Archive pour mai, 2012
Magnificat ánima mea Dominum (latin/français)
31 mai, 2012http://salveregina.over-blog.com/article-5934985.html
Magnificat ánima mea Dominum
Et exsultávit spiritus meus,
in Deo salutári meo ;
Quia respéxit humilitátem ancillæ suæ :
ecce enim ex hoc beátam me dicent omnes generatiónes.
Quia fecit mihi magna qui potens est :
et sanctum nomen ejus ;
Et misericórdia ejus a progénie in progénies
timéntibus eum.
Fecit poténtiam in bráchio suo ;
dispérsit supérbos mente cordis sui.
Depósuit poténtes de sede,
et exaltávit húmiles.
Esuriéntes implévit bonis :
et divites dimísit inánes.
Suscépit Israel púerum suum,
recordátus misericórdiæ suæ.
Sicut locútus est ad patres nostros,
Abraham et sémini ejus in sæcula.
Amen
Version française
Mon âme exalte le Seigneur,
Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur.
Il s’est penché sur son humble servante,
Désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles,
Saint est son nom.
Son amour s’étend d’âge en âge,
Sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras,
Il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leur trône,
Il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés,
Renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur,
Il se souvient de son amour.
De la promesse faite à nos pères,
En faveur d’Abraham et de sa race à jamais.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit,
Pour les siècles des siècles. Amen.
31 MAI: LA VISITATIONDE LA VIERGE MARIE: HOMÉLIE DE S. BÈDE LE VÉNÉRABLE
31 mai, 201231 MAI: LA VISITATIONDE LA VIERGE MARIE
HOMÉLIE DE S. BÈDE LE VÉNÉRABLE
Marie exalte le Seigneur
Mon âme exalte le Seigneur ; exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur. Le sens premier de ces mots est certainement de confesser les dons que Dieu lui a accordés, à elle, Marie, spécialement ; mais elle rappelle ensuite les bienfaits universels dont Dieu ne cesse jamais d’entourer la race humaine.
L’âme glorifie le Seigneur quand elle consacre toutes ses puissances intérieures à louer et à servir Dieu ; quand, par sa soumission aux préceptes divins, elle montre qu’elle ne perd jamais de vue sa puissance et sa majesté.
L’esprit exulte en Dieu son Sauveur, quand il met toute sa joie à se souvenir de son Créateur dont il espère le salut éternel.
Ces mots, sans doute, expriment exactement ce que pensent tous les saints, mais il convenait tout spécialement qu’ils soient prononcés par la bienheureuse Mère de Dieu qui, comblée d’un privilège unique, brûlait d’un amour tout spirituel pour celui qu’elle avait eu la joie de concevoir en sa chair. Elle avait bien sujet, et plus que tous les saints, d’exulter de joie en Jésus – c’est-à-dire en son Sauveur – car celui qu’elle reconnaissait pour l’auteur éternel de notre salut, elle savait qu’il allait, dans le temps, prendre naissance de sa propre chair, et si véritablement qu’en une seule et même personne serait réellement présent son fils et son Dieu.
Car le Puissant fit pour moi des merveilles. Saint est son nom ! Pas une allusion à ses mérites à elle. Toute sa grandeur, elle la rapporte au don de Dieu qui, subsistant par essence dans toute sa puissance et sa grandeur, ne manque pas de communiquer grandeur et courage à ses fidèles, si faibles et petits qu’ils soient en eux-mêmes.
Et c’est bien à propos qu’elle ajoute : Saint est son nom, pour exhorter ses auditeurs et tous ceux auxquels parviendraient ses paroles, pour les presser de recourir à l’invocation confiante de son nom. Car c’est de cette manière qu’ils peuvent avoir part à l’éternelle sainteté et au salut véritable, selon le texte prophétique : Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. C’est le nom dont elle vient de dire : Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur.
Aussi est-ce un usage excellent et salutaire, dont le parfum embaume la Sainte Église, que celui de chanter tous les jours, à Vêpres, le cantique de la Vierge. On peut en attendre que les âmes des fidèles, en faisant si souvent mémoire de l’incarnation du Seigneur, s’enflamment d’une plus vive ferveur, et que le rappel si fréquent des exemples de sa sainte Mère les affermisse dans la vertu. Et c’est bien le moment, à vêpres, de revenir à ce chant, car notre âme, fatiguée de la journée et sollicitée en sens divers par les pensées du jour, a besoin, quand approche l’heure du repos, de se rassembler pour retrouver l’unité de son attention.
31 mai: Fête de la Visitation de la Vierge Marie: Visitation : « exemple et modèle de tendresse pour qui est dans le besoin » Pape Benoît (2006)
31 mai, 2012http://rouen.catholique.fr/spip.php?article1571
31 mai: Fête de la Visitation de la Vierge Marie
Commentaire
Visitation : Marie « exemple et modèle de tendresse pour qui est dans le besoin »
Audience du mercredi
ROME, Mercredi 31 mai 2006 (ZENIT.org) – En évoquant la fête liturgique de la Visitation de Marie à Élisabeth, le pape Benoît XVI a adressé une « pensée affectueuse » aux jeunes, aux malades, et aux jeunes mariés, à la fin de l’audience générale, en italien.
Il disait : « Chers frères et sœurs, en cette fête de la Visitation de la bienheureuse Vierge l’Église rappelle comment Marie se rend chez sa parente âgée, Élisabeth, pour lui rendre service. Elle devient ainsi pour nous exemple et modèle de tendresse pour qui est dans le besoin ».
« Chers jeunes, exhortait le pape, apprenez de Marie à grandir dans l’adhésion fidèle au Christ et dans l’amour serviable de vos frères ».
« Que la Vierge Sainte vous aide, chers malades, à faire de votre souffrance une offrande au Père céleste, en union avec le Christ crucifié », encourageait le pape.
Il ajoutait : « Soutenus par la maternelle intercession de la Vierge, vous, chers jeunes mariés, laissez-vous toujours guider par l’Évangile dans votre vie conjugale ». ZF06053104
Sermon de saint Ambroise sur le psaume 118
(Lectionnaire monastique de Solesmes pour la Visitation, Temps pascal, p. 1033-1037. Éditions du Cerf, Paris)
Tu vois que le Dieu Verbe secoue le paresseux et réveille le dormeur. En effet, celui qui vient frapper à la porte veut toujours entrer. Mais il dépend de nous qu’il n’entre pas toujours, qu’il ne demeure pas toujours. Que ta porte soit ouverte à celui qui vient ; ouvre ton âme, élargis les capacités de ton esprit, afin qu’il découvre les richesses de la simplicité, les trésors de la paix, la suavité de la grâce. Dilate ton cœur, cours à la rencontre du soleil de la lumière éternelle qui illumine tout homme. Et assurément cette lumière véritable brille pour tous ; mais si quelqu’un ferme ses fenêtres, il se privera lui-même de la lumière éternelle.
Donc même le Christ reste dehors, si tu fermes la porte de ton âme. Certes, il pourrait entrer ; pourtant il ne veut pas s’introduire de force, il ne veut pas contraindre ceux qui le refusent. Issu de la Vierge, il est sorti de son sein, irradiant tout l’univers, afin de resplendir pour tous. Ils le reçoivent, ceux qui désirent la clarté d’un éclat perpétuel, qu’aucune nuit ne vient interrompre. En effet, ce soleil que nous voyons chaque jour se laisse vaincre par la nuit obscure ; mais le soleil de justice ne connaît pas de couchant, car la sagesse n’est pas vaincue par le mal.
