Archive pour le 29 mai, 2012

30 mai – Sainte Jeanne d’Arc

29 mai, 2012

30 mai - Sainte Jeanne d'Arc dans images sacrée
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30 mai – Sainte Jeanne d’Arc

29 mai, 2012

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30 mai – Sainte Jeanne d’Arc

Sommaire :

  Biographie
  Extraits du procès de Jeanne
  Prière

Biographie

Le mercredi 23 février 1429, à Vaucouleurs, le cortège fut prêt vers trois heures de l’après-midi. Jeanne était à cheval, entourée de son escorte composée de quatre lorrains : Jean de Metz, chef de l’expédition, Bertrand de Poulangy et leurs valets, Julien et Jean, puis Collet de Vienne, envoyé de Chinon par le Dauphin et son archer Richard. Agé de vingt-huit ans, rude soldat ayant conquis son grade et sa noblesse dans les récents combats, Jean de Metz avait joyeusement accepté d’escorter cette fille jusqu’à Chinon, à travers un territoire rempli d’ennemis.
S’ils passèrent la première nuit à l’abbaye de Saint-Urbain où ils étaient attendus, ils se firent héberger, les jours suivants, dans des fermes isolées, par des paysans qui n’osèrent pas refuser leur grange. Le voyage dura onze jours. Après avoir traversé l Aube et la Seine, ils arrivèrent à Auxerre, où Jeanne entendit la messe dans 1a cathédrale, franchirent la Loire à Gien, s’enfoncèrent dans les forêts de Sologne puis, après avoir passé le Cher et l’Indre, se trouvèrent enfin, le 5 mars, devant un petit village, nommé Sainte-Catherine-de-Fierbois, où Jean de Metz fit halte tandis que Collet de Vienne et son archer allaient prévenir le Dauphin du succès de l’expedition. A Sainte-Catherine-de-Fierbois était un pèlerinage. Quelques malades y faisaient des neuvaines et deux prêtres en assuraient la garde. Ce matin-là, Jeanne entendit trois messes de suite tandis que les quatre compagnons qui lui restaient se tenaient auprès des chevaux.
Après les offices, elle demeura longtemps dans la chapelle regardant alternativement les murs, l’autel et les statues, comme si elle avait voulu découvrir quelque chose. Il y avait des béquilles suspendues en ex-voto, des médailles, des inscriptions et des fleurs. L’odeur de l’encens flottait dans l’espace étroit.
Collet de Vienne revint dans l’après-midi. Le Dauphin donnait ordre de mener immédiatement la jeune fille à Chinon où elle logerait chez une femme désignée par lui. Tandis qu’à leur tour Jean de Metz et Bertrand de Poulangy étaient convoqués auprès de Charles pour rendre compte du voyage, Jeanne demeura trois jours chez son hôtesse, évitant de sortir et de répondre aux questions du voisinage.
On sait comment, le 9 mars, elle reconnut le Dauphin puis comment, quelques jours plus tard, elle répondit victorieusement à toutes les questions des examinateurs ecclésiastiques de Poitiers. Le 26 mars, Jeanne rentrait à Chinon, en compagnie du Dauphin qui était venu la chercher à Châtellerault. Maintenant, il s’agissait d’aller à Tours où étaient rassembléz les renforts pour Orléans, les armes et les approvisionements. Cependant, avant de partir, il fallait équiper Jeanne. Lorsque son armure fut prête, on s’inquiéta de l’épée : voulait-elle la garde en forme de croix ou préférait-elle un dessin particulier qui rappelât sa mission ? Jeanne répondit : « Allez à Sainte-Catherine-de-Fierbois, dans la chapelle du pèlerinage. Vous creuserez derrière l’autel, vous enlèverez une dalle, des pierres, et à peu de profondeur, vous trouverez l’épée qu’il me faut. » Ainsi fut fait, et l’on trouva une grande épée antique à la garde marquée de cinq petites croix.
Des traditions affirment que cette épée était celle de Charles Martel qui, après la bataille de Poitiers, l’aurait offerte aux prêtres du sanctuaire de Sainte-Catherine-de-Fierbois. Vers 1375, la chapelle oubliée, envahie par les ronces, n’était plus qu’une ruine. Un paralytique des environs, Godefroy, eut cependant l’idée de s’y faire porter et d’y réciter une prière quotidienne. Il fut guéri. Le bruit de ce miracle se répandit. Des prêtres de Tours accourus sur les lieux organisèrent un pèlerinage local. Au temps de Jeanne d’Arc, la vogue de Sainte-Catherine-de-Fierbois était déjà sur son déclin et l’épée de Charles Martel était oubliée.

