Archive pour mai, 2012

JEAN-PAUL Ier, AUDIENCE GÉNÉRALE 1978 – AUJOURD’HUI J’ACCOMPLIS 70 ANS, CECI DES LÉGÈRES AVEC VOUS

5 mai, 2012

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_i/audiences/documents/hf_jp-i_aud_27091978_fr.html  

AUJOURD’HUI J’ACCOMPLIS 70 ANS, AI CHERCHÉ QUELQUE CHOSE DE SPÉCIAL, DE JOLI, DE SIMPLE EN TANT QUE DES LÉGÈRES AVEC VOUS, DU PAPE JEAN-PAUL IER
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JEAN-PAUL Ier

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 27 septembre 1978

« Mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur, par-dessus toute chose. Vous, Bien infini, notre bonheur éternel et, par amour pour Vous, j’aime mon prochain comme moi-même et je pardonne les offenses reçues, ô Seigneur, que je vous aime toujours plus ! ».

C’est une prière très connue, entrelacée de phrases bibliques. C’est ma maman qui me l’a apprise. Encore maintenant, je la récite plusieurs fois par jour, et je vais tenter de vous l’expliquer, mot par mot, comme le ferait un catéchiste de paroisse. Nous en sommes à la troisième « lampe de sanctification » du Pape Jean XXIII : la charité. J’aime. A la Faculté de philosophie, le professeur me disait : Tu connais le campanile de St-Marc ? Oui ? Cela signifie qu’il a, de quelque manière, pénétré dans ton esprit : physiquement il est resté où il était, mais dans ton for intérieur il a imprimé comme son image intellectuelle. Toi, d’autre part, tu aimes le Campanile de Saint-Marc ? Cela signifie que, de l’intérieur, cette image te pousse, t’incline, pour ainsi dire te porte, te fait aller avec l’esprit vers le campanile qui est à l’extérieur. En somme, aimer signifie voyager, courir avec le cœur vers l’objet aimé. « L’Imitation de Jésus-Christ nous dit : qui aime « currit, volat, laetatur », court, vole, jubile (I.III, c. V, n. 4). Aimer Dieu, c’est donc voyager vers Dieu, avec le cœur. Un voyage merveilleux. Enfant, je m’extasiais devant les voyages décrits par Jules Verne (Vingt mille lieux sous les mers ; De la terre à la lune ; Le tour du monde en quatre-vingts jours, etc). Mais les voyages de l’amour envers Dieu sont infiniment plus intéressants. On les lit dans la vie des Saints. Par exemple, Saint Vincent de Paul, dont nous célébrons la fête aujourd’hui, est un géant de la charité : il a aimé Dieu mieux encore qu’un père et une mère. Il a été lui-même un père pour les prisonniers, les malades, les orphelins et les pauvres. Saint Pierre Claver, se consacrant tout à Dieu, signait comme suit : Pierre, esclave des nègres pour toujours. Le Voyage comporte également des sacrifices, mais ceci ne doit pas nous arrêter. Jésus est en croix : tu veux l’embrasser ? tu ne peux faire moins que de te pencher sur la croix et te laisser piquer par quelqu’épine de la couronne qui se trouve sur la tête du Seigneur (cf. St François de Sales, Œuvres, Annecy T. XXI, p. 153). Tu ne peux pas faire piètre figure comme le bon Saint Pierre qui savait bien crier « Vive Jésus » sur le Mont Thabor, là où régnait la joie, mais qui ne s’est même pas laissé voir aux côtés de Jésus, sur le Mont-Calvaire, où il y avait le risque et la douleur (cf. Fr. de Sales, Œuvres, T. XV, p. 140). L’amour pour Dieu est également un voyage mystérieux c’est-à-dire que je ne me mets pas en route, si Dieu ne prend pas d’abord l’initiative. « Nul ne peut venir à moi — a dit Jésus — si le Père ne l’attire (Jn 6, 44). Saint Augustin se demandait : mais alors, la liberté humaine ? c’est que Dieu, qui a voulu et édifié cette liberté, sait, Lui, comment la respecter, tout en amenant les cœurs au point qu’il a envisagé : parum est voluntate, etiam voluptate traheris ; Dieu ne t’attire pas seulement de la manière que tu voudrais, mais même de manière que tu savoures d’être attiré (Augustinus, In Jo. Evang. Tr., 26, 4). De tout mon cœur je souligne ici le terme « tout ». Dans la politique le totalitarisme est déplorable. Mais dans la religion, par contre, notre totalitarisme à l’égard de Dieu va très bien. Il est écrit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur , de toute ton âme, de toutes tes forces. Ces préceptes qu’aujourd’hui je te donne, tiens les fermes dans ton cœur ; tu les répéteras à tes fils ; tu en parleras quand tu seras assis chez toi, quand tu iras par les chemins, quand tu te coucheras et quand tu te tèveras. Tu les attacheras comme un signe sur ta main et ils serviront de fronteau entre tes yeux ; tu les inscriras sur le seuil de ta maison et sur les portes » (Deut 6, 5-9). Ce « tout » répété et soumis à la pratique avec tant d’insistance est vraiment l’étendard du christianisme maximum. Et c’est juste : Dieu est trop grand, il mérite trop de nous pour que nous puissions lui jeter, comme à un pauvre Lazzare quelques miettes de notre temps et de notre cœur. Dieu est un bien infini et il sera notre félicité éternelle : l’argent, les plaisirs, les succès de ce monde, comparés à Lui, sont à peine, des fragments de bien, de fugages moments de bonheur. Il ne serait pas sage de donner beaucoup de nous à ces choses et peu de nous à Jésus. Par-dessus toute chose. On en vient maintenant à une confrontation directe entre Dieu et l’homme, entre Dieu et le monde. Il ne serait pas juste de dire : « Ou Dieu ou l’homme ». On doit aimer et Dieu, et l’homme, ce dernier, toutefois, jamais plus que Dieu ou contre Dieu ou autant que Dieu. En d’autres mots : si l’amour de Dieu doit prévaloir, il n’est pas cependant, exclusif. La Bible déclare au sujet de Jacob qu’il est un saint (Dn 3) et qu’il est aimé de Dieu (Ma 1, 2; Rm 9, 13), elle le montre engagé dans sept années de labeur pour conquérir Rachel, pour en faire son épouse ; « et elles lui semblèrent seulement quelques journées, ces années, si grand était son amour pour elle » (Gn 29, 20). François de Sales nous offre quelque commentaire à cet égard : « Jacob, écrit-il, aimait Rachel de toutes ses forces, et de toutes ses forces, il aimait Dieu ; mais, pour autant, il n’aimait pas Rachel comme il aimait Dieu, ni Dieu comme il aimait Rachel. Il aimait Dieu comme son Dieu, pardessus toute chose et plus que lui-même ; il aimait Rachel comme son épouse, par-dessus toutes les autres femmes et comme lui-même. Il aimait Dieu d’un amour absolument et souverainement suprême et Rachel d’un amour marital suprême ; de ces amours, il n’en est pas un qui soit contraire à l’autre parce que celui pour Rachel ne viole pas la suprématie de l’amour pour Dieu » (Œuvr T. V, p. 175). Et par amour pour Vous, j’aime mon prochain. Nous sommes en présence ici de deux amours qui sont des « frères jumeaux » et inséparables. Certaines personnes, il est facile de les aimer ; pour d’autres, c’est difficile ; elles nous sont peu sympathiques, elles nous ont offensés, ou fait du mal ; ce n’est que si j’aime Dieu vraiment, sérieusement, que je parviendrai à les aimer en tant que fils de Dieu, et parce que Celui-ci me le demande. Jésus a également établi la manière d’aimer le prochain : pas seulement avec sentiment, mais avec les faits. Voici comment, a-t-il dit : Je vous demanderai : J’avais faim dans la personne de mes frères les plus humbles, m’avez-vous donné à manger ? M’avez-vous rendu visite, quand j’étais malade ? (cf. Mt 25, 34 et sv.).
Le catéchisme traduit ces paroles de la Bible et d’autres dans la double liste des sept œuvres de miséricorde et des sept œuvres spirituelles. La liste n’est pas complète, et elle a besoin d’être remise à jour. Par exemple, pour les affamés, il n’est plus seulement question aujourd’hui de tel ou tel individu ; il s’agit de peuples entiers.
Nous nous souvenons tous des nobles déclarations du Pape Paul VI : « Les peuples de la faim interpellent aujourd’hui, de manière dramatique, les peuples de l’opulence. L’Eglise tressaille devant ce cri d’angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à son propre frère (Populorum Progressio, n. 3). A ce point-là, à la charité vient s’ajouter la justice, car — disait encore Paul VI — « la propriété privée ne constitue pas un droit inconditionnel et absolu pour quiconque. Personne n’est autorisé à réserver à son usage exclusif ce qui dépasse ses besoins, alors que d’autres manquent du nécessaire » (Populorum Progressio, n. 22). Par conséquent, « toute course exténuante aux armements, devient un intolérable scandale » (Populorum Progressio, n. 53).
A la lumière de ces vigoureuses expressions, on voit combien nous sommes, individus et peuples, encore bien loin d’aimer autrui « comme nous mêmes », ce qui est le commandement de Jésus.
Un autre commandement : « Je pardonne les offenses que j’ai reçues ». Il semble presque que le Seigneur donne la préséance au pardon sur le culte : « Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si tu te souviens d’un grief que ton frère a contre toi, laisse-là ton offrande devant l’autel, et vas d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et présente ton offrande » (Mt 5, 23).
Les dernières paroles de la prière sont : Seigneur, que je vous aime de plus en plus. Il s’agit ici également de l’obéissance à un commandement de Dieu qui, dans notre cœur, a mis la soif du progrès. Des palafittes, des cavernes et des premières cabanes, nous sommes passés aux maisons, aux palais, aux gratte-ciel ; des voyages à pied, à dos de mulet, ou de chameaux, aux carosses, aux trains, aux avions. Et l’on désire progresser encore, avoir des moyens toujours plus rapides, rejoindre des objectifs toujours plus éloignés. Mais — nous l’avons vu — aimer Dieu, cela aussi est un voyage : Dieu veut qu’il soit toujours plus intense, plus parfait. Il a dit à tous les siens : « Vous êtes la lumière du monde, le sel de la terre » (Mt 5, 8) ; « soyez parfaits comme est parfait votre Père céleste » (Mt 5, 48).

