foi en nos cœurs (Eph., III, 17), il habite dans notre mémoire, il habite dans notre pensée, il est même descendu jusqu’à notre imagination. En effet, l’homme pouvait-il jusque-là avoir une autre idée de Dieu que l’idole qu’il s’était faite dans son cœur ?
Dieu était incompréhensible et inaccessible, invisible et totalement insaisissable à la pensée ; mais il a voulu qu’on pût désormais le comprendre, le voir, penser à lui. Et comment cela ? En se manifestant couché dans la crèche, reposant sur le sein virginal de sa Mère, prêchant sur la montagne, passant la nuit en prière, suspendu à la croix, dans les pâleurs de la mort, libre entre les morts, descendant aux enfers, ressuscitant le troisième jour, montrant à ses apôtres, en signe de victoire, la trace des clous, enfin montant aux cieux devant eux. Est-il un de ces faits qui ne puisse être l’objet de véridiques, de pieuses, de saintes réflexions ? Chaque fois que je médite sur l’un d’eux, c’est à Dieu que je pense, car dans tous ces faits il est mon Dieu. J’ai dit que méditer ces faits était sagesse, et j’ai estimé qu’il était de la prudence de se rappeler la douceur qu’ils renferment, tels les noyaux des amandes que produisit en abondance la verge sacerdotale (Nom., XVII, 8), cette douceur que Marie a puisée au plus haut des cieux, pour la répandre abondamment sur nous. C’est bien au plus haut des cieux, plus haut que les anges, qu’elle reçut le Verbe du cœur même du Père, ainsi qu’il est écrit : « Le jour profère au jour la parole » (Ps. XVIII, 3). Le jour est le Père, puisque le jour qui sort du jour est le salut de Dieu (Ps. XCV, 2). Mais Marie n’est-elle pas aussi le jour ? Oui, et un jour splendide. Jour rutilant de lumière que celle qui s’avance comme l’aurore à son lever, belle comme la lune, pure comme le soleil (Cantique VI, 9).
Considérez donc comment, égale aux anges par la plénitude de la grâce, elle s’est élevée au-dessus d’eux quand sur vint en elle l’Esprit Saint. Vous trouvez dans les anges la charité, la pureté, l’humilité ; est-il une de ces vertus qui ne brille en Marie ? Je vous en ai déjà parlé du mieux que j’ai pu, je montrerai maintenant ce qui la met au-dessus de tous les anges. Quel est, en effet, celui d’entre eux à qui il ait jamais été dit : « L’Esprit Saint viendra en vous et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; c’est pour quoi l’Etre Saint qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu » ? D’ailleurs, c’est de la terre et non des anges que la Vérité est sortie (Ps. LXXXIV, 12), ce n’est pas la nature angélique, mais la race d’Abraham qu’elle a faite sienne. La grandeur de l’ange, c’est d’être le serviteur du Seigneur, la part de Marie est plus sublime, elle a mérité d’être sa Mère. La gloire suréminente de la Vierge consiste donc en sa fécondité ; son rôle unique la met d’autant plus haut au-dessus des anges qu’elle a obtenu un nom qui la distingue de tous les serviteurs (Hebr., I, 4), celui de Mère. Elle qui était déjà pleine de grâce a trouvé par sa charité fervente, son intégrité virginale, sa dévote humilité, cette grâce de concevoir sans connaître l’homme et de devenir mère sans souffrir des douleurs de la femme qui enfante. C’est encore peu. Celui qui est né d’elle est le Saint, le Fils de Dieu.
Après cela, mes frères, nous devons bien veiller à ce que la Parole sortie de la bouche du Père et venue jusqu’à nous par l’intermédiaire de la Vierge ne s’en retourne pas vide, mais à ce que nous lui rendions par cette même Vierge grâce pour grâce. Ramenons sans cesse à notre esprit le souvenir du Père, aussi longtemps que nous en serons réduits à soupirer après sa présence ; faisons remonter à leur source les flots de la grâce, afin qu’ils en reviennent plus abondants.
