Archive pour mars, 2012
« Il faut savoir se trouver un désert dans sa propre maison et se faire une solitude au milieu du monde ».
14 mars, 2012http://geraldchaput.homily-service.net/(2003)_causerie_2.html
2ième causerie ; LA CHAMBRE ET LA RUE
« Il faut savoir se trouver un désert dans sa propre maison et se faire une solitude au milieu du monde ».
« En toutes choses, actions, conversations, il sentait et contemplait la présence de Dieu. Il était contemplatif dans l’action ce qu’il exprimait par ces mots : il faut trouver Dieu en toutes choses ».
( Giuliani parlant deSt Ignace de Loyola
En guise d’introduction :
Qu’est-ce qu’ils ont vraiment besoin ? Des hommes et des femmes qui ont appris à marcher sur leurs deux jambes. Catherine de Sienne observait dans l’une de ses lettres que nous marchons souvent comme des handicapés sur une seule jambe. « Quand tu veux prier entre dans ta chambre ! Allez sur les places publiques ». Chrétien et mystique. Laïc et mystique. Chambre et rue. Se sont nos deux résidences principales. Présence et Vie. Le nom même de votre groupe laisse entendre que vous avez en permanence deux résidences, deux sanctuaires : celui de Dieu et celui du monde. (Marcelle Veyrac). Vous savez d’expérience comment habiter ces deux résidences peut sembler impossible. Marguerite Bourgeois avait cette belle formule: » sortir dans sortir du cœur de Dieu ». Nous avons souvent une résidence principale et une autre secondaire. Ces deux résidences sont inséparables. Passer de l’une à l’autre. Passer des autres à moi – à ce moi plus intime à moi-même que moi-même (St Augustin)-, passer de l’extérieur à l’intérieur, voilà l’urgence pour tout disciple qui aspire à se donner des yeux de Lumière.
Ma question : sur quelle jambe nous appuyons-nous le plus souvent ? La vie mystique n’est pas une manière de vivre réservée à des moines, moniales.aux professionnels de la prière. Le peuple de Dieu, les chrétiens, les laïcs sont souvent perçus même dans les documents officiels comme des professionnels de l’action, des « œuvre de charité » Professionnels de la prière d’un coté. Professionnels de l’action de l’autre. « Adoration et mission sont les deux faces d’une même action » disait Jean-Paul 11 en béatifiant récemment(20 octobre 2002) Marie de la Passion, fondatrice des soeurs franciscaines missionnaires.
Séparer ces deux mots – chrétien et mystique – c’est vouer à la mort et le chrétien et le mystique. C’est vouer l’évangélisation à l’échec. Évangéliser, c’est montrer en acte que nous sommes fils de Dieu et frère universel. C’est laisser voir que nous avons une double-vie. Évangéliser n’est possible que si nous sommes des porte-voix de la Parole. « Je ne suis pas le Christ. Au milieu de vous se trouve quelqu’un dont je ne suis pas digne de délier sa chaussure » (Mc1, 7) Cela impose à chacun de laisser passer la Lumière en nous.
La vie mystique disait le Père Chénu o.p. n’est pas autre chose que la vie chrétienne à l’état de perfection. Dit autrement être mystique, c’est la manière « ordinaire » « normale » de vivre sa foi. Le nouveau catéchisme précise que chaque baptisé a la mission de vivre une « union mystique » (#2013). De vivre une vie d’union à Dieu. «Dieu nous appelle tous à cette intime union avec lui »(#2014).
La vie mystique – ne pas confondre avec des expériences mystiques – déborde la vie contemplative « qui n’en est qu’une forme » ( Père Marie Eugène je veux voir Dieu p. 420) Il y a une vie mystique contemplative. Il y a aussi une vie mystique active, une mystique de l’action ou une action mystique. La vie mystique ou l’union à Dieu a deux jambes : Dieu et les humains. Docteur de la prière, docteur d’une action mystique, ce sont les deux jambes pour nous configurer au Christ. Je m’adresse à des contemplatifs en action selon la belle expression de Jean-Paul 11 (Encyclique sur la mission # 91)
Le mystère contemplé dans le silence de la chambre doit aussi être contemplé dans le bruit de la rue. La rue doit être un lieu priant et la chambre un lieu étourdissant du bruit de la rue. Parlant des Instituts de droit apostolique le droit canon 663 déclare : « la contemplation des réalités divines et l’union constante à Dieu dans la prière sera le premier et le principal office de tous religieux ». Vous n’êtes peut-être pas des religieux au sens spécifique du terme mais votre participation à un Institut vous engage à mener une vie qui porte en elle une dimension contemplative. .
Le décret Perfectae Caritatis no 5 abonde dans le même sens quand il dit : « il faut que les membres de tout Institut, ne cherchant avant tout que Dieu seul, unissent la contemplation par laquelle ils adhèrent à lui de cœur et d’esprit, et l’amour apostolique qui s’efforce de s’associer à l’œuvre de la Rédemption. »
Le disciple a pour devise : Prie et travaille. Travaille et prie. St Benoît disait : « rien ne doit avoir priorité sur l’amour de Dieu ». Saint Vincent de Paul répondait un siècle plus tard « rien ne doit avoir priorité sur l’amour de nos frères » La chambre et la rue sont appelés à se conjuguer.
Quand Jésus a prononcé l’invitation « si tu veux être parfait » (Mtt19, 21) au jeune homme riche, il s’adressait à tous les chrétiens ordinaires et non pas à une élite. (Voir Jean-Paul 11 dans splendeur de la vérité no 18) « Vous donc vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt5, 48). Ces paroles là ne sont pas à prendre ou à laisser. «L’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang »(LG40). Dans sa lettre ouvrant ce millénaire, Jean-Paul 11 écrit qu’un «baptisé ne peut se contenter d’une vie médiocre, d’une religiosité superficielle» (31).
Comment unifier prière et travail ?
Comment solidifier, souder cette deux « doctorats » indispensable à tout disciple ? Comment être à la fois cette Marthe qui recevait Jésus chez elle et cette Marie qui « a choisi la meilleur part ? » (Lc10, 42)Il y a une solidarité, une soudure essentielle, indissociable entre la prière et l’action, entre l’action et la prière. Aucune concurrence entre la voie mystique contemplative et la voie mystique dans l’action. » Tu aimeras ton Dieu ». (prier) » Tu aimeras ton prochain » (action) de tout ton coeur, de toutes tes forces. (Lc 10,27) L’état de perfection du disciple se réalise quand il se donne une » double vie ». D’une vie mixte dirait St Thomas d’Aquin et qui est dit-il la forme de vie la plus parfaite, supérieure à la vie purement contemplative. Dans chaque personne dit-on, il y a un homme et une femme. Chez les uns, la dimension féminine est plus évidente. Chez d’autres, c’est la dimension masculine qui se voit d’abord. Mais les deux dimensions sont là. Ainsi en est-il de nos vies de chrétiens et de disciples.
Est-ce que nous sommes des gens équilibrés non pas mentalement mais spirituellement équilibrés ? Des gens capable d’harmoniser un balancement entre la prière et l’action. Mère Térésa de Calcutta exprimait un jour à un prêtre qui travaillait beaucoup : » si vous voulez travailler davantage, passez plus de temps devant le saint Sacrement. » Et la « sainte » ajouta : « le monde a besoin que nous travaillions davantage » Aux yeux de cette grande femme toute frêle, fragile, plus nous prions, plus nous devons travailler. Plus nous travaillons, plus nous devons passer du temps en prière.
Soulignant récemment le 50e anniversaire d’un institut de formation de laïcs sous la responsabilité d’un monastère des Carmes, Jean-Paul 11 souhaitait » que votre contemplation s’unisse harmonieusement à votre action et que votre action devienne une véritable union à Dieu. » Il ajouta » Pour prendre le large, il est indispensable que grandisse en chacun de vous l’union intime au Christ, lui qui est la seule et unique source de renouveau évangélique ». C’est à cette seule condition qu’il est possible d’affronter avec courage les défis du temps présent.
Ce que nous devons d’abord planifier, ce ne sont pas des réunions, des coups de téléphone, des documents à préparer, des télécopies à envoyer, des conférences de presse à planifier mais des rendez-vous avec Dieu. Nous devons d’abord planifier des moments pour nous » laisser avoir » par Dieu plutôt que de nous « faire avoir » par le temps qui nous manque. Se laisser captiver, attirer par Dieu.
« Dieu premier servi » Cette expression de Jeanne d’Arc nous l’avons souvent entendue jadis. Mais ces dernières décennies, nous avons investi beaucoup dans l’action. Il y a présentement deux dérives à éviter: celle du fonctionnel qui serait de dire : programmons, réajustons, planifions. Celle de nos litanies des lamentations qui occupent beaucoup de place dans nos journées.
L’époque que nous traversons à besoin d’être transformée par la manifestation de la dimension contemplative de nos actions. Nous ne sommes pas qu’une machine à agir. Nous sommes des fils de Dieu. Le défi est de passer de l’action à la prière. De la prière à une action mystique. Il faut savoir dit Antoine Bloom dans son livre école de prière (Seuil 1970 pp 118-120) dire STOP à ce que nous faisons pour respirer Dieu.
Trop occupés pour prier ??
Ce quelque chose de plus que demandait Jésus au jeune homme riche, c’était tout simplement pour un instant de laisser de coté, – le texte dit tout abandonner – son travail ordinaire pour prier, pour le Suivre Lui Jésus au désert. L’Évangéliste ajoute : il avait de grand bien. Nous pourrions dire: nous avons tellement à faire. Comme le jeune homme riche, nous préférons nos « affaires », entendre nos activités plutôt que de le Suivre. Il faudrait simplement devant cette question de Jésus, lui demander de nous aider à tout quitter, à quitter notre travail pour laisser l’Esprit nous habiter. Je suis assuré qu’il nous entendrait.
Trop souvent nous prétextons d’une situation extérieure genre trop de travail, échéancier à respecter, pour ne pas avoir à s’en prendre à soi-même. C’est un alibi confortable pour éviter de prendre en main sa propre vie de disciple. Madeleine Delbrel a ces mots très puissants : « être chrétien, c’est une vraie vocation, une vraie profession, c’est être appelé à faire un travail qu’on est seul à faire ». Et elle précise : « ce travail est plus que de désirer prier ». (Delbrel Madeleine invisible amour. Ed Centurion p 21s)
Trop de travail pour prier. Il y a aussi une façon de voir les choses. La vie est tellement stressante, le travail est tellement demandant que cela exige de nous donner du temps pour décompresser. Nous voulons arrêter la machine à penser, la machine de la recherche de l’efficacité, calmer le tohu-bohu qui nous remplit la tête, apprendre « à respirer par le nez » ou lâcher prise, optons pour la prière. Certains sont à la recherche de fin de semaine pour « lâcher prise » – notre époque est celle des loisirs-. Dans le langage chrétien (mystique) cela s’appelle l’abandon. Prier, c’est vivre au rythme de notre respiration, c’est s’abandonner, c’est délecter selon le très beau titre du livre du Père Stinissen, o.c.d l’éternité au cœur du temps présent ( Ed. Carmel 2002). Évitons tout malentendu, je parle de prière et non pas d’un repli sur soi-même et non aussi de fuite du travail. Prier, c’est cesser de s’occuper de soi pour laisser Dieu s’occuper de nous. Thérèse d’Avila aime dire quand nous nous occupons de Dieu, nous nous occupons de nous-même.
La même mission pour tous :
Prie et travaille. La mission confiée par Jésus allez sur les places n’est pas en opposition avec l’invitation de Jésus à se retirer, à entrer dans sa chambre. Et toi quand tu pries, entre dans ta chambre. La chambre et la rue ne sont pas des lieux en état de guerre. La rue peut devenir aussi priante que la chambre. La chambre peut devenir aussi peuplé que la rue. Vie d’union à Dieu et vie active, c’est du pareil au même. Actif dans la prière. Actif dans l’action. Ne séparons pas ce que » Dieu a uni » dans la personne de son Fils. Aucune rivalité entre l’attention portée à Dieu et celle portée aux humains. Aucune concurrence entre l’extérieur et l’intérieur. Aucune compétition entre « être adorateur du Père »(Jn4, 23) et s’engager pour la cause du Royaume. Aucun sens unique non plus. Ce serait une vision déformée que de considérer l’action comme un excédent de la contemplation, un simple débordement du superflu de notre prière. L’action conduit aussi à la prière.
Jean-Paul 11 le redit souvent: «la contemplation du visage du Christ suscite chez le disciple la contemplation des visages humains » (Evangilium nuntiandi #7) et nous transforme en évangélisateur. Agir parce que Jésus nous sort de la bouche tant il nous ronge le coeur. Prier parce que le peuple s’attend à ce que nous le présentions à Dieu. Prie et travaille. Cette mission appartient à tous les baptisés. Nous avons à suivre Jésus au désert et d’aller sur les places. De travailler à la Vigne. Vatican 11 est étonnamment très clair:
Les laïcs sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l’esprit évangélique, et, pour manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur vie, rayonnant de foi, d’espérance et de charité. (LG31)
Soyons clair : Il ne suffit pas de prier : Que sert à quelqu’un de dire qu’il a la foi s’il n’a pas les oeuvres ? Si quelqu’un est réduit à l’indigence et qu’on lui dise : allez en paix sans lui donner les choses nécessaires, à quoi cela sert-il. Ainsi en est-il de la foi : sans les oeuvres elle est vraiment morte (Jac2 : 14-17. Le travail fait partie de l’équilibre humain. Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur. mais qui font la Volonté de mon Père.