Cela signifie aimer Dieu, non pas un peu, mais beaucoup, ne pas s’arrêter là où on est arrivé mais, avec Son aide, progresser dans l’amour.

Avec la bénédiction apostolique.

Jesus is the vine, are we fruit on his branches?

4 mai, 2012

Jesus is the vine, are we fruit on his branches? dans images sacrée Christ_the_True_Vine_icon_(Athens,_16th_century)

http://pamsperambulation.wordpress.com/

Dimanche 6 mai, commenataire sur la première lecture: Actes des Apôtres 9, 26 – 31

4 mai, 2012

http://www.eglise.catholique.fr/foi-et-vie-chretienne/commentaires-de-marie-noelle-thabut.html

Dimanche 6 mai 2012 : commentaires de Marie Noëlle Thabut

PREMIERE LECTURE – Actes des Apôtres 9, 26 – 31

Après sa conversion,

26 Paul vint à Jérusalem. 
 Il cherchait à entrer dans le groupe des disciples,
 mais tous avaient peur de lui,
 car ils ne pouvaient pas croire 
 que lui aussi était un disciple du Christ.
27 Alors Barnabé le prit avec lui 
 et le présenta aux Apôtres ; 
 il leur raconta ce qui s’était passé :
 sur la route, Paul avait vu le Seigneur, 
 qui lui avait parlé ; 
 à Damas, il avait prêché avec assurance 
 au nom de Jésus.
28 Dès lors, Paul allait et venait dans Jérusalem avec les apôtres, 
 prêchant avec assurance au nom du Seigneur.
29 Il parlait aux Juifs de langue grecque, 
 et discutait avec eux.
 Mais ceux-ci cherchaient à le supprimer.
30 Les frères l’apprirent ; 
 alors ils l’accompagnèrent jusqu’à Césarée, 
 et le firent partir pour Tarse.
31 L’Eglise était en paix 
 dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie. 
 Dans la crainte du Seigneur, elle se construisait et elle avançait ; 
 elle se multipliait avec l’assistance de l’Esprit Saint.

Nous entrons dans une nouvelle phase du livre des Actes des Apôtres : jusqu’ici, Luc nous racontait les débuts de l’Eglise naissante après la Pentecôte ; et Pierre et Jean étaient au centre du récit ; puis il y a eu le martyre d’Etienne et l’entrée en scène d’un tout jeune homme, Saül de Tarse. Pendant qu’on lapidait Etienne, c’est lui qui gardait les vêtements de tout le monde. C’est le même qui revient à Jérusalem, quelque temps plus tard, converti, baptisé ; évidemment, sa réputation de persécuteur le suit ; car il ne s’est pas contenté d’approuver l’exécution d’Etienne ; pendant tout un temps, qu’on n’est pas près d’oublier, il a été l’ennemi public numéro un des Chrétiens ; son activité débordait même Jérusalem, et il avait poussé le zèle jusqu’à demander au grand-prêtre un ordre de mission pour aller jusqu’à Damas, débusquer et arrêter tous les Chrétiens.
 Et donc, quand on le voit revenir et chercher à s’introduire parmi les Chrétiens, on est très méfiants ! C’est compréhensible ! Qui nous dit qu’il ne cherche pas à s’introduire pour mieux dénoncer les Chrétiens ensuite ?
 Curieusement, c’est quelqu’un dont nous avons presque oublié le nom, Barnabé, qui a joué alors le rôle indispensable de garantie de la bonne volonté de Saül et qui lui a mis le pied à l’étrier ; Barnabé, en fait, ce n’est pas son vrai nom : il s’appelle Joseph et il est Juif, lévite, originaire de Chypre ; il a visiblement bonne réputation parmi les Chrétiens puisqu’on lui a donné ce surnom de Barnabé qui veut dire « l’homme du réconfort »… ce qui est déjà quand même un beau compliment ! On sait aussi qu’il fait partie de ceux qui ont vendu leurs champs pour mettre l’argent à la disposition de la communauté. Il est certainement accueillant puisqu’il accepte rapidement de faire confiance à ce nouveau converti, Saül ; il n’était évidemment pas avec Saül sur le chemin de Damas quand celui-ci a été converti par Jésus ; mais quand Saül arrive à Jérusalem, quelques années plus tard, Barnabé le croit sur parole et accepte de plaider sa cause auprès des disciples. « Barnabé prit Saül avec lui et le présenta aux apôtres ; il leur raconta ce qui s’était passé : sur la route, Paul avait vu le Seigneur, qui lui avait parlé ; à Damas, il avait prêché avec assurance au nom de Jésus. »
 Deux fois de suite, Luc répète « Paul prêchait avec assurance au nom de Jésus ». Désormais il mettra au service de la foi chrétienne la même énergie et le même passion qu’il mettait jusqu’ici à la détruire. Parce que, tout d’un coup, ses yeux se sont ouverts, et tout est devenu clair pour lui.
 Il n’a pas une seconde l’impression de renier la foi de ses pères en devenant Chrétien ; au contraire ! C’est parce qu’il est Juif qu’il devient Chrétien : l’attente du peuple juif, depuis tant de siècles, voici qu’elle est comblée par Jésus. Quelques années plus tard, au cours de son procès, Paul dira « Les prophètes et Moïse ont prédit ce qui devait arriver et je ne dis rien de plus. » (Ac 26, 22).
 Mais ce qui lui paraît évident, désormais, ne l’est pas pour tout le monde ! Déjà, à Damas, après sa conversion, les ennuis ont commencé : les Juifs ont cherché à le tuer ; ils sont allés jusqu’à garder les portes de la ville, jour et nuit, pour qu’il ne puisse pas leur échapper. Pour finir, ses nouveaux disciples chrétiens l’ont fait descendre de nuit, le long de la muraille, dans une corbeille.[1]
 A Jérusalem, c’est la même chose : on le voit bien dans le texte d’aujourd’hui ; c’est d’abord l’épreuve de se faire accepter par les Chrétiens de Jérusalem, qui se méfient de lui après son passé de persécuteur ; et dans un deuxième temps, Paul doit affronter ses frères de race, les Juifs non convertis au Christ : Luc nous dit « Il parlait aux Juifs de langue grecque et discutait avec eux. Mais ceux-ci cherchaient à le supprimer. » Pour eux, il est un renégat, tombé dans cette secte des Chrétiens. Il faut donc recommencer à fuir. De nouveau, on voit se profiler ici les persécutions que Paul devra affronter pendant toute sa vie missionnaire : alors ses nouveaux amis chrétiens pensent plus prudent de lui faire prendre le premier bateau pour Tarse, sa ville natale, au sud de la Turquie actuelle. (C’est là que Barnabé ira le chercher quelques années plus tard, pour l’emmener à Antioche de Syrie).
 Tout ceci n’entrave pas la croissance de l’Eglise ; la phrase de Luc respire la tranquillité : « L’Eglise était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie. Dans la crainte du Seigneur, elle se construisait et elle avançait ; elle se multipliait avec l’assistance de l’Esprit Saint. »[2] Nous retrouvons ce mot de « crainte », déjà familier de l’Ancien Testament ; encore une fois, il est clair que la « crainte », au sens biblique, n’est pas de l’ordre de la peur ; elle n’empêche pas d’avancer, elle ne paralyse pas ! Luc précise : « Dans la crainte du Seigneur, elle se construisait et elle avançait »… Ce que la Bible appelle la crainte de Dieu, c’est tout simplement l’attitude de vérité de celui qui se reconnaît tout petit, mais aussi aimé et protégé par Dieu. C’est elle qui est la source de cette assurance des premiers Chrétiens qui étonnait tant leurs contemporains ; rappelez-vous, le récit de la guérison du boiteux de la Belle Porte ; quand Pierre et Jean avaient été amenés devant le tribunal qui avait bien l’intention de les intimider pour les faire taire, les juges avaient été stupéfaits : « Ils constataient l’assurance de Pierre et de Jean et, se rendant compte qu’il s’agissait d’hommes sans instruction et de gens quelconques, ils en étaient étonnés. » (Ac 4, 13).
 Paul, lui, n’est pas sans instruction ; il est Pharisien, de stricte observance, formé à l’école de Gamaliel ; mais son assurance ne lui vient pas de là ; elle lui vient tout simplement depuis qu’il se laisse mener par l’Esprit Saint.

