Archive pour mars, 2012

LA « RENCONTRE ENTRE EDITH STEIN ET ETTY HILLESUM » PAR L. SCARAFFIA

7 mars, 2012

http://www.zenit.org/article-30324?l=french

LA « RENCONTRE ENTRE EDITH STEIN ET ETTY HILLESUM » PAR L. SCARAFFIA

Avant d’affronter l’enfer d’Auschwitz

ROME, mercredi 7 mars 2012 (ZENIT.org) – Cette réflexion sur la « rencontre entre Edith Stein et Etty Hillesum dans le camp hollandais de Westerbork », est due à Lucetta Scaraffia, à l’occasion de la préface du livre – qui vient d’être édité en italien – de Cristiana Dobner, carmélite,? sur ces deux femmes extraordinaires.
Cette page a été publiée sur le portail de L’Osservatore Romano le 23 février 2012. Nous le republions à l’occasion de la Journée mondiale de la femme, avec l’aimable autorisation de L’OR.
Qu’as-tu vu sur mon visage?
Les regards de deux femmes extraordinaires se sont croisés avant d’affronter l’enfer d’Auschwitz
Nous publions la préface de l’ouvrage «Il volto. Principio di interiorità. Edith Stein, Etty Hillesum (Milan, Marietti, 96p, 14,00 euros) de Cristiana Dobner?
Deux des intellectuelles les plus intéressantes du XXe siècle, deux femmes extraordinaires, également rapprochées par le fait d’être toutes les deux juives, déportées et tuées à Auschwitz, Edith Stein et Etty Hillesum, se sont rencontrées personnellement.
Nous savons que cette rencontre a eu lieu dans le camp hollandais de Westerbork, précisément avant la déportation dans le camp d’extermination. Nous le savons par une brève note d’Etty, qui raconte l’arrivée de deux religieuses, «nées d’une famille juive, riche et cultivée, de Breslau», Edith et sa sœur Rosa. Mais nous ne saurons jamais ce qu’elles se sont dit, nous ne pourrons jamais assister à l’échange de leurs regards. Nous partageons, avec Cristiana Dobner, la certitude qu’elles se sont «reconnues» par leurs visages, ces visages qui, écrit l’auteure, révèlent «la singularité et l’individualité concrète de la personne».
Il existe des genres littéraires qui simulent des rencontres qui n’ont jamais eu lieu, en général entre l’auteur et un personnage qui a vécu à une autre époque, bien évidemment célèbre. On les appelle des «entretiens impossibles» et ils ont joui d’une grande popularité.  L’essai de Cristiana Dobner a choisi en revanche une autre voie, plus difficile et profonde: celle d’imaginer et de décrire ce que chacune des deux femmes a vu sur le visage de l’autre.
Sachant qu’il s’agit de visages qui révèlent une longue réflexion intérieure, des visages qui étaient le miroir de l’intériorité, parfaitement conscients de la signification des rapports humains, des visages qui portaient écrit en eux la trace d’autres rencontres, riches de sens, qu’ils avaient vécues.
Précisément en reparcourant leur pensée et les rencontres importantes qui ont eu lieu, Cristiana Dobner a cherché à reconstruire ce que le visage de chacune devait avoir dit à l’autre même sans paroles, ne serait-ce qu’avec un regard. Un regard qui, en particulier à un moment aussi dramatique, était sans aucun doute capable de lire au plus profond, de saisir la signification essentielle de leurs regards réciproques. Le visage d’Edith est reconstruit à travers un examen attentif des photographies, peu nombreuses, et surtout à travers les paroles de ceux qui l’ont rencontrée, fidèlement rappelées dans les procès-verbaux du procès en béatification auxquels l’auteure a puisé.  Une source en général négligée, mais très riche. Certaines de ces rencontres racontées ont lieu quand Edith était dans la clôture, et donc uniquement un visage voilé derrière  la grille, et son âme se révèle à travers la voix, les paroles. Les paroles les plus intenses sur elle sont celles de son ami prêtre Erich Przywara [jésuite, ndlr], qui décrit «l’amour fidèle et inébranlable pour son peuple et (…) la force qui en émanait».  En confirmant un style qui, écrit Dobner, «vibre de force classique, philosophique — dans l’union entre la philosophie phénoménologique de Edmund Husserl, alors dominante, et la pensée de Thomas d’Aquin —  de force artistique, privilégiant Bach, Reger et l’hymnodie de l’Eglise».
Etty aussi, lorsqu’elle rencontre Edith, transmet de la force. En elle, la terrible angoisse de l’attente du moment de la déportation «devient inexplicablement une force de vie et non une faiblesse de tombe». Le parcours long et douloureux d’Etty est moins intellectuel que celui d’Edith, davantage lié à l’expérience: le véritable visage de la jeune juive hollandaise apparaît grâce à la rencontre avec un psychanalyste chirologue original, Julius Spier, qui la conduira sur un chemin long et douloureux à l’intérieur d’elle-même. Etty est guidée dans ce parcours par un fil conducteur, les paroles qu’elles a connues dans la Torah «Dieu créa l’homme à son image», mais elle sait que ce fil est soumis à des tensions incessantes.  Dans des cahiers, des lettres et des journaux, Etty raconte minutieusement son voyage intérieur, cette découverte de son véritable visage. C’est précisément parce qu’elle est arrivée à le comprendre qu’elle n’emmène pas dans le camp des portraits des personnes qui lui sont chères, elle sait que leurs visages sont conservés sur les parois de son moi intérieur, où elle les retrouvera toujours. Le choix du visage comme intermédiaire privilégié de communication, de la part de Cristiana Dobner, n’est pas un hasard: en effet, l’auteure est bien consciente que le thème du visage est devenu «le nouveau discours le plus élevé  de la modernité», comme l’a clairement expliqué Emmanuel Lévinas, grand philosophe juif, qui a écrit que le visage, permettant la rencontre avec l’autre, ouvre à l’idée d’infini.
«C’est ainsi que s’instaure — écrit Cristiana Dobner — une relation dans laquelle on cherche l’autre, le sens profond n’est cependant pas contenu dans la relation elle-même, mais renvoie plus avant». Et cette ouverture à l’infini était certainement bien présente dans l’esprit et dans le cœur des deux femmes, quand elles se sont rencontrées, toutes deux ouvertes à l’épiphanie du divin. Peut-être l’ont-elle rencontré ensemble, ne serait-ce que pour quelques instants, et leur regard réciproque a été un don avant l’enfer qu’elles allaient affronter.