Soyons très clair. Il ne suffit pas d’agir. Il ne suffit pas d’agir pour dire Dieu. Il ne suffit pas de prêcher pour dire Dieu. Pour dire Dieu, il faut ce « mariage spirituel » de la prière et de l’action. Accueillir Dieu dans la prière. Le trouver en se mettant au service de la Résurrection. Que ce soit dans notre prière contemplative, à l’écart dans le secret de notre chambre intérieure; Que ce soit dans le service, si petit soit-il, pour rendre notre terre, une Terre Neuve, c’est toujours le même « hôte qui vient habiter chez nous. » (Thérèse d’Avila)
Vous et moi sommes profondément marqués par notre culture toute axée écrivait déjà au début du siècle dernier l’écrivain russe Tolstoï » sur l’augmentation de l’avoir ( le texte dit : des chevaux) de titres administratifs, de connaissances ». Mais ajoute l’écrivain « une seule augmentation est nécessaire: l’augmentation de la sagesse » (Journal Intime #183) Matthieu écrivait il y a XX siècles que la culture de son temps invitait à avoir une belle apparence à l’extérieur mais où l’intérieur est «rempli d’ossements »(Mtt 23,27) « d’ossements desséchés » (Ez 37,4. La société et ses valeurs d’efficacité, de rendement à tout prix nous dominent, nous envahissent. Nous ne pouvons tout avoir. Il faut faire un choix entre les « appels d’offre » de notre culture et les « appels d’offre »de l’Évangile « Être homme, c’est habiter avec Dieu » (St Bruno) C’est notre première tâche.
Nous sommes ici, vous êtes membre de cet Institut Présence et Vie pour répondre aux appels d’offre de l’Évangile. L’Évangile nous offre d’être pleinement humain et pleinement divin. Soyez parfait. Pleinement relation aux autres et pleinement uni à Dieu. Pour nous occuper aussi de« l’intérieur de la coupe » (Mtt23, 28). Nous sommes ici pour «nous éviter de courir après des riens et devenir rien »(Jérémie, 2,5) pour « entrer au pays des vergers pour en goûter les fruits et la beauté »(Jérémie 2,7). Jérémie dans l’oracle que je cite reprochait à son peuple vous avez changé de Dieu. C’est également notre réalité. Nous sommes ici pour changer de Dieu. Pour changer de gloire. ! « Vous êtes appelés par notre Évangile à posséder la gloire de Notre Seigneur Jésus Christ » (2 Th2, 14) Nous avons échangé la gloire de Dieu pour l’éphémère gloire que nous offre notre culture toute axée sur l’extérieur.
En guise de conclusion :
Puisqu’une image vaut mille mots, je termine pour cette image qui résume bien ce que je viens d’expliquer:
Présenter du chocolat à un enfant, il va tout laisser. Il abandonne tout. Il est attiré par le plaisir de manger du chocolat. Le Christ, révélation du Père, nous attire-t-il au point de tout laisser, de tout abandonner parce que son Asalut@ nous fascine ? Le Christ nous fascine-t-il à ce point que nous pouvons dire : je n’ai plus de temps pour le travail parce que je dois laisser Dieu s’occuper de moi. Nous entendons plus souvent le contraire: je n’ai pas le temps de prier parce que j’ai trop à faire. Le Père nous offre du bon chocolat mais nous nous en privons de peur de prendre du poids. « Personne ne vient à moi, si le Père ne l’attire » (Jn6, 44)
Pour nous donner une action « théophore » porteuse de Dieu disait jadis les Pères de l’Église (Ignace d’Antioche), un passage obligatoire s’impose : Avoir en nous Jésus. Être porteur de Dieu, porteur du temple de Dieu. Le temple de Dieu est sacré et ce temple, c’est vous (1 Cor3, 17. Notre option de disciple : Voir Dieu par la prière du coeur. Servir Dieu par la prière des mains. En régime chrétien, il n’y a pas de temps pour prier pas plus qu’il n’y a du temps pour agir. Il n’y a que le temps de Dieu. Il n’y a que l’Éternité au coeur du temps (titre d’un récent livre du Père Wilfrid Stinissen, o.c.d. 2002) Et l’éternité ne se trouve pas seulement dans la prière mais dans le réel concret de notre monde. Qu’est-ce qu’ils ont vraiment besoin ? De nous voir marcher sur nos deux jambes.
La Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère – VI (Jean Galot s.j)
14 mars, 2012http://www.moscati.it/Francais2/Fr_Galot_Maria6.html
La Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère – VI
Jean Galot s.j. – [Traduction par Françoise Matera]
Maternité spirituelle universelle
Le plus haut titre attribué à Marie est celui de « Mère de Dieu » : être mère du Fils de Dieu qui est Dieu est une dignité incomparable, qui suscite toujours notre admiration et nous fait comprendre l’audace de notre foi.
Il y a aussi une autre merveille dans la personne de Marie. Elle qui est Mère de Dieu Dieu est devenue notre mère spirituelle, mère de chacun d’entre nous dans l’ordre de la grâce. C’est la maternité qui a été établie et déclarée par le Christ peu avant sa mort sur la croix. L’évangéliste Jean nous a rapporté la parole qui a attribué à Marie cette maternité, plus précisément en relation avec son disciple bien-aimé: »Femme, voici ton fils « (Jean 19,26). Il dit au disciple: »Voici ta mère ». Il y a un effet immédiat: « A partir de ce moment-là, le disciple la prit chez lui »(19,27)
le disciple est confié à la maternité spirituelle de Marie ,Marie qui reçoit la mission de prendre soin de lui comme d’un fils.
En outre, le problème des moyens de subsistance de Marie et de son logement avait déjà été solutionné quand Jésus avait laissé Nazareth pour suivre sa mission publique et son activité de prédication : il avait dû s’occuper des conditions de vie de sa mère. La présence de la belle-sœur de Marie, la femme de Cléophée, auprès de la croix de Jésus, semble aussi indiquer que Marie, si elle en avait eu besoin, aurait trouvé de l’aide dans la famille.
En réalité, au moment où Jésus souffre sur la croix pour le salut de l’humanité, ce ne sont pas les soucis familiaux qui mobilisent le fond de sa pensée et ses forces. Il a renoncé à sa famille pour se consacrer à l’édification du règne de Dieu; il veut assurer le développement de ce règne. Il est conscient que ses disciples sont exposés à de nombreux dangers ; pour les détourner de leurs faiblesses, il les confie à la sollicitude d’une mère, la meilleure de toutes les mères. Celle qui a été choisie comme la coopératrice par excellence de l’œuvre de salut, pourra aider les disciples à rester fidèles et à accomplir leur mission.
Le choix du disciple bien-aimé pour l’institution de ce rapport filial avec Marie a une valeur symbolique. Il signifie que chaque disciple, en étant aimé spécifiquement par le Christ, reçoit Marie comme mère. Le don de Marie comme mère des disciples est le dernier don qu’a fait Jésus avant sa mort. Dans son sacrifice, le Sauveur avait tout donné pour le salut de tous les hommes. Il lui restait sa mère, près de lui, comme un trésor suprême. Et ce trésor, il le donne aussi à l’humanité.
Marie est le cadeau le plus précieux qui puisse être donné à l’humanité. Après les paroles adressées à Marie et au disciple bien-aimé, l’évangéliste souligne que le don de la croix est complet : Jésus savait « que désormais tout était achevé »(19,28). Toute la mission confiée par le Père au Fils avait été accomplie et l’amour qui voulait se révéler dans le drame de la rédemption s’était pleinement manifesté dans le don Marie comme mère.
Maternité singulière et universelle
Le don de Marie de la part de Jésus est complet : il ne reconnaît pas seulement sa mère pour ses qualités maternelles. Il l’appelle « femme » et l’institue mère avec une nouvelle maternité , qui prendra une grande importance dans le futur pour la vie de l’Eglise. Cette nouvelle maternité, dans sa formulation, avait une portée singulière parce qu’elle concernait un seul disciple. Mais à travers ce disciple, elle devait entraîner une relation avec chaque disciple et prendre ainsi une valeur universelle.
Dans sa première destination, la nouvelle maternité assumait une forme singulière, en vertu d’une intention particulière de Jésus. D’une part, le Sauveur crucifié s’immolait pour tous les hommes et désirait communiquer à tous le bénéfice du salut; c’est la raison pour laquelle il voulait étendre à toute l’humanité le don de sa mère. Mais d’autre part, il voulait que ce don parvienne à chaque disciple dans sa singularité. S’il avait proclamé d’une manière générale cette maternité, beaucoup auraient pu sous-estimer la valeur d’une affection maternelle offerte à tous. La forme trop globale de la maternité aurait nui à la qualité du don.
Jésus voulait pour chaque disciple une mère qui aurait été présente spirituellement dans la vie de chacun comme s’il avait été son seul fils, une mère qui se serait intéressée à toutes les particularités de son existence et aurait été prête à répondre à ses besoins et à ses désirs. Il avait apprécié, pendant son enfance et sa jeunesse à Nazareth, la présence de sa mère qui avait montré tant de bonté, de compréhension et de sollicitude. Il désirait pour tous les croyants une présence maternelle qui soit une aide pour la croissance dans la foi et dans l’amour.
C’est dans ce sens que la maternité de Marie conserve toujours sa valeur singulière. Mais elle prend une valeur universelle parce qu’elle s’étend à tous les chrétiens et aussi à tous les hommes: : tous sont appelés à partager la progéniture divine du Christ et à devenir les fils de Marie. Dans cette perspective générale, Marie est vénérée comme mère de l’Eglise et mère de toute l’humanité.
Mère de l’Eglise, Marie n’a pas seulement reçu une mission maternelle en faveur de chaque chrétien. Elle a été dotée d’une responsabilité maternelle dans le développement de toutes les manifestations de la grâce et dans la multiplication de tous les dons et charismes qui contribuent à la vitalité de l’Eglise. Comme une mère très désireuse de favoriser la bonne entente entre ses enfants, elle exerce une action constante pour faire triompher l’unité de l’Eglise sur toutes les tentatives de division entre chrétiens.
Parmi les tâches de l’activité maternelle de Marie, on trouve ses efforts pour faire progresser l’oecuménisme. Le rapprochement réciproque des diverses confessions chrétiennes doit surmonter beaucoup d’obstacles : invisiblement, Marie est toujours présente pour faciliter les bons rapports et les accords, même quand des différends naissent à propos de la doctrine mariale ou du culte marial. Avec une délicatesse maternelle, Marie assure la prédominance de l’harmonie et stimule tous les efforts de réconciliation.
Marie ne peut pas oublier qu’elle a été proclamée mère des disciples à un moment où la haine se déchaînait pour vaincre le Christ. C’était la haine qui s’exprimait dans les nombreuses insultes qui voulaient frapper celui qui répondait uniquement par un silence rempli de pardon. L’instauration de la nouvelle maternité de Marie faisait partie de la réponse. Marie est consciente que sa maternité est destinée à favoriser le pardon mutuel et tout ce qui, dans les relations entre les hommes contribue à développer l’amour mutuel.
Celle qui n’a jamais permis à son cœur la moindre déviation vers l’égoïsme, l’orgueil ou la vengeance, engage toute son affection maternelle pour aider ses fils à vivre dans un climat d’amour authentique.
Maternité en mission
Le Christ a confié la nouvelle maternité à Marie telle une mission. Maternité singulière, elle était destinée à renforcer l’influence de la nouvelle vie du Sauveur. Maternité universelle, elle était destinée à s’ étendre universellement à toute la communauté chrétienne.
Pour cette mission, Marie a reçu une grâce spéciale le jour de la Pentecôte. Nous savons qu’avant la Pentecôte, elle s’était unie à la prière de la première communauté.
Dans les actes des apôtres, il est dit qu’après l’Ascension, tous les apôtres, avec quelques femmes, persévéraient dans la prière en formant un seul coeur et une seule âme. Parmi ces femmes, une seule est citée : Marie (Actes 1,14). La mère de Jésus apparaît comme un modèle de prière assidue
Plus précisément, la mère de Jésus s’unissait à la prière de la communauté en vue de la venue prochaine de l’Esprit Saint, annoncée par Jésus à ses disciples. Nous pourrions être étonnés que Marie ait besoin de se préparer par la prière à la venue de l’Esprit Saint. En effet, l’Esprit était déjà venue sur elle pour accomplir la merveille suprême de l’œuvre du salut, la conception miraculeuse de l’enfant Jésus. Il semblait que Marie ne pouvait plus recevoir d’autre don de l’Esprit.