Quelle que soit l’offrande que vous présentez à Dieu, souvenez-vous de la confier à Marie, pour que vos actions de grâces remontent à l’auteur de la grâce par le même canal qui vous l’a apportée. Sans doute Dieu pouvait à son gré vous infuser la grâce sans passer par cet aqueduc, mais il a voulu vous ménager ce moyen de la faire descendre jusqu’à vous. Peut-être avez-vous les mains couvertes de sang ou souillées par des présents que vous n’avez pas complètement secoués, aussi ayez bien soin de présenter à Dieu le peu que vous avez à lui offrir par les mains très agréables et très dignes de Marie, si vous ne voulez pas essuyer un refus. Elles sont, en effet, des lis éclatants de blancheur, et celui qui aime les lis ne pourra pas se plaindre de ne pas découvrir parmi les lis tout ce qu’il trouvera dans les mains de Marie.
Ainsi soit-il.
« LA THÉORIE DU GENRE ET L’ORIGINE DE L’HOMOSEXUALITÉ », PAR MGR ANATRELLA
6 juin, 2012http://www.zenit.org/article-31042?l=french
« LA THÉORIE DU GENRE ET L’ORIGINE DE L’HOMOSEXUALITÉ », PAR MGR ANATRELLA
Milan 2012 et le « mariage » homosexuel
Propos recueillis par Anita Bourdin
ROME, mardi 5 juin 2012 (ZENIT.org) – Mgr Tony Anatrella, psychanalyste et spécialiste en psychiatrie sociale, consulte et enseigne à Paris et il est, entre autres, consulteur du Conseil pontifical pour la Famille et du Conseil pontifical pour la Santé. Il a présenté son dernier livre paru en italien sous le titre : « La teoria del « gender » e l’origine dell’omosessualità » (« La théorie du genre et l’origine de l’homosexualité »), aux éditions San Paolo, au Centre Culturel de Milan le lundi 28 avril 2012, à la veille des 7èmes Rencontres Mondiales des Familles, devant un public constitué de nombreuses personnes parmi lesquelles des universitaires, des psychiatres et divers spécialistes de sciences humaines. Le Dr Marco Invernizzi et le Dr Roberto Marchesini ont su dégager les thèmes et les enjeux de ce livre. Mgr Jean-Marie Mupendawatu, Secrétaire du Conseil pontifical pour la Santé, a adressé un message aux participants de cette conférence montrant que le titre de l’ouvrage indiquait les problèmes anthropologiques soulevés par cette théorie et la valorisation actuelle de l’homosexualité.
Mgr Tony Anatrella a bien voulu présenter son livre au lecteurs de Zenit.
Zenit – Les 7èmes Rencontres Mondiales des Familles viennent de s’achever quelles conclusions pouvez-vous en tirer? On a eu l’impression que les Français n’étaient pas aussi nombreux que la proximité pouvait le laisser espérer, et que la presse a peu parlé de l’événement ?
Mgr Tony Anatrella – Ces journées ont été un beau succès et elles ont suscité un grand intérêt et la joie de se retrouver en Église. Le congrès de théologie pastorale a rassemblé 7.000 personnes autour du thème du travail et de la fête, ce qui a permis de prendre de la distance pour mieux comprendre la dynamique et les nécessités familiales. Je sais que certains ont regretté que les problématiques actuelles n’aient pas été suffisamment prises en compte au sujet des séparations, des divorces, de la préparation au mariage, des situations de « fait », de la militance en faveur du mariage homosexuel et l’approche anthropologique de la famille là où l’on a tendance à en rester à des constats sociologiques. La sociologie est intéressante pour observer des comportements et des pratiques, mais elle est insuffisante pour énoncer ce qui fonde le sens de la famille. C’est particulièrement important dans un contexte d’émiettement de la vie affective et de la famille. On ne peut pas baser la pastorale familiale sur un simple empilement d’observations sociologiques mais sur le sens de la famille que l’on veut promouvoir et qui prend en compte les besoins de la personne et le sens du bien commun. Lors de la messe de clôture qui a rassemblé plus d’un million de participants, le Pape a su redire les fondements anthropologiques du mariage et de la famille. De quoi argumenter les réflexions actuelles qui peuvent aussi s’inspirer de Familiaris consortio dont nous fêtons le 30ème anniversaire. Il a également insisté sur l’accueil des divorcés-remariés et sur l’esprit de créativité à développer là où des personnes ne peuvent pas avoir accès aux sacrements. Il peut y avoir d’autres façons de s’unir au Christ eucharistique, ce qui implique un approfondissement de la foi et du sens du sacrement de mariage.