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Note
 1 – L’épisode de la fuite de Damas dans une corbeille le long de la muraille est raconté un peu différemment par Luc dans les Actes et par Paul dans la lettre 2ème lettre aux Corinthiens (2 Co 11, 32-33), mais il s’agit probablement du même épisode.
 2 – Ac 9, 31 : « L’Eglise était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie. Dans la crainte du Seigneur, elle se construisait et elle avançait ; elle se multipliait avec l’assistance de l’Esprit Saint. » Après Ac 2, 42-47 ; 4, 32-37 ; 5, 12-16, c’est le quatrième et dernier « sommaire » des Actes, ces résumés de la vie des premières communautés qui apparaissent comme des moments privilégiés de ce que les croyants sont rendus capables de vivre, dès lors qu’ils se laissent guider par l’Esprit Saint.

Cinquième dimanche de Pâques B – Homélie

4 mai, 2012

http://www.stignace.net/homelies/5paquesB.htm

Cinquième dimanche de Pâques B

Père Yves de Kergaradec, jésuite

« Demeurez en moi, comme moi en vous… Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit… » Le moins que l’on puisse dire est que Jésus ne craint pas d’insister, à la mesure de ce qui est en jeu pour lui, pour son Père et pour nous, à la mesure du désir où il s’est engagé de tout lui-même, pour réveiller et soutenir le nôtre.
Le moment où Jésus a parlé nous donne une idée de l’enjeu. Saint Jean nous dit que « l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père »: l’heure de glorifier Celui qui l’a envoyé, en menant jusqu’au bout sa mission. Il attendait ce rendez-vous depuis les noces de Cana, quand il avait sauvé la fête en donnant le vin qui manquait, et au-delà. Mais son heure est aussi celle de son départ et de sa grande épreuve. Dans l’absence et la nuit qui suivront, sur le chemin de la Croix, que veut dire: « demeurer en lui »?
Dans le jardin de l’agonie, Jésus a demandé à ses disciples de veiller une heure avec lui, et aucun d’eux n’en a été capable. Personne ne peut l’accompagner dans son combat, ni faire en tout ce qui lui plaît, à moins d’être choisi et d’en recevoir la force d’en haut. Au cours de son dernier repas, juste avant d’exprimer ses dernières volontés, il s’est mis à genoux devant chacun de ses disciples et il leur a lavé les pieds. Ils seront bientôt « dispersés, chacun allant de son côté ». Judas va le livrer et Simon-Pierre le renier par trois fois. Par avance, il a signifié jusqu’où vont son amour et son pardon, jusqu’où il est déterminé à les servir.
« Il faisait nuit », mais la lumière qu’est Jésus est plus forte que les ténèbres. Les derniers mots qu’il dit aux siens sont pour les assurer qu’il leur sera présent bien plus intimement que jusque là. Ils ne le verront plus marcher à travers champs ou sur la mer; ils ne l’entendront plus enseigner dans leurs synagogues, mais il sera en eux, il est en nous, Fils d’homme et Fils de Dieu, uni parfaitement à son Père et à nous.
« Moi, je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron, … et vous, les sarments ». La communion que Jésus désire avec nous, comme avec Dieu, est une grâce et donc elle nous engage à une vie nouvelle. Jésus nous promet sa propre fécondité, mais à la condition que nous la demandions, que nous la recevions de lui, comme les sarments la reçoivent du cep, car « en dehors de lui, nous ne pouvons rien faire », rien de vraiment solide, rien d’éternel. C’est le secret des fruits. Il est très exigeant et l’on n’échappe pas à sa sanction.
Nous savons la passion du vigneron pour son plant préféré, tout le soin qu’il en prend, les grands espoirs qu’il met en lui, l’émondage de l’hiver et celui de l’été, la fête des vendanges… Nous avons en mémoire le chant du prophète Isaïe sur la vigne de son ami: comment son amour s’est changé en feu quand il a été méprisé, quand elle n’a produit que de mauvais fruits. Il l’a réduite à l’état de ronces et d’épines.
Jésus est né dans cette tradition. Il l’assume et la mène à son accomplissement. Quand son heure est venue, l’heure de la Gloire et de la Croix, il a concentré sur lui seul l’espérance de Dieu, sa colère et surtout sa fidélité. Pour que le bon vin ne manque à personne aux noces de son Fils, le Père a tout misé sur lui, et lui, Jésus, a tout misé sur nous. Par son obéissance entière et libre, il a laissé monter la sève en lui pour qu’elle irrigue les sarments. A nous de l’accueillir ou de la refuser. Ou nous acceptons d’être travaillés et purifiés par lui, ou nous deviendrons secs, prêts à être jetés au feu.
Aujourd’hui, Jésus nous redit son commandement unique: croire en lui et nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés. En nous donnant sa parole et son corps à manger, il a fait sa demeure en nous. Il nous reste à souffrir en lui, prier en lui, agir en lui, aimer en lui. Les fruits que porte la vraie vigne ne demandent qu’à mûrir sous le soleil de Dieu.

