Archive pour le 4 avril, 2012
Samedi Saint et Pâques à Jérusalem au temps d’Ethérie
4 avril, 2012http://www.un-echo-israel.net/Samedi-Saint-et-Paques-a-Jerusalem
Samedi Saint et Pâques à Jérusalem au temps d’Ethérie
mercredi 4 avril 2007, par Jean-Marie Allafort
Nous poursuivons le récit de la pèlerine Ethérie (ou Egérie) qui raconte le déroulement des liturgies de la semaine sainte à Jérusalem à la fin du 4ème siècle. Après avoir vu comment les chrétiens de Jérusalem célébraient les jeudi et vendredi saints, Ethérie décrit les célébrations du samedi et du jour de Pâques.
SAMEDI SAINT
« Le lendemain samedi, on fait, comme d’habitude à la troisième puis à la sixième heure, mais à la neuvième, on ne fait plus l’office du samedi ; mais on se prépare aux vigiles pascales à l’église majeure, au Martyrium. »
Vigiles Pascales
Ethérie ne prend pas soin de nous décrire le déroulement de la vigile pascale parce qu’elle est semblable à ce qu’elle connaît par ailleurs. On peut déduire de ses paroles, que cette liturgie, à la fin du 4ème siècle, était célébrée sur le même modèle dans le monde chrétien. La liturgie baptismale tient bien sûr une place centrale. Voici ce qu’elle écrit : « Les vigiles pascales se font comme chez nous ; il n’y a qu’une seule chose qui se fait en plus ici, c’est que les néophytes, une fois baptisés et vêtus de blanc, quand ils sont sortis des fonts, sont conduits, en même temps que l’évêque, d’abord à l’Anastasis (tombeau du Christ). L’évêque entre derrière les cancels de l’Anastasis, on dit une hymne, puis l’évêque fait une prière pour eux, et il vient avec eux à l’église majeure où, comme d’habitude, tout le peuple célèbre les vigiles. Là on fait ce qu’on a l’habitude de faire aussi chez nous et après l’oblation, a lieu le renvoi. »
Procession au tombeau du Christ (Anastasis)
Ethérie note une particularité du rituel jérusalémite : un procession au lieu même de la résurrection du Christ (Anastasis) : « Et, après l’office des vigiles dans l’église majeure, aussitôt, au chant des hymnes, on vient à l’Anastasis et là, on relit le passage de l’Evangile sur la résurrection, on fait une prière et l’évêque refait là l’oblation ; mais tout se fait rapidement, à cause du peuple, pour ne pas trop le retarder, et alors on renvoie le peuple. L’heure à laquelle a lieu le renvoi des vigiles ce jour-là est la même que chez nous. »
PAQUES
« Les fêtes de Pâques sont célébrées tard, comme chez nous, et les offices ont lieu régulièrement, pendant les huit jours après Paques, comme ils ont lieu partout, au temps de Pâques jusqu’à l’octave. La décoration et l’ornementation sont les mêmes ici pour les huit jours après Pâques que pour l’Epiphanie, aussi bien dans l’église majeure qu’à l’Anastasis, à la Croix et à l’Eléona, et aussi à Bethléem et également au Lazarium (à Béthanie au tombeau de Lazare) et partout, pour célébrer les fêtes de Pâques. »
Ethérie ne donne pas beaucoup de précisions sur la façon dont les chrétiens de Jérusalem célébraient le jour de Pâques mais elle va, suivant son habitude, insister sur les particularismes liturgiques de la Ville Sainte pendant toute l’octave pascale. Chaque jour se déroulent des processions sur des lieux différents.
