Archive pour le 30 mai, 2012

Raffaello, la Transfiguration

30 mai, 2012

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Originalité du judaïsme dans l’histoire des religions

30 mai, 2012

http://ilmsil.free.fr/branche6/les_grandes_religions/622Judaisme/09originalitedujudaisme.htm

Originalité du judaïsme dans l’histoire des religions

Parmi toutes les religions, recensées par les historiens, le fait « Israël » constitue un phénomène très particulier : alors que toutes les religions cherchent à procurer une réponse humaine aux grandes interrogations qui traversent l’humanité depuis les origines jusqu’à nos jours, le peuple juif, au contraire, prétend avoir reçu de Dieu lui-même toutes ces réponses, au cours de sa longue histoire, traversée par les crises les plus dramatiques mais aussi pur les plus grands élans d’espoir. Ce peuple a su lire, dans les événements du monde, les signes que Dieu lui-même pouvait lui faire, et il est devenu le signe même de Dieu pour l’ensemble de l’humanité. Aucun peuple n’a eu, comme lui, la certitude que Dieu se révélait à lui d’une manière unique : seul, il a pu lire son histoire comme l’histoire d’une relation entre la divinité et l’humanité, découvrant même dans son histoire collective une réponse à l’appel reçu du Dieu éternel.
Il faut dire qu’Israël constitue une véritable énigme sur le plan historique : comment ce peuple minuscule, qui trouve ses origines dans une toute petite tribu, celle d’Abraham, a-t-il pu acquérir et conserver, au long des siècles, une telle vitalité qui a pu résister a toutes les persécutions ? Les descendants du patriarche auraient dû disparaître de la surface de la terre, être complètement retranchés du nombre des humains, à cause de l’hostilité que lui opposaient ses innombrables persécuteurs. Esclaves en fuite au moment de l’apogée de l’empire égyptien, peuple marginal en migration dans le désert pendant de nombreuses années, peuple marginal, s’installant dans une terre, objet de la convoitise des puissances politiques et économiques de l’époque, peuple se plaçant délibérément en dehors de toutes les influences culturelles et civilisatrices des grands empires, peuple connaissant aussi de nombreuses luttes intestines et de grandes rivalités d’influence de la part des différentes tribus qui le constituaient… Toutes ces données auraient pu entraîner la ruine et la disparition d’Israël. Et pourtant, il a sans cesse lutté contre toutes les formes de mort qui pouvaient l’abattre ; une telle résistance apparaît aux yeux de l’historien comme une réalité extraordinaire, et il n’est pas étonnant que les « religieux » découvrent dans ce phénomène une réalité miraculeuse. Ceux-ci expliquent volontiers que cette grande vitalité d’Israël repose sur l’authenticité de la révélation de Dieu faite à Moïse ; c’est le don même de la Torah qui permet au peuple de survivre malgré toutes les tentatives d’extermination ; c’est la fidélité à suivre les enseignements de la Torah qui a permis aux tribus divisées de ne former qu’un seul peuple. C’est la Loi de Dieu qui fait vivre, et déjà Abraham, le fondateur du peuple, avait acquis la conviction inébranlable que sa postérité serait aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel ou que le sable sur les rivages marins. Même aux jours les plus sombres de leur histoire, que ce soit pendant le grand exil à Babylone, que ce soit dans la nuit des ghettos ou dans les brouillards de la déportation sous