Mais elle savait qu’elle avait besoin d’un nouveau don de l’Esprit Saint pour assumer la maternité spirituelle qui lui avait été attribuée. Pour devenir mère du Christ, elle avait reçu un don exceptionnel du Saint Esprit; maintenant, pour accomplir la mission de mère des disciples de Jésus, elle attendait un autre don, tout aussi exceptionnel. Elle priait donc pour obtenir ce don ; elle priait en même temps pour la venue de l’Esprit Saint dans toute l’Eglise, pour obtenir en surabondance une multitude de dons spirituels.
L’événement de la Pentecôtea répondu pleinement à la prière de Marie et aux supplications d’une communauté profondément unie. Comme les autres qui étaient présents, Marie fut remplie du souffle violent de l’Esprit et reçut une langue de feu pour répandre les merveilles de Dieu, ces merveilles dont elle était le témoin privilégié. Ceux qui pouvaient entendre le témoignage de Marie, pouvaient aussi comprendre, chacun dans sa langue, les paroles qui sortaient de sa bouche: Marie et les Apôtres accomplissaient les mêmes merveilles sous l’onction de l’Esprit Saint.
Après la Pentecôte, l’Esprit continua d’animer les Apôtres. Il animait plus particulièrement Marie qui avait été sa coopératrice par excellenceexcellence au moment de l’Annonciation. Il communiquait en abondance à Marie tous les dons spirituels spirituels utiles à l’exécution de sa mission. Il faisait porter beaucoup de fruits à sa maternité, donnant une portée supérieure à ses paroles, à ses actions, à son témoignage.
« Aimez-la comme je l’ai aimée »
Jésus ne se limitait pas à s’adresser à sa mère pour l’instituer mère de son disciple bien-aimé. Il s’adresse aussi au disciple en lui disant : « Voici ta mère », pour lui faire comprendre que ceux qui reçoivent une nouvelle mère doivent avoir un comportement filial. Ce comportement est tout simplement la conséquence de la proclamation de la maternité de Marie. La proclamation aurait pu suffire mais Jésus a voulu attirer l’attention expressément sur la réponse filiale qui sera la caractéristique du culte marial.
Ses paroles adressées à Jean ont eu un effet immédiat, un effet qui, en quelque sorte, nous surprend, mais qui montre que l’invitation à considérer Marie comme mère devait être faite: »A partir de là le disciple la prit chez lui »(Jean 19,27). Par ce comportement, le disciple montrait ses qualités intuitives que d’autres épisodes de l’évangile ont mis en lumière. Il a compris le désir ardent de Jésus ; au cours de la vie publique, il avait pris l’habitude de discerner à travers les liens d’amitié qui l’unissaient au Maître, les signes de ses aspirations et de sa volonté. Ainsi, il comprend l’intention de Jésus qui souhaite que sa mère, qu’il a donnée à l’humanité, soit accueillie de bon coeur et avec affection.
« Sainte Vierge du Sacré Coeur ». La vénération due à Marie répond à la volonté exprimée par Jésus lui-même, qu’il a donnée à chacun de nous au moment de sa Passion.
Dans cet accueil, nous pouvons découvrir la première manifestation du culte rendu à Marie. Depuis le début, déjà avant la naissance de l’Eglise, qui a eu lieu à laPentecôte, ce culte a été promu par Jésus lui-même. Le Maître aurait pu laisser à l’affection spontanée des cœurs chrétiens les premiers mouvements de développement du culte marial. Mais il voulait donner à ce culte une valeur supérieure, avec la garantie de son autorité divine, qui excluait tout doute ou hésitation.
En outre, en prononçant les paroles: « Voici ta mère » dans les souffrances de la croix, il donnait à ces paroles la force de la dernière volonté d’un mourant et la valeur d’une invitation qui devait être reçue comme particulièrement sacrée.
La vénération que l’on doit à Marie a donc répondu à une volonté du Christ, au point que cette vénération est toujours liée au culte rendu au Sauveur. Si Jésus n’avait pas exprimé clairement cette volonté, quelque doute aurait pu être émis sur l’importance du culte marial, au motif que Marie était absente pendant la vie publique, vu qu’elle vivait à Nazareth par volonté de son fils. Mais à l’heure de la croix, Marie était présente, intimement unie à son Fils et ce dernier soulignait la valeur de la proximité de sa mère en l’instituant mère des disciples, mère de l’Eglise.
Cette volonté du Christ était tout d’abord adressée à Marie , comme le montrent ces paroles : « Femme, voici ton Fils ». Jésus n’hésitait pas à demander à Marie d’accomplir son sacrifice maternel : la mère devait accepter de perdre son propre fils pour recevoir un autre fils. En l’appelant « femme », il la faisait renoncer au lien de la tendre affection qui l’unissait à lui pour s’ouvrir à une autre maternité.
Le mot « femme » pouvait sembler froid dans les relations d’un fils avec sa mère. Mais c’était le mot utilisé par Jésus dans les noces de Cana, quand il accepta le désir de miracle qui animait l’intervention de Marie. Il voulait attirer l’attention sur la distance qui, depuis le moment de son départ de Nazareth pour la vie publique, le séparait de sa mère. En tant que femme engagée dans l’œuvre de salut, Marie pouvait obtenir le miracle.
le Maître crucifié invite chaque disciple à accueillir Marie dans sa vie avec un cœur filial, pas comme s’ il s’agissait de sa propre mère, mais parce qu’elle est réellement sa mère, élevée à cette maternité spirituelle par le Sauveur lui-même.
Dans la dernière cène, Jésus avait laissé aux apôtres son commandement par excellence: »Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres »(Jean 13,34-35; cf. 15,12). ). Un précepte analogue ressort des paroles : « Voici ta mère ! » « »Aimez votre mère comme je l’ai aimée, parce qu’elle est la mère de chacun d’entre vous ».
Aimer Marie comme le Christ signifie avant tout découvrir le vrai visage de Marie, comme il a été contemplé par celui qui, du regard, pénétrait le fond des âmes. Nombreux sont ceux qui sont tentés de se limiter à une connaissance superficielle de Marie. Il est vrai que les évangiles nous ont rapporté sur Marie des épisodes qui ont une signification profonde et méritent une réflexion très attentive. Mais souvent notre lecture du texte évangélique est trop rapide et nous retenons seulement ce qui semble évident, sans que nous ayons le temps de relire le texte pour en cueillir la richesse de la pensée cachée par l’Esprit Saint à travers les informations des évangélistes.
En effet, c’est l’Esprit qui doit être imploré pour nous révéler les merveilleux secrets de la vie intime de Marie et de sa coopération à l’œuvre qui a sauvé l’humanité. Il peut nous dévoiler pleinement le visage de Marie Marie comme visage maternel dans lequel s’est manifestée l’immensité de l’amour divin.
Le développement du culte marialet de la doctrine mariale montrent l’effort fourni par toute l’Eglise pour mieux connaître la mère de Jésus qui est notre mère. En la découvrant, il est possible de l’aimer avec plus de sincérité et de trouver dans sa présence et dans son visage une source de joie.
Aimer Marie a été la dernière invitation adressée par le Christ mourant pour l’humanité. . C’est une invitation à des efforts toujours nouveaux pour connaître et apprécier celle qui est la mère de Dieu et la mère de l’humanité rachetée. Les efforts n’ont pas de limite car aimer Marie comme le Christ lui-même l’a aimée, signifie s’engager dans un amour sans aucune frontière.
Saint-Joseph le charpentier
13 mars, 2012SAINT JOSEPH DANS L’ANCIEN TESTAMENT
13 mars, 2012http://voiemystique.free.fr/saint_joseph_01_1.htm
SAINT JOSEPH DANS L’ANCIEN TESTAMENT
1 Les figures de Saint Joseph dans l’Ancien Testament
Grâce à sa mission auprès de Jésus, Enfant puis Adolescent, Saint Joseph nous fait découvrir le Père, que Jésus nous révélera pleinement plus tard. La Bible nous dévoile parfois l’amour infini de Dieu pour son peuple, même pécheur, mais, si elle laisse entendre qu’Il l’aime encore plus qu’une mère n’aime son enfant, elle reste très discrète sur la paternité de Dieu.
Certains auteurs ont vu, dans le patriarche Noé accueillant, à la fin du déluge, la colombe et son rameau d’olivier, l’image de Joseph, gardien de Marie, la colombe mystique qui nous donne le salut en enfantant Jésus. D’autres ont cité Éliézer, [1] le serviteur de la famille d’Isaac, chargé de veiller sur la fiancée de son maître ; ou encore Moïse, confident des desseins secrets de Dieu. Pour rester avec Moïse, on peut ajouter ici que les chérubins qui protégeaient l’Arche d’Alliance ont parfois été considérés comme le symbole de Marie et de Joseph dans l’attitude d’adoration où ils se tenaient à Bethléem autour du berceau de Jésus, la véritable hostie de propitiation. Quant à Saint Bernard, il considère Joseph, fils de David, comme un autre David.
Les personnages évoqués ci-dessus n’ont cependant donné lieu qu’à peu de commentaires dans le cadre du sujet qui nous intéresse. Par contre, nous nous attarderons davantage sur les quatre personnages bibliques qui nous apparaissent vraiment comme des figures anticipées de Saint Joseph.
Dès la Genèse, l’histoire de Joseph ben Jacob, qui sauvera l’Égypte puis les peuples voisins, donc sa famille, d’une terrible famine, nous montre comment Dieu “sauve” ceux qui seront les aïeux de Jésus. Plus tard, deux livres, — le premier historique : le Livre de Samuel, puis une histoire édifiante : le Livre de Tobie —, nous feront pressentir la sollicitude de Dieu vis-à-vis de ceux qu’Il s’est choisis dès leur plus tendre enfance. Enfin, nous mentionnerons, dans une autre histoire édifiante, dont l’historicité totale n’est pas prouvée, l’action de Mardochée, le protecteur de celle qui devint la Reine Esther, et dont les conseils judicieux conduisirent cette dernière à entreprendre l’action qui sauva son peuple. Nous examinerons successivement la mission de Joseph ben Jacob, puis celle d’Héli auprès de Samuel et celle de l’ange Raphaël auprès du jeune Tobie, et enfin celle de Mardochée auprès de la Reine Esther.
Avertissement
On trouve dans de nombreux documents d’Église, des textes qui cherchent à établir des parallèles entre la vie et la mission de Saint Joseph et celle du patriarche Joseph, fils de Jacob. Mais on ne trouve que très rarement l’esquisse d’un rapprochement possible entre Saint Joseph et le prêtre Héli, gardien, protecteur et éducateur du jeune Samuel, rapprochement qui paraît cependant assez logique. De même on ne suggère pas le rapprochement entre Saint Joseph et l’Ange Raphaël, gardien du jeune Tobie.
Par ailleurs c’est seulement dans les écrits de Marie d’Agreda, la grande mystique du XVIIe siècle qu’il est fait mention du parallélisme entre Mardochée et Saint Joseph.
Dans ce chapitre, seront mis en valeur les éléments de la vie de Joseph fils de Jacob, ainsi que de celle du prêtre Héli, éléments qui sont comme des préfigurations de la mission de Saint Joseph. Puis nous contemplerons longuement la protection qui entoura le jeune Tobie jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge adulte et ait trouvé la femme que Dieu lui avait réservée. Enfin nous méditerons le comportement exemplaire de Mardochée, tuteur de la jeune Esther destinée à devenir la Reine Esther.
Comment le patriarche Joseph préfigure Saint Joseph
L’encyclique “Quamquam pluries” de Léon XIII, indique que “le Joseph des temps anciens, fils du patriarche Jacob, fut la figure du nôtre, et, par son éclat, témoigna de la grandeur du futur gardien de la divine famille.” Outre la similitude de nom : Joseph, qui signifie ” progressant, ou avançant”, il existe entre les deux Joseph des similitudes évidentes.
Le premier Joseph obtint d’abord la faveur de son maître dont il fit croître les biens ; puis grâce à sa situation dans le Royaume d’Égypte, il sut, par sa sagesse, en un temps de disette, pourvoir aux besoins des égyptiens et des pays voisins, de telle sorte que le roi d’Égypte décréta qu’on l’appellerait “sauveur du monde… C’est ainsi que dans cet ancien patriarche il est permis de reconnaître la figure du nouveau. De même que le premier fit réussir et prospérer les intérêts domestiques de son maître, de même le second, destiné à être le gardien de la religion chrétienne, doit être regardé comme le protecteur et le défenseur de l’Église, qui est vraiment la maison du Seigneur et le royaume de Dieu sur la terre.” [2]
De son côté Saint Bernardin de Sienne, dans un de ses sermons sur Saint Joseph, ne craint pas de dire: “Saint Joseph a l’avantage sur le patriarche qu’il ne fournit pas seulement le pain de la vie corporelle aux Égyptiens, mais à tous les élus il a assuré le pain du Ciel qui donne la vie céleste, nourrissant avec le plus grand soin Jésus-Christ, le pain de nos âmes.” [3] Le patriarche Joseph a sauvé son peuple en lui donnant du pain matériel. Saint Joseph a participé au salut du peuple de Dieu en nourrissant Celui qui nous donnera le Pain du Ciel.
