Archive pour mai, 2012
La liberté religieuse selon l’Ancien Testament
28 mai, 2012http://www.esprit-et-vie.com/breve.php3?id_breve=748
Maurice Gilbert
La liberté religieuse selon l’Ancien Testament
L’Ancien Testament apporte-t-il quelque témoignage de la liberté religieuse ? Dans son décret Dignitatis humanae, le concile Vatican II se réfère, au niveau biblique, au seul exemple du Christ et des apôtres. Peut-on remonter jusqu’à l’Ancien Testament ? La liberté en matière religieuse et de culte est un droit de chaque être humain que les États sont tenus de respecter. L’ancien Israël, même aux époques où il ne formait pas un État, a-t-il connu quelque chose de ce droit et l’a-t-il respecté ?
Il y eut tout d’abord deux périodes durant lesquelles, selon le texte biblique, les Hébreux, puis les Judéens ont joui de la tolérance en matière religieuse de la part de ceux chez qui ils demeuraient.
En Égypte et en Babylonie
D’après le récit de l’esclavage en Égypte (Ex 1 et 5), à l’époque de Moïse, les Hébreux étaient opprimés par des corvées, mais leur foi en Yahvé et leurs pratiques religieuses n’étaient pas contestées, comme telles, par le Pharaon et ses gens. Le récit de la Pâque ne signale pas une pratique interdite par le pouvoir (Ex 12). En fait, Yahvé avait ordonné à Moïse d’aller demander au Pharaon d’accorder au peuple hébreu la permission d’aller à trois jours de marche dans le désert pour y sacrifier à leur Dieu (Ex 3,18). Tel un refrain, cette requête revient continuellement dans le récit des plaies. Le Pharaon refusa parce que, traités de paresseux (Ex 5,4-5.17), les Hébreux ne travailleraient plus à la corvée. Le motif n’est donc pas religieux. Ensuite, plus les plaies ruinent l’Égypte, plus le Pharaon tergiverse, accordant la permission, puis se reprenant quand la plaie cesse. Finalement, à l’ultime plaie, il les laissa partir avec leurs troupeaux, comme ils le demandaient (Ex 12,31-32).
Une autre série de textes laisse entendre que, durant leur exil en Babylonie, les fidèles de Yahvé jouirent d’une certaine tolérance en matière religieuse. C’est parmi les exilés qu’Ézéchiel puis le second Isaïe exercèrent leur ministère prophétique, avec succès. La fin de l’exil et le retour à Jérusalem, grâce à Cyrus, manifestent une même tolérance, dont l’édit du nouveau maître de Babylone témoigne (2 Ch 36,23 ; Esd 1,2-4), même si une telle tolérance pouvait être plus une prudente stratégie politique que le fruit d’une conviction religieuse.
Dialogue et liberté
Autre contexte, celui qu’on trouve dans Josué 24 ; ce récit de la grande assemblée de Sichem est un ajout tardif au livre. La Bible de Jérusalem de 1998 en donne une interprétation classique :
La foi en Yahvé, apportée par le groupe que conduit Josué, est proposée par lui à d’autres groupes qui n’en ont pas encore entendu parler. Ils n’ont pas été en Égypte et n’ont pas bénéficié des merveilles de l’Exode et de la révélation du Sinaï ; cependant ce ne sont pas des Cananéens et ils ont une origine commune avec le groupe de Josué : il s’agit des tribus du Nord qui, par ce pacte, acceptent la foi en Yahvé et deviennent ainsi partie du peuple de Dieu (note a, p. 342).
Toutefois, Josué 24 pourrait refléter une situation plus récente, peut-être même du ve siècle, où les rapatriés de l’exil babylonien affrontent ceux qui, restés au pays, n’ont pas connu cet exil.
Après avoir résumé toute l’histoire ancienne depuis le père d’Abraham, Térah, et son frère Nahor (Gn 11,27) jusqu’à la conquête de la Terre promise – signe d’une rédaction tardive -, Josué propose aux tribus rassemblées soit de servir Yahvé, soit de se choisir les dieux qu’ils veulent servir : ou les dieux que servaient Térah et Nahor, ou ceux des Amorites dont ils habitent à présent le territoire. S’engage alors un dialogue entre les tribus et Josué, qui déclare immédiatement que lui et les siens serviront Yahvé. Pour faire comprendre aux autres tribus le sérieux de l’engagement à prendre, Josué leur fait remarquer que, s’ils s’engagent envers Yahvé, comme ils le disent, celui-ci ne tolérera pas leurs infidélités. La réponse des tribus est claire : « Non, c’est Yahvé que nous servirons. » Sur quoi, Josué les prend au mot : « Vous êtes témoins contre vous-mêmes de votre choix », ce que le peuple reconnaît. Par conséquent, conclut Josué : « Écartez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous et inclinez votre cœur vers Yahvé » ; ce à quoi de nouveau le peuple acquiesça.
Ce dialogue est important, car il montre que le choix de la foi en Yahvé ne peut être fait à la légère. Josué, tel un bon catéchète, montre en même temps le sérieux et les conséquences du choix. Ceux qui acceptent la foi en Yahvé n’y sont nullement obligés. Par ce dialogue, Josué met en œuvre leur liberté de conscience.
En outre, Josué 24 veut probablement montrer que si, dès le livre des Juges, Israël est infidèle à son engagement, encourant alors la colère de Yahvé, il n’a qu’à s’en prendre à lui-même.
Ruth est un autre cas où la liberté religieuse est clairement laissée à l’héroïne du récit.
Noémi et ses deux belles-filles sont toutes les trois veuves. Noémi pratique la religion d’Israël ; originaire du clan éphratéen (Rt 1,2), elle se décide à retourner à Bethléem. Ces belles-filles sont moabites et Noémi les invite à retourner chez les leurs. Après deux insistances de Noémi, l’une d’elles, Orpa, accepte de retourner chez son peuple. Quant à Ruth, Noémi lui dit pour la troisième fois : « Vois, ta belle-sœur s’en est retournée vers son peuple et vers son dieu ; retourne toi aussi, et suis-la » (Rt 1,15).
CATÉCHÈSE DE BENOÎT XVI, AUDIENCE DU 23 MAI 2012
28 mai, 2012http://www.zenit.org/article-30906?l=french
CATÉCHÈSE DE BENOÎT XVI, AUDIENCE DU 23 MAI 2012
« Dieu est notre Père : pour lui, nous avons un nom »
ROME, mercredi 23 mai 2012 (ZENIT.org) – « Dieu est notre Père, pour lui nous ne sommes pas des êtres anonymes, impersonnels, mais nous avons un nom », affirme Benoît XVI. Partant de l’invocation de Jésus à Gethsémani : « Abba ! Père ! », le pape invite à méditer sur la « paternité de Dieu, pour que nous puissions nous laisser réchauffer le cœur par cette réalité profonde ».