Extraits du procès de Jeanne
Mon père s’appelait Jacques d’Arc. Ma mère, Isabelle. Chez moi, on m’appelait Jeannette. Depuis ma venue en France Jeanne.
- Quel âge avez-vous?
A peu près dix-neuf ans. J’ai été baptisée en l’église de Domremy par maîtreJean Minzet, à ce que je crois. C’est de ma mère que j’ai appris Pater noster, Ave Maria, Credo. Je n’ai appris ma créance d’ailleurs que de ma mère. Quand je fus grande, après l’âge de raison, en général je ne gardais pas les bêtes, mais j’aidais à les mener au pré. Je ne suis venue en France que sur l’ordre de Dieu. Puisque Dieu le commandait, il le convenait faire. Si j’eusse eu cent pères et cent mères, et si j’eusse été fille de roi, je serais partie.
Mon étendard était blanc, en toile blanche. Il y avait dessus écrit les noms de « Jhesus Marie », je crois. Mon étendard, je l’aimais plus, quarante fois plus que mon épée. Je portais mon étendard, quand j’attaquais, pour éviter de tuer personne. Jamais je n’ai tué personne.
En la semaine de Pâques dernière passée, elle étant sur les fossés de Melun, lui fut dit par ses voix qu’elle serait prise avant qu’il fût la saint Jean, et que ainsi fallait qu’il fût fait. Et qu’elle ne se esbahist. Mais qu’elle prît tout en gré, et que Dieu lui aiderait.
Et encore : Prends tout en gré. Ne te chaille de ton mattyre. Tu en viendras à fin en royaume de paradis. Très doux Dieu, en l’honneur de votre sainte Passion, je vous requiers, si vous m’aimez, que vous me révéliez ce que je dois répondre à ces gens d’Église.
- Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu ?
Si je n’y suis, Dieu m’y mette. Et si j’y suis, Dieu m’y garde ! Je serais la plus malheureuse du monde, si je savais ne pas être en la grâce de Dieu ! Je m’en remets à Dieu de tout.
- Ne croyez-vous pas être sujette à l’Église qui est sur la terre, notre Saint Père le Pape, cardinaux, évêques et autres prélats d’Église ?
Oui, Notre Seigneur premier servi. Je m’en attends à mon juge, c’est le Roi du ciel et de la terre j’en appelle à Dieu et à notre Seigneur le Pape.
C’est ma mort, maître Jean? Donnez~moi les sacrements de pénitence, et la très sainte Eucharistie. Non, non, je ne suis pas hérétique, ni schismatique, mais une bonne chrétienne. Jésus, Jésus…

Prière
Dieu qui avez choisi sainte Jeanne d’Arc pour défendre notre pays contre l’envahisseur, accordez-nous, par son intercession, de travailler pour la justice et de vivre dans la paix. Par Jésus-Christ, notre Seigneur. – Amen.