Pape Benoît: La prière d’Etienne dans les Actes des Apôtres

4 mai, 2012

http://www.zenit.org/article-30709?l=french

CATÉCHÈSE DE BENOÎT XVI, AUDIENCE DU 2 MAI 2012

La prière d’Etienne dans les Actes des Apôtres

Traduction d’Hélène Ginabat
ROME, mercredi 2 mai 2012 (ZENIT.org) – « Notre prière doit être contemplation de Jésus qui est le Seigneur de notre existence, de mon existence quotidienne », rappelle Benoît XVI. En Jésus, affirme-t-il, « nous pouvons établir un contact réel avec Dieu dans la confiance et l’abandon des enfants qui s’adressent à un Père qui les aime infiniment ».
Lors de l’audience générale de ce mercredi 2 mai, place Saint-Pierre, au Vatican, le pape a en effet poursuivi sa catéchèse sur la prière dans les Actes des apôtres en commentant le témoignage de saint Etienne, premier martyr de l’Eglise. C’est dans son « rapport intime avec Dieu, à travers l’Ecriture sainte », qu’Etienne a trouvé la force de « donner sa vie pour le Christ », a dit en substance Benoît XVI.
Catéchèse de Benoît XVI en italien :
Chers frères et sœurs,
Dans les dernières catéchèses, nous avons vu comment, dans la prière personnelle et communautaire, la lecture et la méditation de la Sainte Ecriture nous ouvrent à l’écoute de Dieu et infusent en nous la lumière pour comprendre le présent. Aujourd’hui, je voudrais parler du témoignage et de la prière du premier martyr de l’Eglise, saint Etienne, l’un des sept choisis pour le service de la charité envers ceux qui étaient dans le besoin. Au moment de son martyre, raconté dans les Actes des apôtres, se manifeste encore une fois le rapport fécond qui existe entre la parole de Dieu et la prière.
Etienne est amené au tribunal, devant le Sanhédrin, où il est accusé d’avoir déclaré que « Jésus… détruira ce lieu [le Temple] et changera les usages que Moïse nous a légués » (Ac 6, 14). Pendant sa vie publique, Jésus avait effectivement annoncé la destruction du Temple de Jérusalem : « Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai » (Jn 2, 19). Toutefois, comme le note l’évangéliste Jean, il « parlait du sanctuaire de son corps. Aussi, quand il ressuscita d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Ecriture et à la parole qu’il avait dite » (Jn 2, 21-22).
Le discours d’Etienne devant le tribunal, le plus long des Actes des apôtres, se développe justement sur cette prophétie de Jésus, qui est le nouveau sanctuaire, qui inaugure le nouveau culte et se substitue, par l’offrande qu’il fait de lui-même sur la croix, aux sacrifices antiques. Etienne veut prouver combien est infondée l’accusation qui est faite à Jésus de renverser la loi de Moïse et illustre sa vision de l’histoire du salut, de l’alliance de Dieu avec l’homme. Il relit ainsi tout le récit biblique, itinéraire contenu dans l’Ecriture sainte, pour montrer qu’il conduit au « lieu » de la présence définitive de Dieu, qui est Jésus-Christ, en particulier sa passion, sa mort et sa résurrection. C’est dans cette perspective qu’Etienne interprète aussi son identité de disciple de Jésus, en le suivant jusqu’au martyre. La méditation sur l’Ecriture sainte lui permet ainsi de comprendre sa mission, sa vie, son présent. En cela, il est guidé par la lumière de l’Esprit-Saint, par son rapport intime avec le Seigneur, au point que les membres du Sanhédrin virent son visage « semblable à celui d’un ange » (Ac 6, 15). Un tel signe de l’assistance divine rappelle le visage rayonnant de Moïse quand il descendit du Mont Sinaï après avoir rencontré Dieu (cf. Ex 34, 29-35 ; 2 Co 3, 7-8).
Dans son discours, Etienne part de l’appel d’Abraham, pèlerin vers la terre indiquée par Dieu et qu’il ne possédait qu’à l’état de promesse ; il passe ensuite à Joseph, vendu par ses frères, mais assisté et libéré par Dieu, pour arriver à Moïse, qui devient l’instrument de Dieu pour libérer son peuple, mais qui se heurte aussi, et plus d’une fois, au refus de son peuple. Dans tous ces événements, racontés dans l’Ecriture sainte, dont Etienne se montre à l’écoute, se manifeste toujours Dieu qui ne se lasse pas d’aller à la rencontre de l’homme malgré l’opposition obstinée de celui-ci. Et ceci est vrai dans le passé, dans le présent et dans le futur. Etienne voit donc, dans tout l’Ancien Testament, la préfiguration du drame de Jésus, le Fils de Dieu fait chair qui, comme les Patriarches, rencontre des obstacles, le refus, la mort. Etienne se réfère donc à Josué, à David et à Salomon, mis en rapport avec la construction du Temple de Jérusalem et il conclut par les paroles du prophète Isaïe (66, 1-2) : « Le ciel est mon trône, et la terre l’escabeau de mes pieds ; quelle maison me bâtirez-vous, dit le Seigneur, et quel sera le lieu de mon repos ? N’est-ce pas ma main qui a fait tout cela ? » (Ac 7, 49-50). En méditant l’action de Dieu dans l’histoire du salut, et en mettant en évidence la tentation constante du refus de Dieu et de son action, il affirme que Jésus est le Juste annoncé par les prophètes ; en lui, Dieu s’est rendu présent de manière unique et définitive : Jésus est le « lieu » du véritable culte. Etienne ne nie pas l’importance du Temple pendant un certain temps, mais il souligne que « Dieu n’habite pas dans des demeures faites de main d’homme » (Ac 7, 48). Le nouveau et véritable temple dans lequel habite Dieu est son Fils, qui a pris chair humaine, c’est l’humanité du Christ, le Ressuscité qui rassemble les peuples et les unit dans le sacrement de son corps et de son sang. L’expression au sujet du Temple « non fait de main d’homme » se trouve aussi dans la théologie de saint Paul et de la Lettre aux Hébreux : le corps de Jésus, qu’il a assumé afin de s’offrir comme victime sacrificielle pour expier les péchés, est le nouveau temple de Dieu, le lieu de la présence du Dieu vivant ; en lui, Dieu et l’homme, Dieu et le monde sont réellement en contact : Jésus prend sur lui tout le péché de l’humanité pour le porter dans l’amour de Dieu et pour « le brûler » dans cet amour. S’approcher de la Croix, entrer en communion avec le Christ, veut dire entrer dans cette transformation. Cela signifie entrer en contact avec Dieu, entrer dans le véritable temple.
La vie et le discours d’Etienne s’interrompent brusquement avec la lapidation mais son martyre est justement l’accomplissement de sa vie et de son message : il devient un avec le Christ. Ainsi, sa méditation sur l’action de Dieu dans l’histoire, sur la parole divine qui a trouvé en Jésus son accomplissement, devient une participation à la prière même de la Croix. Avant de mourir, en effet, il s’exclame : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit » (Ac 7, 59), s’appropriant les paroles du psaume (31, 6) et reprenant l’ultime expression de Jésus sur le calvaire : « Père, en tes mains, je remets mon esprit » (Lc 23, 46) ; et enfin, comme Jésus, il dit dans un grand cri devant ceux qui le lapident «  Seigneur, ne leur impute pas ce péché » (Ac 7, 60). Notons que si, d’un côté la prière d’Etienne reprend celle de Jésus, le destinataire est différent, parce que l’invocation est adressée au Seigneur, c’est-à-dire à Jésus qu’il contemple, glorifié, à la droite du Père : « Ah ! dit-il, je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu » (Ac 7, 55).
Chers frères et sœurs, le témoignage de saint Etienne nous donne quelques indications pour notre prière et notre vie. Nous pouvons nous demander : d’où ce premier martyr chrétien a-t-il tiré la force d’affronter ses persécuteurs et d’arriver jusqu’au don de lui-même ? La réponse est simple : de son rapport avec Dieu, de sa communion avec le Christ, de la méditation sur l’histoire du salut, de voir l’action de Dieu qui a atteint son sommet en Jésus-Christ. Notre prière aussi doit être nourrie de l’écoute de la parole de Dieu, dans la communion avec Jésus et son Eglise.
Il y a un second élément : saint Etienne voit la figure et la mission de Jésus annoncées dans l’histoire du rapport d’amour entre Dieu et l’homme. Jésus, le Fils de Dieu, est le temple « non fait de main d’homme » dans lequel la présence de Dieu le Père s’est faite proche au point d’entrer dans notre chair humaine pour nous amener à Dieu, pour nous ouvrir les portes du ciel. Notre prière doit alors être contemplation de Jésus à la droite de Dieu, de Jésus qui est le Seigneur de notre existence, de mon existence quotidienne. En lui, sous la conduite de l’Esprit-Saint, nous pouvons, nous aussi, nous adresser à Dieu, établir un contact réel avec Dieu, dans la confiance et l’abandon des enfants qui s’adressent à un Père qui les aime infiniment. Merci.
Synthèse en français de la catéchèse :
Chers frères et soeurs, en parlant du témoignage de saint Etienne, premier martyr de l’Église, je voudrais souligner le rapport fécond entre la Parole de Dieu et la prière. Dans son discours devant le tribunal, Etienne explique que l’annonce de Jésus qu’il serait le nouveau temple s’est réalisée par son offrande sur la croix, qui remplace les sacrifices anciens. Pour Etienne, être disciple de Jésus, c’est donc le suivre jusqu’au martyre. Il comprend le présent en priant et en méditant l’Écriture à la lumière de l’Esprit Saint. À travers les évènements de l’Histoire sainte, émerge toujours Dieu qui va sans cesse à la rencontre de l’homme, même si celui-ci le refuse.
Jésus rencontrera lui-même l’opposition jusqu’à la mort. Et, depuis, le Corps du Christ est le seul lieu de la présence définitive de Dieu. En lui, Dieu et l’homme, Dieu et le monde sont en contact. Jésus a pris sur lui tout le péché de l’humanité, pour le porter dans l’amour de Dieu, et le brûler dans cet amour. Ainsi, s’approcher de la Croix, entrer en communion avec le Christ, c’est entrer dans cette transformation. Mais on peut se demander : où Etienne a-t-il puisé la force d’affronter ses persécuteurs et d’aller jusqu’au bout du don de lui-même ? Dans sa relation à Dieu, dans sa méditation de l’histoire du Salut. Comme lui, notre prière doit se nourrir de la Parole de Dieu.

Salutation de Benoît XVI en français :
Je salue les pèlerins francophones, particulièrement les groupes diocésains accompagnés de leur évêque ainsi que les prêtres et les séminaristes, les fidèles de différentes paroisses et les jeunes. Je vous invite à prier chaque jour afin que Jésus soit le Maître de votre existence. En lui et par lui, nous pouvons nous adresser en toute confiance à Dieu, notre Père ! Avec ma bénédiction !

Traduction de ZENIT

Saints Philip and James, Apostles

2 mai, 2012

Saints Philip and James, Apostles dans images sacrée jphilip+and+james+0503

http://vahilltopfarm.blogspot.it/2010/05/feast-day-sts-philip-and-james-lesser.html

3 MAI. : S. PHILIPPE ET S. JACQUES LE MINEUR, APÔTRES.

2 mai, 2012

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/gueranger/anneliturgique/paques/paques02/saints/046.htm

3 MAI. : S. PHILIPPE ET S. JACQUES LE MINEUR, APÔTRES.

(Gueranger, de se rappeler que Guéranger est de 1800: :  1805-1875)