En ce mercredi 23 mai, lors de l’audience générale, Benoît XVI a en effet poursuivi sa catéchèse sur la prière devant des milliers de personnes rassemblées place Saint-Pierre.
Catéchèse de Benoît XVI en italien :
Chers frères et sœurs,
Mercredi dernier, j’ai montré comment saint Paul dit que l’Esprit-Saint est le grand maître de la prière et comment il nous enseigne à nous adresser à Dieu avec les mots affectueux d’un enfant, en l’appelant « Abba, Père ». C’est ce qu’a fait Jésus ; même au moment le plus dramatique de sa vie terrestre, il n’a jamais perdu sa confiance dans le Père et l’a toujours invoqué dans l’intimité du Fils bien-aimé. A Gethsémani, lorsqu’il ressent l’angoisse de la mort, sa prière est : « Abba (Père) ! Tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe ; pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36).
Dès les débuts de son cheminement, l’Eglise a accueilli cette invocation et se l’est appropriée, en particulier dans la prière du Notre Père, dans laquelle nous disons chaque jour : « Notre Père… que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » (Mt 6, 9-10). Dans les Lettres de saint Paul, nous la retrouvons deux fois. L’apôtre, nous venons de l’entendre, s’adresse aux Galates en ces termes : « Et la preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! » (Ga 4, 6). Et au centre de ce chant à l’Esprit qu’est le chapitre huit de la Lettre aux Romains, saint Paul affirme : « Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte ; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : Abba ! Père ! » (Rm 8, 15). Le christianisme n’est pas une religion de la peur, mais de la confiance et de l’amour du Père qui nous aime. Ces deux affirmations denses nous parlent de l’envoi et de l’accueil de l’Esprit-Saint, don du Ressuscité, qui fait de nous des fils dans le Christ, le Fils unique, et qui nous introduit dans une relation filiale avec Dieu, une relation de profonde confiance, comme celle des petits enfants ; une relation filiale analogue à celle de Jésus, même si elle est d’une origine différente et d’une autre épaisseur : Jésus est le Fils éternel de Dieu qui s’est fait chair, mais nous, nous devenons fils en lui, dans le temps, par la foi et par les sacrements du baptême et de la confirmation ; grâce à ces deux sacrements, nous sommes immergés dans le mystère pascal du Christ. L’Esprit-Saint est le don précieux et nécessaire qui fait de nous des enfants de Dieu, qui réalise cette adoption filiale à laquelle sont appelés tous les êtres humains parce que, comme le précise la bénédiction divine de la Lettre aux Ephésiens, Dieu, dans le Christ, « nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour lui des fils adoptifs par Jésus-Christ » (Ep 1, 4).
L’homme d’aujourd’hui ne perçoit peut-être pas la beauté, la grandeur et la consolation profonde contenues dans la parole « père » avec laquelle nous pouvons nous adresser à Dieu dans la prière, parce que, souvent, aujourd’hui, la figure paternelle n’est pas suffisamment présente, et souvent aussi elle n’est pas suffisamment positive dans la vie quotidienne. L’absence du père, le problème du père qui n’est pas présent dans la vie d’un enfant est un grand problème de notre temps et, pour cette raison, il devient difficile de comprendre en profondeur ce que signifie que Dieu est un Père pour nous. C’est de Jésus, de son rapport filial avec Dieu, que nous pouvons apprendre ce que signifie vraiment le mot « père », quelle est la véritable nature du Père qui est aux cieux. Des critiques de la religion ont estimé que parler du « Père », de Dieu, serait une projection de nos propres pères sur le ciel. Mais c’est le contraire qui est vrai : dans l’Evangile, le Christ nous montre qui est père et comment est un vrai père, pour que nous puissions pressentir ce qu’est la véritable paternité, et apprendre aussi la véritable paternité. Pensons aux paroles de Jésus, dans le sermon sur la montagne, lorsqu’il dit : « Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux » (Mt 5, 44-45). C’est justement l’amour de Jésus, le Fils unique – qui va jusqu’au don de lui-même sur la croix – qui nous révèle la vraie nature du Père : il est l’Amour et nous aussi, dans notre prière de fils et de filles, nous entrons dans ce circuit d’amour, l’amour de Dieu qui purifie nos désirs, nos comportements marqués par nos fermetures sur nous-mêmes, notre autosuffisance, notre égoïsme typique du vieil homme.
Je voudrais m’arrêter un instant sur la paternité de Dieu, pour que nous puissions nous laisser réchauffer le cœur par cette réalité profonde que Jésus nous fait pleinement connaître et pour que notre prière s’en nourrisse. Nous pourrions donc dire qu’en Dieu, le fait d’être Père a deux dimensions. Avant tout, Dieu est notre Père, parce qu’il est notre créateur. Chacun de nous, chaque homme et chaque femme est un miracle de Dieu, est voulu par lui, est connu personnellement par lui. Lorsque, dans le Livre de la Genèse, on dit que l’être humain est créé à l’image de Dieu (cf. 1, 27), c’est justement cette réalité que l’on veut exprimer : Dieu est notre Père, pour lui nous ne sommes pas des êtres anonymes, impersonnels, mais nous avons un nom. Il y a une parole, dans les psaumes, qui me touche toujours quand je la prie : « Tes mains m’ont fait et fixé », dit le psalmiste (Ps 119, 73). Chacun de nous peut dire, dans cette belle image, sa relation personnelle avec Dieu : « Tes mains m’ont fait et fixé. Tu m’as pensé, et créé, et voulu ». Mais ceci n’est pas encore suffisant. L’Esprit du Christ nous ouvre à une seconde dimension de la paternité de Dieu, qui dépasse la création, puisque Jésus est le « Fils » au sens plénier du terme, « de même nature que le Père », comme nous le professons dans le Credo. En devenant un être humain comme nous, par son incarnation, sa mort et sa résurrection, Jésus nous accueille à son tour dans son humanité et dans son être de Fils, afin que, nous aussi, nous puissions entrer dans son appartenance spécifique à Dieu. Certes, notre être d’enfant de Dieu n’a pas la plénitude de Jésus : nous devons le devenir toujours plus, tout au long de notre existence chrétienne, en grandissant dans la « suite » du Christ, dans la communion à lui pour entrer de manière toujours plus intime dans une relation d’amour avec Dieu le Père, qui soutient notre vie. C’est cette réalité fondamentale qui nous est dévoilée quand nous nous ouvrons à l’Esprit-Saint et qu’il nous fait nous tourner vers Dieu en lui disant : « Abba », Père ! Nous sommes vraiment entrés, au-delà de la création, dans l’adoption avec Jésus ; nous sommes réellement unis en Dieu et fils d’une manière nouvelle, dans une dimension nouvelle.