On pourrait aller encore plus loin dans la similitude entre Joseph, le Patriarche, et Joseph, le père légal de Jésus. La genèse (Gn. 37, 9 11) raconte comment, dans un songe, le jeune Joseph avait vu le soleil et la lune se prosterner devant lui. Ce songe ne serait-il pas comme un symbole de l’autorité de Joseph envers Jésus et Marie? Saint Grégoire, en effet, ne craint pas d’affirmer : “Pourquoi, je vous prie, Joseph n’aurait-il pas eu une intelligence très éclairée, lui qui vivait entre le Soleil et la Lune?”
Comment le prêtre Héli préfigure Saint Joseph
La Bible nous raconte comment Anne, la femme stérile d’Elqana, de la tribu d’Éphraïm, conçut son fils Samuel, son fils premier-né, celui que le Seigneur lui donna, en réponse à sa prière confiante, et qui, bientôt, lui ôtera la honte de sa stérilité. Dans sa peine, Anne avait longuement prié Yahvé et fait ce vœu : “Yahvé des armées, regarde avec bonté la peine de ta servante, souviens-toi de moi, n’oublie pas ta servante. Si tu donnes à ta servante un petit garçon, je le consacrerai à Yahvé pour le restant de ses jours et le rasoir ne passera pas sur sa tête.” (1 Samuel 1- 11)
Anne enfanta un fils et, fidèle à son vœu, dès que l’enfant fut sevré, elle monta avec lui à la maison de Yahvé, à Silo, et le confia au prêtre Héli en disant : “… c’est moi la femme qui se tenait ici près de toi pour prier Yahvé. C’est pour cet enfant que j’ai prié et Yahvé m’a donné ce que je demandais. A mon tour je le cède à Yahvé pour le restant de ses jours : il sera donné à Yahvé.” C’est ainsi que Samuel fut confié au prêtre Héli, et qu’il resta au service de Yahvé. “Chaque année Anne montait avec son mari pour le sacrifice annuel. Héli bénit Elqana et sa femme… Et Yahvé se souvint d’elle: elle conçut et enfanta trois autres fils et deux filles.”
Le jeune Samuel grandissait sous le regard de Yahvé, mais sous la garde d’Héli. Les fils d’Héli, “des moins que rien” se conduisirent mal aux yeux de Yahvé qui les rejeta et choisit Samuel pour être son prêtre.”Le jeune Samuel servait Yahvé sous le regard d’Héli. En ce temps-là la parole de Yahvé était chose rare et les visions peu fréquentes.”
Samuel ne connaissait donc pas encore Yahvé. Héli était alors presque aveugle et Samuel couchait dans le sanctuaire de Yahvé, là où se trouvait l’Arche de Dieu. Ce jour-là, la lampe de Dieu n’était pas encore éteinte quand Yahvé appela : “Samuel ! Samuel ! Samuel répondit : “Me voici “ et courut vers Héli et lui dit : “me voici puisque tu m’as appelé.” Mais Héli, qui n’avait pas appelé renvoya Samuel se coucher. Yahvé appela de nouveau, et la même scène se renouvela. Au troisième appel Héli comprit que c’était Yahvé qui appelait Samuel et il dit à l’enfant : “Va te coucher; si on t’appelle, tu répondras: parle, Yahvé, car ton serviteur écoute.” (1Samuel, 3- 9) Yahvé entra et se tint là. Il appela de nouveau Samuel qui répondit : “Parle, Seigneur car ton serviteur écoute.”
Samuel grandit. Yahvé était avec lui et ses paroles ne manquaient jamais de se réaliser. Tout Israël sut que Samuel était le prophète de Yahvé.
La similitude entre Héli et Saint Joseph, au moins pour une certaine période de leur vie, est évidente : à chacun d’eux furent confiées la garde et l’éducation d’un enfant qui devait juger et sauver le Peuple de Dieu. C’est Samuel qui oindra Saül, le premier roi d’Israël. C’est encore lui qui, après que Yahvé eût rejeté Saül lequel s’était mal conduit, oindra David, roi et messie, David de qui descendra Jésus, le Messie tant attendu. Ben Sirac le sage confirmera la mission de Samuel : “Samuel fut aimé de son Seigneur ; comme prophète du Seigneur il établit la royauté et donna l’onction sainte aux chefs de son peuple.” [4]
On pourrait encore poursuivre la similitude: à la descendance d’Héli fut retirée la garde de l’Arche, ses fils s’étaient mal conduits. Et ce sera Samuel qui après la mort d’Héli assurera cette fonction et conduira le peuple. De même, plus tard, le Temple sera détruit, et c’est Jésus, Temple de Dieu, qui sera le chef de l’Église. Ainsi, comme Héli prépara Samuel à sa mission, une mission qui cependant dépassait de beaucoup tout ce qu’Héli avait pu imaginer, de même, ce fut Saint Joseph qui eut la grande mission de préparer Jésus à son oeuvre immense: la Rédemption du monde, œuvre dont Saint Joseph ne pouvait imaginer ni la grandeur, ni la sublimité.
La mission de l’Ange Raphaël préfiguration de la mission de Saint Joseph
Le Livre de Tobie fait partie des livres deutérocanoniques. C’est une histoire édifiante, un roman à but pédagogique destiné à l’éducation morale et religieuse du Peuple juif. Comme le Livre de Job, le Livre de Tobie pose le problème de la souffrance du juste. Mais il révèle aussi la sollicitude de Dieu, soit envers ceux à qui Il confiera une mission particulière, soit envers des jeunes ayant besoin d’être particulièrement guidés. Nous découvrirons dans le livre de Tobie, deux préfigurations de Saint Joseph à qui sera confiée l’exceptionnelle mission d’être le gardien et l’éducateur du Fils de Dieu, Jésus Enfant et Adolescent.
Le vieux Tobit [5] est le type même du juif fidèle qui, malgré sa fidélité subira de nombreuses tribulations et sera emmené à Ninive, en déportation. L’histoire de sa cécité qui dura quatre ans est bien connue. Découragé par toutes ses épreuves dont il ne comprend pas la raison et les récriminations de sa femme, il adresse une longue et douloureuse prière au Seigneur et demande la mort…
En même temps, loin de là, la jeune Sara, fille de Ragouel, le frère de Tobit, était dans la plus extrême des peines: les sept maris qui lui avaient été donnés étaient tous morts avant de l’avoir connue. Elle aussi priait instamment le Seigneur de faire cesser cette malédiction.
“Leurs prières, à l’un et à l’autre parvinrent en même temps au Dieu de gloire et Raphaël fut envoyé pour les guérir tous les deux.” (Tobie 3, 16-17)
Le vieux Tobit avait un fils, Tobie qui ne devait épouser qu’une femme de sa parenté… et Tobit décida d’envoyer Tobie, dans sa parenté lointaine pour y trouver sa femme.
Ici apparaît, dans ce texte, la première figure de notre Saint Joseph: le vieux Tobit qui avait constamment donné à son fils l’exemple de l’homme fidèle à la Loi de Yahvé, même au péril de sa vie, et qui, au moment de se séparer, même momentanément de son fils, multiplie les conseils de fidélité, enseigne et transmet sa sagesse. Le vieux Tobit fut pour Tobie, un pédagogue modèle et avisé. Il avait compris qu’obéir à Dieu vaut mieux que toutes les richesses : “Ne t’inquiète pas mon fils, de nous voir devenus pauvres: tu possèdes une grande richesse si tu crains Dieu, si tu évites tout péché, et si tu fais ce qui est agréable à Dieu.” (Tobie 4, 21)
En homme avisé, le vieux Tobit veut un compagnon sûr pour son fils désemparé à l’idée d’aller seul dans un pays inconnu et peut-être hostile. L’Ange Raphaël se présente sous la forme d’un serviteur. Accepté comme guide pour Tobie, l’Ange sera pour nous une autre figure de Saint Joseph. Auprès de ce guide judicieux, le jeune Tobie complètera sa formation. Il saura, en jeune obéissant, recueillir de sages compétences de médecine, (Tobie 6, 3-7) il priera pour que le démon qui tenait Sara liée soit chassé, (Tobie 8,1-3) mais surtout il comprendra que Sara est la femme que Dieu lui a réservée, et que pour construire leur famille, solide et bâtie sur la confiance mutuelle, la maîtrise de soi et un temps de prière préalable est indispensable. “Ainsi se marient les enfants de Dieu.” (Tobie 8, 1-8) De retour auprès de son père, Tobie fit ce que l’ange lui dit de faire, et le vieux Tobit recouvra la vue. L’Ange put alors révéler qui il était et toute la maisonnée rendit gloire à Dieu.
En résumé, le Livre de Tobie a bien mis en évidence deux facettes de ce que sera Saint Joseph pour Jésus :
– Tobie est enseigné par son père Tobit, (ce qui est normal) comme plus tard l’Enfant Jésus sera enseigné par son père légal: Joseph le Charpentier.
– L’Archange Raphaël, l’envoyé de Dieu, enseigne le jeune Tobie, mais il est aussi son serviteur. Jésus est soumis à Joseph qu’il assiste et sert dans son travail. Dans les deux cas c’est le supérieur : l’Ange ou Jésus, qui sert et assiste son inférieur, Tobie ou Joseph, en lui étant soumis.
La similitude entre la mission de Mardochée, protecteur d’Esther et celle de Saint Joseph, protecteur de Marie
Nous nous référons d’abord au tome 2 de la “Cité Mystique de Dieu”, oeuvre de Marie d’Agreda, écrite au XVIIe siècle, traduite de l’Espagnol par Thomas CROSET, religieux Récolet, éditée en 1857, et reproduite intégralement en offset par les Éditions Téqui en 1970.
Au numéro 66 du tome 2 de l’édition de 1857, Marie d’Agreda écrit des paroles révélées par Marie elle-même, à propos des combats victorieux qu’elle (Marie) eut à mener contre le Dragon : “Le combat dura jusqu’à ce qu’elle, (Marie) l’eût privé de son pouvoir tyrannique: et comme le très fidèle Mardochée fut honoré en la place de l’orgueilleux Aman, (Esth VI, 10) ainsi le très chaste et très fidèle Joseph, qui prenait soin de ce qui regardait notre divine Esther (Marie) et qui lui inspirait continuellement de prier pour la liberté de son peuple (car c’était l’occupation ordinaire de cet incomparable Saint (Joseph) et de sa très pure épouse (Marie) fut élevé par son moyen à une si grande sainteté et à une si dignité si excellente, que le suprême Roi lui donna l’anneau de son sceau (Esth VIII, 2) afin qu’il commandât par cette marque d’honneur le même Dieu humanisé, qui lui était soumis, comme l’Évangile le dit.” (Luc II, 51)
Ce texte, qui paraît d’abord assez ambigu, tant il mêle les deux figures: celle de Mardochée et celle de Joseph, nous conduit tout naturellement à nous pencher plus longuement sur le Livre d’Esther, tel qu’il est raconté dans la Bible. [6]
L’histoire se passe durant la captivité du peuple hébreu en Chaldée, au temps du roi Assuérus. La reine Vasthi, disgraciée dut être remplacée par une autre femme d’une grande beauté. “Or, il y avait à Suse, la capitale, un juif nommé Mardochée, de la tribu de Benjamin. Il était le tuteur d’Esther, fille de son oncle, orpheline, et Mardochée l’avait adoptée pour fille.”
Sur les conseils de Mardochée, Esther, qui n’avait dévoilé ni sa race, ni sa famille, fut choisie pour devenir reine à la place de Vasthi. Par ailleurs, Mardochée ayant rendu un insigne service au roi Assuérus, ce dernier demanda à Aman, le deuxième personnage du royaume, d’honorer publiquement et superbement celui qui lui avait sauvé la vie. Aman, qui connaissait la race de Madochée conçut contre lui une haine inexpiable et jura d’exterminer la totalité de la nation juive.
On connaît la suite de l’histoire. Ayant appris la menace qui pesait sur les Hébreux, Mardochée insista auprès d’Esther pour qu’elle intervienne auprès du roi, en faveur de son peuple, disant : “Qui sait si ce n’est point pour une circonstance comme celle-ci que tu es parvenue à la royauté ?” Esther sauva son peuple, et Mardochée prit la place d’Aman auprès du roi Assuérus. “Il était en grande considération parmi les juifs et il était aimé de la multitude de ses frères. Il recherchait le bien de son peuple et parlait pour le bonheur de toute sa race.”
On voit bien, à travers ce récit, comment Mardochée, d’abord protecteur de la vierge Esther, devint, grâce à elle, le sauveur de son peuple. La similitude entre Mardochée, figure de Saint Joseph, et Joseph peut aller encore plus loin, quand on relit les chapitres 10 et 11 du Livre d’Esther, chapitres moins connus, manquant dans le texte hébreu, et rapportés par Saint Jérôme. Ces chapitres racontent un songe étonnant advenu à Mardochée, grand personnage attaché à la cour du roi, la seconde année du règne d’Assuérus.
