Samedi Saint et Pâques à Jérusalem au temps d’Ethérie

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Samedi Saint et Pâques à Jérusalem au temps d’Ethérie

mercredi 4 avril 2007, par Jean-Marie Allafort

Nous poursuivons le récit de la pèlerine Ethérie (ou Egérie) qui raconte le déroulement des liturgies de la semaine sainte à Jérusalem à la fin du 4ème siècle. Après avoir vu comment les chrétiens de Jérusalem célébraient les jeudi et vendredi saints, Ethérie décrit les célébrations du samedi et du jour de Pâques.

SAMEDI SAINT
« Le lendemain samedi, on fait, comme d’habitude à la troisième puis à la sixième heure, mais à la neuvième, on ne fait plus l’office du samedi ; mais on se prépare aux vigiles pascales à l’église majeure, au Martyrium. »

Vigiles Pascales
Ethérie ne prend pas soin de nous décrire le déroulement de la vigile pascale parce qu’elle est semblable à ce qu’elle connaît par ailleurs. On peut déduire de ses paroles, que cette liturgie, à la fin du 4ème siècle, était célébrée sur le même modèle dans le monde chrétien. La liturgie baptismale tient bien sûr une place centrale. Voici ce qu’elle écrit : « Les vigiles pascales se font comme chez nous ; il n’y a qu’une seule chose qui se fait en plus ici, c’est que les néophytes, une fois baptisés et vêtus de blanc, quand ils sont sortis des fonts, sont conduits, en même temps que l’évêque, d’abord à l’Anastasis (tombeau du Christ). L’évêque entre derrière les cancels de l’Anastasis, on dit une hymne, puis l’évêque fait une prière pour eux, et il vient avec eux à l’église majeure où, comme d’habitude, tout le peuple célèbre les vigiles. Là on fait ce qu’on a l’habitude de faire aussi chez nous et après l’oblation, a lieu le renvoi. »

Procession au tombeau du Christ (Anastasis)
Ethérie note une particularité du rituel jérusalémite : un procession au lieu même de la résurrection du Christ (Anastasis) : « Et, après l’office des vigiles dans l’église majeure, aussitôt, au chant des hymnes, on vient à l’Anastasis et là, on relit le passage de l’Evangile sur la résurrection, on fait une prière et l’évêque refait là l’oblation ; mais tout se fait rapidement, à cause du peuple, pour ne pas trop le retarder, et alors on renvoie le peuple. L’heure à laquelle a lieu le renvoi des vigiles ce jour-là est la même que chez nous. »

PAQUES
« Les fêtes de Pâques sont célébrées tard, comme chez nous, et les offices ont lieu régulièrement, pendant les huit jours après Paques, comme ils ont lieu partout, au temps de Pâques jusqu’à l’octave. La décoration et l’ornementation sont les mêmes ici pour les huit jours après Pâques que pour l’Epiphanie, aussi bien dans l’église majeure qu’à l’Anastasis, à la Croix et à l’Eléona, et aussi à Bethléem et également au Lazarium (à Béthanie au tombeau de Lazare) et partout, pour célébrer les fêtes de Pâques. »
Ethérie ne donne pas beaucoup de précisions sur la façon dont les chrétiens de Jérusalem célébraient le jour de Pâques mais elle va, suivant son habitude, insister sur les particularismes liturgiques de la Ville Sainte pendant toute l’octave pascale. Chaque jour se déroulent des processions sur des lieux différents.
« On va en procession le premier jour, le dimanche, à l’église majeure, c’est-à-dire au Martyrium, et de même le lundi et le mardi, mais toutefois, toujours, après le renvoi du Martyrium, on vient à l’Anastasis au chant des hymnes. Le mercredi, on va en procession à l’Eléona, le jeudi à l’Anastasis, le vendredi à Sion, le samedi devant la Croix, et le dimanche, qui est 1’octave, on va de nouveau à 1’église majeure, c’est-à-dire au Martyrium. Pendant cette octave de Paques, tous les jours, après le déjeuner, l’évêque avec tout le clergé et tous les néophytes, c’est-à-dire ceux qui ont été baptisés, tous les apotactites, hommes et femmes, et aussi tous ceux des fidèles qui le veulent montent à l’Eléona. On dit des hymnes, on fait des prières tant à 1’eglise de 1’Eléona, dans laquelle se trouve la grotte où Jésus instruisait ses disciples, qu’à l’Imbomon, c’est-à-dire à 1’endroit d’où le Seigneur monta aux cieux. Et quand on a dit les psaumes et fait la prière, on descend de là jusqu’à 1’Anastasis, au chant des hymnes, à 1’heure du lucernaire. On fait cela pendant toute 1’octave. »