Mais je voudrais à présent revenir aux deux passages de saint Paul que nous sommes en train de méditer et à cette action de l’Esprit-Saint dans notre prière ; ici aussi, ces deux passages sont en correspondance, mais avec des nuances différentes. Dans la Lettre aux Galates, en effet, l’apôtre affirme que l’Esprit crie en nous « Abba ! Père ! » ; dans la Lettre aux Romains, il dit que c’est nous qui nous écrions « Abba ! Père ! ». Et saint Paul veut nous faire comprendre que la prière chrétienne n’est jamais, ne se passe jamais en sens unique de nous à Dieu, ce n’est pas seulement « notre action » mais c’est l’expression d’une relation réciproque dans laquelle Dieu agit le premier : c’est l’Esprit-Saint qui crie en nous et nous pouvons crier parce que l’impulsion vient de l’Esprit-Saint. Nous ne pourrions pas prier si n’était pas inscrit dans la profondeur de notre cœur le désir de Dieu, notre être d’enfants de Dieu. Depuis qu’il existe, l’homo sapiens est toujours à la recherche de Dieu, il cherche à parler avec Dieu, parce que Dieu s’est inscrit dans nos cœurs. C’est pourquoi la première initiative vient de Dieu et, par le baptême, Dieu agit de nouveau en nous, l’Esprit-Saint agit en nous : il est le premier initiateur de la prière pour que nous puissions ensuite réellement parler avec Dieu et lui dire « Abba ». Sa présence ouvre donc notre prière et notre vie, ouvre les horizons de la Trinité et de l’Eglise.
Nous comprenons aussi, et c’est le second point, que la prière de l’Esprit du Christ en nous, et notre prière en lui, n’est pas seulement un acte individuel, mais un acte de l’Eglise entière. Par la prière, notre cœur s’ouvre, nous entrons en communion non seulement avec Dieu, mais vraiment avec tous les enfants de Dieu, parce que nous sommes un. Lorsque nous nous adressons au Père dans notre chambre intérieure, dans le silence et le recueillement, nous ne sommes jamais seuls. Celui qui parle à Dieu n’est pas seul. Nous sommes dans la grande prière de l’Eglise, nous faisons partie d’une grande symphonie que la communauté chrétienne, dispersée sur toute la terre et dans tous les temps, élève vers Dieu ; certes les musiciens et les instruments sont différents – et c’est un élément de richesse – mais la mélodie de la louange est unique et harmonieuse. Alors, chaque fois que nous nous écrions et que nous disons : « Abba ! Père ! », c’est l’Eglise, toute la communion des hommes en prière qui soutient notre invocation, et notre invocation est celle de l’Eglise. Cela se reflète aussi dans la richesse des charismes, des ministères, des devoirs, que nous assumons dans la communauté. Saint Paul écrit aux chrétiens de Corinthe : « Il y a, certes, diversité de dons spirituels, mais c’est le même Seigneur ; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous » (1 Co 12, 4-6). La prière, guidée par l’Esprit-Saint qui nous fait dire « Abba ! Père ! », avec le Christ et dans le Christ, nous insère dans l’unique et grande mosaïque de la famille de Dieu où chacun a une place et un rôle important, dans une unité profonde avec l’ensemble.
Une dernière remarque : nous apprenons aussi à nous écrier : « Abba ! Père ! », avec Marie, la Mère du Fils de Dieu. L’accomplissement de la plénitude des temps, dont parle saint Paul dans la Lettre aux Galates (cf. 4, 4), se réalise au moment du « oui » de Marie, de sa pleine adhésion à la volonté de Dieu : « Je suis la servante du Seigneur » (Lc 1, 38).
Chers frères et sœurs, apprenons à goûter, dans notre prière, la beauté d’être des amis, ou plutôt des enfants de Dieu, de pouvoir l’invoquer avec la familiarité et la confiance d’un petit enfant envers ses parents qui l’aiment. Ouvrons notre prière à l’action de l’Esprit-Saint pour qu’il crie en nous : « Abba ! Père ! », et pour que notre prière transforme, convertisse constamment notre pensée et nos actions afin qu’elles soient toujours plus conformes à celles du Fils Unique, Jésus-Christ. Merci.
Synthèse en français de la catéchèse:
Chers frères et soeurs,
L’Esprit-Saint nous enseigne à nous adresser à Dieu en l’appelant « Abbà, Père ». Il est le don du Ressuscité qui nous met dans une relation de confiance filiale avec Dieu. Que cette profonde réalité de la paternité de Dieu réchauffe notre coeur et nourrisse notre prière ! Dieu est d’abord notre Père parce qu’il est notre Créateur. Plus encore, par son Incarnation, sa Mort et sa Résurrection, Jésus qui est le « Fils » au sens plein, nous accueille dans son humanité et dans son être de Fils. Et nous devons le devenir toujours plus en grandissant dans la communion avec Lui pour entrer plus intimement dans la relation d’amour avec le Père. La prière chrétienne n’est jamais à sens unique, de nous vers Dieu, elle est l’expression d’une relation réciproque où Dieu agit toujours le premier : c’est l’Esprit-Saint qui crie en nous « Abba, Père ! », quand nous lui ouvrons notre coeur pour qu’il demeure en nous. Cette présence ouvre notre prière et notre vie
aux horizons de la Trinité et de l’Église. La prière de Jésus devient notre prière. Chers amis, dans notre prière, apprenons à goûter la beauté d’être des enfants de Dieu. Laissons l’Esprit agir en nous pour rendre notre pensée et notre action toujours plus conformes à celles de Jésus !
Salutation en français :
Je salue avec joie les pèlerins francophones venant en particulier de France, de Belgique, du Canada et de l’Île Maurice. Puissiez-vous découvrir la beauté, la grandeur et la consolation de vous adresser à Dieu dans la prière en utilisant avec confiance le beau nom de « Père » ! Bon pèlerinage à tous !
Traduction de ZENIT [Hélène Ginabat]
Grégoire de Nysse : Sur la Pentecôte
26 mai, 2012http://www.patristique.org/Gregoire-de-Nysse-Sur-la-Pentecote.html
Grégoire de Nysse : Sur la Pentecôte
par Luc Fritz
Nous sommes à la fin du IVe siècle. Grégoire de Nysse († 395), le frère de Basile de Césarée, célèbre la Pentecôte avec ses paroissiens. Il leur explique pourquoi cette solennité doit être une occasion de joie pour chacun. Au passage, il dénonce l’erreur de ceux qui se refusent à confesser la divinité du Saint Esprit.
Le sermon Sur la Pentecôte ou Sur le Saint Esprit est extrêmement bien construit. Il est divisé en deux parties annoncées dans l’introduction.