Les familles avec leurs enfants, accompagnées par de nombreux évêques et prêtres, sont venues des quatre coins du monde. Elles ont ainsi exprimé l’universalité de l’Église autour du Saint-Père. Elles lui ont manifesté de l’affection et un grand soutien au moment où le Pape est éprouvé par la trahison de l’un des siens. C’est souvent ainsi dans la vie ! Certains journalistes développent des commentaires fantaisistes et se complaisent dans la surinterprétation plutôt que de s’en tenir aux faits. Au lieu de parler de l’événement exemplaire de Milan et de ce qui se vivait, de nombreux articles ou de reportages radios et télévisés préféraient amplifier le vol de documents dans le bureau de Benoît XVI et épiloguaient sur l’idée d’un complot. C’est extraordinaire de voir comment on réécrit l’histoire quand on ne sait rien. Les dépêches de certaines agences étaient également pernicieuses en opposant au discours du Saint-Père sur le mariage et la famille, un discours militant en faveur du mariage homosexuel. La palme revient sans doute au chroniqueur religieux d’une grande radio périphérique qui, en direct de Milan, a sous-entendu à l’antenne le dimanche 3 juin au matin que les documents volés avaient été mis exprès dans l’appartement du majordome…
Enfin, il est vrai que les Français n’étaient pas aussi nombreux à Milan que pour les JMJ. Comment expliquer ce phénomène alors que ce type de rassemblement se prépare au moins sur deux ans à l’avance et que leur petit nombre n’est pas lié à des circonstances passagères ? La politique familiale et la pastorale de la famille reposent davantage en France sur des mouvements familiaux comme les AFC et ceux, entre autres, de la Communauté de l’Emmanuel, que sur les paroisses. Ce sont donc les mouvements qui ont su mobiliser les familles. Cela doit inciter les paroisses à investir davantage dans la pastorale de la famille, même si certaines le font déjà, car elle représente un enjeu d’avenir. La Nouvelle évangélisation doit se faire, entre autres, à partir de la famille et du suivi des personnes ainsi engagées et d’autres qui peuvent se trouver dans diverses situations. Il y a là un tissu humain à développer et à enrichir socialement et spirituellement.
Vous avez déjà publié de nombreux ouvrages sur la question du gender et de l’homosexualité (pour mémoire rappelons : La différence interdite, Flammarion. Époux, heureux époux, Flammarion. Le règne de Narcisse, Presses de la renaissance et qui vient d’être à nouveau édité en audio-livre aux éditions Saint-Léger-Productions. La tentation de Capoue, Cujas. Et plus récemment Le gender aux éditions Téqui, mais aussi aux éditions italiennes ESD) : quelle est la nouveauté de ce livre en italien?
Ce livre est inédit et il est pour l’instant uniquement publié en italien. Je fais une analyse de la théorie du gender à partir des concepts de l’encyclique de Benoît XVI, Caritas in Veritate, qui permettent de souligner le caractère irréaliste et idéaliste de cette idéologie. Elle prétend que la personne humaine est un être uniquement construit culturellement et en particulier ce qui concerne le corps sexué, l’identité sexuelle et les relations sociales. C’est le rôle que la société assignerait à chaque personne, dite homme ou femme, qui ferait l’identité sexuelle de chacun et en même temps il revient à chacun de s’assumer en fonction d’une orientation sexuelle à partir de laquelle il souhaite vivre. Le corps sexué n’est pas reconnu pour lui-même comme un « fait » à partir duquel le sujet se développe mais comme un artifice défini par la société. Enfin la sexualité humaine ne serait plus définie à partir de l’identité de l’homme ou de la femme, mais à partir des orientations sexuelle comme par exemple l’homosexualité.