« On va en procession le premier jour, le dimanche, à l’église majeure, c’est-à-dire au Martyrium, et de même le lundi et le mardi, mais toutefois, toujours, après le renvoi du Martyrium, on vient à l’Anastasis au chant des hymnes. Le mercredi, on va en procession à l’Eléona, le jeudi à l’Anastasis, le vendredi à Sion, le samedi devant la Croix, et le dimanche, qui est 1’octave, on va de nouveau à 1’église majeure, c’est-à-dire au Martyrium. Pendant cette octave de Paques, tous les jours, après le déjeuner, l’évêque avec tout le clergé et tous les néophytes, c’est-à-dire ceux qui ont été baptisés, tous les apotactites, hommes et femmes, et aussi tous ceux des fidèles qui le veulent montent à l’Eléona. On dit des hymnes, on fait des prières tant à 1’eglise de 1’Eléona, dans laquelle se trouve la grotte où Jésus instruisait ses disciples, qu’à l’Imbomon, c’est-à-dire à 1’endroit d’où le Seigneur monta aux cieux. Et quand on a dit les psaumes et fait la prière, on descend de là jusqu’à 1’Anastasis, au chant des hymnes, à 1’heure du lucernaire. On fait cela pendant toute 1’octave. »
Dimanche de Pâques au soir
Ethérie décrit une particularité liturgique de Jérusalem : une procession au Mont Sion à l’Eglise de la Sainte Sion qui incluait alors le Cénacle : « Mais le dimanche de Pâques, après le renvoi du lucernaire, c’est-à-dire de l’Anastasis, tout le peuple conduit l’évêque au chant des hymnes à Sion. Arrivé là, on dit des hymnes appropriées au jour et au lieu, on fait une prière et on lit le passage de 1’évangile où le même jour, le Seigneur, dans le même lieu où est maintenant l’église de Sion, les portes étant fermées, entra au milieu des disciples (Jn 20, 19-25) ; c’était quand un des disciples n’y était pas, Thomas, et il revint et les autres apôtres lui disant qu’ils avaient vu le Seigneur, il dit : « Je ne crois pas, à moins de voir. » Après cette lecture, on fait de nouveau une prière, on bénit les catéchumènes, puis les fidèles, et chacun rentre chez soi, tard, à peu près à la seconde heure de la nuit. »
Les catéchèses mystagogiques
Quelques pages plus loin, Ethérie revient sur l’octave de Pâques et décrit une particularité de l’Eglise de Jérusalem : les catéchèses mystagogiques. Il s’agit d’enseignements catéchétiques réservées seulement aux nouveaux baptisés de la nuit de Pâques.
Nous connaissons par ailleurs des catéchèses de ce type prononcées par saint Cyrille de Jérusalem dans l’Eglise du St Sépulcre.
St Cyrille, selon ce que nous possédons aujourd’hui, prononça vingt-quatre catéchèses. Les dix-neuf premières étaient adressées à des candidats au baptême et contiennent un enseignement doctrinal sur ce sacrement et sur ses rites. Elles étaient prononcées avant le baptême. Les cinq dernières dites « catéchèses mystagogiques » portaient sur la liturgie des trois sacrements dits de l’initiation reçus au cours de la Vigile pascale : baptême, confirmation et eucharistie. Comme le décrit Ethérie, l’évêque réunissait les néophytes pendant l’octave pour les enseigner. Il semble que notre pèlerine décrive se trouvait à Jérusalem au moment où Cyrille était l’évêque du lieu.
« Quand viennent les jours de Pâques, pendant ces huit jours, c’est-à-dire de Pâques jusqu’à 1’octave, lorsqu’à eu lieu le renvoi de l’église, on va au chant des hymnes à l’Anastasis, puis on fait une prière, on bénit les fidèles ; l’évêque, debout, s’appuyant a 1’intérieur des cancels qui sont à la grotte de l’Anastasis, explique tout ce qui se fait au baptême. A cette heure-là, aucun catéchumène ne pénètre dans l’Anastasis ; seuls les néophytes et les fidèles qui veulent entendre parler des mystères y entrent. On ferme les portes pour qu’aucun catéchumène n’approche. Pendant que l’évêque traite toutes ces questions et les expose, on pousse de tels cris d’approbation que, même en dehors de 1’eglise, on entend les gens crier. Car il dévoile si bien tous les mystères que personne ne peut être insensible à ce qu’il entend expliquer ainsi. »
A la fin du 4ème siècle à Jérusalem comme aujourd’hui, le peuple chrétien parle plusieurs langues et il faut recourir à une traduction simultanée : « Et comme, dans ce pays, une partie de la population sait à la fois le grec et le syriaque, qu’une autre partie ne sait que le grec, et une partie aussi, seulement le syriaque, étant donné que 1’évêque, tout en sachant le syriaque, parle cependant toujours le grec et jamais le syriaque, pour cette raison, il y a toujours la un prêtre qui, pendant que l’évêque parle grec, traduit en syriaque, pour que tous entendent les explications qui sont données. De même pour les lectures qui sont faites à l’église, comme on doit lire en grec, il y a toujours là quelqu’un qui traduit en syriaque pour la foule, afin qu’on s’instruise toujours. Quant à ceux qui sont ici des Latins, et qui ne savent ni le syriaque, ni le grec, pour qu’ils ne soient pas ennuyés, on leur donne à eux aussi des explications, car il y en a d’autres, des frères et des soeurs qui savent le grec et le latin, qui leur donnent en latin des explications. »
Vraiment, celui-ci etait Fils de Dieu! – Vendredi Saint 2011, Père Cantalamessa
4 avril, 2012http://www2.cantalamessa.org/fr/predicheView.php?id=425
Vraiment, celui-ci etait Fils de Dieu!