Lucetta Scaraffia

L’Osservatore Romano, 23 février 2012

Transport de l’arche de l’alliance à Jerusalem, relief sur bois dans la Cathédrale d’Udine

6 mars, 2012

Transport de l'arche de l'alliance à Jerusalem, relief sur bois dans la Cathédrale d'Udine dans images sacrée trasportodellarca

http://www.fmboschetto.it/religione/libri_storici/2Samuele.htm

A PROPOS D’UN LIVRE SUR L’EUCHARISTIE, PAR LE CARD. CAÑIZARES

6 mars, 2012

http://www.zenit.org/article-30309?l=french

A PROPOS D’UN LIVRE SUR L’EUCHARISTIE, PAR LE CARD. CAÑIZARES

« La concélébration eucharistique. Du symbole à la réalité », de Mgr Derville

ROME, lundi 5 mars 2012 (ZENIT.org) – « La concélébration eucharistique. Du symbole à la réalité » : c’est le titre du livre de Mgr Guillaume Derville, publié chez Wilson & Lafleur (dans la collection « Gratianus », 120 pages), et présenté ce 5 mars à Rome, à l’Université pontificale de la Sainte-Croix, par le cardinal Antonio Cañizares, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements.
Le cardinal espagnol a écrit la préface : il estime que ce livre contribuera « à la promotion de la liturgie souhaitée par Benoît XVI selon la rénovation voulue par le Concile Vatican II».
Dans sa présentation de ce 5 mars, le cardinal ajoute : « Je suis sûr que ce livre contribuera à ce que l’Année de la Foi soit « une occasion propice pour intensifier la célébration de la foi dans la liturgie, et en particulier dans l’Eucharistie ».
Mgr Derville est directeur spirituel central de la Prélature personnelle de la Sainte-Croix et de l’Opus Dei.
Intervention de S. Ém. Rév.me le Cardinal Antonio Cañizares
À l’occasion de la présentation du livre de Mgr Guillaume Derville
La concélébration eucharistique. Du symbole à la réalité (Wilson & Lafleur)
Université Pontificale de la Sainte-Croix
5 mars 2012
« Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et ils s’entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : – Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie » (Mc 9, 2-5).
Hier, deuxième dimanche de Carême, la liturgie proclamait les paroles que je viens de lire.  Des mots qui, à mon avis, peuvent servir d’introduction à cette présentation du livre de Mgr Guillaume Derville, publié chez Wilson & Lafleur dans la collection Gratianus, La concélébration eucharistique. Du symbole à la réalité.
Lorsqu’on évoque le récit de la transfiguration, il y a des mots qui viennent spontanément  à l’esprit : gloire, éclat, beauté.  Ils s’appliquent directement à la liturgie. Comme le rappelle Benoît XVI, la liturgie est intrinsèquement liée à la beauté. En effet, « la beauté véritable est l’amour de Dieu, qui s’est définitivement révélé à nous dans le mystère Pascal. »
L’expression “mystère Pascal”  résume le noyau essentiel du processus de la Rédemption, sommet de l’œuvre de Jésus-Christ. De même, la liturgie possède comme contenu spécifique cette « œuvre » de Jésus, car en elle s’actualise l’œuvre de notre Rédemption.  Aussi la liturgie, qui fait partie du mystère Pascal, est-elle « expression très haute de la gloire de Dieu et elle constitue, en un sens, le Ciel qui vient sur la terre. Le mémorial du sacrifice rédempteur porte en lui-même les traits de la beauté de Jésus dont Pierre, Jacques et Jean ont donné témoignage quand le Maître, en marche vers Jérusalem, voulut être transfiguré devant eux (cf. Mc 9, 2). Par conséquent, la beauté n’est pas un facteur décoratif de l’action liturgique ; elle en est plutôt un élément constitutif, en tant qu’elle est un attribut de Dieu lui-même et de sa révélation. Tout cela doit nous rendre conscients de l’attention que nous devons avoir afin que l’action liturgique resplendisse selon sa nature propre ».
Je voudrais fixer mon attention sur les dernières paroles du texte cité précédemment car, à mon avis, elles introduisent un sujet délicat qui est, en même temps, le centre de l’étude de Mgr Derville. Lisons-les  à nouveau : « La beauté n’est pas un facteur décoratif de l’action liturgique ; elle en est plutôt un élément constitutif, en tant qu’elle est un attribut de Dieu lui-même et de sa révélation. Tout cela doit nous rendre conscients de l’attention que nous devons avoir afin que l’action liturgique resplendisse selon sa nature propre ».
La liturgie, et à l’intérieur de celle-ci la concélébration, sera belle lorsqu’elle sera vraie et authentique, lorsque sa nature propre resplendira en elle. Dans cette optique se situe la question soulevée par le Souverain Pontife à l’égard des grandes concélébrations : « Selon moi, je dois dire, cela reste un problème, parce que la communion concrète dans la célébration est fondamentale et donc je ne pense pas que la réponse définitive ait vraiment été trouvée. J’ai également soulevé cette question lors du dernier Synode, qui n’a toutefois pas trouvé de réponse. J’ai fait poser une autre question, sur la concélébration en masse:  parce que si, par exemple, mille prêtres concélèbrent, on ne sait pas si subsiste encore la structure voulue par le Seigneur».
 Ce qui est crucial, ici, c’est de maintenir « la structure voulue par le Seigneur », parce que la liturgie est un don de Dieu. Elle n’est pas fabriquée par l’homme. Elle n’est pas à notre libre disposition. De fait, « par son commandement « Faites cela en mémoire de moi » (Lc 22, 19; 1 Co 11, 25), il nous demande de correspondre à son offrande et de la représenter sacramentellement. Par ces paroles, le Seigneur exprime donc, pour ainsi dire, le désir que son Église, née de son sacrifice, accueille ce don, développant, sous la conduite de l’Esprit Saint, la forme liturgique du Sacrement ».
 C’est pourquoi « nous devons apprendre à comprendre la structure de la Liturgie et la raison pour laquelle elle est organisée ainsi. La Liturgie s’est développée à travers deux millénaires, et même après la Réforme, elle n’est pas devenue quelque chose d’élaboré seulement par une poignée de liturgistes. Elle s’inscrit toujours dans la continuation de cette croissance permanente de l’adoration et de l’annonce. Ainsi, il est très important, pour pouvoir être  au diapason, de comprendre cette structure, qui s’est développée dans le temps, et d’entrer ainsi avec notre mens dans la vox de l’Église ».
L’étude approfondie de Mgr Derville va dans cette direction. Elle nous aide à nous mettre à l’écoute du Concile Vatican II dont les textes, aux dires du bienheureux Jean Paul II, « ne perdent rien de leur valeur ni de leur éclat. Il est nécessaire qu’ils soient lus de manière appropriée, qu’ils soient connus et assimilés, comme des textes qualifiés et normatifs du Magistère, à l’intérieur de la Tradition de l’Église ».