l’occupation nazie, les juifs ont toujours gardé dans leur coeur cette espérance qui était plus forte que la mort la plus horrible : l’Éternel ne peut se renier lui-même, il ne peut revenir sur la promesse qu’il a faite, il accordera la vie à un petit  » reste  » qui rachètera tout le peuple d’Israël et qui sera l’occasion de la résurrection de la foi juive. Les prophètes des temps anciens, s’ils annonçaient les malheurs que le peuple devait connaître, prédisaient également le retour des choses a la situation normale, avec le châtiment des persécuteurs et la garantie de la fidélité de Dieu.
Peuple isolé parmi toutes les nations, peuple mis à part et persécuté, peuple ignorant de la civilisation antique, peuple sans grands représentants culturels, mais peuple qui a donné au monde un de ses plus beaux chefs-d’oeuvre : un livre, qui est, en réalité une bibliothèque, la Bible, laquelle est le best-seller du vingtième siècle… Comment ce peuple ignorant de la philosophie et des recherches intellectuelles a-t-il pu contribuer à la naissance d’un tel chef d’oeuvre, alors que d’autres peuples plus civilisés, plus avancés dans les connaissances intellectuelles, n’ont jamais laissé que des oeuvres d’importance mineure ? Le mystère d’Israël se comprend dans le mystère de son Livre saint, qui est comme son livre le plus populaire, le livre de son effort multi-séculaire pour persévérer dans la voie tracée par les ancêtres. La Bible s’éclaire aussi par la volonté d’Israël de rester fidèle à l’alliance conclue entre Dieu et son peuple, sur le Sinaï. C’est sans doute la raison pour laquelle ce livre, véritable patrimoine de tout un peuple, recèle un message qui reste toujours d’actualité, malgré les différents ajouts que la tradition juive ou que la pensée occidentale a pu apporter. Cette fidélité du peuple se fonde sur la fidélité même de Dieu, qui a pris l’initiative de s’adresser a l’homme et d’en faire son partenaire : Dieu s’est lui-même donné à connaître.
Et le miracle biblique, c’est précisément que les différents auteurs, qui ont collectionné les documents antiques, n’ont jamais essayé d’apporter un message humain sur Dieu, n’ont jamais fait de théologie positive : ils ont laissé Dieu parler au coeur de l’homme. Et le prodige que ces auteurs ont accompli réside particulièrement dans une oeuvre de perception correcte des réalités : Dieu est Dieu, le monde est le monde. Alors que les religions antiques s’efforçaient de découvrir des traces du divin répandues dans les éléments naturels, la religion d’Israël s’est efforcée à replacer les réalités dans leur véritable contexte, se défendant sans cesse de succomber à toute forme d’idolâtrie. Seul, parmi tous les peuples antiques, Israël a refusé le panthéisme, il a dédivinisé le monde, affirmant que Dieu, le Dieu unique, le Dieu créateur était totalement différent du monde, qu’il était transcendant, mais qu’il se donnait à connaître par sa Parole et par les gestes qu’il accomplissait en faveur de son peuple. L’histoire continue de présenter la grandeur et la supériorité d’Israël sur toutes les autres nations antiques : Israël constitue le peuple élu par Dieu, pour être son signe au milieu des nations, sous toutes les latitudes et à toutes les époques. Par ce peuple, qui a traversé les siècles, Dieu ne cesse de s’adresser aux hommes pour leur faire connaître son amour et sa fidélité indéfectible.