Père Cantalamessa
2011-04-22- Prédication du Vendredi Saint 2011 en la basilique Saint-Pierre
(anné liturgique A)
Dans sa Passion – écrit saint Paul à Timothée – le Christ Jésus « a rendu son beau témoignage » (1 Tm 6, 13). On se demande: témoignage de quoi ? Pas de la vérité de sa vie et de sa cause. Beaucoup sont morts, et meurent encore aujourd’hui, pour une mauvaise cause, pensant qu’elle est juste. La résurrection elle, oui, rend témoignage de la vérité du Christ: « Dieu a offert à tous une garantie sur Jésus, en le ressuscitant des morts », dira l’apôtre à l’Aréopage d’Athènes (Ac 17, 31).
La mort ne témoigne pas de la vérité, mais de l’amour du Christ. Ou plutôt, elle constitue la preuve suprême de cet amour: « Nul n’a plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13). On pourrait objecter qu’il existe un amour plus grand que donner sa vie pour ses amis, et c’est donner sa vie pour ses ennemis. C’est justement ce que Jésus a fait: « Le Christ est mort pour des impies, écrit l’apôtre dans l’Epître aux Romains. A peine, en effet, voudrait-on mourir pour un homme juste; pour un homme de bien, oui, peut-être osera-t-on mourir ; mais la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (Rm 5, 6-8). « Il nous a aimés alors que nous étions ses ennemis, pour faire de nous ses amis »[1].
Une certaine « théologie de la croix » unilatérale peut nous faire oublier l’essentiel. La croix n’est pas seulement jugement de Dieu sur le monde, réfutation de sa sagesse et révélation de son péché. Elle n’est pas le NON de Dieu au monde, mais son ‘OUI’ d’amour: « L’injustice, le mal comme réalité – écrit le Saint-Père dans son dernier livre sur Jésus –, ne peut pas être simplement ignoré, ne peut être laissé là. Il doit être éliminé, vaincu. C’est là seulement la vraie miséricorde. Et puisque les hommes n’en sont pas capables, Dieu lui-même s’en charge maintenant – c’est là la bonté ‘inconditionnelle’ de Dieu »[2].
Mais comment avoir le courage de parler de l’amour de Dieu, alors que se déroulent sous nos yeux tant de tragédies humaines, comme la catastrophe qui s’est abattue sur le Japon, ou les hécatombes en mer des dernières semaines? Ne pas en parler du tout ? Mais garder totalement le silence serait trahir la foi et ignorer le sens du mystère que nous célébrons.
Il y a une vérité qui doit être proclamée haut et fort le Vendredi Saint. Celui que nous contemplons sur la croix est Dieu « en personne ». Il est aussi l’homme Jésus de Nazareth, oui, mais celui-ci et le Fils du Père éternel ne sont qu’une seule et même personne. Tant qu’on ne reconnaîtra pas et qu’on ne prendra pas au sérieux le dogme de foi fondamental des chrétiens – la première définition dogmatique formulée à Nicée – à savoir que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, Dieu lui-même, de même nature que le Père, la souffrance humaine restera sans réponse.
On ne peut pas dire que « la demande de Job est restée sans réponse », ni que la foi chrétienne ne donne pas de réponse par rapport à la souffrance humaine, si au départ on refuse la réponse que celle-ci dit avoir. Que faire pour garantir à quelqu’un qu’une certaine boisson ne contient pas de poison ? La boire avant lui, devant lui! C’est ce que Dieu a fait avec les hommes. Il a bu le calice amer de la passion. La souffrance humaine ne peut donc pas être empoisonnée, ne peut être seulement négativité, perte, absurdité, si Dieu lui-même a choisi de la goûter. Au fond du calice, il doit y avoir une perle.