Bienheureux donc celui à la porte duquel frappe le Christ. Notre porte, c’est la foi qui, si elle est solide, défend toute la maison. C’est par cette porte que le Christ fait son entrée. Aussi l’Église dit-elle dans le Cantique : J’entends la voix de mon frère, il frappe à la porte. Écoute celui qui frappe, écoute celui qui désire entrer : Ouvre-moi, ma sœur, ma fiancée, ma colombe, ma parfaite, car ma tête est couverte de rosée, et mes cheveux des gouttes de la nuit. Considère à quel moment le Dieu Verbe frappe à ta porte, quand sa tête est couverte de la rosée nocturne. Car il daigne visiter ceux qui sont soumis à l’épreuve et aux tentations, afin que nul ne succombe, vaincu par les difficultés. Donc sa tête est couverte de rosée ou de gouttes d’eau, quand son corps est dans la souffrance.
C’est alors qu’il faut veiller, de crainte que, lorsque viendra l’Époux, il ne se retire parce qu’il a trouvé la maison fermée. En effet, si tu dors et si ton cœur ne veille pas, il s’éloigne avant d’avoir frappé ; si ton cœur veille, il frappe et il demande qu’on lui ouvre la porte. Nous disposons donc de la porte de notre âme, nous disposons aussi des portes dont il est écrit : Portes, élevez vos frontons ; élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire fera son entrée.
Homélie de saint Jean Chrysostome
(Lectionnaire monastique de Solesmes pour la Visitation, Temps pascal, p. 1037-1041. Éditions du Cerf, Paris)
Dès son avènement, le Rédempteur de notre race vient aussitôt à son ami Jean qui n’est pas encore né. De sein maternel à sein maternel, Jean plonge le regard, il secoue les limites de la nature, il s’écrie : « Je vois le Seigneur qui a fixé à la nature ses limites et je n’attends pas le moment de naître. Le délai de neuf mois, ici, ne m’est pas nécessaire, car en moi est l’éternel. Je sortirai de cet habitacle ténébreux, je prêcherai la connaissance substantielle de réalités admirables.
Je suis un signe : je signalerai l’avènement du Christ. Je suis une trompette : j’annoncerai l’économie du Fils de Dieu dans la chair. Trompette, je sonnerai et, par là-même, bénédiction pour la langue paternelle, je l’entraînerai à parler. Trompette, je sonnerai, et je vivifierai le sein maternel. »
Tu vois, ami, quel mystère nouveau et admirable ! Jean ne naît pas encore et déjà il parle par ses tressaillements ; il ne paraît pas encore et déjà il profère des avertissements ; il ne peut pas encore crier et déjà il se fait entendre par des actes ; il n’a pas encore commencé sa vie et déjà il prêche Dieu ; il ne voit pas encore la lumière et déjà il montre le soleil ; il n’est pas encore mis au monde et déjà il se hâte d’agir en précurseur. Le Seigneur est là ; il ne peut se retenir, il ne supporte pas d’attendre les limites fixées par la nature, mais il s’efforce de rompre la prison du sein maternel et il cherche à faire connaître d’avance la venue du Sauveur. « Il est arrivé, dit-il, celui qui brise les liens. Et quoi ? Moi, je reste assis enchaîné, et je suis encore tenu à demeurer ici ? Le Verbe vient pour tout rétablir et moi, je reste encore captif ? Je sortirai, je courrai devant lui et je proclamerai à tous : Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. »
Mais, dis-nous, Jean, retenu encore dans l’obscurité du sein de ta mère, comment vois-tu et entends-tu ? Comment contemples-tu les choses divines ? Comment peux-tu tressaillir et exulter ? « Grand, dit-il, est le mystère qui s’accomplit, c’est un acte qui échappe à la compréhension de l’homme. A bon droit j’innove dans l’ordre naturel à cause de celui qui doit innover dans l’ordre surnaturel. »
Je vois, avant même, de naître, car je vois en gestation le soleil de justice. À l’ouïe je perçois, car je viens au monde, voix du grand Verbe. Je crie, car je contemple, revêtu de sa chair, le Fils unique du Père. J’exulte, car je vois le Créateur de l’univers recevoir la forme humaine. Je bondis, car je pense que le Rédempteur du monde a pris corps. Je prélude à son avènement et, en quelque sorte, je vous devance par mon témoignage. »
Raffaello, la Transfiguration
30 mai, 2012Originalité du judaïsme dans l’histoire des religions
30 mai, 2012http://ilmsil.free.fr/branche6/les_grandes_religions/622Judaisme/09originalitedujudaisme.htm
Originalité du judaïsme dans l’histoire des religions
Parmi toutes les religions, recensées par les historiens, le fait « Israël » constitue un phénomène très particulier : alors que toutes les religions cherchent à procurer une réponse humaine aux grandes interrogations qui traversent l’humanité depuis les origines jusqu’à nos jours, le peuple juif, au contraire, prétend avoir reçu de Dieu lui-même toutes ces réponses, au cours de sa longue histoire, traversée par les crises les plus dramatiques mais aussi pur les plus grands élans d’espoir. Ce peuple a su lire, dans les événements du monde, les signes que Dieu lui-même pouvait lui faire, et il est devenu le signe même de Dieu pour l’ensemble de l’humanité. Aucun peuple n’a eu, comme lui, la certitude que Dieu se révélait à lui d’une manière unique : seul, il a pu lire son histoire comme l’histoire d’une relation entre la divinité et l’humanité, découvrant même dans son histoire collective une réponse à l’appel reçu du Dieu éternel.
Il faut dire qu’Israël constitue une véritable énigme sur le plan historique : comment ce peuple minuscule, qui trouve ses origines dans une toute petite tribu, celle d’Abraham, a-t-il pu acquérir et conserver, au long des siècles, une telle vitalité qui a pu résister a toutes les persécutions ? Les descendants du patriarche auraient dû disparaître de la surface de la terre, être complètement retranchés du nombre des humains, à cause de l’hostilité que lui opposaient ses innombrables persécuteurs. Esclaves en fuite au moment de l’apogée de l’empire égyptien, peuple marginal en migration dans le désert pendant de nombreuses années, peuple marginal, s’installant dans une terre, objet de la convoitise des puissances politiques et économiques de l’époque, peuple se plaçant délibérément en dehors de toutes les influences culturelles et civilisatrices des grands empires, peuple connaissant aussi de nombreuses luttes intestines et de grandes rivalités d’influence de la part des différentes tribus qui le constituaient… Toutes ces données auraient pu entraîner la ruine et la disparition d’Israël. Et pourtant, il a sans cesse lutté contre toutes les formes de mort qui pouvaient l’abattre ; une telle résistance apparaît aux yeux de l’historien comme une réalité extraordinaire, et il n’est pas étonnant que les « religieux » découvrent dans ce phénomène une réalité miraculeuse. Ceux-ci expliquent volontiers que cette grande vitalité d’Israël repose sur l’authenticité de la révélation de Dieu faite à Moïse ; c’est le don même de la Torah qui permet au peuple de survivre malgré toutes les tentatives d’extermination ; c’est la fidélité à suivre les enseignements de la Torah qui a permis aux tribus divisées de ne former qu’un seul peuple. C’est la Loi de Dieu qui fait vivre, et déjà Abraham, le fondateur du peuple, avait acquis la conviction inébranlable que sa postérité serait aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel ou que le sable sur les rivages marins. Même aux jours les plus sombres de leur histoire, que ce soit pendant le grand exil à Babylone, que ce soit dans la nuit des ghettos ou dans les brouillards de la déportation sous l’occupation nazie, les juifs ont toujours gardé dans leur coeur cette espérance qui était plus forte que la mort la plus horrible : l’Éternel ne peut se renier lui-même, il ne peut revenir sur la promesse qu’il a faite, il accordera la vie à un petit » reste » qui rachètera tout le peuple d’Israël et qui sera l’occasion de la résurrection de la foi juive. Les prophètes des temps anciens, s’ils annonçaient les malheurs que le peuple devait connaître, prédisaient également le retour des choses a la situation normale, avec le châtiment des persécuteurs et la garantie de la fidélité de Dieu.