Le fait « Israël » est un phénomène unique dans toute l’histoire ; et il semble légitime d’y découvrir, ainsi que le font les fidèles juifs le signe de la présence de Dieu aux côtés de son peuple, le signe de la proximité du Seigneur auprès de ceux qui l’invoquent. S’il est le Tout-Autre, diffèrent des hommes, il est aussi le Dieu proche des hommes qu’il comble de son amour, un amour si passionné que la Bible n’hésite pas à employer des comparaisons très hardies, celles de l’amour humain sous toutes ses formes : le Seigneur aime son peuple comme un père aime son enfant, comme une mère chérit le fruit de ses entrailles, il chérit également ce peuple comme un fiancé chérit sa bien-aimée, il part à la recherche de son peuple, comme le mari délaissé recherche celle qui l’a abandonné pour se prostituer. Le peuple d’Israël est symboliquement l’épouse du Dieu Très-Haut, et malgré les infidélités répétées de ce peuple, il ne l’abandonne pas et il tient envers lui ses promesses. Comme tous les amoureux, Dieu est particulièrement vulnérable : il est affecté par l’attitude des hommes, avec qui il est intimement lié jusqu’à la passion amoureuse. Dieu est sans relâche en quête de la réponse de l’homme à son amour, il attend toujours une réponse humaine à la parole qu’il adresse à son peuple. C’est pourquoi le judaïsme est avant tout une religion de l’écoute : la prière fondamentale n’est-elle pas le « Shéma Israël », « Écoute, Israël » ? Nul ne peut apercevoir Dieu sans mourir, mais chacun peut entendre sa Parole s’il prête l’oreille et se dispose à l’accueillir avec un coeur purifié.
Le désir de la fidélité du peuple juif à la Parole de Dieu s’est manifesté particulièrement dans l’espérance messianique qui a elle aussi traversé les siècles. Dans la conscience juive ancienne, c’est d’abord l’attente de la venue d’un représentant de Dieu qui agirait au nom du Seigneur et qui lui apporterait la libération, notamment politique, de toutes les chaînes qui opprimaient le peuple. Puis, pour les juifs, croire en la venue du Messie, c’est espérer que le temps viendra où la justice, la paix et la fraternité régneront sur l’ensemble de l’humanité, un temps où, selon les paroles du prophète Isaïe, les hommes n’apprendront plus à se battre, mais forgeront des socs de charrue avec leurs épées… Mais, déjà, à l’époque biblique, ce Messie qui devait venir était perçu de différentes manières, selon les traditions : pour les uns, c’était un descendant de la maison de David qui devait restaurer la dynastie ; pour d’autres, c’était un personnage mystérieux et céleste qui recevrait de Dieu lui-même la souveraineté sur toute l’humanité et qui est appelé Fils d’homme ; pour d’autres encore, c’était un serviteur de Dieu qui devrait connaître l’humiliation et la souffrance, prenant sur lui le péché de toute l’humanité… Dans le cours de son histoire, le peuple juif découvrait dans cette attente messianique tantôt une libération spirituelle, tantôt une libération politique, mais toujours une intervention de Dieu lui-même qui signifierait à l’ensemble du monde l’instauration de son royaume de justice et de paix. Et la grande espérance messianique, qui soulève le peuple depuis ses origines n’est pas une attente passive, mais un engagement de toutes les dimensions de l’existence : l’homme se doit de coopérer avec son Dieu pour faire avancer toute l’histoire dans le sens de la venue du règne de Dieu, qui demeure encore l’objet de l’espérance, car la paix et la justice ne règnent pas encore sur cette terre.