Le nom de la perle, nous le connaissons: résurrection! « J’estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous » (Rm 8, 18), et encore « Il essuiera toute larme de leurs yeux: de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé » (Ap 21, 4).
Si la course pour la vie devait finir ici-bas, il y aurait vraiment de quoi désespérer à la pensée des millions et peut-être des milliards d’êtres humains qui partent avec un tel désavantage, cloués au point de départ par la pauvreté et le sous-développement, sans pouvoir même participer à la compétition. Mais il n’en est pas ainsi. La mort non seulement annule les différences, mais les renverse. « Or il advint que le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche aussi mourut et on l’ensevelit, dans l’Hadès » (cf. Lc 16, 22-23). On ne peut pas appliquer de façon simpliste ce schéma à la réalité sociale, mais il est là pour nous avertir que la foi en la résurrection ne laisse personne dans la tranquillité de sa vie. Il nous rappelle que la formule « vivre et laisser vivre » ne doit jamais se transformer en « vivre et laisser mourir ».
La réponse de la Croix n’est pas seulement pour nous chrétiens, elle est pour tous, car le Fils de Dieu est mort pour tous. Il y a dans le mystère de la rédemption un aspect objectif et un aspect subjectif ; il y a le fait en soi et la prise de conscience, la réponse de foi à celui-ci. Le premier aspect s’étend au-delà du second. « L’Esprit Saint – dit un texte de Vatican II – offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal. »[3].
Une façon d’être associé au mystère pascal est justement la souffrance: « Souffrir – écrivait Jean-Paul II au lendemain de son attentat et de la longue période d’alitement qui s’ensuivit – signifie devenir particulièrement réceptif, particulièrement ouvert à l’action des forces salvifiques de Dieu offertes à l’humanité dans le Christ »[4]. La souffrance, toute souffrance, mais particulièrement celle des innocents, met en contact de façon mystérieuse, « connue seulement de Dieu », avec la croix du Christ.
Après Jésus, ceux qui ont « rendu leur beau témoignage » et qui « ont bu le calice » sont les martyrs! Les récits de leur mort s’intitulaient au début « passio », passion, comme celui des souffrances de Jésus, que nous venons tout juste d’entendre. Le monde chrétien est revisité par l’épreuve du martyre que l’on pensait révolue avec la chute des régimes totalitaires athées. On ne peut passer sous silence leur témoignage. Les premiers chrétiens honoraient leurs martyrs. Les actions de leur martyre étaient lues et diffusées dans l’Eglise avec un immense respect. Aujourd’hui même, en ce Vendredi Saint 2011, dans un grand pays d’Asie, les chrétiens ont prié et marché en silence dans les rues pour conjurer la menace qui plane sur eux.
Il y a une chose qui distingue les actes authentiques des martyrs de ceux légendaires, forgés sur le papier après la fin des persécutions. Dans les premiers, il n’y a pour ainsi dire pas trace de polémique contre les persécuteurs ; l’attention tout entière est concentrée sur l’héroïsme des martyrs, non sur la perversité des juges et des bourreaux. Saint Cyprien ira jusqu’à ordonner aux siens de donner vingt-cinq monnaies d’or au bourreau qui lui tranchera la tête. Ils sont les disciples de celui qui est mort en disant: « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». « Le sang de Jésus – nous rappelle le Saint-Père dans son dernier livre – parle un autre langage que celui d’Abel (cf. He 12, 24): il n’exige ni vengeance ni punition, mais il est réconciliation »[5].
De même, le monde s’incline devant les témoins modernes de la foi. Ainsi s’explique le succès inattendu en France du film « Des hommes et des dieux », qui relate l’histoire des sept moines cisterciens massacrés à Tibhirine en mars 1996. Et comment ne pas être admiratifs des paroles écrites dans son testament par Shahbaz Bhatti, homme politique catholique tué pour sa foi, le mois dernier ? Son testament nous est laissé à nous aussi, ses frères dans la foi, et ce serait de l’ingratitude de le laisser vite tomber dans l’oubli.