Peuple isolé parmi toutes les nations, peuple mis à part et persécuté, peuple ignorant de la civilisation antique, peuple sans grands représentants culturels, mais peuple qui a donné au monde un de ses plus beaux chefs-d’oeuvre : un livre, qui est, en réalité une bibliothèque, la Bible, laquelle est le best-seller du vingtième siècle… Comment ce peuple ignorant de la philosophie et des recherches intellectuelles a-t-il pu contribuer à la naissance d’un tel chef d’oeuvre, alors que d’autres peuples plus civilisés, plus avancés dans les connaissances intellectuelles, n’ont jamais laissé que des oeuvres d’importance mineure ? Le mystère d’Israël se comprend dans le mystère de son Livre saint, qui est comme son livre le plus populaire, le livre de son effort multi-séculaire pour persévérer dans la voie tracée par les ancêtres. La Bible s’éclaire aussi par la volonté d’Israël de rester fidèle à l’alliance conclue entre Dieu et son peuple, sur le Sinaï. C’est sans doute la raison pour laquelle ce livre, véritable patrimoine de tout un peuple, recèle un message qui reste toujours d’actualité, malgré les différents ajouts que la tradition juive ou que la pensée occidentale a pu apporter. Cette fidélité du peuple se fonde sur la fidélité même de Dieu, qui a pris l’initiative de s’adresser a l’homme et d’en faire son partenaire : Dieu s’est lui-même donné à connaître.
Et le miracle biblique, c’est précisément que les différents auteurs, qui ont collectionné les documents antiques, n’ont jamais essayé d’apporter un message humain sur Dieu, n’ont jamais fait de théologie positive : ils ont laissé Dieu parler au coeur de l’homme. Et le prodige que ces auteurs ont accompli réside particulièrement dans une oeuvre de perception correcte des réalités : Dieu est Dieu, le monde est le monde. Alors que les religions antiques s’efforçaient de découvrir des traces du divin répandues dans les éléments naturels, la religion d’Israël s’est efforcée à replacer les réalités dans leur véritable contexte, se défendant sans cesse de succomber à toute forme d’idolâtrie. Seul, parmi tous les peuples antiques, Israël a refusé le panthéisme, il a dédivinisé le monde, affirmant que Dieu, le Dieu unique, le Dieu créateur était totalement différent du monde, qu’il était transcendant, mais qu’il se donnait à connaître par sa Parole et par les gestes qu’il accomplissait en faveur de son peuple. L’histoire continue de présenter la grandeur et la supériorité d’Israël sur toutes les autres nations antiques : Israël constitue le peuple élu par Dieu, pour être son signe au milieu des nations, sous toutes les latitudes et à toutes les époques. Par ce peuple, qui a traversé les siècles, Dieu ne cesse de s’adresser aux hommes pour leur faire connaître son amour et sa fidélité indéfectible.
Le fait « Israël » est un phénomène unique dans toute l’histoire ; et il semble légitime d’y découvrir, ainsi que le font les fidèles juifs le signe de la présence de Dieu aux côtés de son peuple, le signe de la proximité du Seigneur auprès de ceux qui l’invoquent. S’il est le Tout-Autre, diffèrent des hommes, il est aussi le Dieu proche des hommes qu’il comble de son amour, un amour si passionné que la Bible n’hésite pas à employer des comparaisons très hardies, celles de l’amour humain sous toutes ses formes : le Seigneur aime son peuple comme un père aime son enfant, comme une mère chérit le fruit de ses entrailles, il chérit également ce peuple comme un fiancé chérit sa bien-aimée, il part à la recherche de son peuple, comme le mari délaissé recherche celle qui l’a abandonné pour se prostituer. Le peuple d’Israël est symboliquement l’épouse du Dieu Très-Haut, et malgré les infidélités répétées de ce peuple, il ne l’abandonne pas et il tient envers lui ses promesses. Comme tous les amoureux, Dieu est particulièrement vulnérable : il est affecté par l’attitude des hommes, avec qui il est intimement lié jusqu’à la passion amoureuse. Dieu est sans relâche en quête de la réponse de l’homme à son amour, il attend toujours une réponse humaine à la parole qu’il adresse à son peuple. C’est pourquoi le judaïsme est avant tout une religion de l’écoute : la prière fondamentale n’est-elle pas le « Shéma Israël », « Écoute, Israël » ? Nul ne peut apercevoir Dieu sans mourir, mais chacun peut entendre sa Parole s’il prête l’oreille et se dispose à l’accueillir avec un coeur purifié.
Le désir de la fidélité du peuple juif à la Parole de Dieu s’est manifesté particulièrement dans l’espérance messianique qui a elle aussi traversé les siècles. Dans la conscience juive ancienne, c’est d’abord l’attente de la venue d’un représentant de Dieu qui agirait au nom du Seigneur et qui lui apporterait la libération, notamment politique, de toutes les chaînes qui opprimaient le peuple. Puis, pour les juifs, croire en la venue du Messie, c’est espérer que le temps viendra où la justice, la paix et la fraternité régneront sur l’ensemble de l’humanité, un temps où, selon les paroles du prophète Isaïe, les hommes n’apprendront plus à se battre, mais forgeront des socs de charrue avec leurs épées… Mais, déjà, à l’époque biblique, ce Messie qui devait venir était perçu de différentes manières, selon les traditions : pour les uns, c’était un descendant de la maison de David qui devait restaurer la dynastie ; pour d’autres, c’était un personnage mystérieux et céleste qui recevrait de Dieu lui-même la souveraineté sur toute l’humanité et qui est appelé Fils d’homme ; pour d’autres encore, c’était un serviteur de Dieu qui devrait connaître l’humiliation et la souffrance, prenant sur lui le péché de toute l’humanité… Dans le cours de son histoire, le peuple juif découvrait dans cette attente messianique tantôt une libération spirituelle, tantôt une libération politique, mais toujours une intervention de Dieu lui-même qui signifierait à l’ensemble du monde l’instauration de son royaume de justice et de paix. Et la grande espérance messianique, qui soulève le peuple depuis ses origines n’est pas une attente passive, mais un engagement de toutes les dimensions de l’existence : l’homme se doit de coopérer avec son Dieu pour faire avancer toute l’histoire dans le sens de la venue du règne de Dieu, qui demeure encore l’objet de l’espérance, car la paix et la justice ne règnent pas encore sur cette terre.
Le judaïsme en crise
Si le judaïsme est bien une réalité vivante s’il a réussi s’adapter a toutes les crises de l’histoire et en sortir avec une force renouvelée, c’est parce qu’il s’est modifié progressivement au cours des âges. Mais il n’a pas encore épuisé toutes ses potentialités. Et aujourd’hui, il traverse une nouvelle crise, comme les autres religions d’ailleurs, mais cette crise est peut-être beaucoup plus sérieuse pour le judaïsme, car la question Fondamentale qui se trouve posée, c’est la question même de l’identité juive.