La souffrance à travers la Bible

29 mai, 2012

http://www.lueur.org/textes/souffrance-dans-la-bible.html

La souffrance à travers la Bible

Serge Soulie

Type de texte : Etudes Bibliques.  Thème : La souffrance.  Source : Aimer & Servir (UEMP), www.lueur.org
La souffrance tient une place considérable dans l’Ecriture. Elle est présente dans tous les livres de la Bible. Les récits les plus connus et servant de support à la foi de bien des chrétiens touchent de près ou de loin à la souffrance humaine : Abraham, Caïn, Job, les prophètes, avec un point culminant à Golgotha, sans oublier les souffrances à venir de l’Apocalypse.
Toutefois l’Ecriture ne donne aucune explication rationnelle et définitive de la souffrance. Les livres de la Bible ne permettent pas de dégager sur ce sujet un traité précis et exhaustif. Ils présentent la souffrance telle qu’elle est vécue dans la vie quotidienne par les humains, les renvoyant à leur relation à Dieu.
Si dans le langage actuel, le mot souffrance évoque la douleur physique du malade ou du blessé, dans l’Ecriture, ce mot a une signification beaucoup plus profonde et existentielle. Bien que présente sous toutes ses formes : douleur de l’enfantement (Gn 3.16, Jn 16.4) ; douleur de la maladie (Jb 7.5, Ps 120.4) ; douleur des martyrs (Mt 27.7 et suivants, Ac 5.41). L’accent n’est jamais mis sur la douleur physique mais sur ce qui entoure cette souffrance. Le psalmiste souffre mais le récit décrit l’étrangeté de son comportement. Oh Dieu, ne te dérobe pas ; j’erre çà et là dans mon chagrin et je m’agite à cause de la voix de l’ennemi (Ps 55.1-3).
Le prophète Jérémie s’interroge sur la cause de la souffrance : Pourquoi ma plaie est-elle douloureuse ? Serais-tu pour moi comme une source trompeuse ? (Jr 15.18). Jésus agonise dans la douleur et le texte insiste sur les sacrificateurs qui se moquent et les brigands qui l’injurient (Mt 27.39 et suivants).
La souffrance est liée au mépris, à la calomnie, à l’abandon, à la haine ou à l’endurcissement des hommes. Loin d’être une simple douleur physique, elle a un caractère spirituel: elle est une humiliation devant Dieu, un signe de sa réprobation et de sa colère : Dieu humilie les hommes dans leur coeur par la souffrance. Ils sont amoindris par leur malheur et la souffrance (Ps 107.39). Je dis à Dieu : ne me condamne pas, dis moi pourquoi tu me prends à partie ? (Jb 10.2). Au contraire, dans les épîtres Paul se glorifie de ses infirmités : Dieu m’a mis une écharde dans la chair (2 Co 12.7), C’est pourquoi je me plais dans les outrages, les calamités, les persécutions, les détresses, car quand je suis faible, c’est alors que je suis fort (2 Co 12.10).
C’est bien parce que dans tous ces textes et d’autres encore – tous les récits de la passion – la souffrance a un caractère spirituel que son contraire ne sera pas tant la santé et le bien être que la consolation et la réhabilitation par la grâce de Dieu.

Le sens de la souffrance
Si, dans l’Ecriture, c’est d’abord le sens spirituel et théologique de la souffrance qui nous est révélé, nous sommes alors en droit de nous demander quel est ce sens. N’est-ce pas d’ailleurs la question essentielle que nos contemporains se posent dans l’épreuve : « Mais enfin qu’est-ce que j’ai pu faire au bon Dieu pour souffrir de la sorte ? »
« Mais enfin
qu’est-ce que j’ai pu faire
au bon Dieu
pour souffrir de la sorte ? »
Remarquons tout d’abord que la souffrance dans le livre de la Genèse n’apparaît qu’après la chute : il dit à la femme j’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur (Gn 3.16). La création originelle est donc bonne, harmonieuse bien ordonnée, libre de toute souffrance. Le monde nouveau, objet de l’espérance de l’ancien comme du nouveau Testament est aussi un monde où la souffrance n’existe pas. Nous lisons dans Esaïe : Les anciennes souffrances seront oubliées… Je ferai de Jérusalem mon allégresse et de mon peuple ma joie ; on n’y entendra plus de bruit de pleurs et de bruit de cris… (Es 65.18-19). L’apôtre Jean, dans l’Apocalypse voit un nouveau ciel et une nouvelle terre où il n’y aura plus mort, ni deuil, ni lamentation, ni douleur. Les choses anciennes auront disparu (Ap 21.1-4).