Grégoire de Nysse part de l’ouverture du Psaume 94, « Venez, crions de joie pour le Seigneur » et s’interroge sur ce que signifie cette invitation à la joie proposée par la liturgie pour fêter la grâce de la Pentecôte. Grégoire répond à la question en deux temps. Le premier consiste à se demander ce que fut, en tant que telle, la grâce originelle de la Pentecôte. Celle-ci étant explicitée, il convient de comprendre en quoi la fête de la Pentecôte suscite aujourd’hui encore la joie des chrétiens, en quoi la grâce de la Pentecôte est toujours actuelle. Grégoire aboutit ainsi à un plan en deux parties.
I. La grâce de la Pentecôte : joie de la révélation plénière du Salut en l’Esprit qui est Seigneur
Cette première partie retrace dans ses grandes lignes l’histoire du salut. À l’origine, l’homme s’est trompé, et a été trompé, dans sa compréhension de Dieu. Sa rupture de communion avec le Dieu de l’univers l’a conduit à l’idolâtrie. Mais le Seigneur de la création ne l’a pas abandonné à son sort. Au contraire, la philanthropie divine s’applique à libérer l’homme de l’erreur en l’amenant progressivement à la connaissance de la vérité.
Cette progressivité est illustrée par l’exemple des soins donnés aux personnes qui ont souffert d’une longue famine. Les médecins ne les conduisent pas immédiatement au rassasiement car leurs corps, affaiblis par la famine, ne toléreraient pas une nourriture abondante. Il en va de même dans le domaine spirituel : l’homme coupé de sa communion à Dieu ne peut accéder immédiatement à la totalité du mystère divin car il ne supporterait pas la pleine révélation du mystère de la foi baptismale. Celle-ci proclame que l’homme est sauvé au nom du Père, du Fils et de l’Esprit. Les hommes ont donc d’abord été détournés du polythéisme par la Loi et les Prophètes, pour s’habituer au Dieu unique, puis ce fut la révélation du Fils, et, après cela, celle de l’Esprit. C’est ainsi que l’homme par assimilation progressive du mystère de la foi en vient à pouvoir se nourrir la la perfection du mystère trinitaire qui, en fait, est la nourriture parfaite qui convient à sa nature.
Telle est la grâce que célèbre la fête de la Pentecôte, telle est la source de la joie : en l’Esprit Saint, la perfection du mystère de la foi a été offert à l’homme. La foi trinitaire y trouve son achèvement dans l’Esprit Saint qui est Seigneur.
II. Aujourd’hui la joie de la Pentecôte naît de l’accueil de la divinité de l’Esprit
La seconde partie du sermon consiste en une recherche d’une compréhension actuelle de la grâce de la Pentecôte.
Grégoire commence par retracer dans ses grandes lignes l’événement pentecostal tel que le décrit le livre des Actes. Ce développement comporte une incise d’ordre spirituel qui rappelle que la participation à l’Esprit suppose que le croyant habite la chambre haute de cette vie, c’est-à-dire qu’il soit effectivement tourné vers les réalités célestes.
Après ce retour sur l’événement de la Pentecôte qui s’achève par le parler en langue des Apôtres, Grégoire passe à une autre étape de sa réflexion en cherchant à actualiser cet événement. Il s’appuie sur Saint Paul, qui préfère dire quelques paroles intelligibles que dix mille en langue, pour souligner que la grâce de la Pentecôte ne consiste plus aujourd’hui en la descente de langues de feu pour la réalisation de l’unité de la langue destinée à favoriser la prédication – l’unité de la langue étant désormais atteinte puisque le monde antique parle grec – mais dans l’accueil de la langue ardente de l’Esprit qui s’exprime dans les Écritures pour illuminer ceux qui sont dans les ténèbres de l’erreur.
Des textes de David et de Paul contribueront à bien comprendre l’Écriture, cette langue ardente de l’Esprit, qui nous révèle clairement la divinité du Saint Esprit. Grégoire s’appuie ainsi sur les premiers versets du Psaume 94 et sur He 3, 7 pour démontrer que l’Esprit Saint est Dieu Très-Haut.
Grégoire de Nysse clôt son sermon par une exhortation en interpellant les adversaires de la divinité de l’Esprit : les Pneumatomaques. Acceptent-ils la parole de l’Esprit qui se révèle dans les divines Écritures et qui montrent la divinité de l’Esprit ou s’en moquent-ils comme de ceux qui sont pleins de vin doux ! Il souhaite toutefois que ce vin doux les atteigne un jour eux aussi car il n’est autre que le vin issu du pressoir mystique, donné pour que le sang de la grappe du Seigneur puisse effectivement être bu. Mais ceux qui s’opposent à la divinité de l’Esprit jamais ne pourront contenir un tel vin car ils transportent encore la vieille outre incapable de contenir ce vin.
Grégoire termine son discours en invitant ses auditeurs à se réjouir du don de l’Esprit.
Pentecote
25 mai, 2012HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI – PENTECÔTE 2009
25 mai, 2012CHAPELLE PAPALE EN LA SOLENNITÉ DE PENTECÔTE
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Basilique Vaticane
Dimanche 31 mai 2009
Chers frères et sœurs!
A chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, nous vivons dans la foi le mystère qui s’accomplit sur l’autel, c’est-à-dire que nous participons à l’acte suprême d’amour que le Christ a réalisé par sa mort et sa résurrection. Le même et l’unique centre de la liturgie et de la vie chrétienne – le mystère pascal – assume ensuite, dans les différentes solennités et fêtes, des « formes » spécifiques, avec des significations différentes et des dons de grâce particuliers. Parmi toutes les solennités, la Pentecôte se distingue par son importance, parce qu’en elle se réalise ce que Jésus lui-même avait annoncé comme étant le but de toute sa mission sur la terre. En effet, alors qu’il montait à Jérusalem, il avait déclaré à ses disciples: « Je suis venu jeter un feu sur la terre et comme je voudrais que déjà il fût allumé! » (Lc 12, 49). Ces paroles trouvent leur réalisation la plus évidente cinquante jours après la résurrection, à Pentecôte, antique fête juive qui, dans l’Eglise, est devenue par excellence la fête de l’Esprit Saint: « Ils virent apparaître des langues qu’on eût dites de feu;… Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint » (Ac 2, 3-4). Le feu véritable, l’Esprit Saint, a été apporté sur la terre par le Christ. Il ne l’a pas arraché aux dieux, comme le fit Prométhée, selon le mythe grec, mais il s’est fait le médiateur du « don de Dieu » et il l’a obtenu pour nous, par le plus grand acte d’amour de l’histoire: sa mort sur la croix.