Et avec la création de l’État d’Israël, la question s’est même posée avec beaucoup plus d’acuité. En effet, jusqu’à jour du Retour sur la terre ancestrale, les communautés juives s’unifiaient dans une même identité précisée par la nostalgie du passé et l’espérance du retour ; même dans les heures les plus sombres de leur histoire, les juifs, répandus à travers le monde, vivaient en quelque sorte repliés sur eux-mêmes, animés par un même destin et une seule espérance. Au dix-neuvième siècle, l’identité juive s’est quelque peu éclipsée avec la reconnaissance des juifs comme citoyens ordinaires des pays dans lesquels ils vivaient ; la reconnaissance officielle des juifs comme citoyens des pays déterminés entraîna une déjudaïsation, en même temps que l’émancipation sociale et politique. Cette émancipation impliqua, par une nécessité inéluctable, la prise de conscience du décalage existant entre les observances traditionnelles et les pratiques du monde moderne ; le respect absolu des enseignements de la Torah et du Talmud semble être devenu une sorte de combat d’arrière-garde, un refus de confrontation avec le réel contemporain. L’attitude conservatrice des milieux religieux Amène un manque de dynamisme du judaïsme ; et, les jeunes juifs, confrontés aux réalités culturelles du monde moderne, sont eux-mêmes contraints de définir avec plus de précisions que leurs aïeux leur identité juive. Jusqu’à la création de l’État d’Israël, le juif religieux pouvait se définir comme les citoyens de l’univers : ils étaient partout chez eux, puisque Dieu, en raison de l’élection qu’il avait faite à leurs pères, les avait choisis pour être ses témoins au milieu des autres nations de la terre. Mais ces nations les ont rejetés, comme « sans patrie » , et la naissance du sionisme répond au besoin des juifs de se retrouver comme une nation semblable aux autres ; la réinstallation en terre de Palestine, après 1948, a redonné un idéal national aux membres du peuple d’Israël, qui sont alors amenés à s’interroger sur le lien qu’ils peuvent faire entre l’universalisme et le nationalisme. Comment peut-on concilier la vocation universelle du peuple d’Israël et la réalité particulière de sa nation installée sur un sol déterminé ?
Enfin, le judaïsme connaît ses plus grandes difficultés sur le plan religieux lui-même. En effet, depuis le Talmud, les enseignements théologiques et religieux n’ont guère évolué, et les rabbins du vingtième siècle éduquent des juifs à la foi, de la même manière que les rabbins des premiers siècles qui ont suivi l’ère chrétienne : la pensée théologique est fixe, et aucune idée nouvelle ne semble pouvoir surgir, car aucun maître n’oserait se situer au-dessus des autorités traditionnelles. Le judaïsme semble donc dans l’impasse, parce qu’il lui manque une autorité universellement reconnue, qui soit susceptible d’adapter la religion ancestrale au phénomène du monde contemporain, parce qu’il lui manque une hiérarchie qui soit capable de présider aux destinées de l’ensemble du peuple ; il manque au judaïsme des prophètes pour les temps nouveaux qui se sont inaugurés pour Israël, avec le retour sur la terre promise par Dieu à tout son peuple. Certes, depuis la création de l’État d’Israël, les juifs ont eu à s’occuper de tâches beaucoup plus urgentes que celle d’une restauration religieuse ; ils ont dû faire renaître Israël, puis le faire exister au milieu de ses nombreux ennemis, et cette tâche n’est pas encore achevée. Il faut que, dans un avenir très proche, les juifs apprennent à intégrer les apports de la civilisation aux enseignements de la Torah, et qu’ils remettent à jour la pensée rabbinique : le judaïsme ne peut plus se contenter d’être une religion du passé, il doit devenir la foi du présent, dans l’espérance de l’avenir.
JUIFS ET CHRÉTIENS : TÉMOIGNER DE LA RÉCONCILIATION DANS LE MONDE (VI ET FIN)
30 mai, 2012http://www.zenit.org/article-30955?l=french
JUIFS ET CHRÉTIENS : TÉMOIGNER DE LA RÉCONCILIATION DANS LE MONDE (VI ET FIN)
« Berrie Lecture » du card. Kurt Koch à l’Angelicum sur « Nostra Aetate »
Traduction d’Hélène Ginabat
(vous trouverez tous les articles sur Zenith)
ROME, mardi 29 mai 2012 (ZENIT.org) – « Que juifs et chrétiens, comme l’unique peuple de Dieu, témoignent de la paix et de la réconciliation dans le monde non réconcilié d’aujourd’hui et qu’ils puissent être ainsi une bénédiction non seulement les uns pour les autres, mais aussi ensemble pour l’humanité » : tel est le vœu que forme le cardinal Kurt Koch, dans ce dernier volet de sa conférence, donnée à Rome, à l’Angelicum, le 16 mai dernier, dans le cadre d’une « Berrie Lecture » (cf. Zenit des 15, 17, 21, 22, 23, 24 et 27 mai 2012).
6. Questions théologiques ouvertes dans le dialogue judéo-catholique
La Déclaration du Concile Vatican II sur le judaïsme, qui est le quatrième article de « Nostra Aetate », était située, comme on le voit sans doute clairement maintenant, dans un cadre résolument théologique. Cela ne signifie pas que toutes les questions théologiques qui se posent dans la relation entre le christianisme et le judaïsme ont été résolues. Elles y ont reçu un stimulus prometteur, mais elles nécessitent une réflexion théologique plus approfondie. C’est également manifesté par le fait que, contrairement à tous les autres textes du Concile Vatican II, ce document du Concile ne pouvait pas, dans ses notes, renvoyer à des documents et décisions doctrinaux antérieurs émanant de conciles précédents. Bien sûr, il y avait eu auparavant des textes du magistère qui mettaient l’accent sur le judaïsme, mais «Nostra Aetate» fournit le premier aperçu théologique de la relation de l’Eglise catholique avec les juifs.
C’était une telle nouveauté qu’il n’est pas rare que le texte du Concile soit sur-interprété, et on lui fait dire ce qu’il ne contient pas en réalité. Pour donner un exemple important, le fait que l’Alliance, que Dieu a conclue avec son peuple Israël, persiste et n’est jamais invalidée – bien que cette confession soit vraie – ne se trouve pas dans « Nostra Aetate ». Cette déclaration a été faite pour la première fois très clairement par le pape Jean-Paul II quand il a dit, lors d’une réunion avec des représentants juifs à Mayence, le 17 novembre 1980, que l’ancienne Alliance n’avait jamais été révoquée par Dieu : « La première dimension de ce dialogue, à savoir la rencontre entre le peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance, qui n’a jamais été révoquée par Dieu, et celui de la Nouvelle Alliance est en même temps un dialogue à l’intérieur de notre Eglise, en quelque sorte entre le premier et le second livre de sa Bible »[1].
Cette déclaration aussi a donné lieu à des malentendus, impliquant, par exemple, que si les juifs restent dans une relation d’Alliance valide avec Dieu, il doit y avoir deux modes différents de salut, à savoir le chemin du salut juif sans le Christ et le chemin du salut pour tous les autres, à travers Jésus-Christ. Cette réponse semble évidente à première vue ; mais elle n’est pas en mesure de résoudre de manière satisfaisante la question théologique très complexe qui est la suivante : comment la foi chrétienne en la signification salvifique universelle de Jésus-Christ peut-elle être conjuguée de manière conceptuelle en cohérence avec la conviction tout aussi claire de la foi dans l’Alliance jamais-révoquée de Dieu avec Israël [2] ? Le fait que l’Eglise et le judaïsme ne peuvent pas être présentés comme «deux voies de salut parallèles », mais que l’Église doit « témoigner du Christ rédempteur auprès de tous » a été déjà établi en 1985 dans le second document publié par la Commission du Saint-Siège pour les relations religieuses avec les juifs. La foi chrétienne se maintient ou disparaît selon que l’on confesse ou non que Dieu veut amener tous les hommes au salut, qu’il suit cette voie en Jésus-Christ comme médiateur universel du salut, et qu’il n’y a pas « sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4, 12). Le concept de deux voies parallèles de salut mettrait en cause, ou même en danger, la compréhension fondamentale du Concile Vatican II selon laquelle les juifs et les chrétiens n’appartiennent pas à deux peuples de Dieu différents, mais forment un seul peuple de Dieu.