Le Concile a en effet décidé d’étendre la faculté de concélébrer selon deux principes : il s’agit d’une manière de célébrer la Sainte Messe qui manifeste de manière appropriée l’unité du sacerdoce et, d’autre part, elle a été utilisée jusqu’à présent dans l’Église tant en Orient qu’en Occident. De ce fait, comme le signalait encore la Constitution Sacrosanctum Concilium, la concélébration faisait partie de ces rites qu’il convenait de rétablir « selon l’ancienne norme des saints Pères ».
Dans cette optique il est important de s’intéresser, ne serait-ce que brièvement, à l’histoire de la concélébration. L’exposition historique, un résumé succinct comme le dit modestement Mgr Derville, suffit à nous faire entrevoir des zones d’ombre, qui mettent en lumière l’absence de données définitives sur la célébration eucharistique dans les premiers temps de l’Église. En même temps, mais sans se laisser entraîner par un « archéologisme » naïf, il apporte suffisamment d’arguments pour pouvoir affirmer que la concélébration, dans la tradition authentique de l’Église, qu’elle soit orientale ou occidentale, est un rite extraordinaire, solennel et public, ordinairement présidé par l’Evêque ou par son délégué, entouré de son presbyterium et de toute la communauté des fidèles. D’autre part, la concélébration quotidienne, en usage dans les Églises orientales, au cours de laquelle concélèbrent exclusivement des prêtres, ainsi que la concélébration pour ainsi dire « privée » à la place des Messes célébrées individuellement ou « more privato », ne font pas partie de la tradition liturgique latine.
En outre, je pense que les explications de l’auteur sont pleinement satisfaisantes lorsqu’il développe les raisons évoquées par le Concile pour étendre la pratique de la concélébration. Il s’agissait d’augmenter, de façon modérée, la faculté de concélébrer, comme il ressort de la lecture les textes du Concile. Il est en effet tout à fait logique qu’il en soit ainsi, puisque la concélébration n’a pas pour but de résoudre des problèmes logistiques ou d’organisation, mais plutôt de rendre présent le mystère Pascal, par la manifestation de l’unité du sacerdoce, qui naît de l’Eucharistie. Comme nous avons dit précédemment, , la beauté de la concélébration implique sa célébration dans la vérité. Sa force significative dépend ainsi de ce que l’on vive et respecte les exigences inscrites dans la concélébration même.
Un nombre trop élevé de concélébrants masque un aspect essentiel de la concélébration. Le fait qu’il soit quasiment impossible de synchroniser les paroles et les gestes non réservés exclusivement au célébrant principal, l’éloignement de l’autel et des offrandes, le manque d’ornements pour certains concélébrants, l’absence d’harmonie dans les couleurs et dans les formes, tout cela peut éclipser la manifestation de l’unité du sacerdoce. Et nous ne pouvons manquer de rappeler que c’est précisément la manifestation de cette unité qui a justifié l’augmentation des possibilités de concélébrer.
Déjà en 1965, le Cardinal Lercaro, alors président du Consilium ad exsequendam Constitutionem de sacra liturgia, adressait une lettre aux Présidents des Conférences Épiscopales, afin de les prévenir de ce danger : considérer la concélébration comme un moyen de surmonter des difficultés pratiques. Il rappelait qu’il pouvait être opportun de la promouvoir dans le cas où elle favoriserait la piété des fidèles et celle des prêtres.
Je voudrais aborder ce dernier point très brièvement. Comme l’affirme Benoît XVI : « je recommande aux prêtres, avec les Pères du Synode, la célébration quotidienne de la Messe, même sans la participation de fidèles. Cette recommandation correspond avant tout à la valeur objectivement infinie de chaque célébration eucharistique ; elle en tire ensuite motif pour une efficacité spirituelle particulière, parce que, si elle est vécue avec attention et avec foi, la Messe est formatrice dans le sens le plus profond du terme, en tant qu’elle promeut la conformation au Christ et qu’elle affermit le prêtre dans sa vocation ».
Pour tout prêtre, la célébration de la Sainte Messe est la raison de son existence. C’est et ce doit être une rencontre très personnelle avec le Seigneur et avec son œuvre rédemptrice. En même temps, tout prêtre, pendant la célébration eucharistique, est le Christ lui-même présent dans l’Église comme Tête de son corps. Il agit également au nom de toute l’Église, « lorsqu’il présente à Dieu la prière de l’Église et surtout lorsqu’il offre le sacrifice eucharistique ». Face à la merveille qu’est le don eucharistique, qui transforme et configure au Christ, on ne peut qu’avoir une attitude de stupeur, de reconnaissance et d’obéissance.
L’auteur nous aide à comprendre cette admirable réalité plus clairement et profondément. En même temps ce livre nous rappelle qu’à côté de la concélébration, il existe aussi la possibilité de célébrer seul ou de participer à l’Eucharistie comme prêtre, sans toutefois concélébrer. Il s’agit, dans chaque cas, d’entrer dans la liturgie, de chercher la solution qui permette d’établir plus facilement un dialogue avec le Seigneur, tout en respectant la structure même de la liturgie. Nous nous trouvons ici face aux limites d’un « droit à concélébrer ou pas », qui doit respecter le droit des fidèles de participer à une liturgie où l’ars celebrandi rende possible leur actuosa participatio. Nous touchons là des questions en rapport avec la justice. De fait, l’auteur ne manque pas de faire mention du Code de Droit Canonique.
Il ne me reste plus qu’à remercier Mgr Derville ainsi que les maisons d’édition Palabra et Wilson & Lafleur pour ce livre que j’ai la joie de présenter aujourd’hui. Je pense qu’il donne l’exemple d’une juste herméneutique du Concile Vatican II. « Il s’agit de lire les changements voulus par le Concile à l’intérieur de l’unité qui caractérise le développement historique du rite lui-même, sans introduire de ruptures artificielles ». Ce livre constitue une aide et un encouragement face à la tâche que le Saint Père a récemment rappelé à la Congrégation que je préside : « qu’elle se consacre principalement à donner une nouvelle impulsion à la promotion de la sainte liturgie dans l’Église, selon le renouveau voulu par le Concile Vatican II, à partir de la Constitution Sacrosanctum Concilium ». Je suis sûr que ce livre contribuera à ce que l’Année de la Foi soit « une occasion propice pour intensifier la célébration de la foi dans la liturgie, et en particulier dans l’Eucharistie ».