Dieu veut continuer à donner ce « feu » à chaque génération humaine, et naturellement, il est libre de le faire quand et comme il le veut. Il est esprit, et l’esprit « souffle où il veut » (cf. Jn 3, 8). Mais il y a une « voie normale » que Dieu a choisie pour « jeter le feu sur la terre »: cette voie c’est Jésus, son Fils unique incarné, mort et ressuscité. A son tour, Jésus a constitué l’Eglise comme son Corps mystique, afin qu’elle prolonge sa mission dans l’histoire. « Recevez l’Esprit Saint » – a-t-il dit aux Apôtres au soir de la résurrection, en accompagnant ces paroles par un geste expressif: il a « soufflé » sur eux (cf. Jn 20, 22). Il a ainsi montré qu’il leur transmettait son Esprit, l’Esprit du Père et du Fils. Et maintenant, chers frères et sœurs, dans la solennité d’aujourd’hui, l’Ecriture nous dit encore une fois comment doit être la communauté, comment nous devons être, pour recevoir le don de l’Esprit Saint. Dans le récit, qui décrit l’événement de Pentecôte, l’auteur sacré rappelle que les disciples « se trouvaient tous ensemble en un seul lieu ». Ce « lieu » est le Cénacle, la « chambre haute », où Jésus avait tenu la Dernière Cène avec ses apôtres, où il leur était apparu, ressuscité; cette pièce qui était devenue pour ainsi dire le « siège » de l’Eglise naissante (cf. Ac 1, 13). Cependant, plutôt que d’insister sur le lieu physique, les Actes des Apôtres veulent faire remarquer l’attitude intérieure des disciples: « Tous d’un même cœur étaient assidus à la prière » (Ac 1, 14). Donc, la concorde entre les disciples est la condition pour que vienne l’Esprit Saint; et le présupposé de la concorde est la prière.
Chers frères et sœurs, cela vaut aussi pour l’Eglise d’aujourd’hui, cela vaut pour nous, qui sommes ici réunis. Si nous ne voulons pas que Pentecôte se réduise à un simple rite ou à une commémoration, même suggestive, mais qu’elle soit un événement actuel de salut, nous devons nous préparer dans une attente religieuse au don de Dieu, par l’écoute humble et silencieuse de sa Parole. Pour que Pentecôte se renouvelle à notre époque, il faut peut-être – sans rien ôter à la liberté de Dieu – que l’Eglise soit moins « essoufflée » par les activités et davantage consacrée à la prière. C’est ce que nous enseigne la Mère de l’Eglise, la Très Sainte Vierge Marie, Epouse de l’Esprit Saint. Cette année, Pentecôte tombe justement le dernier jour du mois de mai, où l’on célèbre habituellement la fête de la Visitation. Celle-ci fut aussi une sorte de petite « pentecôte » qui fit jaillir la joie et la louange des cœurs d’Elisabeth et de Marie, l’une stérile, et l’autre vierge, devenues ensemble mères grâce à une intervention divine extraordinaire (cf. Lc 1, 41-45). La musique et le chant qui accompagnent notre liturgie, nous aident eux aussi à être unanimes dans la prière, et c’est pourquoi j’exprime ma vive reconnaissance au chœur de la cathédrale et à l’orchestre de chambre (Kammerorchester) de Cologne. Pour cette liturgie, à l’occasion du bicentenaire de la mort de Joseph Haydn, a été choisie de façon très opportune son Harmoniemesse, la dernière des « Messes » composées par ce grand musicien, une symphonie sublime à la gloire de Dieu. A vous tous, venus pour cette circonstance, j’adresse mon salut le plus cordial.
Pour désigner l’Esprit Saint, dans le récit de Pentecôte, les Actes des Apôtres utilisent deux grandes images: l’image de la tempête et celle du feu. Il est clair que saint Luc a à l’esprit la théophanie du Sinaï, racontée dans les livres de l’Exode (19, 16-19) et du Deutéronome (4, 10-12.36). Dans le monde antique, la tempête était vue comme le signe de la puissance divine, devant laquelle l’homme se sentait subjugué et empli de crainte. Mais je voudrais souligner aussi un autre aspect: la tempête est décrite comme un « vent impétueux » et cela fait penser à l’air qui différencie notre planète des autres astres et nous permet d’y vivre. Ce que l’air est à la vie biologique, l’Esprit Saint l’est à la vie spirituelle; et de même qu’il existe une pollution atmosphérique qui empoisonne l’environnement et les êtres vivants, de même il existe une pollution du cœur et de l’esprit qui étouffe et empoisonne l’existence spirituelle. De même qu’il ne faut pas s’habituer aux poisons de l’air – c’est pourquoi l’engagement écologique représente aujourd’hui une priorité -, on devrait faire tout autant pour ce qui corrompt l’esprit. Il semble au contraire que l’on s’habitue sans difficulté à de nombreux produits qui polluent l’esprit et le cœur et qui circulent dans notre société – par exemple les images qui transforment en spectacle le plaisir, la violence ou le mépris de l’homme et de la femme. Cela aussi est une forme de liberté, dit-on, sans reconnaître que tout cela pollue, intoxique l’esprit, surtout des nouvelles générations, et finit ensuite par conditionner la liberté elle-même. La métaphore du vent impétueux de Pentecôte fait penser au contraire à quel point il est précieux de respirer un air propre, un air physique, avec les poumons, et un air spirituel, avec le cœur, l’air sain de l’esprit qui est l’amour!
L’autre image de l’Esprit Saint que nous trouvons dans les Actes des Apôtres est le feu. J’ai mentionné au début l’opposition entre Jésus et la figure mythologique de Prométhée, qui rappelle un aspect caractéristique de l’homme moderne. S’étant emparé des énergies du cosmos – le « feu » – l’être humain semble aujourd’hui s’affirmer comme un dieu et vouloir transformer le monde en excluant, en mettant de côté, ou même en refusant le Créateur de l’univers. L’homme ne veut plus être image de Dieu, mais de lui-même; il se déclare autonome, libre et adulte. Il est évident qu’une telle attitude révèle un rapport non authentique avec Dieu, conséquence d’une fausse image qu’il s’est faite de Lui, comme l’enfant prodigue de la parabole évangélique qui croit se réaliser lui-même en s’éloignant de la maison de son père. Entre les mains d’un tel homme, le « feu » et ses immenses potentialités deviennent dangereux: ils peuvent se retourner contre la vie et contre l’humanité elle-même, comme hélas le démontre l’histoire. Les tragédies de Hiroshima et de Nagasaki, dans lesquelles l’énergie atomique, utilisée à des fins belliqueuses, a fini par semer la mort dans des proportions inouïes, en représentent une mise en garde constante.