D’une part, dans la confession de foi chrétienne, il ne peut y avoir qu’un seul chemin de salut. D’autre part, cependant, il ne s’ensuit pas nécessairement que les juifs sont exclus du salut de Dieu parce qu’ils ne croient pas en Jésus-Christ comme le Messie d’Israël et le Fils de Dieu. Une telle affirmation ne trouverait pas de justification dans la compréhension sotériologique de saint Paul qui, dans la Lettre aux Romains, apporte définitivement une réponse négative à la question, qu’il avait lui-même posée, de savoir si Dieu avait répudié son propre peuple : « Car les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance » (Rm 11, 29). Le fait que les juifs ont part au salut de Dieu est théologiquement incontestable, mais comment cela est-il possible sans confesser le Christ explicitement ? C’est et cela demeure un mystère insondable de Dieu. Ce n’est donc pas par hasard si les réflexions sotériologiques de Paul (cf. Romains 9-11), sur le rachat irrévocable d’Israël dans le contexte du mystère du Christ, culminent dans une doxologie mystérieuse : « O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses décrets sont insondables et ses voies impénétrables ! » (Rm 11, 33). Ce n’est pas non plus un hasard si, dans la deuxième partie de son livre sur « Jésus de Nazareth », le pape Benoît XVI fait dire à Bernard de Clairvaux, en référence au problème auquel nous sommes confrontés, que pour les juifs « un point déterminé dans le temps a été fixé, qui ne peut pas être anticipé » [3].
Cette complexité est également attestée par la reformulation de la prière du Vendredi saint pour les juifs dans la forme extraordinaire du rite romain, publiée en février 2008. Bien que la nouvelle prière du Vendredi saint confesse, sous la forme d’une supplication à Dieu, l’universalité du salut en Jésus-Christ dans un horizon eschatologique (« la plénitude des nations étant entrée dans ton Eglise») [4], elle a été vigoureusement critiquée par des juifs – et bien sûr aussi par des chrétiens – et interprétée à tort comme un appel à la mission explicite en direction des juifs [5]. Il est facile de comprendre que l’expression « mission en direction des juifs » est une question très délicate et sensible pour les juifs, car, pour eux, il s’agit de l’existence même d’Israël. D’un autre côté cependant, cette question se révèle aussi être difficile pour nous, chrétiens, parce que, pour nous, la signification salvifique universelle de Jésus-Christ, et par conséquent la mission universelle de l’église, sont d’une importance fondamentale. L’Eglise chrétienne est naturellement obligée de percevoir sa tâche d’évangélisation des juifs, qui croient dans le Dieu unique, différemment de celle des nations. En termes concrets, cela signifie que – contrairement à plusieurs mouvements fondamentalistes et évangéliques – L’Eglise catholique ne mène ni ne soutient aucune mission institutionnelle spécifiquement orientée vers les juifs. Dans son examen détaillé de la question d’une mission envers les juifs, le cardinal Karl Lehmann a discerné à juste titre qu’après une étude plus approfondie, on ne trouve « pour ainsi dire pas de mission institutionnelle envers les juifs dans l’histoire de la mission catholique ». « Nous avons notre part de responsabilité dans d’autres formes d’attitudes inappropriées envers les juifs et, par conséquent nous n’avons pas le droit de nous élever au-dessus des autres. Mais en ce qui concerne une ‘mission’ spécifique et exclusive ‘en direction des juifs’, il ne doit y avoir ni fausse consternation ni auto-accusation injustifiée à cet égard [6]. Le rejet de principe d’une mission institutionnelle en direction des juifs n’exclut pas, par ailleurs que les chrétiens témoignent auprès de ceux-ci de leur foi en Jésus-Christ, mais ils devraient le faire modestement et humblement, compte tenu en particulier de la grande tragédie de la Shoah.
7. Perspectives
Dans le cadre de cette conférence, il n’est bien évidemment pas possible de plonger plus profondément dans ces questions théologiques ouvertes. Un effort plus grand encore dans la réflexion théologique est nécessaire ; c’est ce qu’affirme également le projet publié en 2011, « Jésus-Christ et le peuple juif aujourd’hui », une initiative de la Commission du Saint-Siège pour les relations religieuses avec les juifs, lancée de manière informelle par un groupe international de théologiens chrétiens, à laquelle des experts et des amis juifs ont été invités individuellement à participer en tant qu’observateurs critiques [7]. Peu importent les résultats de cette tentative d’examiner de nouveau la question spécifique de savoir comment concilier la confession chrétienne de la signification sotériologique universelle de Jésus-Christ avec la conviction de foi également chrétienne que Dieu maintient fermement son alliance avec Israël avec une fidélité historico-sotériologique ; le cardinal Walter Kasper indique avec réalisme dans sa préface que même cette discussion n’est pas du tout encore parvenue à une conclusion : « Nous ne sommes qu’au seuil d’un nouveau commencement. Beaucoup de questions exégétiques, historiques et systématiques sont encore ouvertes et il y aura sans doute toujours de telles questions ».
Le dialogue judéo-catholique ne sera donc jamais inactif, en particulier au niveau universitaire, d’autant plus que cette nouvelle voie historique concernant la relation entre juifs et chrétiens, tracée par le Concile Vatican II, est naturellement sans cesse mise à l’épreuve. D’une part, le fléau de l’antisémitisme semble être indéracinable dans le monde d’aujourd’hui et, même dans la théologie chrétienne, marcionisme et antijudaïsme séculaires reviennent sans cesse avec force, et cela non seulement du côté des traditionalistes, mais aussi parmi les tendances libérales de la théologie actuelle. Compte tenu de ces évolutions, l’Église catholique est contrainte de dénoncer l’antijudaïsme et le marcionisme comme une trahison de sa propre foi chrétienne, et de rappeler que la fraternité spirituelle entre les juifs et les chrétiens a son solide et éternel fondement dans l’Ecriture Sainte. D’autre part, il faut continuer d’accorder l’attention requise par le Concile Vatican II pour favoriser la compréhension mutuelle et le respect entre juifs et chrétiens. C’est la condition sine qua non pour garantir que l’éloignement dangereux entre chrétiens et juifs ne se reproduira pas mais pour qu’ils demeurent, au contraire, conscients de leur parenté spirituelle. Nous serons donc reconnaissants pour toutes les contributions apportées ici en vue d’élargir le dialogue avec le judaïsme sur le fondement de « Nostra Aetate » et d’arriver à une meilleure compréhension entre les juifs et les chrétiens afin que juifs et chrétiens, comme l’unique peuple de Dieu, témoignent de la paix et de la réconciliation dans le monde non réconcilié d’aujourd’hui et qu’ils puissent être ainsi une bénédiction non seulement les uns pour les autres, mais aussi ensemble pour l’humanité.
Traduction de ZENIT [Hélène Ginabat]
NOTES:
[1] Jean-Paul II, « La richesse de l’héritage commun nous ouvre au dialogue et à la collaboration. Rencontre avec les représentants de la communauté juive à Mayence, le 17 novembre 1980 », in : Enseignements de Jean-Paul II, III, 2 1980 (Cité du Vatican 1980) 1272-1276, cit. 1274.
[2] Cf. L’étude différenciée de T. Söding : « Erwählung – Verstockung – Errettung. Zur Dialektik der paulinischen Israeltheologie in Röm 9-11 », in : Communio. Internationale katholische Zeitschrift 39 (2010) 382-417.
[3] J. Ratzinger-Benoît XVI, « Jésus de Nazareth, la Semaine Sainte : De l’entrée à Jérusalem à la résurrection » (éd. Du Rocher, 2011).
[4] Le pape Benoît XVI a expliqué qu’il avait modifié la prière du Vendredi saint de manière à « exprimer notre foi que le Christ est le Sauveur pour tous, qu’il n’y a pas deux voies de salut, de sorte que le Christ est aussi le rédempteur des Juifs, et pas seulement des Gentils. Mais la nouvelle formulation oriente la prière d’une demande directe pour la conversion des juifs, dans un sens missionnaire, à une requête pour que le Seigneur hâte l’heure de l’histoire où nous pourrons être tous unis ». Benoît XVI, « Lumière du monde. Le pape, l’Eglise et les signes des temps. Conversation avec Peter Seewald », (éd. Bayard, 2011).
[5] Vgl. W. Homolka / E. Zenger (Hrsg.), … « Damit sie Jesus Christus erkennen. Die neue Karfreitagsfürbitte für di Juden » (Freiburg i. Br. 2008).