Voici la vision de Mardochée, qui faisait partie du nombre des captifs déportés par le roi de Babylone : “Des clameurs soudaines, du fracas, des tonnerres, un tremblement du sol, l’effroi par toute la terre. Puis soudain s’avancèrent deux grands dragons prêts à foncer l’un contre l’autre. Au cri qu’ils jetèrent, les nations s’émurent pour combattre contre la nation des justes. Ce fut un jour d’obscurité et de ténèbres: tribulation, angoisse, détresse et épouvante sur toute la terre. Le peuple entier des justes plein de terreur, craignant tous les malheurs, se crut sur le point de périr, et cria vers Dieu. Pendant qu’ils poussaient des clameurs, voici qu’une petite source prit les proportions d’un grand fleuve, une masse d’eau. La lumière parut, avec le soleil; ceux qui étaient dans l’humiliation furent exaltés et dévorèrent les nobles.” [7]
Mardochée conserva ce songe dans son esprit, cherchant à en connaître la signification. Saint Jérôme indique qu’il a trouvé ce qui suit dans la Vulgate, écrit en caractères grecs.
Mardochée dit : ”C’est de Dieu qu’est venu tout cela. Je me souviens d’un songe que j’ai eu à ce sujet . Rien n’en a été omis: la petite source devenue fleuve, la lumière, le soleil, la masse d’eau. Le fleuve, c’est Esther que le roi a prise pour femme et qu’il a créée reine. Aman et moi, voilà les deux serpents. Les peuples, ce sont ceux qui se sont assemblés pour détruire le nom des juifs. Ma nation, c’est Israël qui a invoqué le Seigneur et qui a été sauvé; car le Seigneur a sauvé son peuple et nous a délivré de tous les maux. Dieu a fait des prodiges et des merveilles comme il n’en a pas été opéré parmi les nations. Alors le Seigneur a eu souvenance des siens et a fait justice à son héritage.” [8]
Autres figures de Saint Joseph dans l’Ancien Testament
D’une manière plus succincte, on peut citer d’autres personnages, déjà mentionnés plus haut, qui, par certains aspects de leur vie, peuvent être regardés comme présentant certaines facettes préfigurant Saint Joseph.
Ainsi d’Abraham dont il est dit : “Abraham est le père illustre d’une multitude de nations ; (comme Joseph, père légal de Jésus, peut être considéré comme le Père de la multitude des chrétiens) personne n’a jamais égalé sa gloire. Il a observé la Loi du Très-Haut qui l’a fait entrer dans son Alliance. (l’Ancienne Alliance)
Cette Alliance fut inscrite dans sa chair; il resta fidèle au jour de l’épreuve.” [9] D’Abraham toujours, “dont la parfaite obéissance et la foi ne connurent jamais de défaillance, et qui engendra une nombreuse postérité en vertu de la promesse, postérité n’égalant pas pourtant celle de Saint Joseph, père adoptif du Christ, et par lui de tous les chrétiens.” [10]
Ou encore d’Éliezer chargé de protéger la fiancée de son maître Isaac.
Ou bien de Moïse, à cause de sa douceur, de sa fidélité, de son commerce intime avec Dieu, de Moïse “que Dieu fit entrer dans son mystère. Moïse, cet homme fidèle et doux, qu’il avait choisi entre tous. Il lui fit entendre sa voix et l’introduisit dans la nuée obscure. Il lui parla face à face et lui donna les commandements, cette Loi révélée, loi de vie, pour qu’il enseigne à Jacob, l’alliance, à Israël, ses décrets.” [11]
On pourrait aussi citer David, en raison de son humilité et de sa justice, mais surtout par le fait qu’il fut le père de Salomon, nom qui signifie “Pacifique” et lui-même image du Christ, Prince de la Paix.
Enfin, si l’on considère que tout l’Ancien Testament est annonciateur du Christ, on peut mentionner Noé accueillant la colombe qui annonce la fin du déluge, en rapportant dans son bec un rameau d’olivier. “Noé fut trouvé juste, parfait: il fut l’instrument de la réconciliation au temps de la colère ; grâce à lui un reste fut épargné sur la terre lorsque vint le déluge. “ [12]
Certains auteurs ont aussi voulu voir Marie et Joseph figurés par les deux chérubins qui couvraient de leurs ailes le propitiatoire d’or où reposait la majesté de Dieu, ou reconnaître une figure de Joseph dans le voile qui fermait le Saint des Saints où l’on conservait l’Arche d’Alliance, figure de Marie.
[1] Exode (24, 1-66).
[2] Lettre encyclique “Quamquam pluries “
[3] Cité par Daniel FOUCHER, dans son livre “Notre père, Joseph le charpentier “ – Éditions de MONTLIGEON.
[4] Le Siriacide (46, 13).
[5] Afin de différencier le père et le fils, certaines éditions de la Bible orthographient différemment les noms de Tobit (le père) et celui de Tobie (le fils). C’est ce qui a été fait ici.
[6] Le Livre d’Esther.
[7] Esther (11, 2-12).
[8] Esther (10, 4-12).
[9] Le Siracide (44, 19-20).
[10] “Les saints, Saint Joseph” du Cardinal Dubois -Édité chez Lecoffre, 1927.
[11] Le Siracide (45, 4-5).
[12] Le Siracide (44, 17-18).
«J’ai commencé à aimer la Vierge Marie… (sur Jean Paul I)
13 mars, 2012http://www.30giorni.it/articoli_id_927_l4.htm
«J’ai commencé à aimer la Vierge Marie…
…avant même de la connaître… durant les soirées près du feu, sur les genoux maternels, la voix de maman qui récitait le rosaire…». C’est ainsi qu’Albino Luciani, pape pendant trente-trois jours du 26 août au 28 septembre 1978, a parlé de sa dévotion à la Vierge. Sa sœur Antonia raconte aujourd’hui…
par Stefania Falasca
Jean Paul I
Elle est prête aujourd’hui encore à se rendre au rendez-vous. Ponctuelle comme toujours. Ici, pendant ces soirées romaines de mai à la basilique Saint Côme et Saint Damien. Elle est entrée dans l’Église comme si elle allait à la rencontre de son enfance et il lui a semblé la retrouver. Là, à Canale. Dans ces soirées lointaines. Lorsque la place de l’Église à la tombée de la nuit est envahie par le vacarme des hirondelles et des enfants qui jouent au ballon avant que le tintement de la petite cloche ne leü appelle tous à la prière. Albino est là lui aussi parmi ces gamins qui courent derrière le ballon. Une vieille femme grommelle de temps autre contre des coups maladroits. La petite cloche sonne et les voilà à l’intérieur. Les hommes qui reviennent du travail et les femmes portant leurs enfants dans les bras se hâtent eux aussi. Nina court prendre sa place sur les marches de l’autel de l’Immaculée. Elle se met à genoux comme les autres enfants. Ils sont tous comme l’a décidé don Filippo: les enfants devant, tous les autres derrière, d’abord les hommes, puis les femmes. «C’est ainsi que commençait l’heure du rosaire», se souvient-elle, et les images défilent, nettes comme des photographies: «J’ai l’impression d’être là-bas… l’église pleine, les prières dites avec une grande dévotion, les chants… on commençait toujours par les chants à la Vierge. Quels beaux chants! Nom très doux, Ô ma belle espérance, Regarde ton peuple… je me les rappelle tous, je ne les ai plus jamais oubliés. Et cela me console tant aujourd’hui de les entendre à nouveau. En ce temps-là – continue-t-elle – on récitait le rosaire en latin et après les litanies don Filippo concluait en racontant des “fioretti”, c’est-à-dire de brefs épisodes de la vie de la Vierge ou de la dévotion des saints à la Vierge. Une année, il nous a raconté toute l’histoire de Lourdes. C’était la première fois que je l’entendais raconter…».
Ces soirées de mai, Nina se la rappelle toutes. Toutes à la suite comme les grains du chapelet qu’elle garde dans la poche de sa robe. Elle se rappelle la place de sa mère dans l’église, la place de Berto et celle d’Albino, les fleurs qu’elle allait cueillir pour “fleurir” l’autel de la Vierge, les premiers “ne m’oubliez pas” qui avaient pointé après la neige, et comme elle était contente de la tâche que don Filippo avait réservée aux petites filles. Elle se rappelle même ce mois de mai où furent déposées, à côté de l’Immaculée, les statues de sainte Agnès et de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, canonisée depuis peu. C’était en 1927. Nina était petite mais elle garde gravée dans sa mémoire cette procession de fillettes vêtues de blanc qui, depuis le village de Celat, portaient sur leurs épaules jusqu’à l’église de Canale les statues des deux saintes. Albino lui avait plusieurs fois raconté des détails de la vie de la petite sainte Thérèse et celle-ci lui était ainsi devenue particulièrement chère. «Chez nous», raconte-t-elle, «on récitait le rosaire à la maison durant toute l’année. Et aussi la supplique à la Vierge de Pompei. Durant les soirées d’hiver, nous allions avec maman chez nos grands-parents maternels et nous le récitions tous ensemble. J’ai des souvenirs précieux de ces soirées… elles ont fait notre vie, nos affections. Ce n’est qu’en mai et en octobre, les mois dédiés à la Vierge, que l’on allait à l’église pour réciter le rosaire et ceux qui ne pouvaient pas venir à cette heure-là ou qui habitaient trop loin, le récitaient devant les atriòl, les petits édicules sacrés qui se trouvent sur les routes. Il y en a beaucoup à Canale, dans nos vallées. «La dévotion à la Vierge», continue Nina «était très profonde chez nous». L’un de ces petits édicules se trouve précisément sur la route qui mène à la maison de Luciani, l’atriòl de Rividela, une ancienne image de Marie qui, autrefois, marquait un étape de la procession dite de Santa Cros. Elle avait lieu le 3 mai, le jour où l’on honorait la Sainte Croix. Ce jour-là, il n’y avait pas de récitation du rosaire à l’église. «La procession guidée par le curé», rappelle-t-elle, «partait à cinq heures et demie du matin et passait par tous les villages de la vallée. Lorsqu’elle arrivait devant l’atriòl de notre maison, on lisait un passage de l’Évangile, puis on allait à l’église pour la messe solennelle. Cette procession, je me la rappelle avec toutes les litanies, comme si c’était hier. Il y a en particulier un détail que je n’oublierai jamais. C’était une année où Pâques était tard et c’était précisément le jour où l’Albino devait rentrer au séminaire après les vacances. Je me rappelle que quand nous sommes arrivés là haut, dans le village de Carfon au-dessus de Canale, je me suis retournée pour regarder en bas vers la place et j’ai vu le car qui partait pour Belluno en emportant l’Albino. J’ai l’impression de le voir encore… j’ai éclaté en sanglots… à l’idée que le soir je ne retrouverais pas mon frère chez moi… Et c’était la même chose en octobre, lorsque vers le milieu du mois il rentrait au séminaire. Durant ces soirées d’octobre nous allions toujours à l’église ensemble. Il me prenait par la main. J’ai l’impression de le voir encore. Quand il s’en allait, je me mettais à sangloter… ses départs ont été les premières douleurs de ma vie…».
«Ainsi», raconte Nina, «passions-nous les mois de Marie de mon enfance. Et puis, s’il y a une chose que l’Albino m’a toujours recommandée, c’est de rester fidèle à la prière, en particulier au rosaire. Quand nous allions le voir à Venise il répétait toujours cela, et il le répétait aussi à ma fille Lina».