Antonio Card. Cañizares Llovera
Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin
et la Discipline des Sacrements

Le Carême : histoire et symbolique

6 mars, 2012

http://www.bealiban.com/Le-Careme-histoire-et-symbolique.html

Le Carême : histoire et symbolique

Le Carême : d’où nous vient-il ? Les quarante jours, temps symbolique d’une grande richesse spirituelle

Chaque année, l’Eglise, dans sa sagesse, nous propose de vivre un temps de préparation aux fêtes pascales. Cette tradition remonte aux origines de l’Eglise.
Bref historique
Déjà dans les tout premiers siècles, on prenait un temps de jeûne pour se préparer à la seule fête importante pour les premiers chrétiens : la Pâque. C’est à partir du IV siècle qu’on compte 40 jours de préparation dans le jeûne et la prière. Ce sont les conciles de Nicée en 325 et celui de Laodicée en 365 qui institue les 4O jours de jeûne avant la Pâque dans les Eglises d’Orient ; Rome ne l’adoptera que 3 siècles plus tard.

Etymologie
De fait le mot « carême » nous vient de l’expression latine « quadragesima dies » : le quarantième jour, avant la Pâque.

Symbolique
Quarante est un nombre hautement symbolique. On sait l’importance du symbolisme des nombres dans les cultures antiques et la culture biblique se situe tout à fait dans cette tradition. Faisons un petit parcours.
Dans les cultures antiques
Le nombre 40 symbolise la période de retour sur soi qui doit précéder tout changement profond.
On sait que le pharaon n’était enterré que 40 jours après sa mort car ce temps était consacré à la préparation de son grand voyage.
Le nombre 40 revient très fréquemment dans les rites concernant le culte des ancêtres.
Les 40 jours qui suivent le décès sont considérés comme délai nécessaire à la séparation définitive des 3 composants de l’être : corps , âme et esprit.

Dans la Bible
La 4ème lettre de l’alphabet hébraïque daleth dont la valeur numérique est 4 signifie « la porte » : le moment où l’on pose la main sur la clenche de la porte et l’on se retourne pour estimer le chemin accompli et à accomplir. On sait l’importance symbolique de la porte qui ouvre et ferme les espaces !
40 jours, c’est la durée du déluge : les eaux tombent durant 40 jours et 40 nuits, nous dit le texte de la Genèse. [1]
40 ans : c’est la durée du séjour du peuple hébreu dans le désert. Au désert les Israélites construisent la tente de la Rencontre (avec Dieu !) [2]  : lieu où Moïse écoute Sa Parole.
Durant ces 40 ans Dieu entoure les Israélites de soins [3].
40 jours, c’est la durée du séjour de Moïse sur le mont Sinaï, là où Dieu lui fait le don de la loi [4] .
Moïse intercède et fait pénitence 40 jours pour que le Seigneur épargne la vie au peuple [5] .
40 ans, c’est la durée des royaume de David et de Salomon [6] .
40 jours, c’est encore la durée du voyage du prophète Elie, qui marche, après avoir été nourri miraculeusement, jusqu’au mont Carmel pour entendre la voix de Dieu dans la brise légère [7] .
« 40 jours à la destruction de Ninive » prêchait Jonas pour inciter à la conversion. [8]
40 jours c’est encore la durée du séjour de Jésus au désert au lendemain de son baptême. Pendant 40 jours, nous dit l’Evangile, Jésus a prié et jeûné au désert avant que le diable ne vienne le soumettre à la tentation [9] . Jésus, après sa Résurrection enseigne ses disciple pendant 40 jours jusqu’à son Ascension [10].

Conclusion
Que conclure de tout cela ? Dans la Bible, 40 c’est le symbole de l’épreuve qui nous prépare à rencontrer Dieu. Et c’est aussi le temps où Dieu prend soin de son peuple de ses enfants ; Il les nourrit et les instruit. Temps qui purifie le cœur, qui le prépare à vivre une étape importante : l’alliance entre Dieu et l’humanité scellée après le déluge, l’entrée dans la terre promise, le don de la loi, la rencontre avec Dieu, l’annonce de la Bonne Nouvelle pour Jésus.
40 jours, ce sera pour nous aussi le temps pour nous laisser conduire au désert, nous laisser instruire par le Seigneur dans l’épreuve comme dans l’expérience de l’amour paternel de Dieu. Laissons-nous guider par l’Esprit pour revenir et redevenir les enfants du Père et accompagner le Christ jusqu’au don total de lui- même, le temps d’une préparation à l’expérience fondamentale de la mort et de la résurrection que nous allons vivre avec le Christ dans le mystère de Pâques.

Notes:
[1] Gn 7,17 : Il y eut le déluge pendant 40 jours sur la terre ; les eaux grossirent et soulevèrent l’arche, qui fut élevée au-dessus de la terre.
[2] Ac 7, 44:Nos pères au désert avaient la Tente du Témoignage, ainsi qu’en avait disposé.
[3] Ac 13,18 : Le Dieu de ce peuple, le Dieu d’Israël élut nos pères et fit grandir ce peuple durant son exil en terre d’Egypte. Puis, en déployant la force de son bras, il les en fit sortir 18 et, durant 40 ans environ, il les entoura de soins au désert.
[4] Ex 24,18 : 18 Moïse entra au milieu de la nuée, et il monta sur la montagne. Moïse demeura sur la montagne quarante jours et quarante nuits.
[5] (Dt 9,25) :25 Je me prosternai devant Yahvé, je me prosternai quarante jours et quarante nuits, parce que Yahvé avait dit qu’il voulait vous détruire.
[6] 1R 2,11 Le temps que David régna sur Israël fut de quarante ans ; 1R 11,42 42 Salomon régna quarante ans à Jérusalem sur tout Israël.
[7] 1R 19,8 :8 Il se leva, mangea et but ; et avec la force que lui donna cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, à Horeb.
[8] Jo 3,4 : 4 Jonas pénétra dans la ville ; il y fit une journée de marche. Il prêcha en ces termes : « Encore 40 jours, et Ninive sera detruite ».
[9] Mc 1, 12-13 : 12 Aussitôt, l’Esprit poussa Jésus dans le désert, 13 où il passa quarante jours, tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
[10] Ac 1,3 : 3 Après qu’il eut souffert, il leur apparut vivant, et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu.

Chiesa di San Pietro in Montorio, Roma; Trasfigurazione

5 mars, 2012

Chiesa di San Pietro in Montorio, Roma; Trasfigurazione dans images sacrée montorio_trasfigurazione