[6] K. Cardinal Lehmann, „Judenmission“. Hermeneutische und theologische Überlegungen zu einer Problemanzeige im jüdisch–christlichen Gespräch, in: H. Frankemölle / J. Wohlmuth (Eds.), Das Heil der Anderen. Problemfeld „Judenmission“ (Freiburg i. Br. 2010) 142–167, cit. 165.
[7] P.A. Cunningham, J. Sievers, M. C. Boys, H. H. Hendrix & J. Svartvik ed., “Christ Jesus and the Jewish People Today. New Explorations of Theological Interrelationships” (Cambridge 2011)
30 mai – Sainte Jeanne d’Arc
29 mai, 201230 mai – Sainte Jeanne d’Arc
29 mai, 2012http://missel.free.fr/Sanctoral/05/30.php
30 mai – Sainte Jeanne d’Arc
Sommaire :
Biographie
Extraits du procès de Jeanne
Prière
Biographie
Le mercredi 23 février 1429, à Vaucouleurs, le cortège fut prêt vers trois heures de l’après-midi. Jeanne était à cheval, entourée de son escorte composée de quatre lorrains : Jean de Metz, chef de l’expédition, Bertrand de Poulangy et leurs valets, Julien et Jean, puis Collet de Vienne, envoyé de Chinon par le Dauphin et son archer Richard. Agé de vingt-huit ans, rude soldat ayant conquis son grade et sa noblesse dans les récents combats, Jean de Metz avait joyeusement accepté d’escorter cette fille jusqu’à Chinon, à travers un territoire rempli d’ennemis.
S’ils passèrent la première nuit à l’abbaye de Saint-Urbain où ils étaient attendus, ils se firent héberger, les jours suivants, dans des fermes isolées, par des paysans qui n’osèrent pas refuser leur grange. Le voyage dura onze jours. Après avoir traversé l Aube et la Seine, ils arrivèrent à Auxerre, où Jeanne entendit la messe dans 1a cathédrale, franchirent la Loire à Gien, s’enfoncèrent dans les forêts de Sologne puis, après avoir passé le Cher et l’Indre, se trouvèrent enfin, le 5 mars, devant un petit village, nommé Sainte-Catherine-de-Fierbois, où Jean de Metz fit halte tandis que Collet de Vienne et son archer allaient prévenir le Dauphin du succès de l’expedition. A Sainte-Catherine-de-Fierbois était un pèlerinage. Quelques malades y faisaient des neuvaines et deux prêtres en assuraient la garde. Ce matin-là, Jeanne entendit trois messes de suite tandis que les quatre compagnons qui lui restaient se tenaient auprès des chevaux.
Après les offices, elle demeura longtemps dans la chapelle regardant alternativement les murs, l’autel et les statues, comme si elle avait voulu découvrir quelque chose. Il y avait des béquilles suspendues en ex-voto, des médailles, des inscriptions et des fleurs. L’odeur de l’encens flottait dans l’espace étroit.
Collet de Vienne revint dans l’après-midi. Le Dauphin donnait ordre de mener immédiatement la jeune fille à Chinon où elle logerait chez une femme désignée par lui. Tandis qu’à leur tour Jean de Metz et Bertrand de Poulangy étaient convoqués auprès de Charles pour rendre compte du voyage, Jeanne demeura trois jours chez son hôtesse, évitant de sortir et de répondre aux questions du voisinage.
On sait comment, le 9 mars, elle reconnut le Dauphin puis comment, quelques jours plus tard, elle répondit victorieusement à toutes les questions des examinateurs ecclésiastiques de Poitiers. Le 26 mars, Jeanne rentrait à Chinon, en compagnie du Dauphin qui était venu la chercher à Châtellerault. Maintenant, il s’agissait d’aller à Tours où étaient rassembléz les renforts pour Orléans, les armes et les approvisionements. Cependant, avant de partir, il fallait équiper Jeanne. Lorsque son armure fut prête, on s’inquiéta de l’épée : voulait-elle la garde en forme de croix ou préférait-elle un dessin particulier qui rappelât sa mission ? Jeanne répondit : « Allez à Sainte-Catherine-de-Fierbois, dans la chapelle du pèlerinage. Vous creuserez derrière l’autel, vous enlèverez une dalle, des pierres, et à peu de profondeur, vous trouverez l’épée qu’il me faut. » Ainsi fut fait, et l’on trouva une grande épée antique à la garde marquée de cinq petites croix.
Des traditions affirment que cette épée était celle de Charles Martel qui, après la bataille de Poitiers, l’aurait offerte aux prêtres du sanctuaire de Sainte-Catherine-de-Fierbois. Vers 1375, la chapelle oubliée, envahie par les ronces, n’était plus qu’une ruine. Un paralytique des environs, Godefroy, eut cependant l’idée de s’y faire porter et d’y réciter une prière quotidienne. Il fut guéri. Le bruit de ce miracle se répandit. Des prêtres de Tours accourus sur les lieux organisèrent un pèlerinage local. Au temps de Jeanne d’Arc, la vogue de Sainte-Catherine-de-Fierbois était déjà sur son déclin et l’épée de Charles Martel était oubliée.
Extraits du procès de Jeanne
Mon père s’appelait Jacques d’Arc. Ma mère, Isabelle. Chez moi, on m’appelait Jeannette. Depuis ma venue en France Jeanne.
- Quel âge avez-vous?
A peu près dix-neuf ans. J’ai été baptisée en l’église de Domremy par maîtreJean Minzet, à ce que je crois. C’est de ma mère que j’ai appris Pater noster, Ave Maria, Credo. Je n’ai appris ma créance d’ailleurs que de ma mère. Quand je fus grande, après l’âge de raison, en général je ne gardais pas les bêtes, mais j’aidais à les mener au pré. Je ne suis venue en France que sur l’ordre de Dieu. Puisque Dieu le commandait, il le convenait faire. Si j’eusse eu cent pères et cent mères, et si j’eusse été fille de roi, je serais partie.
Mon étendard était blanc, en toile blanche. Il y avait dessus écrit les noms de « Jhesus Marie », je crois. Mon étendard, je l’aimais plus, quarante fois plus que mon épée. Je portais mon étendard, quand j’attaquais, pour éviter de tuer personne. Jamais je n’ai tué personne.
En la semaine de Pâques dernière passée, elle étant sur les fossés de Melun, lui fut dit par ses voix qu’elle serait prise avant qu’il fût la saint Jean, et que ainsi fallait qu’il fût fait. Et qu’elle ne se esbahist. Mais qu’elle prît tout en gré, et que Dieu lui aiderait.
Et encore : Prends tout en gré. Ne te chaille de ton mattyre. Tu en viendras à fin en royaume de paradis. Très doux Dieu, en l’honneur de votre sainte Passion, je vous requiers, si vous m’aimez, que vous me révéliez ce que je dois répondre à ces gens d’Église.
- Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu ?
Si je n’y suis, Dieu m’y mette. Et si j’y suis, Dieu m’y garde ! Je serais la plus malheureuse du monde, si je savais ne pas être en la grâce de Dieu ! Je m’en remets à Dieu de tout.
- Ne croyez-vous pas être sujette à l’Église qui est sur la terre, notre Saint Père le Pape, cardinaux, évêques et autres prélats d’Église ?
Oui, Notre Seigneur premier servi. Je m’en attends à mon juge, c’est le Roi du ciel et de la terre j’en appelle à Dieu et à notre Seigneur le Pape.
C’est ma mort, maître Jean? Donnez~moi les sacrements de pénitence, et la très sainte Eucharistie. Non, non, je ne suis pas hérétique, ni schismatique, mais une bonne chrétienne. Jésus, Jésus…
Prière
Dieu qui avez choisi sainte Jeanne d’Arc pour défendre notre pays contre l’envahisseur, accordez-nous, par son intercession, de travailler pour la justice et de vivre dans la paix. Par Jésus-Christ, notre Seigneur. – Amen.