Deux des heureux témoins de la résurrection de notre bien-aimé Sauveur se présentent à nous aujourd’hui. Philippe et Jacques viennent nous attester que leur Maître est véritablement ressuscité d’entre les morts, qu’ils l’ont vu, qu’ils l’ont touché, qu’ils se sont entretenus avec lui durant ces quarante jours ; et afin que nous ne doutions pas de la sincérité de leur témoignage, ils tiennent en main les instruments du martyre qu’ils ont subi pour attester que Jésus, après avoir souffert la mort, est sorti vivant du tombeau. Philippe s’appuie sur la croix où il a été attaché comme son Maître ; Jacques nous montre la massue sous les coups de laquelle il expira.
La prédication de Philippe s’exerça dans les deux Phrygies, et son martyre eut lieu à Hiérapolis. Il était dans les liens du mariage lorsqu’il fut appelé par le Christ, et nous apprenons des auteurs du second siècle qu’il avait eu trois filles qui s’élevèrent à une haute sainteté, et dont l’une jeta un grand éclat sur l’Eglise d’Ephèse à cette époque primitive.
Plus connu que Philippe, Jacques a été appelé le Frère du Seigneur, parce qu’un lien étroit de parenté unissait sa mère à celle de Jésus ; mais dans ces jours de la Pâque il se recommande d’une manière spéciale à notre admiration. Nous savons, par l’Apôtre saint Paul, que le Sauveur ressuscité daigna favoriser saint Jacques d’une apparition particulière. Une telle distinction répondait, sans aucun doute, à un dévouement particulier de ce disciple envers son Maître. Nous apprenons de saint Jérôme et de saint Epiphane que le Sauveur, en montant aux cieux, recommanda à Jacques l’Eglise de Jérusalem, et que ce fut pour répondre à la pensée du Maître que cet Apôtre fut établi premier Evêque de cette ville. Au IV° siècle, les chrétiens de Jérusalem conservaient encore avec respect la chaire sur laquelle Jacques siégeait, quand il présidait l’assemblée des fidèles. Nous savons également par saint Epiphane qu’il portait au front une lame d’or, symbole de sa dignité ; son vêtement était une tunique de lin.
La renommée de sa vertu fut si grande que, dans Jérusalem, tout le monde l’appelait le Juste; et les Juifs assez aveugles pour ne pas comprendre que l’affreux désastre de leur ville était le châtiment du déicide, en cherchèrent la cause dans le meurtre de Jacques qui avait succombé sous leurs coups en priant pour eux. Nous sommes à même de pénétrer l’âme si sereine et si pure du saint Apôtre, en lisant l’admirable Epître où il nous parle encore. C’est là que, dans un langage tout céleste, il nous enseigne que les oeuvres doivent accompagner la foi, si nous voulons être justes de cette justice qui nous rendra semblables à notre Chef ressuscité.
Le corps de saint Jacques et celui de saint Philippe reposent à Rome dans la Basilique appelée des Saints-Apôtres. Ils forment un des trésors les plus sacrés de la ville sainte, et l’on a lieu de croire que ce jour est l’anniversaire même de leur Translation. Sauf les fêtes de saint Jean l’Evangéliste et de saint André, frère de saint Pierre, l’Eglise de Rome fut longtemps sans célébrer les fêtes particulières des autres Apôtres ; elle les réunissait dans la solennité de saint Pierre et de saint Paul, et nous retrouverons encore un reste de cet antique usage dans l’Office du 29 juin. La réception des corps de saint Philippe et de saint Jacques, apportés d’Orient vers le VI° siècle, donna lieu à l’institution de la fête d’aujourd’hui en leur honneur ; et cette dérogation amena insensiblement sur le Cycle l’insertion des autres Apôtres et des Evangélistes.
Voici maintenant le a consacre aujourd’hui à saint Philippe.
Philippe, né à Bethsaïde, fut l’un des douze Apôtres qui furent appelés les premiers par le Christ notre Seigneur. Ce fut par lui que Nathanaël apprit que le Messie promis dans la Loi était venu, et qu’il fut présenté au Seigneur. La familiarité que le Christ eut avec lui parait en ce que plusieurs ils ayant désiré voir le Sauveur, vinrent s’adresser à Philippe, et que le Seigneur , voulant lui-même donner à manger dans le désert à une multitude de personnes, dit à cet Apôtre : « Où achèterons-nous des pains pour étonner à tout ce monde ? » Philippe, après avoir reçu le Saint-Esprit, se rendit dans la Scythie qui lui était échue en partage pour y prêcher l’Evangile, et il convertit cette nation presque tout entière à la foi chrétienne. Enfin, étant venu à Hiérapolis en Phrygie, il fut attaché à la croix pour le nom du Christ, et accablé à coups de pierre, le jour des calendes de mai. Les Chrétiens ensevelirent son corps dans le lieu même où il avait souffert; d’où il a été ensuite transporté à Rome, et déposé avec celui de l’Apôtre saint Jacques dans la basilique des Douze-Apôtres.

La notice suivante est consacrée à saint Jacques.
Jacques, frère du Seigneur, surnommé le Juste, s’abstint dès son jeune âge de vin et de tout ce qui peut enivrer, ne mangea point de chair, ne coupa jamais ses cheveux et n’usa ni de bains ni de parfums. Il avait seul la permission d’entrer dans le sanctuaire ; ses vêtements étaient de lin ; il était si assidu à la prière, que ses genoux s’étaient durcis comme la peau d’un chameau. Après l’Ascension du Christ, les Apôtres le créèrent évoque de Jérusalem ; et ce fut à lui que Pierre, délivré de prison par un Ange, en envoya porter la nouvelle. Une controverse s’étant élevée dans le Concile de Jérusalem, au sujet de la loi et de la Circoncision, Jacques suivit le sentiment de Pierre, et fit un discours aux Frères, dans lequel il prouva que les Gentils étaient aussi appelés, et dit qu’il fallait écrire aux Frères absents de ne pas leur imposer le joug de la loi mosaïque. C’est de lui aussi que parle l’Apôtre, lorsqu’il dit aux Galates : « Je ne vis aucun autre d’entre les Apôtres, sinon Jacques frère du Seigneur. »
La sainteté de Jacques était si grande et si reconnue, que beaucoup de personnes s’empressaient pour toucher le bord de son habit. Etant arrivé à l’âge de quatre-vingt-seize ans, ayant gouverné très saintement l’Eglise de Jérusalem durant trente années , comme il prêchait avec une constance merveilleuse que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, il fut d’abord assailli de pierres, et ensuite mené à l’endroit le plus élevé du Temple, d’où on le précipita. Il gisait étendu par terre, les jambes brisées et demi-mort, et il levait les mains au ciel et priait Dieu pour le salut de ses bourreaux, disant : « Pardonnez-leur, Seigneur ; car ils ne savent ce qu’ils font. » Il faisait cette prière, lorsqu’un foulon lui déchargea sur la tête un coup de son pilon, dont le saint mourut, en la septième année de Néron. Il fut enseveli près du Temple, au lieu même où il était tombé. Il a écrit une lettre qui est une des sept Epîtres Catholiques.
L’Eglise grecque célèbre les deux Apôtres à des jours différents, qui sont les anniversaires de leur martyre. Nous extrairons d’abord les strophes suivantes consacrées à la louange de saint Philippe.

( DIE XIV NOVEMBRIS.)
Réfléchissant les feux de celui qui est la grande lumière, tu as resplendi, ô Philippe, comme un astre de la plus grande beauté. Tu cherchais le Père des lumières dans son propre Fils, et tu l’y as rencontré. C’est en effet dans la lumière que l’on trouve la lumière, et le Fils est la forme de la substance du Père; il nous révèle que le Père est son archétype. Demande-lui, ô Apôtre, qu’ils soient sauvés, ceux qui ont été marqués de son sang divin.
O prodige admirable l’Apôtre Philippe, envoyé de Dieu comme un agneau au milieu des loups, se promène sans crainte parmi ces animaux meurtriers; par la foi il en a fait des agneaux, il a transformé divinement le monde. O œuvre de la foi ! ô puissance admirable !
Toi qui seul es miséricordieux, laisse-toi fléchir par ses prières, et daigne sauver nos âmes.
O prodige admirable ! l’Apôtre Philippe a paru dans le monde comme un puits d’eaux vives où l’on puise la sagesse ; de ce puits dérivaient les enseignements sacrés ; dans ses ruisseaux nous avons bu une eau miraculeuse. Ouvrier divin, que de merveilles tu as opérées ! Aussi vénérons-nous ta mémoire avec foi.
Tu as abandonné tout ce qui est de la terre, afin de suivre le Christ; l’Esprit Saint t’a rempli de ses ins pirations, ô Philippe ! Il t’a envoyé vers les nations perdues, pour amener les hommes à la lumière de la connaissance divine. Le combat que tu désirais avec ardeur, tu l’as rencontré dans les supplices divers auxquels tu as été soumis, et tu as rendu ton âme à Dieu : demande-lui , ô bienheureux, qu’il daigne nous accorder sa grande miséricorde.
Mettant en fuite les démons, apparaissant comme un astre aux veux de ceux qui étaient plonges élans les ténèbres, tu leur as montré le Soleil éblouissant qui est sorti de la Vierge, tu as renverse les temples des idoles, et rassemble les Eglises pour la gloire de notre Dieu; c’est pourquoi nous te vénérons, et célébrant avec transport ta divine mémoire, nous crions vers toi d’une voix unanime : Apôtre Philippe, prie le Christ Dieu de nous accorder la rémission de nos péchés, à nous qui célébrons avec ardeur ta sainte mémoire.
Tu as paru aux hommes sur la terre comme une nuée spirituelle, contenant une pluie abondante destinée à arroser mystiquement les sillons de nos âmes. Ta parole a lait le tour du monde, et ta rosée est tombée sur lui comme un parfum qui l’embaume. Tu as souffle dans les cœurs des infidèles la divine senteur du Saint-Esprit, et tu as répandu en eux les trésors célestes. Apôtre Philippe, prie le Christ Dieu de nous accorder la rémission de nos péchés, à nous qui célébrons avec transport ta sainte mémoire.
Cueillons maintenant dans les Ménées quelques traits à la louange de saint Jacques, dont la mémoire est demeurée si chère aux Orientaux.