http://www.romaincamper.it/approfondimenti/chiese/montorioG.html

La création poétique chez Saint Jean de la Croix

5 mars, 2012

http://www.carmel.asso.fr/La-creation-poetique-chez-Saint.html

La création poétique chez Saint Jean de la Croix

L’ensemble des textes poétiques de Jean de la Croix qui nous est parvenu livre une œuvre assez brève, neuf cent quatre-vingt dix neuf vers. Ces poèmes relèvent de différents genres : toujours mystiques, apophatiques ou scripturaires, tout à la fois lyriques et didactiques.
Jean pratique l’art poétique de quatre manières : celle des canciónes (les chants), ensuite la manière des coplas et glosa (les couplets ou la glose), puis les romances (le romance), enfin celle simple des letrillas (les letrilles).
La plus brillante est incontestablement celle des canciónes, les cinq poèmes : l’hendécasyllabe introduit par les octosyllabes apporte une vive musicalité ; cette versification en castillan est une reprise de la forme employée par Juan Boscán (1490 — 1550) qui publia un recueil de tels poèmes profanes ; Jean indique lui-même cet emprunt en marge du texte de ¡ Oh llama de amor viva… [Ô flamme par amour vive…] ; Boscán pratique cette nouveauté à l’école de son ami Garcilaso de la Vega (1503 – 1536) qui vécut à Tolède. Vient ensuite la manière des coplas et glosa, les cinq gloses : ensembles de trois à neuf strophes d’octosyllabes qui commentent un tercet ou quatrain dont un vers, ou plusieurs, est repris en finale de chaque strophe. Puis les romances, dix romances – au masculin -, selon une forme populaire et moyenâgeuse qui facilite la mémorisation, récitatifs faits d’ensembles d’octosyllabes assonancés par pairs et impairs. Enfin celle simple des letrillas : les versos, les vers au bas du Monte Perfecto, et deux ou trois sonnets dont la paternité n’est pas toujours établie.
Les frères P. et Y. Hébert, protestants, qui éditèrent en 1962 une traduction française, étudient la versification dans le texte espagnol. Ils analysent particulièrement les rimes : « 1) Sur la rime. Rimes à finale fortes et rimes à finale faible ; prédominance et variété des rimes à finale faible ; genres où tous les vers sont à finales faibles, en particulier les poèmes majeurs de Jean de la croix ; genres où certains vers sont à finale forte, les autres à finale faible, et où s’établit une équivalence métrique entre les vers des eux catégories, par exemple des poèmes à refrain, tel et Entreme donde no supe ; les deux sortes principales de finales faibles : celles qui s’achèvent sur leur voyelle, ou bien cette voyelle est suivie d’une consonne. 2) Vers utilisés. L’endécasyllabe, vers très classique à finale faible utilisé dans les trois poèmes majeurs, l’heptasyllabe à finale faible associé à l’endécasyllabe, l’heptasyllabe à finale forte, l’octosyllabe à finale faible utilisé dans les trois poèmes à refrain, le pentasyllabe à finale faible du refrain : Que bien sé yo la fonte. Nos auteurs appliquent ces données à l’analyse des poèmes de jean de la Croix » [Cité par André Bord dans Variations autour de la poésie, Hommage à Bernard Sesé, p. 92 PUBLIDIX 2001].
Selon les témoignages de l’époque où Jean vécu ou la teneur des textes eux-mêmes, on peut déduire le moment où il les a composés. Il est des plus probable qu’il a ainsi composé les deux gloses Vivo sin vivir en mí… [Je vis sans plus vivre en moi…] et Entreme donde no supe… [J’entrai où je ne savais…] lorsqu’il vivait dans l’enceinte du grand couvent de l’Incarnation, proche de Thérèse de Jésus et des religieuses, de 1572 à 1577. On trouve chez Thérèse de Jésus une composition analogue à partir d’un tercet Vivo sin vivir en mí… et leurs échanges sur l’extase sont connus. Ces deux gloses sont tout à fait identiques de forme. Dans la première, avec un minimum de langage religieux, Jean traduit la tension existentielle entre le désir de vivre pleinement de Dieu et la nécessité de quitter la vie présente devenue comme une mort ; d’une manière pathétique, il rapporte une expérience profondément humaine. Dans la seconde, de type hermétique mais aussi didactique, Jean relate l’expérience étrange de l’essence divine, au-delà de tout savoir.
C’est durant sa mise au secret par les frères de l’Ordre au couvent de Tolède, de décembre 1577 à Août 1578, que Jean est vraiment inspiré et que son génie poétique trouve toute sa mesure. L’épreuve du cachot aura été pour lui une nouvelle naissance. Dans la mouvance du cycle liturgique, alors qu’il est opprimé et dépossédé de tout secours religieux, son génie s’exprime. Durant le temps de l’Avent et de Noël, il compose les romances : à partir du Commencement de l’Évangile selon saint Jean, il conte l’histoire sainte ; En el principio moraba… [Dans le principe demeurait…] elle naît de la contemplation de la vie en Dieu, celle du Fils, dans le Père et leur commun Amour, jusqu’à l’Incarnation et la nativité. L’amour de Dieu est montré avec beaucoup d’humanité en neuf séquences, suivies d’un romance de l’exil qui est aussi le sien, s’inspirant du psaume Super fulmina Babilonis. En carême et durant le temps pascal, germe en lui le poème Adonde te escondiste… [En quel lieu t’es-tu caché…] fruit merveilleux de sa méditation du Cantique des cantiques qu’il a mémorisé en grande partie auparavant. L’allégorie symbolique de l’amour de l’homme et de la femme chante dans l’univers et en sa propre vie l’histoire de l’amour divin. La mise en scène l’apparente à une mythologie pastorale. Il complétera plus tard les trente et une strophes de type pleinement hermétique. Alors qu’il entend de son cachot les bruissements du Tage, au temps de la Pentecôte, de la Trinité et du Corps du Christ qu’il ne peut fêter, il compose cet autre poème plus lyrique encore, mais théologique celui-là Que bien sé yo la fonte que mana y corre,/ aunque es de noche… [Je sais bien la fontaine qui coule et bruit,/ Encor que ce soit de nuit]. L’image lancinante des flots porte sa contemplation du mystère de Dieu, Père, Fils et Esprit saint, récapitulé dans le pain de vie dont il est privé.
Dans la suite de son évasion du cachot de Tolède, au lendemain de l’Assomption 1578, Jean crée le poème de type hermétique En una noche oscura… [Durant une nuit obscure…] le plus parfait littérairement, mais aussi le plus complet pour son évocation de l’ensemble de l’expérience mystique. La nuit tombée, une femme, l’amante – l’âme —, mais aussi l’humanité, s’esquive vers la terrasse de sa maison, à la recherche de son bien-aimé (les quatre premières strophes) ; guidée par un seul rai, elle trouve enfin dans la rencontre le repos de l’amour (les quatre dernières). Au cœur de la nuit, la lumière de l’amour mène à l’apaisement. L’aventure nocturne de l’emprisonnement et indicible de son âme font place à l’expérience amoureuse : Jean l’entend se murmurer en lui avec vaillance et tendresse. Il y a été envoyé en Andalousie. Là, dans la maturité, il donnera toute sa mesure.
Trois ajouts seront apportés plus tard au poème, dans la même forme Adonde te escondiste : les cinq dernières strophes Gocémonos, amado,/ y vámonos a uer en tu hermosura… [Bien-Aimé, s’esjouissant/ Allons ensemble nous voir en ta beauté…] puis les trois strophes précédentes Escóndete, carillo,/ y mira con tu haz a las montañas… [Tiens-toi caché, doux Ami,/ Et regarde avec ta face les montagnes…] et la strophe onzième Descubre tu presencia,/ y máteme tu vista y hermosura… [Découvre-moi ta présence,/ Et que me tue la vision de ta beauté !]. Ces ajouts disent aussi chacun une expérience spirituelle : la beauté, le retrait, la présence amoureuse de Dieu en sa beauté.
À Grenade, le couvent est situé dans le haut de la ville maure et face à la Sierra Nevada. C’est là que Jean rédige Traités et Commentaires. De 1582 à 1591, s’aidant du Boscán comme il le rappelle par son annotation, il écrit ¡ Oh llama de amor viva/ que tiernamente hier/ de mi alma en el más profundo centro !… [Ô flamme par amour vive/ Qui blesses de ta tendresse/ Mon âme dans son centre le plus profond !] pour Ana de Peñalosa et dans l’oraison. Le poème est encore de type hermétique. Mais c’est l’amour divin qui mène la fête au centre de l’âme. Avec sublimité, les images de la bûche enflammée et de la fraîcheur du souffle interprètent sa douceur ardente.
À Grenade aussi, avec une expérience apostolique des plus intense, Jean exprime une perception très forte de l’évangélisation par le poème du jeune berger Un pastorcico solo está penado… [Un jeune pâtre seul est dans la tristesse..]. Le poème pastoral est encore de type hermétique. Mais le sens caché et mystique est clair : l’amour du jeune berger est bafoué par sa compagne. Il pleure, non pas de la souffrance d’aimer, mais du mépris que rencontre son amour.
À Grenade encore, Jean compose trois gloses Tras de un amoroso lance… [D’un élan amoureux en quête…] Sin arrimo y con arrimo… [Sans arrimage et arrimé…] et comme nous l’avons rapporté en commençant ce texte Por toda la hermosura… [Pour la beauté des créatures/ Qu’onques je ne me fourvoie,/ Mais pour un je-ne-sais-quoi/ Qu’on obtienne par aventure !] Les trois gloses sont de type hermétique et a lo divino. La première s’apparente à la mythologie pastorale ; elle met en scène la pratique de la chasse au faucon dans l’amour courtois ; elle décrit le geste précis de l’oraison qui atteint Dieu. La seconde exploite l’image subtile de l’arrimage dans la forme de l’oxymoron ; elle pointe vers la liberté du croyant, mais l’amour appelle lui-même les vertus théologales de foi et d’espérance qui permettent au navire de voguer vers le port. La dernière reprend donc ce thème devenu le plus cher à Jean : la beauté, vécue sous le mode d’un je-ne-sais-quoi, qui mène seule à la divinité.
À Grenade enfin ont été rédigé les vers, enchâssés dans le dessin du Monte Perfecto, Para venir a gustarlo todo… [Pour arriver à goûter tout,/ ne désire avoir goût en rien ;/ pour arriver à posséder tout, / ne désire posséder quelque chose en rien] ; « nada per todo » ,le rien pour le tout, qui prendront place dans La Montée du Mont-Carmel (MC1, 13) .
Il est plus difficile de situer la composition dans les temps et lieux de ces deux autres lettrilles Navideña [C’est du Verbe divin/ Que la Vierge est empreinte ;/ Elle vient au chemin,/ Ouvre-lui ton enceinte…] et Suma de perfección [Oubli dans les choses créées,/ Souvenir de leur Créateur,/ Attention à son intérieur,/ Et être aimant du bien-aimé]. Ces quatrains n’appellent pas de développement. La première « Fin d’année » pose la question : alors que c’est l’hiver, qui accueillera la femme enceinte à la veille de Noël ? Il y va de l’accueil de Dieu. La seconde s’intitule ordinairement : Somme et résumé de la perfection. Elle résume le message d’amour du poète mystique.
Jean de la Croix indique plusieurs fois que Traités et Commentaires ne sont là que pour aider à entrer plus avant dans la poésie ; et de toutes les manières à y revenir. Le texte explicatif, par la richesse des images et de la sonorité, est lui-même souvent lyrique.
Marginalisé à l’intérieur même de la réforme, en 1591 il se retire dans la solitude de La Peñuela, vivant de La vive Flamme d’amour, de la fidélité de quelques frères et de quelques sœurs et surtout de la pure amitié d’Ana de Peñalosa qui était veuve et pour laquelle il a rédigé ce texte le plus lyrique.
Refusant la prière des agonisants ce 14 décembre, il se fait relire le Cantique des cantiques. Il a 49 ans.