Autrement dit la souffrance n’est pas une fatalité, elle est liée à la condition de l’homme pécheur. Elle est un des signes du désordre qu’introduit dans la création l’attitude de l’homme. Dans un langage plus théologique, nous dirons qu’elle est la conséquence de la révolte de l’homme contre Dieu. Elle montre l’emprise du péché sur l’homme, nul ne lui échappe. Le péché n’est pas simplement une succession de comportements ou d’actes que l’humain pourrait éviter ou réparer, le péché est un état dans lequel l’homme se trouve et contre lequel il ne peut rien . Il fait partie de la condition humaine et Jésus-Christ, pour entrer dans cette condition humaine, devra lui aussi souffrir (He 2.14-18). La souffrance est inévitable. Et la tentation de l’homme sera de croire que, pouvant arrêter le péché, il va pouvoir arrêter la souffrance. C’est le cri du désespéré : « je n’ai pas tué, je n’ai pas volé, je n’ai pas commis d’adultère… alors pourquoi est-ce que je souffre ? ».
L’Ancien Testament présente les malheurs comme des punitions collectives que Dieu envoie au peuple infidèle . Voir par exemple les deux premiers chapitres du livre d’Amos. Les prophètes interprètent l’histoire d’Israël et des nations en ce sens. Mais pour eux la punition douloureuse garde la valeur d’un appel à la repentance. Ce n’est pas une vengeance divine, c’est une invitation au changement.
Dans le Deutéronome (Dt 28), dans certains Psaumes (Ps 49, Ps 52), dans les Proverbes, la souffrance apparaît comme une punition définitive réservée aux méchants. Dans le bas judaïsme et dans l’eschatologie du Nouveau Testament, elle est devenue une punition définitive après la mort sous la figure du lieu de tourment qu’est l’enfer (Lc 16.24, Ap 20.10).
Mais, inversement, dans le livre de Job, l’auteur s’élève contre cette idée que l’homme souffre en fonction de ses péchés. La justice divine n’est pas liée aux mérites humains. En réponse à ses amis défendant cette thèse, Job clame son innocence. Pour lui, la justice de Dieu est bien au dessus de tous nos doutes et reste mystérieuse jusqu’au jour où notre âme comprendra. Le livre des Lamentations fait entendre une note analogue : Il faut savoir écouter le silence de Dieu (Lm 3.26).
L’enseignement de Jésus prolonge la découverte de Job. Certains iront jusqu’à dire que Job, par ses souffrances préfigure la vie de Jésus, le serviteur souffrant. Le Fils de l’homme ne discute pas l’origine de la souffrance. Ses réponses sont souveraines : C’est un ennemi qui a fait cela (Matthieu 13/28) ou encore : Ce n’est pas la volonté de mon Père (Mt 18.14). Dans les réponses de Jésus la justice de Dieu apparaît comme bonne et si elle s’exerçait à notre égard, quel serait notre sort ? Ceux sur qui est tombée la tour de Siloé ne sont pas plus pécheurs que les autres, tout comme les parents de l’aveugle né.