Autrement dit, dans le cadre de cours d’éducation sexuelle qui sont donnés à partir de cette théorie, on laisse entendre à des enfants et à des adolescents qu’ils croient être filles ou garçons alors que ce n’est pas certain. Tout dépend de l’orientation sexuelle qui apparaîtra en eux et à partir de laquelle ils auront à se définir. Cette vision est complétement déconnectée du réel et entraîne une division entre le corps réel, qui lui est sexué au masculin ou au féminin (nous ne sommes que mâles ou femelles et pas autre chose), tout en étant nié, au bénéfice d’un corps imaginé en dehors de sa condition sexuée avec tout ce qui en découle. Pour la théorie du gender, le corps s’arrête à la hauteur de la tête alors que le reste n’existe pas ou du moins il n’existe qu’en fonction des aléas des images corporelles que le sujet peut avoir selon le mouvement de ses affects et de ses représentations internes qui, elles, sont plus ou moins conflictuelles avec la réalité. C’est donc à partir des hésitations, bien connues, à l’égard du corps que l’enfant ou l’adolescent peuvent éprouver, que les théoriciens du gender en font une idéologie holistique allant jusqu’à remettre en question la réalité du corps sexué. Chacun est invité, ainsi que toute la société, à se redéfinir à partir d’un corps imaginaire, proche d’une vision psychotique, avec toutes les conséquences anthropologiques et sociales que ce système peut engendrer lorsque l’on tente de violer la réalité en nommant des choses qui n’existent pas.
Caritas in Veritate propose des réponses appropriées en soulignant que chaque époque secrète des idéologies qui s’éloignent des intérêts de l’homme et du bien commun. Le marxisme à travers le communisme et le socialisme, nous promettait un homme nouveau avec l’idée dépressive de « changer la vie » au lieu de l’assumer. Le nazisme en appelait à une race supérieure. Nous savons combien ces fausses idées ont été meurtrières à bien des égards. Et maintenant la théorie du gender veut nous libérer de la condition de notre corps sexué et de la différence sexuelle. Elles inspirent les institutions onusiennes, le Parlement européen, la Commission de Bruxelles et les lois des différents pays membres à travers la notion de parité, d’égalitarisme et d’orientations sexuelles appliquées de façon uniquement instrumentale et sans aucun discernement objectif. Elle est enseignée dans les écoles et inspire les programmes d’éducation sexuelle. Les organismes spécialisés de l’ONU à Genève ont voulu, en mars dernier, imposer aux pays membres la condamnation de toutes discriminations à l’égard du mariage en faveur des personnes de même sexe. L’opération s’est répétée dans la cadre de la Commission européenne auprès des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, elle a été rejetée. Des lois se préparent un peu partout dans le monde pour réprimer ce que l’on appelle « l’homophobie » sans savoir ce que l’on met sous ce terme au-delà du nécessaire respect de chacun. C’est une machine de guerre qui se met en place pour pénaliser tous les propos qui ne seraient pas en faveur de l’homosexualité : on crée ainsi un délit de penser.
Dans son encyclique le Pape Benoît XVI montre bien le rôle pervers du législateur lorsqu’il modifie les lois civiles dans l’idée de changer l’homme alors que son but est d’organiser la vie en société. Il précise en montrant que le concept de « progrès » conduit à une impasse surtout lorsque l’on insiste sur l’idée d’un homme construit culturellement et façonné par des lois civiles comme dans les pays totalitaires. Il préfère retenir la notion de « développement » qui est davantage pertinente pour comprendre que la réalité est un fait, un donné et une condition à partir de laquelle se développe chacun.
Dans votre livre vous consacrez également un long chapitre à l’origine de l’homosexualité. Pourriez-vous en préciser les thèmes ?
L’homosexualité est un des effets de la théorie du gender qui tente de définir la sexualité non pas à partir des deux seules identités sexuelles qui existent (l’homme et la femme), mais en fonction des orientations sexuelles, qui elles sont nombreuses et variées et relèvent du conflit plus ou moins remanié avec les pulsions partielles et les identifications primaires.
Lorsque l’on parle de l’homosexualité, il convient de distinguer l’aspect individuel de l’aspect social, notamment en ce qui concerne le mariage entre personnes de même sexe et l’adoption des enfants.