La souffrance à travers la Bible
29 mai, 2012http://www.lueur.org/textes/souffrance-dans-la-bible.html
La souffrance à travers la Bible
Serge Soulie
Type de texte : Etudes Bibliques. Thème : La souffrance. Source : Aimer & Servir (UEMP), www.lueur.org
La souffrance tient une place considérable dans l’Ecriture. Elle est présente dans tous les livres de la Bible. Les récits les plus connus et servant de support à la foi de bien des chrétiens touchent de près ou de loin à la souffrance humaine : Abraham, Caïn, Job, les prophètes, avec un point culminant à Golgotha, sans oublier les souffrances à venir de l’Apocalypse.
Toutefois l’Ecriture ne donne aucune explication rationnelle et définitive de la souffrance. Les livres de la Bible ne permettent pas de dégager sur ce sujet un traité précis et exhaustif. Ils présentent la souffrance telle qu’elle est vécue dans la vie quotidienne par les humains, les renvoyant à leur relation à Dieu.
Si dans le langage actuel, le mot souffrance évoque la douleur physique du malade ou du blessé, dans l’Ecriture, ce mot a une signification beaucoup plus profonde et existentielle. Bien que présente sous toutes ses formes : douleur de l’enfantement (Gn 3.16, Jn 16.4) ; douleur de la maladie (Jb 7.5, Ps 120.4) ; douleur des martyrs (Mt 27.7 et suivants, Ac 5.41). L’accent n’est jamais mis sur la douleur physique mais sur ce qui entoure cette souffrance. Le psalmiste souffre mais le récit décrit l’étrangeté de son comportement. Oh Dieu, ne te dérobe pas ; j’erre çà et là dans mon chagrin et je m’agite à cause de la voix de l’ennemi (Ps 55.1-3).
Le prophète Jérémie s’interroge sur la cause de la souffrance : Pourquoi ma plaie est-elle douloureuse ? Serais-tu pour moi comme une source trompeuse ? (Jr 15.18). Jésus agonise dans la douleur et le texte insiste sur les sacrificateurs qui se moquent et les brigands qui l’injurient (Mt 27.39 et suivants).
La souffrance est liée au mépris, à la calomnie, à l’abandon, à la haine ou à l’endurcissement des hommes. Loin d’être une simple douleur physique, elle a un caractère spirituel: elle est une humiliation devant Dieu, un signe de sa réprobation et de sa colère : Dieu humilie les hommes dans leur coeur par la souffrance. Ils sont amoindris par leur malheur et la souffrance (Ps 107.39). Je dis à Dieu : ne me condamne pas, dis moi pourquoi tu me prends à partie ? (Jb 10.2). Au contraire, dans les épîtres Paul se glorifie de ses infirmités : Dieu m’a mis une écharde dans la chair (2 Co 12.7), C’est pourquoi je me plais dans les outrages, les calamités, les persécutions, les détresses, car quand je suis faible, c’est alors que je suis fort (2 Co 12.10).
C’est bien parce que dans tous ces textes et d’autres encore – tous les récits de la passion – la souffrance a un caractère spirituel que son contraire ne sera pas tant la santé et le bien être que la consolation et la réhabilitation par la grâce de Dieu.
Le sens de la souffrance
Si, dans l’Ecriture, c’est d’abord le sens spirituel et théologique de la souffrance qui nous est révélé, nous sommes alors en droit de nous demander quel est ce sens. N’est-ce pas d’ailleurs la question essentielle que nos contemporains se posent dans l’épreuve : « Mais enfin qu’est-ce que j’ai pu faire au bon Dieu pour souffrir de la sorte ? »
« Mais enfin
qu’est-ce que j’ai pu faire
au bon Dieu
pour souffrir de la sorte ? »
Remarquons tout d’abord que la souffrance dans le livre de la Genèse n’apparaît qu’après la chute : il dit à la femme j’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur (Gn 3.16). La création originelle est donc bonne, harmonieuse bien ordonnée, libre de toute souffrance. Le monde nouveau, objet de l’espérance de l’ancien comme du nouveau Testament est aussi un monde où la souffrance n’existe pas. Nous lisons dans Esaïe : Les anciennes souffrances seront oubliées… Je ferai de Jérusalem mon allégresse et de mon peuple ma joie ; on n’y entendra plus de bruit de pleurs et de bruit de cris… (Es 65.18-19). L’apôtre Jean, dans l’Apocalypse voit un nouveau ciel et une nouvelle terre où il n’y aura plus mort, ni deuil, ni lamentation, ni douleur. Les choses anciennes auront disparu (Ap 21.1-4).
Autrement dit la souffrance n’est pas une fatalité, elle est liée à la condition de l’homme pécheur. Elle est un des signes du désordre qu’introduit dans la création l’attitude de l’homme. Dans un langage plus théologique, nous dirons qu’elle est la conséquence de la révolte de l’homme contre Dieu. Elle montre l’emprise du péché sur l’homme, nul ne lui échappe. Le péché n’est pas simplement une succession de comportements ou d’actes que l’humain pourrait éviter ou réparer, le péché est un état dans lequel l’homme se trouve et contre lequel il ne peut rien . Il fait partie de la condition humaine et Jésus-Christ, pour entrer dans cette condition humaine, devra lui aussi souffrir (He 2.14-18). La souffrance est inévitable. Et la tentation de l’homme sera de croire que, pouvant arrêter le péché, il va pouvoir arrêter la souffrance. C’est le cri du désespéré : « je n’ai pas tué, je n’ai pas volé, je n’ai pas commis d’adultère… alors pourquoi est-ce que je souffre ? ».
L’Ancien Testament présente les malheurs comme des punitions collectives que Dieu envoie au peuple infidèle . Voir par exemple les deux premiers chapitres du livre d’Amos. Les prophètes interprètent l’histoire d’Israël et des nations en ce sens. Mais pour eux la punition douloureuse garde la valeur d’un appel à la repentance. Ce n’est pas une vengeance divine, c’est une invitation au changement.
Dans le Deutéronome (Dt 28), dans certains Psaumes (Ps 49, Ps 52), dans les Proverbes, la souffrance apparaît comme une punition définitive réservée aux méchants. Dans le bas judaïsme et dans l’eschatologie du Nouveau Testament, elle est devenue une punition définitive après la mort sous la figure du lieu de tourment qu’est l’enfer (Lc 16.24, Ap 20.10).
Mais, inversement, dans le livre de Job, l’auteur s’élève contre cette idée que l’homme souffre en fonction de ses péchés. La justice divine n’est pas liée aux mérites humains. En réponse à ses amis défendant cette thèse, Job clame son innocence. Pour lui, la justice de Dieu est bien au dessus de tous nos doutes et reste mystérieuse jusqu’au jour où notre âme comprendra. Le livre des Lamentations fait entendre une note analogue : Il faut savoir écouter le silence de Dieu (Lm 3.26).
L’enseignement de Jésus prolonge la découverte de Job. Certains iront jusqu’à dire que Job, par ses souffrances préfigure la vie de Jésus, le serviteur souffrant. Le Fils de l’homme ne discute pas l’origine de la souffrance. Ses réponses sont souveraines : C’est un ennemi qui a fait cela (Matthieu 13/28) ou encore : Ce n’est pas la volonté de mon Père (Mt 18.14). Dans les réponses de Jésus la justice de Dieu apparaît comme bonne et si elle s’exerçait à notre égard, quel serait notre sort ? Ceux sur qui est tombée la tour de Siloé ne sont pas plus pécheurs que les autres, tout comme les parents de l’aveugle né.