La spiritualité de Jean de la Croix

LE CARÊME À L’ÉCOLE DU PÈRE MARIE-EUGÈNE (II)

5 mars, 2012

http://www.zenit.org/article-30308?l=french

LE CARÊME À L’ÉCOLE DU PÈRE MARIE-EUGÈNE (III)

« La prière doit s’enraciner dans la vie et déboucher dans la vie »

ROME, lundi 5 mars 2012 (ZENIT.org) – Que dirait le P. Marie-Eugène de l’Enfant Jésus, ocd, à propos de la prière, que le carême invite à intensifier ? Que « la prière doit à la fois s’enraciner dans la vie et déboucher dans la vie, sinon elle n’est pas authentique », explique le P. Louis Menvielle, official de la Congrégation pour le Clergé, et vice-postulateur de la cause de béatification du Carme français, fondateur de l’Institut Notre-Dame de Vie. Voici le deuxième des trois volets de cet entretien pour approfondir ce que signifie le carême à l’école du P. Marie-Eugène (cf. Zenit du 4 mars 2012 pour le premier volet).
Zenit – Donc on fait un bon carême si on prie et si on lit quelque chose sur Jésus?
P. Louis Menvielle – C’est déjà pas mal. Mais la prière doit à la fois s’enraciner dans la vie et déboucher dans la vie, sinon elle n’est pas authentique. Rappelons-nous l’avertissement de saint Jean : « Celui qui dit aimer Dieu et qui n’aime pas son frère est un menteur » (1 Jean 4, 20). La prière est un lieu de croissance de l’amour. Cet amour doit ensuite s’exprimer dans le concret. Et inversement l’amour qui grandit dans la vie quotidienne me permet d’aimer plus profondément dans la prière. L’amour est la synthèse de la vie chrétienne. Le Père Marie-Eugène insistait beaucoup sur l’importance de l’amour, seul moteur vraiment efficace de la croissance vers la sainteté. L’amour en-dehors de la prière prend essentiellement deux formes : l’amour dans le devoir d’état et l’amour des autres. L’amour dans le devoir d’état, c’est ce que saint Paul demande aux Colossiens : « Quoi que vous fassiez, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur » (3, 23) : faire les choses le mieux possible, honnêtement, avec conscience ; et les faire comme pour le Seigneur, en sa présence, pour le servir. C’était l’attitude de Marie à Nazareth qui faisait tout avec amour, pour Jésus et en sa présence. On voit bien de quoi il s’agit dans le travail professionnel ou dans la vie familiale. On voit aussi toutes les exigences que recouvre l’amour des autres : la fidélité conjugale, la délicatesse dans l’amour, l’attention aux autres, le temps « perdu » pour eux, l’implication dans l’éducation, le pardon (qui est peut-être l’exigence la plus difficile mais la plus urgente dans les familles et au travail), etc. Pour les prêtres, on parle de charité pastorale : c’est l’amour du Christ que le prêtre met dans tous les actes de son ministère. Et comme l’amour ne se limite pas aux « 35 heures », la charité pastorale, dans le fond, c’est l’amour que le prêtre uni au Christ met dans tous les actes de sa vie, du matin au soir et du soir au matin, précisément pour devenir amour, reflet de Dieu. Cet amour là est inséparablement amour du ministère et amour des autres. Si vous voulez voir dans Je veux voir Dieu ce qui est dit sur l’amour, il faudrait bien sûr tout lire, mais il y a un développement plus spécifique dans le dernier chapitre.
Vous parlez du Carême et vous n’avez pas encore employé le mot « sacrifice ».
La vie chrétienne, la vie évangélique, la croissance vers la sainteté ne peuvent pas faire abstraction de la Croix. Ou alors, il ne s’agit pas de la vie « en Christ », étant donné que je ne participe à sa résurrection qu’en espérance. Les maîtres spirituels n’ont pas peur du mot « ascèse » et le Père Marie-Eugène y a consacré tout un chapitre dans son livre. L’ascèse a deux buts : apprendre à dominer mes passions, à purifier les tendances mauvaises qui m’habitent, faire en sorte que mon esprit soit maître de mon corps pour pouvoir se mettre lui-même au service de l’Esprit de Dieu ; c’est le premier aspect, celui qui touche à la conversion personnelle. Nous commençons le carême par cette proclamation de Jésus : « Le Royaume de Dieu est tout proche: repentez-vous et croyez à l’Evangile » (Mc 1, 15). Evidemment, la grande question est de découvrir sur quel point nous devons nous convertir. La connaissance de soi est à la base de la vie chrétienne. Quand je découvre des points qui ne sont pas conformes à l’Evangile, je dois m’y atteler avec ardeur et courage, mais aussi avec réalisme, conscient de ma faiblesse, et donc à la fois résolu dans ma volonté de conversion et mendiant de la grâce de Dieu, en particulier celle de la confession, pour qu’elle me donne la lumière et la force de sortir de mes ornières et de ne pas m’arrêter dans la croissance. « La grande preuve de sainteté d’une âme, disait le Père Marie-Eugène, ce n’est pas qu’elle n’ait pas de tentations, ou de lassitude, mais non. C’est qu’elle réagisse et remonte de-là vers Dieu ». Il faut pour cela beaucoup d’humilité, et voilà peut-être le point crucial de l’ascèse aujourd’hui.
Pourquoi ?
Le carême est un temps de pénitence où nous maitrisons notre corps, comme dit la liturgie, en particulier par le jeûne et l’abstinence. Ce point est incontournable, tous les saints l’ont mis en pratique et enseigné. Il ne doit cependant pas occulter une urgence de conversion, peut-être plus caractéristique de notre époque : le siècle des lumières et les progrès techniques nous ont convaincus de la grandeur de notre intelligence personnelle. Et même si l’échec des grandes idéologies et les blessures de la vie ont largement émoussé l’intelligence de l’humanité et, bien souvent, l’estime que nous avons de nous-mêmes, il reste dans le cœur de l’homme cet orgueil de la raison qui cite à son tribunal tout ce qu’il entend, tout ce qu’il voit, tout ce qui se dit, Dieu lui-même. Apprendre à devenir des enfants humbles et confiants devant Dieu, vivant dans la vérité de notre être à la fois magnifique et blessé, tel est le grand programme d’ « ascèse » que le Père Marie-Eugène, dans la ligne de la petite Thérèse, présente dans les chapitres de Je veux voir Dieu sur l’ascèse et sur l’humilité. Grandir dans l’amour et dans l’humilité en regardant le Christ, voilà un beau programme de carême !