Dimanche de Pâques au soir
Ethérie décrit une particularité liturgique de Jérusalem : une procession au Mont Sion à l’Eglise de la Sainte Sion qui incluait alors le Cénacle : « Mais le dimanche de Pâques, après le renvoi du lucernaire, c’est-à-dire de l’Anastasis, tout le peuple conduit l’évêque au chant des hymnes à Sion. Arrivé là, on dit des hymnes appropriées au jour et au lieu, on fait une prière et on lit le passage de 1’évangile où le même jour, le Seigneur, dans le même lieu où est maintenant l’église de Sion, les portes étant fermées, entra au milieu des disciples (Jn 20, 19-25) ; c’était quand un des disciples n’y était pas, Thomas, et il revint et les autres apôtres lui disant qu’ils avaient vu le Seigneur, il dit : « Je ne crois pas, à moins de voir. » Après cette lecture, on fait de nouveau une prière, on bénit les catéchumènes, puis les fidèles, et chacun rentre chez soi, tard, à peu près à la seconde heure de la nuit. »

Les catéchèses mystagogiques
Quelques pages plus loin, Ethérie revient sur l’octave de Pâques et décrit une particularité de l’Eglise de Jérusalem : les catéchèses mystagogiques. Il s’agit d’enseignements catéchétiques réservées seulement aux nouveaux baptisés de la nuit de Pâques.
Nous connaissons par ailleurs des catéchèses de ce type prononcées par saint Cyrille de Jérusalem dans l’Eglise du St Sépulcre.
St Cyrille, selon ce que nous possédons aujourd’hui, prononça vingt-quatre catéchèses. Les dix-neuf premières étaient adressées à des candidats au baptême et contiennent un enseignement doctrinal sur ce sacrement et sur ses rites. Elles étaient prononcées avant le baptême. Les cinq dernières dites « catéchèses mystagogiques » portaient sur la liturgie des trois sacrements dits de l’initiation reçus au cours de la Vigile pascale : baptême, confirmation et eucharistie. Comme le décrit Ethérie, l’évêque réunissait les néophytes pendant l’octave pour les enseigner. Il semble que notre pèlerine décrive se trouvait à Jérusalem au moment où Cyrille était l’évêque du lieu.
« Quand viennent les jours de Pâques, pendant ces huit jours, c’est-à-dire de Pâques jusqu’à 1’octave, lorsqu’à eu lieu le renvoi de l’église, on va au chant des hymnes à l’Anastasis, puis on fait une prière, on bénit les fidèles ; l’évêque, debout, s’appuyant a 1’intérieur des cancels qui sont à la grotte de l’Anastasis, explique tout ce qui se fait au baptême. A cette heure-là, aucun catéchumène ne pénètre dans l’Anastasis ; seuls les néophytes et les fidèles qui veulent entendre parler des mystères y entrent. On ferme les portes pour qu’aucun catéchumène n’approche. Pendant que l’évêque traite toutes ces questions et les expose, on pousse de tels cris d’approbation que, même en dehors de 1’eglise, on entend les gens crier. Car il dévoile si bien tous les mystères que personne ne peut être insensible à ce qu’il entend expliquer ainsi. »
A la fin du 4ème siècle à Jérusalem comme aujourd’hui, le peuple chrétien parle plusieurs langues et il faut recourir à une traduction simultanée : « Et comme, dans ce pays, une partie de la population sait à la fois le grec et le syriaque, qu’une autre partie ne sait que le grec, et une partie aussi, seulement le syriaque, étant donné que 1’évêque, tout en sachant le syriaque, parle cependant toujours le grec et jamais le syriaque, pour cette raison, il y a toujours la un prêtre qui, pendant que l’évêque parle grec, traduit en syriaque, pour que tous entendent les explications qui sont données. De même pour les lectures qui sont faites à l’église, comme on doit lire en grec, il y a toujours là quelqu’un qui traduit en syriaque pour la foule, afin qu’on s’instruise toujours. Quant à ceux qui sont ici des Latins, et qui ne savent ni le syriaque, ni le grec, pour qu’ils ne soient pas ennuyés, on leur donne à eux aussi des explications, car il y en a d’autres, des frères et des soeurs qui savent le grec et le latin, qui leur donnent en latin des explications. »

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