«Ainsi», raconte Nina, «passions-nous les mois de Marie de mon enfance. Et puis, s’il y a une chose que l’Albino m’a toujours recommandée, c’est de rester fidèle à la prière, en particulier au rosaire. Quand nous allions le voir à Venise il répétait toujours cela, et il le répétait aussi à ma fille Lina». Le rosaire fait de nous des enfants
«Il est impossible de concevoir notre vie, la vie de l’Église, sans le rosaire, les fêtes mariales, les sanctuaires mariaux et les images de la Vierge», écrivait Albino Luciani lorsqu’il était patriarche de Venise. Et ce qui montre avec quelle vénération pleine de tendresse et de reconnaissance il s’adressait à la Vierge et combien il avait à cœur la pratique du rosaire, ce n’est pas seulement le rappel constant qu’il en fait dans ses interventions et ses homélies, mais sa vie tout entière. Un jour, parlant du rosaire à l’occasion d’une fête mariale à Vérone, il dit: «Certains trouvent cette forme de prière dépassée, inadaptée à notre époque qui demande, dit-on, une Église qui soit tout entière esprit et charisme. L’amour, disait Charles de Foucauld, s’exprime en peu de mots, toujours les mêmes, des mots qu’il répète toujours. En répétant avec la voix et le cœur les Ave Maria, nous parlons comme des enfants à notre mère. Le rosaire, prière humble, simple et facile aide à s’abandonner à Dieu, à être des enfants». En 1975, invité par le diocèse de Sainte Marie, dans le sud du Brésil, à l’occasion du pèlerinage marial et du centenaire de l’immigration des habitants de la Vénétie dans ce pays, on lui demanda d’apporter avec lui une copie de la statue de la Vierge du Salut qui est l’objet d’une grande vénération à Venise. Luciani, qui n’aimait pas beaucoup les voyages, ne sut pas refuser cette fois-là. Arrivé au Brésil, il trouva devant lui deux cent mille personnes. Il était écrit sur une banderole: «Quand vous rentrerez en Italie, dites aux habitants de la Vénétie que nous restons fidèles à la dévotion à la Vierge». Ils avaient aussi élevé un monument de l’émigrant: un homme portant sur ses épaules le balluchon de l’expatrié; sur sa droite, sa femme vêtue des habits traditionnels de Vénétie et portant dans ses bras un enfant; du tablier de la femme on voyait s’échapper un morceau de chapelet. Luciani se rappela la lettre d’un émigré au Brésil que le curé avait lue à l’église, quand il était enfant. Et il se rappela avec quelle émotion il écoutait, enfant, les récits qui disaient la tristesse de la fête de Noël, là-bas, sans une église, sans même un prêtre pour dire la messe, avec une seule chapelle dépourvue de toute image de la Vierge. Il commença alors son homélie en disant: «Celui qui aime currit, volat, laetatur. Aimer signifie courir avec le cœur vers l’objet aimé. J’ai commencé à aimer la Vierge Marie avant même de la connaître… durant les soirées près du feu sur les genoux maternels, la voix de maman qui récitait le rosaire…». Et ayant encore sous les yeux la statue de la femme émigrante avec son rosaire, il dit: «Laissez-moi vous dire maintenant deux mots au sujet de Marie mère et sœur. Mère du Seigneur. On la voit aussi aux noces de Cana; elle manifeste un cœur de mère pour les deux époux qui se trouvent dans un grand embarras. C’est Elle qui obtient le miracle! Il semble presque que Jésus se soit inventé une loi pour lui-même: “Je fais le miracle, mais c’est Elle qui doit le demander!”. Nous devons donc l’invoquer souvent en tant que mère, nous devons avoir une grande confiance en Elle, la vénérer profondément. Saint François de Salles l’appelle même avec tendresse “notre grand-mère” pour avoir la consolation de jouer le rôle du petit-fils qui se jette avec une confiance totale dans ses bras. Mais Paul VI, qui a déclaré Marie Mère de l’Église, l’appelle souvent aussi sœur». «Marie», continua Luciani, «quoique privilégiée, quoique mère de Dieu, est aussi notre sœur. Soror enim nostra est, dit saint Ambroise. C’est vraiment notre sœur! Elle a vécu une vie comme la nôtre. Elle a dû elle aussi émigrer en Égypte. Elle a eu besoin d’aide elle aussi. Elle lavait le linge et la vaisselle, elle préparait les repas, elle balayait le sol. Elle a accompli toutes ces tâches communes mais d’une façon non commune parce que, dit le Concile, “quand elle vivait sur la terre la même vie que tous les autres, une vie remplie par les soucis de la famille et du travail, elle était toujours intimement unie à son Fils”. Si bien que la confiance, la Vierge nous l’inspire non seulement parce qu’elle est très miséricordieuse mais aussi parce qu’elle a vécu notre vie, elle a fait l’expérience de beaucoup de nos difficultés et nous devons la suivre et l’imiter spécialement dans la foi».
Nina se rappelle que, pendant les mois de Marie, on faisait des pèlerinages aussi à Canale. «Un de ces pèlerinages», raconte-t-elle, «a eu lieu en 1923 à l’occasion du Congrès eucharistique diocésain au sanctuaire de Sainte-Marie-des-Grâces, dans la vallée du Cordevole. Je me rappelle parce que, bien des années après, les femmes âgées en portaient encore l’insigne. On n’allait jamais très loin, on ne pouvait pas s’en aller des jours et des jours. Avec ma mère, quand nous étions petits, nous allions souvent à pied à la Vierge du Salut à Caviola. L’église de l’enfance du père Cappello. C’était une petite église qui, par la suite, a menaçé de s’écrouler; mais la dévotion était si grande que, quand, à la fin des années Quarante, on a décidé de la fermer pour la restaurer, les femmes sont allées protester chez le curé, elles ne voulaient pas que cette église soit fermée, pour aucune motif. Je me rappelle que l’Albino, un jour, m’a emmenée à la Vierge des Neiges près de Garès. “Allons lui porter ce cierge”, m’a-t-il dit. J’étais très petite et je l’ai accompagné contre la promesse d’une limonade; mais en chemin, il a dû me prendre dans ses bras et il est arrivé là-bas en me portant sur ses épaules». Albino a fait d’autres pèlerinages. «C’est don Filippo qui l’emmenait», raconte-t-elle. «Berto se rappellera certainement du pèlerinage que l’Albino a fait à la Vierge de Pietralba, parce qu’à son retour, trois jours après son départ», dit-elle en riant, «il est allé le réveiller en pleine nuit pour lui montrer le cadeau qu’il lui avait rapporté. Albino devait avoir treize ou quatorze ans. Il a raconté à Berto qu’ils avaient beaucoup marché, que durant une halte chez un prêtre ami de don Filippo, il s’était endormi sur sa chaise en écoutant les deux prêtres parler et puis aussi qu’ils s’étaient perdus… C’est-là la première fois que mon frère est allé à Pietralba». Le sanctuaire marial de Pietralba devint particulièrement cher à Luciani. Il y allait l’été lorsqu’il était évêque de Vittorio Veneto puis lorsqu’il était patriarche de Venise. La plus grande partie du temps qu’il séjournait là-haut, il le passait au confessionnal. Mais les sanctuaires mariaux auxquels Albino Luciani se rendit en pèlerinage sont très nombreux. Il accompagna plus d’une fois des pèlerinages diocésains à Lourdes, à Lorette et à Fatima. Au point que, dans une homélie dans l’église Sainte-Marie-des-Grâces à Venise, il dit ceci: «Lorsque je me suis préparé à parler dans ce sanctuaire marial, j’ai regardé rétrospectivement ma vie d’évêque. J’ai découvert avec surprise que j’ai accompli une partie de mon service pastoral auprès des sanctuaires». Invité un jour par le supérieur du couvent de la Vierge des Miracles de Motta di Livenza, il répondit: «Je viendrai volontiers. Quand j’étais petit j’entendais parler de la Vierge de Motta, mais je ne suis jamais arrivé à satisfaire mon désir [de m’y rendre]». Et lorsqu’il fut au couvent, durant l’homélie, il prononça ces paroles: «On écrit et on dit beaucoup de choses sur la Vierge, mais il faut faire en sorte de se faire comprendre de tous et de toucher les cœurs. Chose que l’on n’arrive pas à faire si l’on n’a pas soi-même le cœur touché: saint Alphonse était un grand homme, un théologien, mais il parlait de façon à se faire comprendre des petits, il avait le cœur touché lorsqu’il composait pour son peuple analphabète des chants qui ont été chantés dans toute l’Italie pendant plus de cent ans, spécialement durant les missions et les mois de mai. Don Bosco les a fait chanter par ses enfants. Il y en a une qui commence ainsi: Ô ma belle espérance, / mon doux amour, Marie, / tu es ma vie, / ma paix, c’est toi”. Celui qui écrivait ainsi sentait Marie proche de lui, il lui ouvrait son cœur avec confiance. Non seulement il parlait de Marie, mais il parlait à Marie, s’adressant à elle dans des prières très tendres qu’il intercalait continuellement. Le sentiment stérile et passager, le sentimentalisme, cela ne va pas, mais ce qui va bien c’est que le cœur, outre l’esprit et la volonté, participe à l’exercice du culte marial. “Que le beau nom de Marie ne quitte jamais tes lèvres”, écrivait saint Bernard, “ne quitte jamais ton cœur”». Le 29 juin 1978, trois mois exactement avant sa mort, Luciani revint à Canale pour la dernière fois. Le curé évoque la dernière image qu’il a gardée de lui: en entrant dans l’église, il l’a surpris dans la pénombre récitant son chapelet devant l’autel de l’Immaculée, là, à l’endroit précis où sa mère allait s’agenouiller. a
Saint Jean Chrysostome: Accueillir le Christ
12 mars, 2012http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=commentary&localdate=20120312
Le lundi de la 3e semaine de Carême
Commentaire du jour
Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l’Église
Homélies sur la conversion, n°3, sur l’aumône (trad. coll. Pères dans la foi, n°8, DDB 1978, p. 54)
Accueillir le Christ
Les pauvres devant l’église demandent une aumône. Combien donner ? C’est à vous de décider ; je ne fixerai pas de montant, afin de vous éviter tout embarras. Achetez dans la mesure de vos moyens. Vous avez une pièce ? Achetez le ciel ! Non pas que le ciel soit offert à bon marché, mais c’est la bonté du Seigneur qui vous le permet. Vous n’avez pas de pièce ? Donnez un verre d’eau fraîche (Mt 10,42)…
Nous pouvons acheter le ciel, et nous négligeons de le faire ! Pour un pain que vous donnez, vous obtenez en retour le paradis. Offrez même des objets de peu de valeur, et vous recevrez des trésors ; faites don de ce qui passe, et vous obtiendrez l’immortalité ; donnez des biens périssables, et recevez en échange des biens impérissables… Lorsqu’il s’agit de biens périssables, vous savez faire preuve de beaucoup de perspicacité ; pourquoi manifestez-vous une telle indifférence lorsqu’il s’agit de la vie éternelle ?… Nous pouvons d’ailleurs établir un parallèle entre ces vasques remplies d’eau que l’on trouve aux portes des églises pour y purifier ses mains, et les pauvres qui sont assis à l’extérieur de l’édifice pour que vous purifiiez votre âme par eux. Vous avez lavé vos mains dans l’eau : de la même manière, lavez votre âme par l’aumône…
Une veuve, réduite à une pauvreté extrême, a donné l’hospitalité à Élie (1R 17,9s) : son indigence ne l’a pas empêché de l’accueillir avec une grande joie. Et alors, en signe de reconnaissance, elle a reçu de nombreux cadeaux qui symbolisaient le fruit de son geste. Cet exemple vous fait souhaiter peut-être d’accueillir un Élie. Pourquoi demander Élie ? Je vous propose le Maître d’Élie, et vous ne lui offrez pas l’hospitalité… Voici ce que nous dit le Christ, le Seigneur de l’univers : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40).
Lundi 12 mars 2012 – St Louis Orione, prêtre (1872 – 1940)
12 mars, 2012Lundi 12 mars 2012 – St Louis Orione, prêtre (1872 – 1940)
Luigi Orione est né le 23 juin 1872 à Pontecurone (Italie) dans le diocèse de Tortona. À treize ans, il est reçu au couvent franciscain de Voghera (Pavie) qu’il quittera un an plus tard pour des raisons de santé. De 1886 à 1889, il fut l’élève de saint Jean Bosco au patronage de Valdocco à Turin.
Le 16 octobre 1889, il entre au séminaire de Tortona. Encore jeune séminariste, il se dévoue aux autres, vivant la solidarité envers le prochain dans la Société de secours mutuel de San Marziano et la Conférence saint Vincent. Il ouvre à Tortona le premier patronage pour s’occuper de l’éducation chrétienne des garçons, le 3 juillet 1892. L’année suivante, le 15 octobre 1893, Luigi Orione, séminariste de vingt et un ans, ouvre dans le quartier San Bernardino un collège destiné aux garçons pauvres.
Le 13 avril 1895, Luigi Orione est ordonné prêtre. En même temps, l’évêque remet l’habit clérical à six élèves du collège qu’il a fondé. Très rapidement, Don Orione ouvre de nouvelles maisons à Mornico Losana (Pavie), à Noto en Sicile, à San Remo, à Rome.
Autour du jeune fondateur s’accroît le nombre de clercs et de prêtres qui formeront le noyau de la Piccola Opera della Divina Provvidenza (la Petite Œuvre de la Divine Providence). En 1899, il lance la branche des Ermites de la Divine Providence. L’évêque de Tortona, Mgr Igino Bandi, par décret du 21 mars 1903, reconnut canoniquement les Fils de la Divine Providence (prêtres, frères coadjuteurs et ermites), congrégation religieuse masculine de la Petite Œuvre de la Divine Providence, consacrée à « collaborer pour porter les petits, les pauvres et le peuple à l’Église et au Pape, par les œuvres de charité », émettant un quatrième vœu de « fidélité au Pape ». Dans les premières Constitutions de 1904, parmi les buts de la nouvelle Congrégation, ressort celui de travailler à « obtenir l’union des Églises séparées ».
Animé d’une grande passion pour l’Église et pour le salut des âmes, il s’intéressa activement aux grands problèmes de son temps, comme la liberté et l’unité de l’Église, la question romaine, le modernisme, le socialisme, l’évangélisation des masses ouvrières. D’une manière héroïque, il vint au secours des populations sinistrées des tremblements de terre de Reggio et de Messine (1908) et de la Marsica (1915). Par la volonté de Pie X, il fut vicaire général du diocèse de Messine pendant trois ans.
Vingt ans après la fondation des Fils de la Divine Providence, comme sur un «plant unique avec de nombreuses branches», il fonda le 29 juin 1915 la Congrégation des Petites Sœurs missionnaires de la Charité, animées du même charisme de fondation. Il leur joignit les Sœurs adoratrices Sacramentines (pour accueillir des non voyantes), auxquelles se rajoutèrent par la suite les Contemplatives de Jésus crucifié.