Sur le plan individuel, l’homosexualité a toujours existé et existera sans doute toujours plus ou moins. La plupart des études sérieuses indiquent qu’il n’y a pas d’origine génétique ou neurophysiologique à cette tendance particulière. Il est assez étonnant de constater que l’on nie la nature humaine avec des caractéristiques particulières à l’homme et à la femme et en même temps on voudrait affirmer qu’il existe une nature homosexuelle fondée sur du génétique ou du biologique comme pour montrer le caractère normal de cette inclination. Si la sexualité humaine est relativement conditionnée par des déterminants biologiques, elle dépend aussi et surtout de la représentation que chacun se fait de ses désirs. La vie pulsionnelle s’élabore dans un système de représentations liées aux diverses expériences que l’enfant et l’adolescent font de leur corps. Les premières identifications sont multiples et souvent en direction des personnes de même sexe pour conforter l’identité du garçon et de la fille. Et c’est lorsque des conflits internes se présentent et ne sont pas résolus que des orientations particulières peuvent apparaître en contradiction avec l’identité du sujet. Ce qui veut dire que l’homosexualité n’est pas une alternative à l’altérité sexuelle qui se noue uniquement entre un homme et une femme. Elle est davantage l’expression d’une fixation primitive au même et au semblable que soi, et relève d’une difficulté à intérioriser l’autre sexe.
Il y a différentes formes d’homosexualité : certaines peuvent évoluer et s’acheminer naturellement vers l’attrait de l’autre sexe pendant que d’autres sont moins mobiles. Le drame est que le contexte actuel ne favorise pas une interrogation sur soi à ce sujet afin de savoir à quoi correspond cette tendance. Or, de nombreuses personnes viennent souvent consulter dans l’espoir de modifier cette orientation et certains arrivent à la remanier. Mais il y a une sorte de tabou et d’interdit à penser que l’on pourrait changer une orientation homosexuelle alors que pourtant des personnes y parviennent. On admet facilement que quelqu’un qui est hétérosexuel puisse devenir homosexuel alors que l’inverse serait impossible.
Bien entendu, il ne s’agit pas d’utiliser des démarches et des pratiques d’autosuggestion mais de laisser la liberté de parole au sujet qui va chercher à prendre conscience de ce qui l’a conduit à s’organiser psychologiquement de cette façon et à décider ce qu’il peut vivre et assumer.
Il est vrai que l’influence sociale d’une société narcissique incline à se penser de façon confuse en matière sexuelle. Des adolescents et des jeunes consultent car après quelques échecs amoureux, ils s’imaginent qu’ils sont peut-être homosexuels et vivent même des expériences afin de savoir ce qu’ils sont. Ce qui montre combien les sujets actuels ont du mal à occuper leur intériorité et à savoir identifier leurs désirs ; tout devrait se jouer dans l’agir.
La question homosexuelle est insuffisamment travaillée afin de comprendre de quel fonctionnement psychique elle relève. Il y a également une sorte de paresse intellectuelle qui consiste à attribuer à la relation entre deux personnes de même sexe les mêmes caractéristiques qui sont celles, et de façon exclusive, propres au couple formé par un homme et une femme.
Dans ces conditions, pourquoi cette volonté de « marier » des personnes de même sexe ?
Nous passons ici sur le versant social de la question homosexuelle avec plusieurs réponses que j’ai déjà eu l’occasion de développer dans mes ouvrages et articles.
- Il y a derrière cette revendication une volonté d’être reconnu par la société et d’admettre l’homosexualité comme une autre forme de sexualité parmi d’autres. La question est de savoir si elle peut être considérée socialement comme une forme de sexualité comme une autre et de s’interroger aussi sur le fait suivant : à partir de quel type de sexualité la société s’organise ? L’homosexualité ne représente aucune nécessité sociale, c’est pourquoi toutes les sociétés se sont toujours organisées autour du mariage entre l’homme et la femme puisqu’ils sont les seuls à former un couple et à signifier l’altérité sexuelle dont le lien social a besoin.