The Transfiguration of Christ by William Hole

3 mars, 2012

The Transfiguration of Christ by William Hole dans images sacrée William_Hole_The_Transfiguration_Of_Christ_350

http://www.gospel-parallels.net/2011/03/three-apostles-witness-transfiguration.html

Devenir Évangile de Dieu

3 mars, 2012

http://geraldchaput.homily-service.net/retraites.html

Devenir Évangile de Dieu

Nous, créature née de Dieu, nous ne pouvons vraiment devenir ce que nous sommes qu’en étant des saints. Voilà la conclusion de ces heures consacrer à prier, à réfléchir. Nous sortons pour aller au cœur du cœur de Dieu qu’est notre société d’ici. Nous sortons pour aller rencontrer Dieu dans cette basilique infinie de la douleur humaine qu’est notre monde.
Notre société est malade d’une lèpre dont il nous est répugnant de toucher et pourtant dont il serait essentiel d’y apporter et d’offrir des moyens d’en guérir. Cette lèpre se nomme l’absence flagrante d’un désir de plénitude de vie. Nous ne vivons plus. Nous existons. Notre vie qui est belle, qui doit si violemment nous enthousiasmer, il faut la vivre en plénitude comme moyen d’apporter un peu de baume à cette lèpre qui nous ravage. Il nous faut « le courage d’être » (P.Tillich, théologien luthérien) Courage d’être comme Ingrid Betancourt, cette femme emprisonnée par la guérilla de Bogota parce qu’elle désirait pour son peuple plus de justice. Comme le Père Jacques de Jésus qui, dans les camps de concentration, semait espoir et joie.
Non seulement il nous faut vivre les tensions de notre milieu en humain mais il faut les vivre pour devenir plus humain. La plénitude de l’humain, notre accomplissement total, se réalise, se concrétise dans notre manière de vivre les croix du monde, de les porter aussi. Les croix nous rendent semblable et à la ressemblance de Jésus. Sur la Croix, Jésus a atteint la plénitude de l’humain. Les croix qu’elles se nomment tension, distance, froideur dans le couple, tragédie humanitaire du Rwanda ou qu’elles se laissent voir sur la terre que Jésus a foulée entre palestiniens et israéliens, est le chemin pour développer notre stature d’hommes et de femmes accomplis. La croix n’anéantira jamais l’humain. Elle nous ouvrira en nous délivrant de notre poids d’être, à la plénitude de la joie, de bonheur, de l’attestation de ce que nous sommes. Le Père Jacques de Jésus disait ces mots qu’il a vécus en plénitude : «  c’est sur les sommets de la Croix qu’il faut monter pour mesurer dans toute son infini splendeur la destinée de l’homme » (Revue du Carmel #110, 2003 p.42)
Soyons nous-mêmes. Soyons ce que nous sommes. Cela m’apparaît présentement la plus belle des devises à nous donner. Ne suivons pas le chemin de tout le monde. Prenons le chemin de la Loi du Seigneur comme le dit le psaume 1 er . Ayons le courage de la différence non pas pour nous faire remarquer mais parce que nous «  avons soif que le Dieu vivant » (Ps43) puisse vivre en tous.
Là où sur nos terrains où nous retournons, dans nos groupes de rencontres, en dépit de tout ce pessimisme, découragement, blessures, même si cela est difficile et surtout parce que cela est difficile, demeurons ce que nous sommes : humain. Ne fuyons pas la souffrance. L’histoire de Jésus n’est pas terminée. Nous sommes là pour y donner du sens en affrontant plus qu’en subissant ces temps de grand questionnement en étant des adorateurs de Dieu au cœur de ce monde et pourquoi pas en voyant Jésus sur tous ces visages de misère que nous côtoyons.
Nous sommes chrétiens, des fils de Dieu. Nous sommes « portion de Dieu. En devenant davantage à sa ressemblance, nous faisons que son Règne vienne. Nous avons mission d’être éveilleur de Vie (avec un grand et petit v). Éveilleur de sens. Nous sommes des diplômés d’une vie pleine de sens. D’une vie réussie non pas à entendre comme possédant toutes les ressources matérielles possibles mais dans le sens d’accomplissement. Éveilleur de sens jusqu’à dépasser l’actualité avec ces scènes de tragédies perpétuelles pour implanter l’éternité au cœur de temps présent. Comment cela va-t-il se faire ? En étant de priant au quotidien, en perdant du temps à ne rien faire pour être chez Dieu. Osons vivre différemment l’actualité. Osons « dehors » vivre comme si nous étions dans la maison de la Parole, habité par sa Parole. Osons la Parole. Osons être Parole de Dieu.
Il nous faut reprendre en main l’avenir de la foi sans l’imposer. « Co mment croire si la foi n’est pas annoncée » (Rm10, 15). Ne sommes-nous pas «  lumière du monde et sel de la terre » (Mtt 18,16) . Les signes d’un nouveau printemps ne manquent pas. Sa floraison dépendra de notre contribution, comme peuple de Dieu, comme Église de Dieu à rendre présent l’Évangile dans le monde. Le temps de l’audace commence. Ne pleurnichons pas sur nos malheurs. Osons l’avenir autrement.
En terminant je vous donne deux cadeaux : le monde à dominer non pas dans le sens « d’écraser » mais dans le sens de le faire progresser vers une plénitude d’être. Une image, une icône, celle que j’ai placé sur le document que je vous remets. C’est mon dernier mot. Mon dernier geste qui dit tout : n’oubliez pas de La regarder souvent longuement. C’est incontournable pour devenir ce que nous sommes : Évangile de Jésus. Ayez de la « dévotion » (François de Sales ) pour l’humain, même le plus repoussant. Voilà ce que je veux pour vous. Voilà ce que je cherche à voir en vous.