Ce n’est pas
par hasard
que nous souffrons
Pour le disciple du Christ, l’affliction vient de l’opposition entre l’idéal auquel il s’efforce de se conformer et la réalité du monde. En voulant servir son maître, il se heurte à l’opposition des hommes (Mt 24.9). N’est-ce pas pour la même raison que Jésus a été dans la douleur ? Il vit pleinement le projet de Dieu pour l’homme. C’est insupportable aux hommes qui veulent un Dieu et non quelqu’un qui leur révèle la plénitude de l’humanité. Jésus ne souffre pas comme un héros ou comme un martyr ; il souffre parce qu’il ose aller jusqu’aux limites de l’humain ; il ne refuse pas ces limites puisqu’elles lui ont été demandées par son père. Lui le Fils de l’Homme se comporte en Fils de Dieu.
Ceux qui, aujourd’hui, sous prétexte de regarder aux hommes, refusent le Christ font fausse route car, qui, d’autre que Jésus, est allé jusqu’au bout de son humanité ? Et ceux qui, aujourd’hui, sous prétexte de sainteté voudraient regarder à Dieu et à Dieu seul, font aussi fausse route car la passion de Dieu c’est l’homme dans son humanité totale, toujours visée, jamais atteinte. De nos jours, dans un souci de rendre gloire à Dieu – quel que soit son nom -, beaucoup font périr l’homme. C’est un double chemin de folie puisque, détruisant l’humanité, ils s’éloignent à tout jamais de Dieu.
L’apôtre Paul ira jusqu’à dire que l’homme participe à la souffrance du Christ et que nous souffrons parce que nous sommes cohéritiers de Christ. C’est le chemin qui a été tracé.

Aujourd’hui, que pouvons-nous dire de la souffrance ?
La souffrance traduit notre histoire personnelle