- Il faut également considérer que le divorce a entraîné une dévalorisation du sens du mariage comme alliance entre un homme et une femme, du fait de l’affaiblissement de ses obligations et du laxisme de la loi et des juges qui ne les respectent plus. Sans doute parce que cet état de vie n’a pas été suffisamment préparé, la maturité restait encore fragile pour avoir le sens d’un engagement et que le projet de vie était à peine ébauché. De là est née une mentalité individualiste à partir de laquelle de nombreuses personnes ont eu du mal à accéder à la dimension sociale de la vie affective à travers le mariage et de sa responsabilité objective à l’égard de l’autre et des enfants. Le couple sentimental (en dehors de toute dimension sociale) s’est imposé au détriment du couple fondé sur une alliance (mariage). Il suffit ainsi d’éprouver de forts sentiments pour partager une vie commune sans avoir à l’inscrire dans le conjugal et le familial. D’où des formes d’unions de « fait » qui créent des confusions et ne favorisent pas le lien social. Le concubinage, les foyers monoparentaux et les couples dissociés, et pas davantage les duos entre personnes de même sexe, ne peuvent en aucun cas représenter des modèles cohérents d’avenir. Ils sont contextuels et, en eux-mêmes, ils ne sont pas structurants. Il suffit de constater que les foyers monoparentaux et les couples divorcés s’appauvrissent à bien des égards et notamment sur le plan économique pour réaliser qu’ils ne peuvent pas servir de référence. C’est bien souvent ce que disent des adultes issus de ces situations alors qu’ils étaient enfants, sans avoir à condamner ou à rejeter leurs parents. Mais ils savent qu’ils veulent vivre autrement dans l’intérêt de leur couple et de leurs enfants, et découvrent le sens du mariage et de la fidélité.
- Aujourd’hui,le mariage apparaît davantage comme la reconnaissance sociale des sentiments que comme l’expression de l’engagement irrévocable entre un homme et une femme et détaché de la procréation et donc de la filiation. Dans ces conditions purement sentimentales n’importe qui peut se marier avec n’importe qui, et n’importe qui peut se désigner père ou mère d’un enfant en dissociant la parenté (on a tort de parler de parentalité) de la fertilité et de l’acte sexuel. En manipulant le langage, il est possible de dire une chose et son contraire et de chercher à nommer l’impensable et ce qui n’existe pas en réalité. La nature du mariage ne se réduit donc pas à être la reconnaissance sociale des sentiments. Il est une institution dans laquelle un homme et une femme inscrivent leur conjugalité et la génération dans une continuité familiale et intergénérationnelle. Deux personnes de même sexe ne sont pas situées pour être capables d’assumer ces caractéristiques objectives du mariage. La filiation et l’intergénérationnel s’arrêtent à leur monosexualité.
-L’égalité des droits et la lutte contre les discriminations sont d’autres arguments utilisés pour justifier le mariage entre personnes de même sexe.
Si nous sommes tous égaux devant la loi, cela ne veut pas dire que toutes les situations de vie sont égales et ont la même valeur. Il y a ici un détournement du sens de l’égalité et des droits qui laisse entendre que toutes les associations affectives seraient de même nature et pourraient s’inscrire dans le mariage. Le mariage relève d’un droit uniquement réservé aux hommes et aux femmes puisqu’il correspond à l’alliance des sexes, mais il est actuellement instrumentalisé à des fins politiques comme pour normaliser l’homosexualité.
Les responsables politiques qui légifèrent ainsi sur toutes les failles et les points aveugles de la société, contribuent surtout à fragiliser le cadre porteur et à participer à la déstructuration des citoyens à commencer par les plus jeunes. Nous en payerons le coût humain et social sur les générations à venir dans trente à quarante ans.
Il n’y a rien de discriminatoire et c’est faire œuvre de raison que de soutenir que le mariage comme la conception et l’adoption des enfants ne se définissent uniquement qu’à partir d’un homme et d’une femme. En ce sens, l’enfant n’est pas un droit, alors que son droit et son intérêt supérieur sont d’être conçu et éduqué entre un homme et une femme, un père et une mère, qui vivent dans cette cohérence leur sexualité. L’adoption des enfants dans un univers monosexué est souvent présentée en termes purement affectifs plutôt que structurels : de quoi a besoin un enfant ?