« De hautes responsabilités au gouvernement – écrivait-il – m’ont été proposées et on m’a demandé d’abandonner ma bataille, mais j’ai toujours refusé, même si je sais que je risque ma vie. Je ne cherche pas la popularité, je ne veux pas de positions de pouvoir. Je veux seulement une place aux pieds de Jésus. Je veux que ma vie, mon caractère, mes actions parlent pour moi et disent que je suis en train de suivre Jésus-Christ. Ce désir est si fort en moi que je me considérerai comme un privilégié si – dans mon effort et dans cette bataille qui est la mienne pour aider les nécessiteux, les pauvres, les chrétiens persécutés du Pakistan – Jésus voulait accepter le sacrifice de ma vie. Je veux vivre pour le Christ et pour Lui je veux mourir ».
On a l’impression de réentendre le martyr Ignace d’Antioche, lorsqu’il venait à Rome pour subir le martyre. Mais le silence des victimes ne justifie pas l’indifférence coupable du monde face à leur sort. « Le juste périt, et personne ne s’en inquiète, les hommes pieux sont moissonnés, et nul n’y prend garde » (Is 57,1)!
Les martyrs chrétiens ne sont pas les seuls, nous l’avons vu, à souffrir et mourir autour de nous. Que pouvons-nous offrir à celui qui ne croit pas, en dehors de notre certitude de foi qu’il y a un rachat pour la souffrance ? Nous pouvons souffrir avec qui souffre, pleurer avec qui pleure (Rm 12,15). Avant d’annoncer la résurrection et la vie, devant le deuil des sœurs de Lazare, Jésus « pleura » (Jn 11, 35). En ce moment, souffrir et pleurer, en particulier, avec le peuple japonais, qui vient de sortir d’une des plus effroyables catastrophes naturelles de l’histoire. Nous pouvons aussi dire à ces frères en humanité que nous admirons leur dignité et l’exemple de tenue et de solidarité mutuelle qu’ils ont donné au monde.
La mondialisation produit au moins cet effet positif: la souffrance d’un peuple devient la souffrance de tous, suscite la solidarité de tous. Elle nous offre l’occasion de découvrir que nous formons une seule famille humaine, liée dans le bien comme dans le mal. Elle nous aide à dépasser les barrières de race, de couleur et de religion. Comme dit le verset d’un de nos poètes italiens, « Hommes, paix! Sur la terre penchée il y a trop de mystère »[6].
Mais nous devons aussi tirer la leçon d’évènements comme celui que nous venons d’évoquer. Séismes, cyclones et autres catastrophes qui frappent en même temps coupables et innocents ne sont jamais un châtiment de Dieu. Affirmer le contraire, signifie offenser Dieu et les hommes. Mais ils constituent un avertissement: dans ce cas, l’avertissement à ne pas nous bercer d’illusions en pensant que la science et la technique suffiront à nous sauver. Si nous ne savons pas nous imposer des limites, celles-ci justement peuvent devenir, nous le voyons, la menace la plus grave de toutes.
Il y eut un tremblement de terre au moment de la mort du Christ: « Quant au centurion et aux hommes qui gardaient Jésus, à la vue du séisme et de ce qui se passait, ils furent saisis d’une grande frayeur et dirent: ‘Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu » (Mt 27, 54). Mais un autre séisme encore « plus grand » se produisit au moment de sa résurrection. « Et voilà que se fit un grand tremblement de terre: l’Ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre, sur laquelle il s’assit » (Mt 28,2). Il en sera toujours ainsi. A chaque tremblement de terre de mort succèdera un tremblement de terre de vie. Quelqu’un a dit: « Désormais seul un dieu peut nous sauver », « Nur noch ein Gott kann uns retten »[7]. Nous sommes assurés qu’il le fera car « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3, 16).
Nous nous apprêtons à chanter avec une conviction renouvelée et une gratitude émue les paroles de la liturgie: « Ecce lignum crucis, in quo salus mundi pependit: Voici le bois de la croix, auquel a été suspendu le salut du monde. Venite, adoremus: venez, adorons-Le ».
[Traduit de l'italien par ZENIT]
[1] S. Agostino, Commento alla Prima Lettera di Giovanni 9,9 (PL 35, 2051).
[2] Cf. J. Ratzinger – Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Editions du Rocher 2011, p. 157
[3] Gaudium et spes, 22.
[4] Salvifici doloris, 23.
[5] J. Ratzinger – Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Editions du Rocher 2011, p.215.
[6] G. Pascoli, I due fanciulli (Les deux enfants).
[7] Antwort. Martin Heidegger im Gespräch, Pfullingen 1988.