Ce n’est pas par hasard que nous souffrons. La souffrance, qu’elle soit corporelle ou psychique, traduit notre vécu, le vécu personnel comme le vécu social. Ne dit-on pas que telle maladie ou telle douleur est à la mode ? La souffrance est l’expression involontaire de l’homme dans un environnement donné. Elle a quelque chose à voir avec l’existence. Elle est à la fois une réaction aux stimuli externes et internes à notre personne et un état qui dure aussi longtemps que dure la vie. Il y a comme « une douleur d’exister » en chaque être humain. Cette douleur peut avoir des manifestations très différentes et nous nous tromperions si nous la percevions seulement sous la forme du spleen ou de l’état dépressif. Chez Lacan – un des plus grand psychanalystes après Freud – la douleur corporelle peut-être un symptôme, c’est-à-dire la satisfaction substitutive d’une pulsion refoulée ; elle est la forme la plus pure de la jouissance, autrement dit le moyen par lequel le corps s’éprouve, se force et se défend. Et il cite en exemple les maux de tête ou les douleurs lombaires mais nous pourrions citer bien d’autres maladies, y compris certains cancers, des maladies dites virales ou encore les conduites addictives perçues encore trop souvent comme des vices.
La souffrance nous amène à reconsidérer notre façon de vivre
La souffrance est une tension dans la vie quotidienne. Au fur et à mesure, toute l’activité s’organise autour d’elle. Elle capte toute l’énergie du souffrant comme de ceux qui l’entourent. Elle favorise le développement extravagant du moi qui se laisse réduire le plus souvent à l’organe attaqué : le malade ne parle plus que de la partie dont il souffre. Comme l’état amoureux, elle sépare ce qui était lié et établit de nouveaux liens. C’est par exemple le cas des parents qui se séparent après le décès de l’un de leurs enfants au profit de liaisons sans lendemains ; plus positivement, c’est l’exemple de Job qui se sépare de ses amis pour de nouveaux destins. La souffrance conduit l’individu à reconsidérer son passé, son existence. Elle invite à une nouvelle organisation de la vie personnelle. Elle oblige à redéfinir les relations aux autres. Bref, elle interpelle celui qui, sans elle, serait peut-être resté sourd.
La souffrance contribue à la constitution du Moi
La douleur nous permet de constituer le MOI car, par elle, nous nous représentons le corps. Or dans le cours de la vie, tout Etre a l’occasion d’investir à tour de rôle – pour de petites ou de grandes douleurs – les différentes parties du corps. C’est à partir de ces perceptions sensorielles et d’autres représentations se formant dans le psychisme que le Moi naîtra .Ainsi, par touches successives, se construit l’Etre dans sa plus profonde humanité. N’est-ce pas la raison pour laquelle il est dit que Le Christ devait souffrir, lui qui devait aller jusqu’aux limites de la condition humaine ? Et aujourd’hui, lorsque nous affirmons avec les Ecritures que Christ est mort pour nous, nous ne disons pas qu’il a souffert à notre place et que nous ne devons plus souffrir du tout, nous disons qu’il nous entraîne dans les profondeurs de l’humanité, celle pour laquelle nous avons été faits. Dans le livre de la Genèse , il est dit que Dieu fit l’homme à son image et à sa ressemblance (Gn 1.26). Et puis, un verset plus loin, nous ne retrouvons plus que l’image. Si l’on rejette l’hypothèse selon laquelle la perte de la ressemblance est uniquement une affaire de copiste peu attentionné, nous pouvons penser qu’étant déjà, par la naissance, à l’image de Dieu, Jésus-Christ nous entraîne sur le chemin de la ressemblance, ressemblance à l’homme tel que le créateur l’a voulu et programmé. Jésus nous entraîne dans la réalisation de ce programme. L’Apôtre Paul dira que nous sommes participants à la souffrance de Christ pour la réalisation de cette Bonne Nouvelle.
La souffrance structure la personnalité
A côté de la douleur corporelle, il existe une souffrance psychique que nous pourrions appeler « douleur de la séparation ». La vie de tout humain est faite de ruptures. Celles-ci entraînent des pertes et des abandons de l’objet (personne ou chose) aimé. Ces séparations sont douloureuses – même momentanées -. Il suffit de regarder le jeune enfant pleurer dans la cour de l’école lorsque la mère s’absente. Les éviter serait pour l’humain se condamner à ne pas grandir en restant fixé à des stades infantiles. Heureux celui qui n’a pas réussi à les éviter. Ruptures et séparations, malgré la douleur qu’elles entraînent, permettent à la personnalité de se structurer. En langage plus théologique, nous dirons qu’elles permettent à l’homme de se présenter par son nom devant Dieu. Rappelons ici un épisode amusant des Evangiles : celui de Jésus enfant s’échappant dans le temple – donc devant Dieu – au grand désespoir des parents qui ne veulent pas le lâcher. Nous pourrions aussi rappeler l’histoire d’Abraham qui sut entendre l’appel et s’arracher à son pays, sa patrie et la maison de son père pour devenir un homme, et quel homme ! En quittant son pays, il a prophétisé avec ses pieds en ce sens qu’il a mis en route un avenir tout à fait différent de celui qu’il aurait connu s’il était resté à Ur en Chaldée. Mais aurait-il pu partir sans déchirement alors que n’existait aucun espoir de retour étant donné les moyens de communication de l’époque ? C’est parce qu’il a su aller de rive en rive dans une marche en avant à l’écoute de l’Appel, que d’Abram il est devenu ABRAHAM, autrement dit qu’il est né de nouveau. De la douleur naît un être nouveau. Cette douleur due à la séparation ne peut être évitée, elle peut simplement être accompagnée. L’accouchement ne se fait pas sans douleur.

Pour conclure
Que l’on nous comprenne bien. Nous ne faisons pas l’apologie de la douleur. Comme nous l’avons dit au début, le message biblique ne dit rien sur la douleur elle-même, il insiste sur le sens et l’interpellation qu’elle constitue. La souffrance est inscrite dans l’humanité même. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas la calmer lors des crises aiguës. Mais nous ne pouvons pas l’ignorer et faire comme si elle n’était pas car elle est appel à la vie. Que l’homme choisisse de souffrir à la manière masochiste ou qu’il cherche à éviter la souffrance, il ne peut que se laisser interpeller par elle.