Ce n’est pas
par hasard
que nous souffrons
Pour le disciple du Christ, l’affliction vient de l’opposition entre l’idéal auquel il s’efforce de se conformer et la réalité du monde. En voulant servir son maître, il se heurte à l’opposition des hommes (Mt 24.9). N’est-ce pas pour la même raison que Jésus a été dans la douleur ? Il vit pleinement le projet de Dieu pour l’homme. C’est insupportable aux hommes qui veulent un Dieu et non quelqu’un qui leur révèle la plénitude de l’humanité. Jésus ne souffre pas comme un héros ou comme un martyr ; il souffre parce qu’il ose aller jusqu’aux limites de l’humain ; il ne refuse pas ces limites puisqu’elles lui ont été demandées par son père. Lui le Fils de l’Homme se comporte en Fils de Dieu.
Ceux qui, aujourd’hui, sous prétexte de regarder aux hommes, refusent le Christ font fausse route car, qui, d’autre que Jésus, est allé jusqu’au bout de son humanité ? Et ceux qui, aujourd’hui, sous prétexte de sainteté voudraient regarder à Dieu et à Dieu seul, font aussi fausse route car la passion de Dieu c’est l’homme dans son humanité totale, toujours visée, jamais atteinte. De nos jours, dans un souci de rendre gloire à Dieu – quel que soit son nom -, beaucoup font périr l’homme. C’est un double chemin de folie puisque, détruisant l’humanité, ils s’éloignent à tout jamais de Dieu.
L’apôtre Paul ira jusqu’à dire que l’homme participe à la souffrance du Christ et que nous souffrons parce que nous sommes cohéritiers de Christ. C’est le chemin qui a été tracé.
Aujourd’hui, que pouvons-nous dire de la souffrance ?
La souffrance traduit notre histoire personnelle
Ce n’est pas par hasard que nous souffrons. La souffrance, qu’elle soit corporelle ou psychique, traduit notre vécu, le vécu personnel comme le vécu social. Ne dit-on pas que telle maladie ou telle douleur est à la mode ? La souffrance est l’expression involontaire de l’homme dans un environnement donné. Elle a quelque chose à voir avec l’existence. Elle est à la fois une réaction aux stimuli externes et internes à notre personne et un état qui dure aussi longtemps que dure la vie. Il y a comme « une douleur d’exister » en chaque être humain. Cette douleur peut avoir des manifestations très différentes et nous nous tromperions si nous la percevions seulement sous la forme du spleen ou de l’état dépressif. Chez Lacan – un des plus grand psychanalystes après Freud – la douleur corporelle peut-être un symptôme, c’est-à-dire la satisfaction substitutive d’une pulsion refoulée ; elle est la forme la plus pure de la jouissance, autrement dit le moyen par lequel le corps s’éprouve, se force et se défend. Et il cite en exemple les maux de tête ou les douleurs lombaires mais nous pourrions citer bien d’autres maladies, y compris certains cancers, des maladies dites virales ou encore les conduites addictives perçues encore trop souvent comme des vices.
La souffrance nous amène à reconsidérer notre façon de vivre
La souffrance est une tension dans la vie quotidienne. Au fur et à mesure, toute l’activité s’organise autour d’elle. Elle capte toute l’énergie du souffrant comme de ceux qui l’entourent. Elle favorise le développement extravagant du moi qui se laisse réduire le plus souvent à l’organe attaqué : le malade ne parle plus que de la partie dont il souffre. Comme l’état amoureux, elle sépare ce qui était lié et établit de nouveaux liens. C’est par exemple le cas des parents qui se séparent après le décès de l’un de leurs enfants au profit de liaisons sans lendemains ; plus positivement, c’est l’exemple de Job qui se sépare de ses amis pour de nouveaux destins. La souffrance conduit l’individu à reconsidérer son passé, son existence. Elle invite à une nouvelle organisation de la vie personnelle. Elle oblige à redéfinir les relations aux autres. Bref, elle interpelle celui qui, sans elle, serait peut-être resté sourd.
La souffrance contribue à la constitution du Moi
La douleur nous permet de constituer le MOI car, par elle, nous nous représentons le corps. Or dans le cours de la vie, tout Etre a l’occasion d’investir à tour de rôle – pour de petites ou de grandes douleurs – les différentes parties du corps. C’est à partir de ces perceptions sensorielles et d’autres représentations se formant dans le psychisme que le Moi naîtra .Ainsi, par touches successives, se construit l’Etre dans sa plus profonde humanité. N’est-ce pas la raison pour laquelle il est dit que Le Christ devait souffrir, lui qui devait aller jusqu’aux limites de la condition humaine ? Et aujourd’hui, lorsque nous affirmons avec les Ecritures que Christ est mort pour nous, nous ne disons pas qu’il a souffert à notre place et que nous ne devons plus souffrir du tout, nous disons qu’il nous entraîne dans les profondeurs de l’humanité, celle pour laquelle nous avons été faits. Dans le livre de la Genèse , il est dit que Dieu fit l’homme à son image et à sa ressemblance (Gn 1.26). Et puis, un verset plus loin, nous ne retrouvons plus que l’image. Si l’on rejette l’hypothèse selon laquelle la perte de la ressemblance est uniquement une affaire de copiste peu attentionné, nous pouvons penser qu’étant déjà, par la naissance, à l’image de Dieu, Jésus-Christ nous entraîne sur le chemin de la ressemblance, ressemblance à l’homme tel que le créateur l’a voulu et programmé. Jésus nous entraîne dans la réalisation de ce programme. L’Apôtre Paul dira que nous sommes participants à la souffrance de Christ pour la réalisation de cette Bonne Nouvelle.
La souffrance structure la personnalité
A côté de la douleur corporelle, il existe une souffrance psychique que nous pourrions appeler « douleur de la séparation ». La vie de tout humain est faite de ruptures. Celles-ci entraînent des pertes et des abandons de l’objet (personne ou chose) aimé. Ces séparations sont douloureuses – même momentanées -. Il suffit de regarder le jeune enfant pleurer dans la cour de l’école lorsque la mère s’absente. Les éviter serait pour l’humain se condamner à ne pas grandir en restant fixé à des stades infantiles. Heureux celui qui n’a pas réussi à les éviter. Ruptures et séparations, malgré la douleur qu’elles entraînent, permettent à la personnalité de se structurer. En langage plus théologique, nous dirons qu’elles permettent à l’homme de se présenter par son nom devant Dieu. Rappelons ici un épisode amusant des Evangiles : celui de Jésus enfant s’échappant dans le temple – donc devant Dieu – au grand désespoir des parents qui ne veulent pas le lâcher. Nous pourrions aussi rappeler l’histoire d’Abraham qui sut entendre l’appel et s’arracher à son pays, sa patrie et la maison de son père pour devenir un homme, et quel homme ! En quittant son pays, il a prophétisé avec ses pieds en ce sens qu’il a mis en route un avenir tout à fait différent de celui qu’il aurait connu s’il était resté à Ur en Chaldée. Mais aurait-il pu partir sans déchirement alors que n’existait aucun espoir de retour étant donné les moyens de communication de l’époque ? C’est parce qu’il a su aller de rive en rive dans une marche en avant à l’écoute de l’Appel, que d’Abram il est devenu ABRAHAM, autrement dit qu’il est né de nouveau. De la douleur naît un être nouveau. Cette douleur due à la séparation ne peut être évitée, elle peut simplement être accompagnée. L’accouchement ne se fait pas sans douleur.
Pour conclure
Que l’on nous comprenne bien. Nous ne faisons pas l’apologie de la douleur. Comme nous l’avons dit au début, le message biblique ne dit rien sur la douleur elle-même, il insiste sur le sens et l’interpellation qu’elle constitue. La souffrance est inscrite dans l’humanité même. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas la calmer lors des crises aiguës. Mais nous ne pouvons pas l’ignorer et faire comme si elle n’était pas car elle est appel à la vie. Que l’homme choisisse de souffrir à la manière masochiste ou qu’il cherche à éviter la souffrance, il ne peut que se laisser interpeller par elle.