En vérité, on pourrait trouver de nombreux exemples, moins graves et pourtant tout aussi symptomatiques dans la réalité de chaque jour. L’Ecriture Sainte nous révèle que l’énergie capable de mettre le monde en mouvement n’est pas une force anonyme et aveugle, mais l’action de « l’Esprit de Dieu qui planait sur les eaux » (Gn 1, 2) au début de la création. Et Jésus Christ a « apporté sur la terre » non pas la force vitale qui l’habitait déjà, mais l’Esprit Saint, c’est-à-dire l’amour de Dieu qui « renouvelle la face de la terre » en la purifiant du mal et en la libérant de la domination de la mort (cf. Ps 103/104, 29-30). Ce « feu » pur, essentiel et personnel, le feu de l’amour est descendu sur les apôtres, réunis dans la prière avec Marie au Cénacle, pour faire de l’Eglise le prolongement de l’œuvre rénovatrice du Christ.
Enfin, une dernière réflexion tirée du récit des Actes des Apôtres: l’Esprit Saint vainc la peur. Nous savons que les disciples s’étaient réfugiés au Cénacle après l’arrestation de leur Maître et y étaient restés enfermés par peur de subir le même sort. Après la résurrection de Jésus, leur peur ne disparaît pas à l’improviste. Mais voilà qu’à Pentecôte, lorsque l’Esprit Saint se posa sur eux, ces hommes sortirent sans peur et commencèrent à annoncer à tous la bonne nouvelle du Christ crucifié et ressuscité. Ils n’avaient pas peur, parce qu’ils se sentaient entre les mains du plus fort. Oui, chers frères et sœurs, l’Esprit de Dieu, là où il entre, chasse la peur; il nous fait savoir et sentir que nous sommes entre les mains d’une Toute-Puissance d’amour: quoi qu’il arrive, son amour infini ne nous abandonne pas. C’est ce que montrent le témoignage des martyrs, le courage des confesseurs de la foi, l’élan intrépide des missionnaires, la franchise des prédicateurs, l’exemple de tous les saints, certains même adolescents et enfants. C’est ce que révèle l’existence même de l’Eglise, qui, en dépit des limites et des fautes des hommes, continue de traverser l’océan de l’histoire, poussée par le souffle de Dieu, et animée par son feu purificateur. Avec cette foi et cette joyeuse espérance, nous répétons aujourd’hui, par l’intercession de Marie: « Envoie ton Esprit, Seigneur, qu’il renouvelle la face de la terre ».
Dimanche de Pentecôte (B)- 27 Mai 2012
25 mai, 2012http://dimancheprochain.org/516-pentecote-b/#more-516
Dimanche de Pentecôte (B)- 27 Mai 2012
Abbé Jean Compazieu
En ce jour de la Pentecôte, nous célébrons avec tous les chrétiens du monde entier le don de l’Esprit Saint aux apôtres puis à toute l’Eglise. L’Evangile nous rappelle que la veille de sa mort, Jésus avait rassemblé les Douze. Il venait de leur annoncer qu’il allait les quitter ; mais il restera présent d’une autre manière et surtout, il leur enverra l’Esprit Saint. « Quand il viendra l’Esprit de Vérité, il vous guidera vers la Vérité toute entière »
Cette Vérité, c’est Jésus lui-même : C’est ce que nous lisons dans un de ses dialogues avec les disciples : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie, personne ne va au Père sans passer par moi. » Aller vers la Vérité, faire la Vérité, c’est aller à Jésus, c’est accueillir l’amour qui est en Dieu et nous laisser envahir par lui. C’est ce qui s’est passé au jour de la Pentecôte. Saint Luc nous parle d’un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent. Les apôtres virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se déposa sur chacun d’eux. Ils furent remplis de l’Esprit Saint. C’est comme un cyclone qui s’engouffre dans la maison et qui les pousse à sortir et à aller au devant des foules.
Et là, c’est un changement extraordinaire. Pierre ne mâche pas ses mots. Lui qui, 50 jours plus tôt avait renié Jésus parce qu’il avait peur, se met à faire un discours stupéfiant : « Ce Jésus que vous avez fait mourir sur la croix, Dieu l’a ressuscité… Et maintenant, il a répandu son Esprit dans le monde. » Et parmi tous ces gens qui écoutent Pierre, il y a ceux-là même qui ont réclamé la mort de Jésus. Mais là les apôtres n’ont plus peur. Désormais, rien ne peut les arrêter. Cette Bonne Nouvelle qu’ils annoncent, c’est comme un feu qui doit être répandu dans le monde entier.
Et depuis la première Pentecôte, l’Esprit Saint agit dans l’Eglise pour la guider « vers la vérité tout entière ». Bien sûr, il ne faut pas croire que tout ce qui a été fait dans l’Eglise l’a été sous l’impulsion de l’Esprit Saint. Il y a eu des divisions entre disciples du Christ, des massacres, des abus et même des scandales. Ces derniers temps, les médias nous ont rappelé des événements très douloureux. Le pape Jean-Paul II avait compris qu’il fallait demander pardon. Nous-mêmes, nous pouvons faire notre examen de conscience. Nous reconnaissons nos divisions, nos égoïsmes, toutes ces faiblesses qui ont toujours tendance à reprendre le dessus. Mais le Seigneur ne nous abandonne pas. Il continue à nous envoyer son Esprit Saint pour nous embraser de cet amour qui est en Dieu.
« Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père vous enverra en mon nom vous enseignera et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. » Comprenons bien, l’Evangile n’est pas un texte qu’il nous suffirait de répéter comme si le sens en était donné une fois pour toutes. Tout au long des siècles, le monde a beaucoup changé. Actuellement, il est marqué par les progrès de la technique et de la science. Mais en même temps, il vit des drames très douloureux à cause de la crise, du chômage, de la pauvreté. Les plus faibles y sont victimes de la violence et des injustices de toutes sortes.
C’est là que l’Esprit Saint intervient. Il résonne à chaque étape de notre histoire avec une perpétuelle nouveauté. C’est à sa Lumière que nous découvrons la Bible un peu comme une boussole qui nous montre la direction à prendre. Dans le contexte actuel, il vient nous rappeler que ce qui est premier ce n’est pas l’argent mais la personne. Ce qui fait la valeur d’une vie, ce n’est pas le rendement mais l’amour de tous les jours pour tous ceux et celles qui nous entourent. C’est ainsi qu’il nous remet en mémoire le grand commandement du Christ : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »… « Tout ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait… » C’est ainsi que l’Eglise est appelée à avancer sous la conduite de l’Esprit qui lui inspire les exigences de la fidélité inventive.