Le judaïsme en crise
Si le judaïsme est bien une réalité vivante s’il a réussi s’adapter a toutes les crises de l’histoire et en sortir avec une force renouvelée, c’est parce qu’il s’est modifié progressivement au cours des âges. Mais il n’a pas encore épuisé toutes ses potentialités. Et aujourd’hui, il traverse une nouvelle crise, comme les autres religions d’ailleurs, mais cette crise est peut-être beaucoup plus sérieuse pour le judaïsme, car la question Fondamentale qui se trouve posée, c’est la question même de l’identité juive.
Et avec la création de l’État d’Israël, la question s’est même posée avec beaucoup plus d’acuité. En effet, jusqu’à jour du Retour sur la terre ancestrale, les communautés juives s’unifiaient dans une même identité précisée par la nostalgie du passé et l’espérance du retour ; même dans les heures les plus sombres de leur histoire, les juifs, répandus à travers le monde, vivaient en quelque sorte repliés sur eux-mêmes, animés par un même destin et une seule espérance. Au dix-neuvième siècle, l’identité juive s’est quelque peu éclipsée avec la reconnaissance des juifs comme citoyens ordinaires des pays dans lesquels ils vivaient ; la reconnaissance officielle des juifs comme citoyens des pays déterminés entraîna une déjudaïsation, en même temps que l’émancipation sociale et politique. Cette émancipation impliqua, par une nécessité inéluctable, la prise de conscience du décalage existant entre les observances traditionnelles et les pratiques du monde moderne ; le respect absolu des enseignements de la Torah et du Talmud semble être devenu une sorte de combat d’arrière-garde, un refus de confrontation avec le réel contemporain. L’attitude conservatrice des milieux religieux Amène un manque de dynamisme du judaïsme ; et, les jeunes juifs, confrontés aux réalités culturelles du monde moderne, sont eux-mêmes contraints de définir avec plus de précisions que leurs aïeux leur identité juive. Jusqu’à la création de l’État d’Israël, le juif religieux pouvait se définir comme les citoyens de l’univers : ils étaient partout chez eux, puisque Dieu, en raison de l’élection qu’il avait faite à leurs pères, les avait choisis pour être ses témoins au milieu des autres nations de la terre. Mais ces nations les ont rejetés, comme « sans patrie » , et la naissance du sionisme répond au besoin des juifs de se retrouver comme une nation semblable aux autres ; la réinstallation en terre de Palestine, après 1948, a redonné un idéal national aux membres du peuple d’Israël, qui sont alors amenés à s’interroger sur le lien qu’ils peuvent faire entre l’universalisme et le nationalisme. Comment peut-on concilier la vocation universelle du peuple d’Israël et la réalité particulière de sa nation installée sur un sol déterminé ?
Enfin, le judaïsme connaît ses plus grandes difficultés sur le plan religieux lui-même. En effet, depuis le Talmud, les enseignements théologiques et religieux n’ont guère évolué, et les rabbins du vingtième siècle éduquent des juifs à la foi, de la même manière que les rabbins des premiers siècles qui ont suivi l’ère chrétienne : la pensée théologique est fixe, et aucune idée nouvelle ne semble pouvoir surgir, car aucun maître n’oserait se situer au-dessus des autorités traditionnelles. Le judaïsme semble donc dans l’impasse, parce qu’il lui manque une autorité universellement reconnue, qui soit susceptible d’adapter la religion ancestrale au phénomène du monde contemporain, parce qu’il lui manque une hiérarchie qui soit capable de présider aux destinées de l’ensemble du peuple ; il manque au judaïsme des prophètes pour les temps nouveaux qui se sont inaugurés pour Israël, avec le retour sur la terre promise par Dieu à tout son peuple. Certes, depuis la création de l’État d’Israël, les juifs ont eu à s’occuper de tâches beaucoup plus urgentes que celle d’une restauration religieuse ; ils ont dû faire renaître Israël, puis le faire exister au milieu de ses nombreux ennemis, et cette tâche n’est pas encore achevée. Il faut que, dans un avenir très proche, les juifs apprennent à intégrer les apports de la civilisation aux enseignements de la Torah, et qu’ils remettent à jour la pensée rabbinique : le judaïsme ne peut plus se contenter d’être une religion du passé, il doit devenir la foi du présent, dans l’espérance de l’avenir.