Il organisa les laïcs dans les associations des « Dames de la Divine Providence », des « Anciens élèves » et des « Amis ». Ensuite, prendra forme l’Institut séculier Don Orione et le Mouvement laïc Don Orione.
Après la première guerre mondiale (1914-1918), se multiplieront écoles, collèges, colonies agricoles, œuvres caritatives et œuvres d’assistance. Parmi les œuvres les plus caractéristiques, il créa celles des « Petits Cottolengo » (du nom de Don Joseph Cottolengo, 1786-1842, prêtre italien, canonisé en 1934) pour les plus souffrants et les personnes abandonnées, institutions construites à la périphérie des grandes villes en tant que « nouvelles chaires » d’où parler du Christ et de l’Église, « phares de la foi et de la civilisation ».
Le zèle missionnaire de Don Orione, qui s’était déjà manifesté par l’envoi de ses premiers religieux au Brésil en 1913, s’étendit ensuite à l’Argentine et à l’Uruguay (1921), à la Palestine (1921), la Pologne (1923), Rhodes (1925), les États-Unis (1934), l’Angleterre (1935), l’Albanie (1936). Lui-même, en 1921-1922 et en 1934-1937, effectua deux voyages missionnaires en Amérique latine, en Argentine, Brésil, Uruguay, poussant jusqu’au Chili.
Il jouissait de l’estime personnelle des Papes et des autorités du Saint-Siège qui lui confièrent de nombreuses missions délicates pour résoudre des problèmes et guérir des blessures aussi bien à l’intérieur de l’Église que dans les rapports avec le monde civil. Il fut prédicateur, confesseur et organisateur infatigable de pèlerinages, de missions, processions, crèches vivantes et autres manifestations populaires de la foi. Plein de dévotion pour la Vierge Marie, il en encouragea le culte par tous les moyens, et, grâce au travail manuel de ses séminaristes, éleva les sanctuaires de Notre-Dame de la Garde à Tortona et de Notre-Dame de Caravaggio à Fumo.
Au cours de l’hiver 1940, pour essayer de soulager les problèmes de cœur et de poumons dont il souffrait, il se rendit à la maison de San Remo même si, comme il disait, « ce n’est pas entre les palmiers que je veux vivre et mourir, mais entre les pauvres qui sont Jésus-Christ ». Après seulement trois jours, entouré de l’affection de ses confrères, Don Orione mourut le 12 mars 1940, en soupirant « Jésus ! Jésus ! Je viens vers toi ».
Son corps, retrouvé intact lors de la première exhumation en 1965, a été mis en honneur dans le sanctuaire de Notre-Dame de la Garde de Tortona après que le Pape Jean-Paul II, le 26 octobre 1980, ait inscrit Don Luigi Orione au livre des Bienheureux. Ce même Pape le canonisa le 16 mai 2004.
PREMIÈRE PRÉDICATION DE CARÊME 2012, PAR LE P. CANTALAMESSA, OFMCAP.
12 mars, 2012http://www.zenit.org/article-30342?l=french
PREMIÈRE PRÉDICATION DE CARÊME 2012, PAR LE P. CANTALAMESSA, OFMCAP.
Athanase, « champion de la divinité du Christ »
(Notes sur le site)
ROME, vendredi 9 mars 2012 (ZENIT.org) – Le grand saint Athanase d’Alexandrie (vers 298 – 2 mai 373), « champion de la divinité du Christ » : c’était le thème de la première prédication de carême du P. Raniero Cantalamessa, ofmcap., prédicateur de la Maison pontificale, ce vendredi 9 mars en la chapelle Redemptoris Mater du Vatican.
« Les Pères de l’Eglise, maîtres de la foi » : c’est en effet le thème des quatre prédications de carême, le vendredi, au Vatican. Le fil conducteur de cette présentation des « géants de la foi », sera un verset de l’Epître aux Hébreux (13, 7) : « Souvenez-vous de vos chefs (…) et imitez leur foi ». Le P. Cantalamessa rappelle que l’Eglise est en train de se préparer à l’Année de la foi (11 octobre 2012-24 novembre 2013). Dans ses quatre prédications, il se propose de « redonner de la fraîcheur à notre « croire », grâce à un contact renouvelé avec les « géants de la foi » du passé ».
« Nous nous mettrons chaque fois à l’école de l’un des « quatre grands docteurs de l’Eglise orientale » – Athanase, Basile, Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse – pour voir ce que chacun nous dit aujourd’hui à propos du dogme dont il a été le champion, soit, respectivement : la divinité du Christ, l’Esprit Saint, la Trinité, et la connaissance de Dieu ».
Les quatre prédications auront lieu en la chapelle « Redemptoris Mater » du palais apostolique du Vatican, à 9 h, le vendredi, les 9, 16, 23 et 30 mars.
Voici le texte intégral de la première prédication, dans la traduction, pour Zenit, d’Isabelle Cousturié :
P. Raniero Cantalamessa, ofmcap.
Première Prédication de Carême 2012
SAINT ATHANASE ET LA FOI EN LA DIVINITE DU CHRIST
En guise de préparation à l’année de la foi fixée par le Saint-Père Benoît XVI (12 Octobre 2012 -24 Novembre 2013), les quatre prédications de Carême se proposent de redonner élan et fraîcheur à notre credo, en renouant avec les « géants de la foi » du passé. D’où le titre, tiré de la Lettre aux Hébreux, qui est donné à tout le cycle: « Souvenez-vous de vos chefs. Imitez leur foi » (He 13,7).
A chaque fois, nous nous mettrons à l’école d’un des quatre grands docteurs de l’Eglise orientale – Athanase, Basile, Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse – pour voir ce que chacun d’eux nous dit aujourd’hui à propos du dogme dont il est le champion, c’est-à-dire, respectivement, la divinité du Christ, l’Esprit Saint, la Trinité, la connaissance de Dieu. A un autre moment, s’il plaît à Dieu, nous ferons la même chose pour les grands docteurs de l’Eglise occidentale : Augustin, Ambroise et Léon le Grand.
Ce que nous voudrions apprendre des Pères n’est pas tellement ce qu’il faut faire pour annoncer la foi au monde, autrement dit, l’évangélisation, ni comment la défendre contre les erreurs, c’est-à-dire l’orthodoxie ; il s’agit plutôt de voir comment on peut approfondir notre foi, redécouvrir, dans leur sillage, la richesse, la beauté et le bonheur de croire, de passer, comme dit Paul, « de foi en foi » (Rm 1,17), d’une foi crue à une foi vécue. Cette foi, en grandissant de « volume » à l’intérieur de l’Eglise, constituera ensuite la force majeure de son annonce au monde, et le meilleur des remparts autour de son orthodoxie.
Le Père de Lubac a déclaré qu’il n’y a jamais eu de renouveau de l’Eglise qui, dans l’histoire, ne soit aussi passé par un retour aux Pères. Et le Concile Vatican II, dont on s’apprête à commémorer le 50eanniversaire ne fait pas exception. Celui-ci est tissé de citations des Pères; bon nombre de ses acteurs étaient des patrologues. Après les Ecritures, les Pères constituent la seconde « couche » de terrain sur laquelle reposent et dont tirent leur sève vitale, la théologie, la liturgie, l’exégèse biblique et toute la spiritualité de l’Eglise.
On trouve dans certaines cathédrales du moyen âge de curieuses statues : des personnages à la taille imposante portant sur leurs épaules, des hommes tous petits. Ces représentations en pierre traduisent une conviction que les théologiens de l’époque formulaient ainsi : « Nous sommes comme des nains juchés sur des épaules de géants, de telle sorte que nous puissions voir plus de choses et de plus éloignées que n’en voyaient ces derniers. Et cela, non point parce que notre vue serait puissante ou notre taille avantageuse, mais parce que nous sommes portés et exhaussés par la haute stature des géants »1. Les géants étaient naturellement les Pères de l’Eglise. Et c’est ce qui se passe aussi pour nous aujourd’hui.
1. Athanase, le champion de la divinité du Christ
Ouvrons la liste avec saint Athanase, évêque d’Alexandrie, né en 295 et mort en 373. Rares sont les Pères à avoir laissé une marque aussi profonde que lui dans l’histoire de l’Eglise. Il est évoqué pour beaucoup de choses : pour l’influence qu’il a eue sur la diffusion du monachisme, grâce à sa « Vie d’Antoine » ; pour avoir été le premier, même dans un Etat chrétien, à revendiquer la liberté de l’Eglise »2 ; pour son amitié avec les évêques occidentaux, à la faveur de contacts noués durant son exil, qui ont eu pour effet de renforcer les liens entre Alexandrie et Rome…
Mais nous ne voulons pas nous occuper de tout ça. Kierkegaard, dans son Journal, a une étrange pensée: « La terminologie dogmatique de l’Eglise primitive est comme un château enchanté, dans lequel se trouvent des princes et les plus gracieuses des princesses plongés dans un sommeil profond. Il suffit tout simplement de les réveiller pour qu’ils se mettent debout et apparaissent dans toute leur gloire »3. Le dogme qu’Athanase nous aide à « réveiller » et à faire resplendir dans toute sa gloire est celui de la divinité du Christ ; pour elle, il subit sept fois l’exil.
L’évêque d’Alexandrie est bien convaincu de ne pas être l’auteur de la découverte de cette vérité. Toute son œuvre consistera, d’ailleurs, à montrer que celle-ci a toujours été la foi de l’Eglise; que cette vérité n’est pas nouvelle, mais nouvelle est plutôt l’hérésie qui s’y oppose. Le mérite qu’on lui reconnaît dans ce domaine est plutôt celui d’avoir levé les obstacles qui entravaient jusqu’ici une reconnaissance pleine et sans réticences de la divinité du Christ dans le contexte culturel grec.
Un de ces obstacles, peut-être le principal, était cette habitude qu’avaient les Grecs de désigner l’essence divine sous le terme agennetos, non-engendré. Comment proclamer que le Verbe est le vrai Dieu, puisque celui-ci est le Fils, c’est-à-dire engendré par le Père? Il était facile pour Arius d’établir l’équivalence : engendré = fait, c’est-à-dire passer de gennetos à genetos, et d’en conclure par cette célèbre phrase qui fit éclater l’affaire: « Il fut un temps où il n’existait pas! » .Ceci équivalait à faire du Christ une créature, quoique pas « comme les autres créatures ». Athanase défend de tout cœur le genitus non factus de Nicée, « engendré mais non fait ». Il résout la controverse par une simple observation : « Le terme agenetos a été inventé par les Grecs qui ne connaissaient pas le Fils »4.
Un autre obstacle culturel à la pleine reconnaissance de la divinité du Christ, moins évident sur le moment, mais non moins enfluant, était la doctrine d’une divinité intermédiaire, le deuteros theos, liée à la création du monde matériel. Cette doctrine, dès Platon, était devenue un lieu commun pour tant de systèmes religieux et philosophiques de l’Antiquité. Et cette tentation d’assimiler le Fils, « par lequel toutes choses furent faites », à cette entité intermédiaire, avait laissé quelque trace, non pas dans la vie de l’Eglise mais dans la spéculation chrétienne, créant un schéma tripartite de l’être : au sommet de tout, le Père engendré – après lui, le Fils (et plus tard aussi l’Esprit Saint) et enfin les créatures.
La définition de l’homoousios, du « genitus non factus », lève à jamais le principal obstacle de l’hellénisme à la reconnaissance de la pleine divinité du Christ et réalise la catharsis chrétienne de l’univers métaphysique des Grecs. Par cette définition, une seule ligne de démarcation est tracée sur la verticale de l’Etre et cette ligne ne sépare pas le Fils du Père, mais le Fils des créatures. Si nous voulions englober en une phrase la signification éternelle de la définition de Nicée, nous pourrions la formuler ainsi: à chaque époque et culture, le Christ doit être proclamé « Dieu », non pas dans une quelconque acceptation dérivée ou secondaire, mais dans l’acceptation la plus forte que le nom de « Dieu » trouve dans cette culture.
Athanase a fait de l’entretien de cette conquête, le but de sa vie. Quand tous – empereurs, évêques et théologiens – oscillaient entre un refus ou une tentative d’accommodement, lui, restait imperturbable. Il y a eu des moments où la future foi commune de l’Eglise vivait dans le cœur d’un seul homme : le sien. C’est l’attitude qu’on avait vis-à-vis lui, qui décidait de quel côté chacun était.
2. L’argument sotériologique
Mais plutôt que d’insister sur la foi d’Athanase en la pleine divinité du Christ, que l’on connaît et qui est incontestable, il est important de savoir ce qui motive sa bataille, d’où lui vient une certitude aussi absolue. Pas de la spéculation, mais de la vie; plus précisément, d’une réflexion sur l’expérience que l’Eglise fait du salut en Jésus Christ.