Dans le récit de saint Luc, l’Esprit est comparé au vent. C’est une manière de dire qu’il est comme une énergie qui nous fait avancer et qui, à l’occasion, nous bouscule. Depuis 2000 ans, l’Eglise en a connu des tempêtes. Mais l’Esprit Saint n’a jamais cessé de souffler dans ses voiles. L’Eglise d’aujourd’hui a besoin de cette force pour reconstruire son unité. Sans lui, elle serait bien incapable d’évangéliser ce monde où les hommes ont tant de mal à se comprendre et à vivre la solidarité.
C’est avec l’Esprit Saint que nous pourrons retrouver et proposer les valeurs de l’Evangile à tous les hommes et femmes qui vivent sans perspective d’avenir. Dans une de ses lettres, saint Paul nous invite à marcher « sous l’impulsion de l’Esprit ». N’hésitons pas à lui demander son aide dans les décisions et les choix que nous avons à faire. Qu’il nous aide à retrouver la bonne route dans le maquis des sollicitations du monde actuel. Si la Pentecôte est une si grande fête, c’est parce qu’elle est l’exaltation du courage, de la vérité et de la joie. La seule vraie dévotion que nous pouvons avoir à l’égard de l’Esprit Saint c’est de lui dire « VIENS ! »
En ce jour, nous rendons grâce au Seigneur pour ce don de l’Esprit qu’il renouvelle à chaque célébration Eucharistique. Ouvrons nos esprits et nos coeurs à son souffle afin de mieux comprendre le message de Jésus, afin de mieux aimer nos frères et de leur annoncer l’Evangile avec un zèle que rien ne saurait intimider.
La vie selon l’Esprit à la lumière des épîtres de Paul
24 mai, 2012http://www.spiritains.org/pub/esprit/archives/art2281.htm
Parole de Dieu
La vie selon l’Esprit à la lumière des épîtres de Paul
P. Elvis Elengabeka, spiritain
Bibliste et théologien au Cameroun
Il semble naturel que l’orientation d’un propos soit déterminée par les conditions dans lesquelles on le formule. Celui que nous tenons ici s’inscrit dans le cadre de la dernière livraison de la revue Esprit Saint, qui advient au cours de l’année jubilaire dédicacée à saint Paul. Ces circonstances ouvrent une double perspective à notre méditation. D’une part, le jubilé paulinien inspire naturellement de se pencher sur les lettres attribuées à l’apôtre en question ; d’autre part, le fait qu’il s’agisse d’une parution finale suggère d’être synthétique. Aussi, au lieu de parcourir la totalité des écrits de Paul, nous nous limitons au commentaire de quelques extraits de ces grandes épîtres – celles adressées aux Romains, aux Corinthiens et aux Galates – pour envisager l’Esprit Saint dans l’existence humaine, dans l’expérience ecclésiale et dans sa nature divine. Au-delà d’un tête à tête, cette démarche se voudrait un cœur à cœur avec les passages bibliques. D’où l’absence des notes de bas de pages, qui témoigne de notre volonté à donner la parole uniquement aux textes.
L’Esprit Saint dans l’existence humaine
En Rm 8, 15, il est écrit : » vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions: Abba, Père « .
Ce verset attire l’attention du lecteur par son rythme. Il s’organise manifestement en deux mouvements. Le premier se caractérise par une tonalité négative, alors que le second se distingue par son orientation plutôt positive. Pour commenter cette construction, on pourrait simplement souligner les ressemblances et les différences entre les deux séquences du verset.
Dans le texte original, l’auteur de la lettre emploie le verbe recevoir pour indiquer le lien qui existe entre les destinataires et l’Esprit Saint. Notons que la même idée de la réception se rencontre à travers le même mot, lorsque l’évangile selon saint Jean parle des attitudes de l’humanité envers le verbe incarné : » … les siens ne l’ont pas reçu… mais à ceux qui l’ont reçu il a donné pouvoir d’être enfants de Dieu… » (Jn 1, 11-12). Comme le Fils, l’Esprit est envoyé par Dieu. De plus, sa présence et son efficacité en l’homme supposent également une action de la part de ce dernier. Il ne suffit donc pas que l’Esprit soit donné, nous devons en plus le recevoir, lui ouvrir notre cœur. Le message porté par l’emploi du verbe recevoir peut être entendu comme une invitation à l’hospitalité envers l’Esprit que Dieu donne. Une autre similitude existe entre les deux membres de notre verset. Dans la version française, ils rattachent tous l’Esprit à un verbe d’action : » rendre » ou » faire « . Ici, les destinataires ne sont plus en position des sujets, mais apparaissent comme ceux sur qui l’Esprit opère. Ces constatations ouvrent sur une double conviction : la nécessité de la participation de l’homme et l’effectivité des effets de l’Esprit, l’action humaine consistant à accueillir la présence de l’Esprit. On arrive ainsi à une spiritualité unissant et arrimant l’action de l’homme à celle de l’Esprit, que les deux parties du verset décrivent différemment.
Deux situations s’opposent clairement et diamétralement en Rm 8, 15 : la condition d’esclavage et la filiation divine. Les familiers des épîtres de Paul se souviendront que Ga 4 se termine par le même type d’opposition. Ce rapprochement est d’autant plus pertinent que les deux lettres, Rm et Ga, opposent pareillement l’Esprit à la chair. Sans entrer dans les détails sur ces deux éléments, notons simplement le fait qu’il existe une incompatibilité entre eux suivant les déclarations de Paul (Rm 8, 5-10 ; Ga 5, 16-24). Cette constatation théorique appelle au moins deux remarques concrètes. Sur le plan des principes de l’agir, la réception de l’Esprit implique le refus des orientations contradictoires à la liberté. Elle revient au refus de toutes les situations qui enferment la personne dans la prison de la peur. Rappelons que l’un des premiers effets du don de l’Esprit, au jour de la Pentecôte, n’était autre chose que le passage de la crainte (Jn 20, 19 ; Ac 1, 13 ; 2, 1) au courage qui fait annoncer publiquement la résurrection du Christ (Ac 2, 14-36). Sur le plan de la réflexion, la même opposition, en lien avec Ga 5, 19-25, peut servir d’instrument de discernement. Elle indique clairement ce qui est inspiré de Dieu et permet de reconnaître ce qui ne l’est pas : être gouverné par la peur, ce n’est pas vivre sous la conduite de l’Esprit promis par le Christ, lui qui avait rassuré ses disciples (Mt 14, 27 ; Jn 14, 1) et leur avait donné la paix (Jn 14, 27 ; 20, 19).
A la lumière de Rm 8, 15, nous découvrons que l’action de l’Esprit Saint suppose l’implication des destinataires de celui-ci et engage à la promotion de la liberté.
L’Esprit Saint dans l’expérience ecclésiale
S’adressant aux chrétiens de Corinthe, Paul dit : » Il y a diversité de dons de la grâce, mais c’est le même Esprit « 1 Co 12, 4).