JUIFS ET CHRÉTIENS : TÉMOIGNER DE LA RÉCONCILIATION DANS LE MONDE (VI ET FIN)

30 mai, 2012

http://www.zenit.org/article-30955?l=french

JUIFS ET CHRÉTIENS : TÉMOIGNER DE LA RÉCONCILIATION DANS LE MONDE (VI ET FIN)

« Berrie Lecture » du card. Kurt Koch à l’Angelicum sur « Nostra Aetate »

Traduction d’Hélène Ginabat

(vous trouverez tous les articles sur Zenith)

ROME, mardi 29 mai 2012 (ZENIT.org) – « Que juifs et chrétiens, comme l’unique peuple de Dieu, témoignent de la paix et de la réconciliation dans le monde non réconcilié d’aujourd’hui et qu’ils puissent être ainsi une bénédiction non seulement les uns pour les autres, mais aussi ensemble pour l’humanité » : tel est le vœu que forme le cardinal Kurt Koch, dans ce dernier volet de sa conférence, donnée à Rome, à l’Angelicum, le 16 mai dernier, dans le cadre d’une « Berrie Lecture » (cf. Zenit des 15, 17, 21, 22, 23, 24 et 27 mai 2012).
6. Questions théologiques ouvertes dans le dialogue judéo-catholique
La Déclaration du Concile Vatican II sur le judaïsme, qui est le quatrième article de « Nostra Aetate », était située, comme on le voit sans doute clairement maintenant, dans un cadre résolument théologique. Cela ne signifie pas que toutes les questions théologiques qui se posent dans la relation entre le christianisme et le judaïsme ont été résolues. Elles y ont reçu un stimulus prometteur, mais elles nécessitent une réflexion théologique plus approfondie. C’est également manifesté par le fait que, contrairement à tous les autres textes du Concile Vatican II, ce document du Concile ne pouvait pas, dans ses notes, renvoyer à des documents et décisions doctrinaux antérieurs émanant de conciles précédents. Bien sûr, il y avait eu auparavant des textes du magistère qui mettaient l’accent sur le judaïsme, mais «Nostra Aetate» fournit le premier aperçu théologique de la relation de l’Eglise catholique avec les juifs.
C’était une telle nouveauté qu’il n’est pas rare que le texte du Concile soit sur-interprété, et on lui fait dire ce qu’il ne contient pas en réalité. Pour donner un exemple important, le fait que l’Alliance, que Dieu a conclue avec son peuple Israël, persiste et n’est jamais invalidée – bien que cette confession soit vraie – ne se trouve pas dans « Nostra Aetate ». Cette déclaration a été faite pour la première fois très clairement par le pape Jean-Paul II quand il a dit, lors d’une réunion avec des représentants juifs à Mayence, le 17 novembre 1980, que l’ancienne Alliance n’avait jamais été révoquée par Dieu : « La première dimension de ce dialogue, à savoir la rencontre entre le peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance, qui n’a jamais été révoquée par Dieu, et celui de la Nouvelle Alliance est en même temps un dialogue à l’intérieur de notre Eglise, en quelque sorte entre le premier et le second livre de sa Bible »[1].
Cette déclaration aussi a donné lieu à des malentendus, impliquant, par exemple, que si les juifs restent dans une relation d’Alliance valide avec Dieu, il doit y avoir deux modes différents de salut, à savoir le chemin du salut juif sans le Christ et le chemin du salut pour tous les autres, à travers Jésus-Christ. Cette réponse semble évidente à première vue ; mais elle n’est pas en mesure de résoudre de manière satisfaisante la question théologique très complexe qui est la suivante : comment la foi chrétienne en la signification salvifique universelle de Jésus-Christ peut-elle être conjuguée de manière conceptuelle en cohérence avec la conviction tout aussi claire de la foi dans l’Alliance jamais-révoquée de Dieu avec Israël [2] ? Le fait que l’Eglise et le judaïsme ne peuvent pas être présentés comme «deux voies de salut parallèles », mais que l’Église doit « témoigner du Christ rédempteur auprès de tous » a été déjà établi en 1985 dans le second document publié par la Commission du Saint-Siège pour les relations religieuses avec les juifs. La foi chrétienne se maintient ou disparaît selon que l’on confesse ou non que Dieu veut amener tous les hommes au salut, qu’il suit cette voie en Jésus-Christ comme médiateur universel du salut, et qu’il n’y a pas « sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4, 12). Le concept de deux voies parallèles de salut mettrait en cause, ou même en danger, la compréhension fondamentale du Concile Vatican II selon laquelle les juifs et les chrétiens n’appartiennent pas à deux peuples de Dieu différents, mais forment un seul peuple de Dieu.