- Ce détournement de sens du mariage s’est amplifié avec la création du Pacs, comme je l’avais dit à l’époque, en participant à la déstructuration du mariage jusqu’à favoriser son inutilité, voire sa disparition. Le mariage, qui est une institution, devient de plus en plus un contrat (comme un contrat de biens) qui va d’union en désunion au point de créer les conditions psychologiques d’une société d’instables affectifs, de polygames à travers le multipaternariat, de relations précaires et de confusions sexuelles.
En ce sens, le Pacs qui est plus facile à manier juridiquement, risque de se substituer au mariage en baisse constante, en devenant le signe de l’inconstance affective de l’époque contemporaine. Les pouvoirs publics prennent une grave responsabilité en dérégulant un système symbolique qui a mis des siècles à s’élaborer et à s’affiner au bénéfice de l’alliance entre l’homme et la femme. Le Pacs et le mariage entre personnes de même sexe va rendre inutile le mariage étant donné que divers contrats d’association se mettent en place. Dans ces conditions, il y a une forme d’injustice et de discrimination à obliger le mariage civil avant de se marier religieusement. Je l’avais évoqué dans mon livre « La différence interdite », qui est toujours d’actualité au moment où certains se demandent pourquoi on les oblige à se marier devant cette confusion légale.
- Le mariage entre personnes de même sexe représente une véritable incohérence qui porte atteinte à l’altérité sexuelle dont la société a besoin. Le signal qui est ainsi envoyé à la société laisse entendre que celle-ci valorise la recherche du même et du semblable et qu’elle le reconnaît dans la loi au détriment du sens de l’autre. A-t-on mesuré toutes les conséquences collatérales d’une telle vision restrictive des relations individuelles et du lien social ? Il suffit de réfléchir pour savoir comment nommer ce système dans lequel on voudrait nous enfermer.
Enfin il est assez étonnant de constater, au moment où l’implosion financière menace la planète, où la famille fondée par un homme et une femme a besoin d’être soutenue tout en accompagnant des situations particulières comme celles des foyers monoparentaux, alors que l’école, les programme scolaires et la transmission posent de grave problèmes et que nous allons vers un relatif effondrement de l’emploi, que pendant ce temps-là, les responsables politiques légifèrent sur des problèmes de mœurs manifestant ainsi leur impuissance à traiter l’essentiel. C’est de cela dont témoignent également les campagnes législatives dans de nombreux pays : les questions de fond ne sont pas abordées et les projets des candidats ne sont pas révélés dans l’espoir de remporter les suffrages. Il est assez inquiétant d’observer que la plupart des politiques ne cherchent pas à évaluer les conséquences quand, sous la pression des lobbies, ils imaginent marier les personnes de même sexe. Il n’y a pas un droit au mariage en dehors de certaines nécessités, encore faut-il être en condition pour se marier.
On l’aura compris, il est injuste de parler des « familles » en laissant entendre qu’il y aurait plusieurs modèles possibles alors qu’il s’agit de conditions singulières à partir desquelles la famille ne saurait se définir. Il est tout aussi inadéquat de parler de la « famille traditionnelle » en l’accolant à de soi-disant nouveaux modèles (concubinage, foyers monoparentaux, homoparentalité) alors qu’ils représentent une segmentation du sens de la famille à laquelle il deviendra de plus en plus difficile de s’identifier. Il convient surtout de parler de la famille à partir de l’identité qu’elle revêt. L’identité de la famille n’est pas dans ce qu’on en fait, mais dans ce qu’elle est intrinsèquement. Sinon on confond les aléas de l’existence, les affects et les situations singulières avec ce qui définit la famille.
C’est dans ce sens que le Pape Benoît XVI a parlé à Milan aux 7èmes Rencontres Mondiales des Familles en disant : « La famille doit être redécouverte en tant que patrimoine principal de l’humanité, signe d’une culture vraie et stable au profit de l’homme … L’État est appelé à reconnaître l’identité propre de la famille, fondée sur le mariage et ouverte à la vie, et le droit primordial des parents à la libre éducation des enfants, selon le projet éducatif qu’ils jugent valide et pertinent ».