(DIE XXIII OCTOBRIS.)
Venez honorer avec nous la mémoire du Frère du Seigneur, d’un homme saint et inspire de Dieu. Il porta avec ardeur le joug du Christ, il prêcha son Evangile, sa bonté: et son mystère ineffable lui fut confié. Dieu tout-puissant, à sa prière, faites-nous miséricorde.
Le bruit de sa parole retentit jusqu’aux extrémités du monde : par la lumière qu’elle répandait, elle nous isposa à contempler la Vertu divine. Tu es notre pontife, ô Jacques ! intercède auprès de Jésus ami de l’homme, afin que nos âmes soient sauvées.
Tu as relevé la dignité de ton sacerdoce par le sang de ton martyre, ô saint Apôtre ! Du haut du pinacle  du temple, tu as prêché le Dieu Verbe créateur de toutes choses; précipite delà par les Juifs, tu as mérité d’entrer dans le palais des cieux: Jacques, frère du Seigneur, prie le Christ Dieu, afin que nos âmes soient sauvées.
Votre Apôtre, Seigneur a eu la tête brisée par le bois : mais maintenant il est sur votre arbre de vie dans le paradis; affranchi du joug des choses terrestres, il goûte avec transport les joies éternelles; par ses prières, accordez votre paix aux églises.
 Dans ta sagesse, ô Jacques, tu nous enseignes que tout bienfait excellent et tout don parfait descendent du Père des lumières sur les mortels ; prie Dieu, ô Apôtre, en faveur de ceux qui te célèbrent dans leurs cantiques, afin qu’ils entrent en partage de ces célestes faveurs.
Frère de Jésus-Christ selon la chair, tu as trouvé grâce auprès de lui, ô Apôtre ! Tu as communiqué à tous les grâces de la lumière et de la connaissance divine, et tu as extirpé jusqu’à la racine l’erreur de l’idolâtrie, ô Jacques ! C’est pour cela que les princes des ténèbres et du mensonge te font injustement périr, au moment où tu prêches la divinité du Sauveur.
Le Fils unique du Père, Dieu et Verbe, qui dans ces derniers temps a daigne vivre au milieu de nous, t’a désigné, ô Jacques, pour le premier pasteur de Jérusalem, pour le dispensateur fidèle des mystères spirituels; c’est pourquoi nous te vénérons tous, ô Apôtre !
Le chœur des Apôtres t’a élu pour être, comme Pontife, le premier serviteur du Christ dans la sainte Sion. parce que étant, ô Jacques, son frère selon la chair, tu avais suivi ses pas sur la terre comme un voyageur fidèle.
Tout resplendissant de l’éclat des feux du divin Esprit, o Jacques, Frère de Dieu, tu as paru comme le zélateur de la divine bonté; c’est pourquoi, comme autrefois Aaron, tu as reçu du Seigneur, qui par sa miséricorde t’avait admis parmi ses frères les Apôtres, une robe plus sacrée que celle du sacerdoce de la loi ; supplie-le de sauver nos âmes, o glorieux Apôtre.
Saints Apôtres, vous avez vu notre divin Ressuscite dans toute sa gloire ; il vous a dit au soir de la Pâque : « La paix soit avec vous ! » et durant ces quarante jours il vous a apparu, afin de vous rendre certains de sa résurrection. Votre joie fut grande de revoir ce Maître chéri qui avait daigné vous choisir pour ses confidents les plus intimes, et votre amour pour lui devint plus ardent que jamais. Nous nous adressons à vous comme aux initiateurs des fidèles au divin mystère de la Pâque ; vous êtes aussi nos intercesseurs spéciaux en ce saint temps. Faites-nous connaître et aimer Jésus ressuscité. Dilatez nos cœurs dans l’allégresse pascale, et ne permettez pas que nous perdions jamais la vie que nous avons recouvrée avec Jésus.
Votre dévouement pour lui, ô Philippe, se montra dès les premiers jours de votre vocation. A peine aviez-vous connu ce divin Messie, que vous couriez tout aussitôt l’annoncer à Nathanaël votre ami. Jésus vous laissait approcher de sa personne avec une douce familiarité. Au moment d’opérer le grand miracle de la multiplication des pains, c’est à vous qu’il s’adressait, et qu’il disait avec une adorable bonté : « Où achèterons-nous des pains pour nourrir tout ce monde ? » Peu de jours avant la Passion de votre Maître, des hommes de la gentilité ayant désiré voir de leurs veux ce grand prophète dont on racontait tant de merveilles, ce fut à vous qu’ils s’adressèrent pour les conduire vers lui. Avec quelle ardeur, à la dernière Cène, vous demandiez à Jésus qu’il vous fît connaître le Père céleste ! Votre âme aspirait à la lumière divine; et quand les feux de l’Esprit-Saint retirent embrasée, rien ne fut au-dessus de votre courage. Pour récompense de vos labeurs, Jésus vous fit partager les honneurs de sa croix. Demandez, ô saint Apôtre, que nous imitions voire recherche empressée auprès de notre commun Maître, et que sa croix nous soit douce quand il lui plaît de la partager avec nous.
Et vous qui êtes appelé Frère du Seigneur, vous dont le noble visage retraçait ses traits, Pasteur de l’Eglise de Jérusalem, nous honorons aussi votre amour pour le divin Rédempteur. Si vous avez faibli un moment avec les autres, au moment de la Passion, votre repentir l’attira près de vous : après Pierre, vous fûtes le premier des Apôtres auquel il daigna se manifester en particulier. Recevez aujourd’hui nos félicitations, ô Jacques, pour cette faveur si digne d’envie, et en retour faites-nous goûter combien le Seigneur ressuscité est doux. Votre cœur, ô saint Apôtre, n’aspira plus qu’à montrer à Jésus la reconnaissance tient il était rempli ; et le dernier témoignage que vous rendîtes à sa divinité dans la cité infidèle, lorsque les Juifs vous eurent élevé sur le sommet du temple, vous ouvrit par le martyre la voie qui devait vous réunir à lui pour toujours. Obtenez,  généreux Apôtre, que nous le confessions aussi avec la fermeté qui convient à ses disciples ; que nous n’hésitions jamais lorsqu’il s’agit de proclamer ses droits sur toute créature.
Nous vous réunissons dans une prière commune, ô saints Apôtres, et nous vous demandons d’avoir pitié des Eglises de l’Orient que vous avez évangélisées. Priez pour Jérusalem que profanent le schisme et l’hérésie, que l’infidèle retient encore sous son joug. Obtenez que nos yeux la voient bientôt purifiée et affranchie, que ses Lieux saints cessent d’être souillés chaque jour par le sacrilège. Suscitez chez les chrétiens de l’Asie-Mineure le désir de rentrer dans l’unité du bercail que gouverne le souverain Pasteur. Enfin, ô saints Apôtres, priez pour Rome, votre seconde patrie. C’est dans son sein que vous attendez la résurrection glorieuse ; pour prix de la religieuse hospitalité qu’elle vous donne depuis tant de siècles, couvrez-la de votre protection, et ne permettez pas que la cité de Pierre, votre auguste Chef, voie plus longtemps dans ses murs l’abaissement de la Chaire apostolique.