D’une part, dans la confession de foi chrétienne, il ne peut y avoir qu’un seul chemin de salut. D’autre part, cependant, il ne s’ensuit pas nécessairement que les juifs sont exclus du salut de Dieu parce qu’ils ne croient pas en Jésus-Christ comme le Messie d’Israël et le Fils de Dieu. Une telle affirmation ne trouverait pas de justification dans la compréhension sotériologique de saint Paul qui, dans la Lettre aux Romains, apporte définitivement une réponse négative à la question, qu’il avait lui-même posée, de savoir si Dieu avait répudié son propre peuple : « Car les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance » (Rm 11, 29). Le fait que les juifs ont part au salut de Dieu est théologiquement incontestable, mais comment cela est-il possible sans confesser le Christ explicitement ? C’est et cela demeure un mystère insondable de Dieu. Ce n’est donc pas par hasard si les réflexions sotériologiques de Paul (cf. Romains 9-11), sur le rachat irrévocable d’Israël dans le contexte du mystère du Christ, culminent dans une doxologie mystérieuse : « O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses décrets sont insondables et ses voies impénétrables ! » (Rm 11, 33). Ce n’est pas non plus un hasard si, dans la deuxième partie de son livre sur « Jésus de Nazareth », le pape Benoît XVI fait dire à Bernard de Clairvaux, en référence au problème auquel nous sommes confrontés, que pour les juifs « un point déterminé dans le temps a été fixé, qui ne peut pas être anticipé » [3].
Cette complexité est également attestée par la reformulation de la prière du Vendredi saint pour les juifs dans la forme extraordinaire du rite romain, publiée en février 2008. Bien que la nouvelle prière du Vendredi saint confesse, sous la forme d’une supplication à Dieu, l’universalité du salut en Jésus-Christ dans un horizon eschatologique (« la plénitude des nations étant entrée dans ton Eglise») [4], elle a été vigoureusement critiquée par des juifs – et bien sûr aussi par des chrétiens – et interprétée à tort comme un appel à la mission explicite en direction des juifs [5]. Il est facile de comprendre que l’expression « mission en direction des juifs » est une question très délicate et sensible pour les juifs, car, pour eux, il s’agit de l’existence même d’Israël. D’un autre côté cependant, cette question se révèle aussi être difficile pour nous, chrétiens, parce que, pour nous, la signification salvifique universelle de Jésus-Christ, et par conséquent la mission universelle de l’église, sont d’une importance fondamentale. L’Eglise chrétienne est naturellement obligée de percevoir sa tâche d’évangélisation des juifs, qui croient dans le Dieu unique, différemment de celle des nations. En termes concrets, cela signifie que – contrairement à plusieurs mouvements fondamentalistes et évangéliques – L’Eglise catholique ne mène ni ne soutient aucune mission institutionnelle spécifiquement orientée vers les juifs. Dans son examen détaillé de la question d’une mission envers les juifs, le cardinal Karl Lehmann a discerné à juste titre qu’après une étude plus approfondie, on ne trouve « pour ainsi dire pas de mission institutionnelle envers les juifs dans l’histoire de la mission catholique ». « Nous avons notre part de responsabilité dans d’autres formes d’attitudes inappropriées envers les juifs et, par conséquent nous n’avons pas le droit de nous élever au-dessus des autres. Mais en ce qui concerne une ‘mission’ spécifique et exclusive ‘en direction des juifs’, il ne doit y avoir ni fausse consternation ni auto-accusation injustifiée à cet égard [6]. Le rejet de principe d’une mission institutionnelle en direction des juifs n’exclut pas, par ailleurs que les chrétiens témoignent auprès de ceux-ci de leur foi en Jésus-Christ, mais ils devraient le faire modestement et humblement, compte tenu en particulier de la grande tragédie de la Shoah.