Cette affirmation situe l’Esprit à la source des différents charismes. Pour en prendre la mesure, commençons par nous représenter le décor qui l’entoure : la situation de l’église de Corinthe à la lumière de la première lettre que Paul lui adresse. Il s’agit d’une communauté marquée par la discorde. Cette blessure est décrite de plusieurs manières : l’esprit de clocher (1 Co 1, 10-17), l’égoïsme caractéristique des assemblées eucharistiques corinthiennes (1 Co 11, 17- 22)…
C’est en réaction à ces divisions que Paul développe la notion de diversité portée par notre verset et illustrée par l’image du corps humain, dont les membres sont à la fois spécifiques et complémentaires. La mention de l’Esprit apparaît ici dans le contexte de l’unité de la communauté. Le message de ce verset s’adresse donc à notre manière de faire église et de vivre en société ; il vise directement notre manière d’être avec autrui.
Appliquée à la vie ecclésiale, la rime entre unité et diversité invite à intégrer l’égalité en dignité, la différence en fonction et la solidarité en responsabilité. Entre le clerc et le laïc, pas de rapport de supériorité dans un sens ou dans un autre, mais la fraternité de ceux qui ont été » désaltérés par le même Esprit « . L’un n’a pas à jouer le rôle dévolu à l’autre, mais se réjouit de la réussite de l’autre et connaît la tristesse devant son échec même s’il ne dépend pas de lui.
Au milieu du siècle dernier, un anthropologue se désolait de l’état du monde. Il déplorait l’uniformité de la société de son époque qui, à son avis s’installait dans » la monoculture « . Cette situation trouve encore des illustrations à l’heure actuelle. Elle se manifeste par exemple, lorsqu’une manière de faire, une façon de penser ou un genre de vie tente d’écraser les autres cultures. Elle se rencontre encore lorsqu’on bannit la différence par le racisme, le nationalisme, le tribalisme… La mondialisation, si elle oublie la pluralité, tombe dans le même piège de la » monoculture « , qui éteint littéralement l’Esprit, puisqu’elle n’en suit pas la logique, celle de la diversité unifiée. Refuser la différence ou l’exploiter pour diviser, c’est renier son baptême et sa confirmation, sacrement où l’Esprit est donné.
Suivant l’extrait que nous venons de lire, dans l’Esprit Saint, comme l’affirmera la suite de 1 Co 12, les différences ne tournent pas à la cacophonie, elles ne se dégradent pas non plus en rivalité, mais concourent harmonieusement à l’édification du corps ecclésial.
L’Esprit Saint dans sa nature divine
La seconde lettre de saint Paul aux Corinthiens est célèbre en ce qu’elle laisse transparaître le tempérament de son auteur. Elle intéresse encore parce qu’elle aborde une question aussi sensible que celle de l’exercice du ministère apostolique (2 Co 5, 11-6, 10) et traite des notions aussi que importante que la démarcation de la Nouvelle Alliance vis-à-vis de l’Ancienne (2 Co 3, 6-14). Mais a-t-on remarqué que cette épître se conclut sur une formule lumineuse qui fait mention de l’Esprit Saint : » La grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu, et la communion du Saint Esprit soient avec vous tous » ? Ce souhait, qui se rencontre en 2 Co 13, 13, fait partie des salutation que le prêtre peut adresser à l’assemblée au début de la messe. A ce titre, il représente probablement le verset le plus célèbre ou le plus vulgarisé du Nouveau Testament sur l’Esprit Saint. Nous pouvons accéder à son message par deux pistes possibles.
La première consiste à souligner la dimension trinitaire du verset : la mention explicite du Père, du Fils et de l’Esprit est frappante. Dans la perspective de notre propos, nous retiendrons qu’elle met en relief l’identité divine de l’Esprit en le plaçant sur le même plan que Dieu et le Christ. Confesser la divinité de l’Esprit Saint ne va pas de soi. L’histoire de l’église nous apprend qu’elle avait été farouchement combattue par certains chrétiens. En ce qui nous concerne aujourd’hui, la structure trinitaire de ce verset peut inviter à une révision de notre pratique religieuse. Cette amélioration de nos habitudes pourrait consister à prendre la mesure de la densité des symboles de la foi qui se récitent lors des eucharisties dominicales. Ces textes s’organisent en trois parties, autour du Père, du Fils et l’Esprit comme notre verset, évoquant également la formule prononcée sur les baptisés que nous sommes et rappelant aussi le signe de croix. De plus, l’une de ces deux formules du Credo confesse que l’Esprit procède du Père et du Fils et que les trois sont pareillement honorés, soulignant ainsi la complicité entre les personnes trinitaires comme en 2 Co 13, 13.
L’Esprit fait l’union en nos coeurs
L’autre piste conduit à remarquer que le texte ne se contente pas de mentionner les personnes de la trinité, mais il les caractérise en assignant à chacune un déterminatif, comme s’il voulait les particulariser. Dans ce mouvement, il attribue à l’Esprit la communion. Le Nouveau Testament applique cette notion à la vie des premières communautés chrétiennes pour signifier l’union des cœurs (Ac 2, 42 ; 4, 32) ou la concorde (1 Jn 1, 7) manifestée par le partage (2 Co 8, 4. 9, 13), traduite dans la solidarité intercommunautaire (Rm 15, 26 ; He 13, 16), exprimée dans la collaboration missionnaire (Ga 2, 9) et vécue dans l’union à Dieu (1 Co 10, 16 ; Ph 3, 10 ; 1 Jn 1, 6). La relation aux biens matériels, lorsqu’elle laisse une place à la générosité envers autrui, le travail en équipe, quand il reconnaît en l’autre un partenaire effectif, et l’action humaine, lorsqu’elle veut correspondre à la volonté de Dieu, inscrivent la vie dans la mouvance de l’Esprit Saint.
Au terme de ce parcours, nous constatons que les versets des épîtres pauliniennes sur lesquels nous venons de fixer notre attention se ressemblent non seulement en ce qu’ils portent tous sur l’Esprit Saint, mais encore parce qu’ils traitent ce thème commun de la même manière. En effet, d’un passage à l’autre, l’Esprit Saint apparaît toujours en lien avec la situation des destinataires, que l’auteur mentionne explicitement (Rm 8, 15 ; 2 Co 13, 13) ou implicitement (1 Co 12, 4). On dirait que les textes font prendre corps à l’Esprit en le présentant dans cette position. Cela nous invite à concevoir le Saint Esprit non pas comme un personnage désincarné, mais à l’associer à notre existence comme un partenaire actif en pratiquant les valeurs spirituelles qui se dégagent des passages bibliques commentés : l’affranchissement de la peur, la promotion de l’unité, l’engagement pour la solidarité.?