2 mai: St Athanase d’Alexandrie, évêque et docteur de l’Église († 375)

2 mai, 2012

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2 mai: St Athanase d’Alexandrie, évêque et docteur de l’Église († 375)

Évêque et Docteur de l’Église

        Saint Athanase, né vers 295, connut dans son enfance les dernières persécutions. Il était sans doute déjà diacre de l’évêque Alexandre d’Alexandrie lorsqu’il écrivit le « Contra gentes et de incarnatione Verbi » qui est à la fois une apologie contre les païens et un exposé des motifs de l’Incarnation. Diacre, il accompagna au concile de Nicée (325) son évêque auquel il succéda en juin 328.
         Énergique, intelligent et instruit, il visita entièrement tout son diocèse fort agité par les hérétiques ariens et mélétiens. Après avoir deux fois refusé à l’empereur Constantin de recevoir Arius, il dut se disculper des accusations des mélétiens à Nicomédie (332) et à Césarée de Palestine (333). Refusant une troisième fois de réconcilier Arius, Athanase fut cité à comparaître devant le concile de Tyr (335) d’où, n’ayant trouvé que des ennemis, il s’enfuit à Constantinople pour plaider sa cause devant l’Empereur qui le condamna à l’exil.
         Pendant qu’Athanase, déposé par le concile de Tyr, était en exil à Trêves, les troubles étaient si forts à Alexandrie qu’on n’osa pas lui nommer un successeur. Après la mort de Constantin Ier (22 mai 337), Constantin II le rendit à son diocèse (17 juin 337) où il arriva le 23 novembre 337. Les ariens élurent Grégoire de Cappadoce qui, avec l’appui du préfet d’Egypte, s’empara des églises d’Alexandrie qu’Athanase dut quitter (mars 339). Réfugié à Rome, il fut réhabilité par un concile réuni sous le pape Jules Ier mais il dut attendre la mort de son compétiteur et l’amnistie de l’empereur Constance pour rentrer dans son diocèse (21 octobre 346). Constance reprit les hostilités contre Athanase qui fut de nouveau chassé d’Alexandrie (356) et dut se réfugier dans la campagne égyptienne jusqu’à la mort de l’Empereur dont le successeur, Julien, rappela immédiatement les exilés (361). Rentré le 21 février 362, Athanase fut encore condamné à l’exil le 23 octobre 362 mais Julien ayant été tué dans la guerre contre les Perses (26 juin 363), son successeur, Jovien, vrai catholique, le rappela. Jovien mourut accidentellement (février 364) et son successeur, Valens, arien, chassa de nouveau Athanase d’Alexandrie le 5 octobre 365 où il l’autorisera à revenir le 1er février 366. Athanase mourut dans la nuit du 2 au 3 mai 373.

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Extrait du célèbre « Contra gentes et de incarnatione Verbi » (Contre les Païens), (32 – 33), par St Athanase :

         Comment, puisque le corps est naturellement mortel, l’homme raisonne-t-il sur l’immortalité, et désire-t-il souvent la mort pour la vertu ? Ou encore, comment, puisque le corps est éphémère, l’homme se représente-t-il les réalités éternelles au point de mépriser les choses présentes, et de tourner son désir vers les autres ? Le corps ne saurait de lui-même raisonner ainsi sur lui-même, ni sur ce qui est extérieur à lui : il est mortel et éphémère ; il faut donc nécessairement qu’il y ait autre chose qui raisonne sur ce qui est opposé au corps et contraire à sa nature. Qu’est cela encore une fois, sinon l’âme raisonnable et immortelle ? Et elle n’est pas extérieure au corps, mais lui est intérieure — comme le musicien qui avec sa lyre fait entendre les meilleurs sons. Comment encore, l’œil étant naturellement fait pour voir et l’oreille pour entendre, se détournent-ils de ceci et préfèrent-ils cela ? Qu’est-ce qui détourne l’œil de voir ? ou qui empêche l’oreille d’entendre, alors qu’elle est faite naturellement pour entendre ? Et le goût, naturellement fait pour goûter, qu’est-ce qui souvent l’arrête dans son élan naturel ? La main, naturellement faite pour agir, qui l’empêche de toucher tel objet ? L’odorat, fait pour sentir les odeurs, qui le détourne de les percevoir ? Qui agit ainsi à l’encontre des propriétés naturelles des corps ? Comment le corps se laisse-t-il détourner de sa nature, et conduire par les avis d’un autre, et diriger par un signe de lui ? Tout cela montre que seule l’âme raisonnable mène le corps. Le corps n’est point fait pour se mouvoir lui-même, mais il se laisse conduire et mener par un autre, comme le cheval ne s’attelle pas lui-même, mais se laisse diriger par celui qui l’a maîtrisé. Aussi y a-t-il des lois chez les hommes, pour leur faire faire le bien et éviter le mal ; mais les êtres sans raison ne peuvent ni raisonner ni discerner le mal, puisqu’ils sont étrangers à la rationalité et à la réflexion raisonnable. Ainsi les hommes possèdent une âme raisonnable ; je pense l’avoir montré par ce qui vient d’être dit.
         Que l’âme soit aussi immortelle, la doctrine de l’Eglise ne peut l’ignorer, pour trouver là un argument capable de réfuter l’idolâtrie. On parviendra de plus près à cette notion, si l’on part de la connaissance du corps et de sa différence d’avec l’âme. Si notre raisonnement a montré qu’elle est autre que le corps, et si le corps est naturellement mortel, il s’ensuit nécessairement que l’âme est immortelle, puisqu’elle est différente du corps. De plus, si, comme nous l’avons montré, c’est l’âme qui meut le corps, sans être elle-même mue par d’autres, il s’ensuit que l’âme se meut elle-même, et qu’après que le corps a été mis en terre, elle se meut encore par elle-même. Car ce n’est pas l’âme qui meurt, mais c’est quand elle se sépare de lui que meurt le corps. Si donc elle était mue par le corps, il s’ensuivrait que, le moteur s’éloignant, elle mourrait ; mais si c’est l’âme qui meut le corps, à plus forte raison elle se meut elle-même. Et si elle se meut elle-même, nécessairement elle vit après la mort du corps. Car le mouvement de l’âme n’est pas autre chose que sa vie, de même aussi que nous disions que le corps vit quand il est en mouvement, et que c’est la mort pour lui quand il cesse de se mouvoir. On verra cela encore plus clairement à partir de l’activité de l’âme dans le corps. Quand l’âme est venue dans le corps et lui est enchaînée, elle n’est pas resserrée et mesurée par la petitesse du corps, mais bien souvent, alors que celui-ci est couché dans son lit, immobile, et comme endormi dans la mort, l’âme, selon sa propre vertu, est éveillée, et s’élève au-dessus de la nature du corps; comme si elle s’en allait loin de lui, bien que restant dans le corps, elle se représente et contemple des êtres supraterrestres ; souvent même elle rencontre ceux qui sont au-dessus des corps terrestres, les saints et les anges, et s’en va vers eux, se confiant dans la pureté de l’esprit. Comment donc, à plus forte raison, détachée du corps quand le voudra Dieu qui l’avait liée à lui, n’aura-t-elle pas une connaissance plus claire de l’immortalité ? Si, quand elle était liée au corps, elle vivait une vie étrangère au corps, à plus forte raison, après la mort du corps, elle vivra et ne cessera de vivre, parce que Dieu l’a ainsi créée par son Verbe, notre Seigneur Jésus-Christ. C’est pourquoi elle pense et réfléchit aux choses immortelles et éternelles, puisqu’elle aussi est immortelle. De même que, le corps étant mortel, ses sens contemplent des choses mortelles, ainsi l’âme qui contemple des réalités immortelles et raisonne sur elles, doit-elle nécessairement être immortelle et vivre éternellement. Les pensées et considérations sur l’immortalité ne la quittent jamais, mais demeurent en elle comme un foyer qui assure l’immortalité. C’est pourquoi elle a la pensée de la contemplation de Dieu, et devient à elle-même sa propre voie ; ce n’est pas du dehors, mais d’elle-même qu’elle reçoit la connaissance et la compréhension du Verbe de Dieu.