7. Perspectives
Dans le cadre de cette conférence, il n’est bien évidemment pas possible de plonger plus profondément dans ces questions théologiques ouvertes. Un effort plus grand encore dans la réflexion théologique est nécessaire ; c’est ce qu’affirme également le projet publié en 2011, « Jésus-Christ et le peuple juif aujourd’hui », une initiative de la Commission du Saint-Siège pour les relations religieuses avec les juifs, lancée de manière informelle par un groupe international de théologiens chrétiens, à laquelle des experts et des amis juifs ont été invités individuellement à participer en tant qu’observateurs critiques [7]. Peu importent les résultats de  cette tentative d’examiner de nouveau la question spécifique de savoir comment concilier la confession chrétienne de la signification sotériologique universelle de Jésus-Christ avec la conviction de foi également chrétienne que Dieu maintient fermement son alliance avec Israël avec une fidélité historico-sotériologique ; le cardinal Walter Kasper indique avec réalisme dans sa préface que même cette discussion n’est pas du tout encore  parvenue à une conclusion : « Nous ne sommes qu’au seuil d’un nouveau commencement. Beaucoup de questions exégétiques, historiques et systématiques sont encore ouvertes et il y aura sans doute toujours de telles questions ».

Le dialogue judéo-catholique ne sera donc jamais inactif, en particulier au niveau universitaire, d’autant plus que cette nouvelle voie historique concernant la relation entre juifs et chrétiens, tracée par le Concile Vatican II, est naturellement sans cesse mise à l’épreuve. D’une part, le fléau de l’antisémitisme semble être indéracinable dans le monde d’aujourd’hui et, même dans la théologie chrétienne, marcionisme et antijudaïsme séculaires reviennent sans cesse avec force, et cela non seulement du côté des traditionalistes, mais aussi parmi les tendances libérales de la théologie actuelle. Compte tenu de ces évolutions, l’Église catholique est contrainte de dénoncer l’antijudaïsme et le marcionisme comme une trahison de sa propre foi chrétienne, et de rappeler que la fraternité spirituelle entre les juifs et les chrétiens a son solide et éternel fondement dans l’Ecriture Sainte. D’autre part, il faut continuer d’accorder l’attention requise par le Concile Vatican II pour favoriser la compréhension mutuelle et le respect entre juifs et chrétiens. C’est la condition sine qua non pour garantir que l’éloignement dangereux entre chrétiens et juifs ne se reproduira pas mais pour qu’ils demeurent, au contraire, conscients de leur parenté spirituelle. Nous serons donc reconnaissants pour toutes les contributions apportées ici en vue d’élargir le dialogue avec le judaïsme sur le fondement de « Nostra Aetate » et d’arriver à une meilleure compréhension entre les juifs et les chrétiens afin que juifs et chrétiens, comme l’unique peuple de Dieu, témoignent de la paix et de la réconciliation dans le monde non réconcilié d’aujourd’hui et qu’ils puissent être ainsi une bénédiction non seulement les uns pour les autres, mais aussi ensemble pour l’humanité.

Traduction de ZENIT [Hélène Ginabat]

NOTES:
[1] Jean-Paul II, « La richesse de l’héritage commun nous ouvre au dialogue et à la collaboration. Rencontre avec les représentants de la communauté juive à Mayence, le 17 novembre 1980 », in : Enseignements de Jean-Paul II, III, 2 1980 (Cité du Vatican 1980) 1272-1276, cit. 1274.
[2] Cf. L’étude différenciée de T. Söding :  « Erwählung – Verstockung – Errettung. Zur Dialektik der paulinischen Israeltheologie in Röm 9-11 », in : Communio. Internationale katholische Zeitschrift 39 (2010) 382-417.
[3] J. Ratzinger-Benoît XVI, « Jésus de Nazareth, la Semaine Sainte : De l’entrée à Jérusalem à la résurrection » (éd. Du Rocher, 2011).
[4] Le pape Benoît XVI a expliqué qu’il avait modifié la prière du Vendredi saint de manière à « exprimer notre foi que le Christ est le Sauveur pour tous, qu’il n’y a pas deux voies de salut, de sorte que le Christ est aussi le rédempteur des Juifs, et pas seulement des Gentils. Mais la nouvelle formulation oriente la prière d’une demande directe pour la conversion des juifs, dans un sens missionnaire, à une requête pour que le Seigneur hâte l’heure de l’histoire où nous pourrons être tous unis ». Benoît XVI, « Lumière du monde. Le pape, l’Eglise et les signes des temps. Conversation avec Peter Seewald »,  (éd. Bayard, 2011).
[5] Vgl. W. Homolka / E. Zenger (Hrsg.), … « Damit sie Jesus Christus erkennen. Die neue Karfreitagsfürbitte für di Juden » (Freiburg i. Br. 2008).
[6] K. Cardinal Lehmann, „Judenmission“. Hermeneutische und theologische Überlegungen zu einer Problemanzeige im jüdisch–christlichen Gespräch, in: H. Frankemölle / J. Wohlmuth (Eds.), Das Heil der Anderen. Problemfeld „Judenmission“ (Freiburg i. Br. 2010) 142–167, cit. 165.
[7] P.A. Cunningham, J. Sievers, M. C. Boys, H. H. Hendrix & J. Svartvik ed., “Christ Jesus and the Jewish People Today. New Explorations of Theological Interrelationships” (Cambridge 2011)