Homélies du 2e dimanche de carême, B

3 mars, 2012

http://www.entraide.be/spip.php

Homélies du 2e dimanche de carême, B

Gn 22, 1-2. 9a, 10-13, 15-18 ; Rm 8, 31b-34 ; Mc 9, 2-10

Qui aime comme Dieu aime, risque sa vie… Nous avons peine à admettre et même à comprendre cette vérité proclamée, illustrée tout au long de la Bible, prouvée encore par la Passion du Christ et la série jamais interrompue des martyrs. Nous vénérons certes un Jésus crucifié, mais celui qui nous fait face est de bois, de plâtre ou d’argent. Un souvenir lointain et muet. Il est vrai que les disciples eux-mêmes ont mis bien du temps pour comprendre et accepter l’insoutenable affirmation du Maître : « Le Fils de l’Homme lui aussi va souffrir.. Il sera livré aux grands prêtres et aux scribes, ils le condamneront à mort et le livreront aux païens pour qu’ils se moquent de lui, le flagellent, le crucifient… » (Mc 10, 33-34).
Il ne faut pas pour autant accuser Dieu. Son désir et sa volonté ne sont pas de nous faire souffrir, ni de nous sacrifier à la vengeance des méchants. C’est la logique même de l’amour de prendre les risques de la générosité et de la fidélité. C’est l’amour même qui nous entraîne irrémédiablement à lutter contre tout ce qui empêche le rayonnement de l’amour, tout ce qui le blesse, le défigure et le détruit. Un chemin exaltant, mais un chemin de combat. Un chemin de croix.
Au fond de nous-même, et bien des réactions le confirment, nous voudrions que notre foi soit récompensée par la sécurité et un bonheur sans nuages. Nous voudrions que nos « vertus », reconnues et appréciées de tous, nous assurent bonne réputation et vie sans histoire. Dieu n’a-t-il pas promis le bonheur et la paix à ceux qui croient en lui ? Une vision singulièrement courte.
Il ne faut pas confondre Dieu avec nos propres désirs. L’amour dont il aime tous les êtres humains, et qui est donc celui qu’il nous propose d’accueillir et de vivre, dépasse de loin nos petits intérêts personnels et égoïstes. Aimer Dieu, c’est aimer comme il aime, c’est-à-dire passionnément et sans limites. Et il n’est pas possible d’aimer Dieu sans aimer tous ceux qu’il aime. Nous ne pouvons pas vraiment aimer Dieu et nos frères et sœurs humains sans lutter partout et toujours pour que l’amour soit plus fort que la haine, plus fort que la violence, l’injustice, l’égoïsme, sous toutes leurs formes. Le chrétien est toujours mobilisé et doit rester en tenue de combat.
Nous préférons certes la tranquillité, l’écoute paisible de la Parole de Dieu, la prière réconfortante, les chants de louange et même la contemplation « des merveilles que fit le Seigneur… ». « Plantons ici trois tentes… ».
La foi n’est pas évasion du monde, ni retraite sur la montagne. Encore moins une fuite dans un désert qui nous protégerait du cri des affamés et des persécutés. Le Fils bien-aimé, dont on découvre la divinité et la gloire, est aussi celui qu’il faut écouter, car, dit Dieu, « j’ai mis en lui tout mon amour ». Et voilà que ce même Jésus nous fait descendre dans la plaine pour être affrontés au scandale de l’injustice et de l’orgueil, celui de la haine et des violences. C’est ici que l’amour doit triompher.
Mais il n’y a pas de victoire sans blessure, sans souffrance, sans victime. Y a-t-il des volontaires pour risquer leur vie ? C’est précisément ce que Jésus a fait, sans tenir compte de la « prudence » et surtout de la peur de ses disciples. Ils attendaient succès, applaudissements et récompense, et Jésus les entraîne dans la réprobation, l’opposition même religieuse, les conflits avec les autorités civiles et spirituelles, jusqu’à l’échec et la mise en accusation. C’est pour être passionné du même amour, c’est pour avoir renoncé à l’amour « étriqué », que dans plus d’un pays du monde « chaque jour fournit son contingent de cadavres, de paysans mutilés, d’animateurs chrétiens torturés et exécutés » (1).
Comme nous le rappelle « Entraide et Fraternitéé »(2), ces chrétiens sont de ceux « qui refusent l’exploitation et construisent la paix… ». Et nous ? « Sommes-nous prêts à descendre de la montagne, à écouter le « Fils bien-aimé », jusqu’à prendre les risques qu’il a pris ?
Chaque eucharistie nous conduit comme les apôtres avec Jésus « à l’écart », pour nous apprendre à voir, au-delà des réalités sensibles, ce Jésus qui est sauveur et libérateur, et qu’il nous faut écouter. Enrichis, éclairés, réconfortés, il nous faut ensuite retrouver le monde et suivre le Christ dans le concret de la vie quotidienne.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

(1) « La Vie », hebdomadaire chrétien d’actualité, 25/02/1982.
(2) Entraide et Fraternité, rue du Gouvernement provisoire, 32 à 1000 Bruxelles, Belgique,

1...45678