Saint Athanase

L’ART SACRÉ ET SA NATURE PROFONDE

2 mai, 2012

http://www.zenit.org/article-30592?l=french

L’ART SACRÉ ET SA NATURE PROFONDE

Par le card. Cañizares Llovera

ROME, lundi 16 avril 2012 (ZENIT.org) – Cette réflexion sur « L’art sacré et sa nature profonde », est une introduction du cardinal espagnol Antonio Cañizares Llovera, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, à un livre publié en italien par Rodolfo Papa, intitulé “Discours sur l’art sacré” (“Discorsi sull’arte sacra”, éd. Cantagalli, Sienne, 2012)
Introduction du card. Cañizares Llovera
         Voici une œuvre dont nous avions besoin et que nous attendions : celle de Rodolfo Papa qui étudie en grand spécialiste l’art sacré dans sa nature profonde et son identité. Il s’agit ici de la nature intime et de l’identité de l’art sacré, mais également de l’art en tant que tel, dans lesquels vérité et beauté sont inséparables et en quoi foi et art, foi et beauté s’embrassent dans une parfaite réciprocité et une union indéfectible; quelque chose de semblable à ce qui se passe entre foi et raison.
         C’est ce que le Pape Benoît XVI reconnaissait dans l’interview accordée aux journalistes en novembre 2010 dans l’avion qui l’emmenait à Saint-Jacques-de-Compostelle et à Barcelone pour la consécration de la basilique de la Sainte-Famille de l’architecte Antonio Gaudi. Il affirmait alors : «Vous savez que j’insiste beaucoup sur la relation entre foi et raison, que la foi, et la foi chrétienne, n’a son identité que dans l’ouverture à la raison, et que la raison devient elle-même si on la transcende vers la foi. Mais la relation entre foi et art est tout aussi importante, car la vérité, but et objectif de la raison, s’exprime dans la beauté et devient elle-même dans la beauté, se prouve comme vérité. Là où se trouve la vérité doit donc naître la beauté, et là, où l’être humain se réalise de manière correcte et bonne, il s’exprime dans la beauté. La relation entre vérité et beauté est inséparable et nous avons donc besoin de la beauté. Pour l’Eglise depuis ses débuts, dans la grande modestie et pauvreté de l’époque des persécutions, l’art, la peinture, l’expression du salut de Dieu dans les images du monde, le chant puis les édifices sont constitutifs et resteront constitutifs pour toujours. Ainsi l’Eglise a été la mère des arts pendant des siècles et des siècles: le grand trésor de l’art occidental – que ce soit la musique, l’architecture ou la peinture – est né de la foi de l’intérieur de l’Eglise. Aujourd’hui, il y a une certaine «dissidence», mais cela nuit aussi bien à l’art qu’à la foi. Un art qui perdrait la racine de la transcendance ne serait plus orienté vers Dieu : ce serait un art diminué, il perdrait sa source vivante; et une foi qui ne posséderait que l’art du passé, ne serait plus une foi du présent. Aujourd’hui elle doit s’exprimer à nouveau comme une vérité toujours présente. C’est pourquoi le dialogue ou la rencontre – je dirais les deux – entre art et foi est inscrit dans l’essence la plus profonde de la foi; nous devons faire tout ce qui est possible pour qu’aujourd’hui aussi, la foi s’exprime à travers un art authentique, comme Gaudí, dans la continuité et dans la nouveauté, et que l’art ne perde pas le contact avec la foi» (Benoît XVI, entretien avec les journalistes, 6 novembre 2010).
Quand ce livre a été conçu ces paroles n’avaient pas été dites mais l’œuvre de Rudolf Papa – homme de foi, intellectuel pénétrant et artiste, passionné de vérité et de beauté – constitue un approfondissement, une explication et un commentaire fidèle de cette parole et de cette pensé du Pape Benoît XVI pour qui foi et art, la beauté de l’art sacré et l’unité fondamentale entre art et liturgie sont des thèmes très importants de son pontificat.
 On peut parfaitement comprendre les relations d’amitié entre l’Eglise et les artistes à travers les siècles jusqu’à nos jours. C’est ainsi que les derniers papes, de Paul VI à Benoît XVI ont réaffirmé la nécessité de cette relation qui n’est rien de moins qu’unité et réciprocité totale. De plus, on comprend bien l’appel de ces papes à exprimer dans des œuvres d’art la relation entre foi et art (foi et beauté) indissociable de l’autre relation foi et raison (foi et vérité, foi et bonté), tout cela exprimé de façon magistrale par l’auteur de ce livre. De cette vision de l’art, et de l’art sacré en particulier on peut apprécier son caractère pérenne et sa nature non éphémère ainsi que sa valeur universelle en dépit des circonstances de l’Histoire, des effets de mode ou d’aspirations mercantiles. Mais on comprend aussi sa dimension religieuse et l’implication totale de la personnalité de l’artiste dans l’expression de ses œuvres et tout particulièrement quand il traite de thèmes sacrés c’est à dire de l’art liturgique qui se réalise par la musique, la peinture, la sculpture ou l’architecture .Il est impossible de cacher l’expression de l’initiative de Dieu, de l’action divine qui toujours précède toute œuvre artistique qu’elle soit liturgique ou de tout autre ordre.
            Tout en écrivant cette présentation je pense aux nombreux artistes qui sont de fidèles reflets et des témoins de la vérité de cette relation entre art et foi magnifiquement exprimée par l’auteur et aux artistes et à leurs œuvres auxquels il fait référence dans ce livre. Je pense, par exemple, au génial peintre universel de l’âge d’or espagnol le Greco, alors que nous approchons de la célébration de son quatrième centenaire. Ni la personne ni les résultats du travail du Greco ne peuvent être séparés de leurs dimensions religieuses et de la foi chrétienne. Tout en eux traduit la grandeur d’un homme d’esprit avec une « touche divine spéciale », capable de percevoir et de façonner par les caractéristiques et l’expression des couleurs de sa peinture singulière la suprême beauté, l’abîme infini de la perfection, incomparable et souveraine. Toutes ses œuvres, grandes et uniques, reflètent la profondeur de son âme, image de son Créateur qui l’a modelée avec la touche délicate de son « pinceau divin ». Dans toute l’œuvre du Greco l’esprit sublime apparaît toujours, cet esprit qui contempla et pénétra le « Mystère », conduisant à sa densité et l’exprimant avec toute l’élévation de l’art qui émerge de la profondeur d’un être illuminé par cette expérience et qui transcende le coup d’œil superficiel incapable de s’élever lui-même vers les sommets de l’esprit. Le Greco s’immerge dans la profondeur de l’Evangile et dans le mystère de l’Incarnation – de Dieu fait homme pour les hommes et livré par eux sur la croix – et dans la victoire sur la mort cette ennemie de l’homme ; avec tant de beauté et de drame que le Greco savait exprimer dans son travail.
            Ainsi, avec de profondes racines chrétiennes, bien formé et capable de donner une raison à sa vérité, le Greco, dans toute son œuvre picturale montre la réalité fondamentale de cette foi, enseigne et parle des mystères les plus profonds aux ignorants et simples, enseigne, élève, mène à la contemplation, à l’émerveillement, à la vénération, à la prière de demande et de louange ; donne raison à la foi, démontre la symphonie et l’harmonie de sa beauté, de son rayonnement et de son expression dans l’esprit humain le plus vivant et le plus authentique.
            A l’époque où il travaillait, les circonstances étaient particulières et cependant son art continue de nous parler avec acuité aujourd’hui comme hier, car ce ne sont pas des œuvres de circonstances éphémères ou d’évènements vite passés, mais plutôt l’expression d’une réalité qui ne meurt pas et qu’il fait avec le langage de « hauteur d’âme » comme le disent les mystiques. Il parle avec les pinceaux et couleurs de ce « centre profond de l’âme » où tout homme se sait et se sent compris quelle que soit sa génération et son époque.
            En tant qu’homme fermement « chrétien » et fils de son époque, le Greco reflète l’homme pour qui il manifeste une passion vivante et singulière. Qui parmi nous ne voit cette passion dans l’Entierro del Duque de Orgaz ou dans Expolio ou dans l’Apostolado de la sacristie de la cathédrale de Tolède ou dans le San Jose de la même cathédrale ? Les mains, les yeux, les visages, les mouvements des corps, tout dans son travail est l’expression de la façon dont il voit l’homme et son drame : l’homme qui soufre et qui aime, qui vit le drame de l’existence et son désir de bonheur, aimé par Dieu, l’homme qui est de Dieu, aimé et élevé, l’homme sauvé et appelé à participer à Sa Gloire ; la vérité de l’homme tel qu’il est devant Dieu. Ce que traduit bien son art est que « la Gloire de Dieu est l’Homme vivant » (S. Irénée de Lyon). Toute son œuvre manifeste et exprime l’homme, et pénètre la profondeur de l’être humain, non comme le verrait un païen ou un humaniste, mais plus exactement avec une différence notable : celle qui permet la vision de la foi et d’y arriver avec un regard particulier, celui de la vérité qui est inséparable de la beauté. Derrière les visages ou les corps, les mains ou les yeux, les couleurs et les plis des drapés ou le mouvement des corps, là se trouve la vérité que professe sa foi en l’homme.
Cette foi, irréfutablement chrétienne et christocentrique est également profondément anthropologique, humaine, et c’est la clé fondamentale pour entrer et s’immerger dans la richesse, la grandeur du Greco comme dans l’art occidental le plus authentique. Ses œuvres, comme toutes celles nées de la foi chrétienne, sont des œuvres qui ne sont pas dépouillées et ne peuvent être dépouillées de leur aura de beauté. De même elles ne sont pas – et nous ne voulons pas, ne permettrons pas qu’elles deviennent – de purs et simples objets de plaisirs pour leurs qualités esthétiques, de purs et simples objets de la curiosité distraite des visiteurs d’expositions et des musées. Son art est le lieu où se rencontrent le saint et le croyant, où la beauté est la splendeur de la grâce. Ici la beauté porte notre attention vers un « Autre » dont nous ne pouvons pas simplement nous défaire mais qui néanmoins nous attire, nous rassérène, nous donne la paix. Ici, à travers la beauté émane une force qui ne nous écrase pas ni ne nous asservit mais qui nous soutient. Ici se diffuse une liberté qui émane sans cesse des profondeurs, du centre, de notre être et nous libère : la liberté surgit de la vérité et de la beauté. Ici, par dessus tout, s’ouvre à nous la communication du don divin et l’amour qui se donne à nous; ici apparaît l’espérance et se dessine le futur d’une humanité nouvelle ; une humanité qui construit son futur.
            En conclusion, encore une fois j’adresse toute ma reconnaissance et mes félicitations à Rodolfo Papa, pour cet ouvrage qui, non seulement, nous introduit dans la nature et l’identité de l’art sacré, mais aussi qui représente une aide majeure afin que l’unité profonde entre la liturgie et la beauté ne puisse jamais être déformée de quelques façons que se soit mais au contraire que la relation entre elles puissent être approfondie et fortifiée. Il me reste maintenant à inviter le lecteur à lire ce livre et laisser son âme et son regard s’enrichir.

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