Athanase déplace l’intérêt de la théologie du cosmos à l’homme, de la cosmologie à la sotériologie. Renouant avec la tradition ecclésiastique antérieure à Origène, il met en valeur les résultats élaborés au cours de sa longue bataille contre le gnosticisme, qui avait conduit à se concentrer sur l’histoire du salut et de la rédemption humaine. La place du Christ n’est plus entre Dieu et le cosmos, comme à l’époque des Apologistes, mais plutôt entre Dieu et l’homme. Que le Christ soit Médiateur ne signifie pas qu’il se trouve entre Dieu et l’homme (médiation ontologique, dont le sens renvoie le plus souvent à une relation de subordination), mais qu’il unit Dieu et l’homme. En lui, Dieu se fait homme et l’homme se fait Dieu, c’est-à-dire qu’il est divinisé5.
C’est sur cette toile de fond idéale que s’inscrit l’application qu’Athanase fait de la question sotériologique, en fonction de la démonstration de la divinité du Christ. L’argument sotériologique n’apparaît pas avec la controverse arienne; il est présent dans toutes les grandes et anciennes controverses christologiques, de la controverse anti-gnostique à la controverse anti-monothélite. Dans sa formulation classique, il résonne ainsi : « Quod non est assumptum non est sanatum », « ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé »6. Celui-ci est adapté selon les cas, de manière à réfuter l’erreur du moment, qui peut être la négation de la chair humaine du Christ (gnosticisme), ou de son âme humaine (apollinarisme), ou le refus de sa libre volonté (monothélisme).
Dans l’usage qu’en fait Athanase, il peut être ainsi formulé : « Ce qui n’est pas assumé par Dieu n’est pas sauvé », où toute la force repose sur ce petit ajout « par Dieu ». Le salut exige que l’homme ne soit pas pris en charge par un intermédiaire quelconque, mais par Dieu lui-même : « Si le Fils était une créature, écrit Athanase, l’homme resterait mortel, n’étant pas uni à Dieu », mais encore : « L’homme ne serait pas divinisé, si le Verbe qui devint chair n’était pas de la même nature que le Père »7. Athanase a formulé, de nombreux siècles avant Heidegger, et en la prenant bien plus au sérieux, l’idée que « seul un Dieu peut nous sauver », nur noch ein Gott kann uns retten8.
Les implications sotériologiques qu’Athanase tire de l’homoousios de Nicée sont multiples et très profondes. Dire que le Fils est de « même substance » que le Père signifiait le placer à un niveau tel que rien ne pouvait rester en dehors de son champ d’action. Cela voulait dire aussi enraciner la signification du Christ dans le fondement même dans lequel l’être du Christ était enraciné, autrement dit : dans le Père. On en vient à dire que Jésus Christ ne constitue pas, dans l’histoire et dans l’univers, une seconde présence additionnelle par rapport à celle de Dieu ; au contraire, il est la présence même du Père,. Athanase écrit :
« Bon comme il est, le Père, avec son Verbe qui est aussi Dieu, guide et soutient le monde entier, pour que la création, éclairée par sa conduite, par sa providence et par son ordre, puisse persister dans l’être … Le Tout Puissant et très saint Verbe du Père, pénétrant toutes choses et arrivant partout avec sa force, éclaire chaque situation, possède et étreint tout en lui. Aucun être ne saurait se soustraire à sa domination. Toutes choses reçoivent de lui la vie et c’est par lui qu’elles sont maintenues en elle : chaque créature dans son individualité, et l’univers créé dans sa totalité »9.
Une précision importante toutefois s’impose. La divinité du Christ n’est pas un « postulat de la raison pratique », comme l’est, pour Kant, l’existence même de Dieu10. Elle n’est pas un postulat, mais l’explication d’une « donnée ». Elle serait un postulat, et donc une déduction humaine théologique, si l’on partait d’une certaine idée du salut et en déduisait que la divinité du Christ est seule capable d’opérer ce salut; elle est en revanche l’explication d’une donnée si l’on part, comme le fait Athanase, d’une expérience de salut et si l’on démontre que celle-ci ne pourrait exister si le Christ n’était pas Dieu. Ce n’est pas sur le salut que la divinité du Christ se fonde, mais c’est sur la divinité du Christ que se fonde le salut.
3. Corde creditur!
Mais le moment est venu de parler de nous et de chercher à voir ce que nous pouvons apprendre aujourd’hui de l’épique bataille soutenue en son temps par Athanase. La divinité du Christ est aujourd’hui le vrai « articulus stantis et cadentis ecclesiae », la vérité qui fait que l’Eglise tient debout ou tombe à terre. Si à une époque, quand la divinité du Christ était pacifiquement admise par tous les chrétiens, on pouvait penser que cet « article » était la doctrine de la « justification gratuite par la foi », ce n’est maintenant plus le cas. Pouvons-nous dire que le problème vital pour l’homme, aujourd’hui, est d’établir de quelle façon le pécheur peut être justifié, alors qu’on ne croit même plus avoir besoin d’une justification, ou que l’on est convaincu de la trouver en soi ? « C’est moi-même, moi qui m’accuse aujourd’hui – fait crier Sartre à un de ses personnages sur scène -, moi seul qui peux aussi m’absoudre, moi, l’homme. Si Dieu existe, l’homme n’est rien »11.
La divinité du Christ est la pierre angulaire qui soutient les deux grands mystères de la foi chrétienne : la Trinité et l’Incarnation. Ces derniers sont comme deux portes qui s’ouvrent et se referment ensemble. Si l’on exclut cette pierre, tout l’édifice de la foi chrétienne s’écroule sur lui-même: si le Fils n’est pas Dieu, de qui est formée la Trinité? Saint Athanase l’avait déjà clairement dénoncé, en écrivant contre les Ariens :
« Si le Verbe n’existe pas en même temps que le Père depuis l’éternité, alors il n’existe pas de Trinité éternelle, mais il y eut d’abord l’unité et c’est ensuite, au fil du temps, par accroissement, que la Trinité a fait son apparition »12.
(Cette idée de Trinité – formée « par accroissement » – a été proposée à nouveau, il n’y a pas longtemps, par quelque théologien, qui applique à la Trinité le schéma dialectique du devenir de Hegel!). Bien avant Athanase, saint Jean avait établi ce lien entre les deux mystères : « Celui qui refuse le Fils se sépare du Père, et celui qui reconnaît le Fils trouve en même temps le Père. » (l Jn 2,23). Les deux choses tiennent ou tombent ensemble, mais si elles tombent ensemble, alors nous devrons dire avec regret, comme Paul, que nous chrétiens « sommes les plus à plaindre de tous les hommes » (1 Co 15,19).
Nous devons nous laisser frapper en plein visage par cette question, si respectueuse mais si directe de Jésus: « Mais vous, qui croyez-vous que je suis ? », et par cette question encore plus personnelle : « Crois-tu ? » Crois-tu vraiment ? Crois-tu de tout ton cœur ? Saint Paul dit que « celui qui croit du fond de son cœur devient juste ; celui qui, de sa bouche, affirme sa foi parvient au salut » (Rm 10,10). Autrefois, la profession de la foi, qui est le second moment de ce processus, pouvait prendre une telle importance qu’elle finissait par laisser dans l’ombre ce premier moment, qui est le plus important et qui a lieu dans les profondeurs secrètes du cœur. « C’est de la racine du cœur que monte la foi », s’exclame saint Augustin13.
Il nous faut peut-être démolir en nous, croyants, et en nous, hommes d’Eglises, cette fausse persuasion de croire déjà que tout va bien pour nous au plan de la foi. Il nous faut provoquer le doute – non sur Jésus, bien entendu, mais sur nous – pour pouvoir ensuite partir à la recherche d’une foi plus authentique. Mais qui sait si ce n’est pas un bien de ne vouloir rien démontrer à personne, pendant quelque temps, pour intérioriser cette foi, redécouvrir sa racine dans le cœur ?
Jésus demande trois fois à Pierre : « M’aimes-tu ? ». Il savait que la première et seconde fois, la réponse était venue trop vite pour être la bonne. Finalement, la troisième fois, Pierre comprend. Voilà comment nous devons nous interroger sur notre foi : trois fois de suite, avec insistance, jusqu’à ce que, nous aussi, nous prenions conscience et que nous entrions dans la vérité : « Crois-tu ? Crois-tu vraiment? ». Il se peut que nous arrivions finalement à dire : « Non, Seigneur, je ne crois pas vraiment de tout mon cœur et de toute mon âme. Augmente ma foi ! »
Mais Athanase nous rappelle aussi une autre vérité importante: qu’il est impossible de croire en la divinité du Christ sans avoir fait l’expérience du salut apporté par le Christ. Sans cette expérience, la divinité du Christ devient facilement une idée, une thèse, et l’on sait bien qu’à une idée peut s’opposer une autre idée, à une thèse une autre thèse. Il n’y a qu’à la vie, disaient les Pères du désert, qu’on ne peut rien opposer.
L’expérience du salut se fait en lisant la parole de Dieu (et en la prenant pour ce qu’elle est, la parole de Dieu!), en administrant et recevant les sacrements, surtout l’Eucharistie, lieu privilégié de la présence du Ressuscité, en exerçant les charismes, en entretenant un contact avec la vie de la communauté des croyants, en priant. Evagre, au IV siècle, avait formulé la célèbre équation : «Si tuesunthéologien, tuprieras vraiment et si tupries vraiment tu seras un théologien »14.
Athanase a empêché que la recherche théologique ne reste prisonnière de la spéculation philosophique des différentes « écoles » et qu’elle devienne au contraire un approfondissement du fait révélé dans la ligne de la tradition. Un grand historien protestant a reconnu à Athanase un mérite particulier dans ce domaine : « Grâce à lui, a-t-il écrit, la foi en Jésus-Christ est restée une foi rigoureuse en Dieu et, conformément à sa nature, nettement détachée de toutes les autres formes – païennes, philosophiques, idéalistes – de foi … Avec lui, l’Eglise est redevenue une institution de salut, c’est-à-dire, au sens strict du terme, ‘Eglise’, dont la prédication du Christ constitue et détermine le contenu »15.
Tout ceci nous interpelle de manière particulière. La théologie, désormais définie comme une « science », est aujourd’hui professée dans les milieux académiques qui sont bien plus détachés de la vie communautaire des croyants que ne l’a été, au temps d’Athanase, l’école théologique du Didaskaleion, qui a fleuri à Alexandrie grâce à Clément et Origène. La science exige du chercheur qu’il « maîtrise » sa matière et qu’il soit « neutre » face à l’objet de sa propre science ; mais comment « maîtriser » quelqu’un que tu viens d’adorer comme ton Dieu ? Comment rester neutre face à l’objet en question, quand celui-ci est le Christ? Voilà l’une des raisons pour lesquelles, à un certain moment de ma vie, j’ai voulu quitter l’enseignement académique pour me consacrer à plein temps au ministère de la Parole. Je me souviens de la pensée que j’ai eue en sortant de congrès ou de débats théologiques et bibliques, surtout à l’étranger: « Puisque le monde universitaire a tourné le dos à Jésus-Christ, je tournerai le dos au monde universitaire ».
Abolir les facultés de théologie dans les universitaires laïques n’est certes pas la solution à ce problème. La situation italienne nous montre les effets négatifs que produit l’absence d’une faculté de théologie dans les universités de l’Etat. La culture catholique et religieuse est généralement reléguée dans un ghetto; on ne trouve aucun livre religieux dans les librairies, si ce n’est sur des sujets ésotériques ou à la mode. Le dialogue entre la théologie et le savoir humain, scientifique et philosophique, a lieu « à distance », et ce n’est pas la même chose. Lorsque je parle en milieu universitaire, je dis souvent de ne pas suivre mon exemple (qui reste un choix personnel), mais de valoriser au maximum le privilège dont ils jouissent, en cherchant tout au plus d’accompagner leurs études et l’enseignement de quelque activité pastorale qui soit compatible.
Mais si on ne peut ni ne doit enlever la théologie des milieux académiques, il y a néanmoins une chose que les théologiens peuvent faire : c’est avoir suffisamment d’humilité pour reconnaître leur limite. La leur n’est pas la seule ni la plus haute expression de la foi. Le P. Henri de Lubac a écrit: « Le ministère de la prédication n’est pas la vulgarisation d’un enseignement doctrinal à forme plus abstraite, qui lui serait antérieur et supérieur : il est, sous sa forme la plus haute, l’enseignement doctrinal lui-même. Cela était vrai de la première prédication chrétienne, celle des apôtres ; cela l’est également de ceux qui leur succèdent dans l’Eglise: les Pères, les Docteurs et nos Pasteurs à l’heure actuelle »16. H. U. von Balthasar parle à son tour de la « mission de prédication dans l’Eglise, à laquelle la mission théologique est elle-même subordonnée »17.
4. « Ayez confiance, c’est moi ! »
Revenons pour conclure à la divinité du Christ. Celle-ci illumine, éclaire la vie chrétienne toute entière. Sans la foi en la divinité du Christ :
Dieu est loin,
Le Christ reste dans son temps,
L’Evangile est un livre religieux parmi d’autres,
L’Eglise, une simple institution,
L’évangélisation, de la propagande,
La liturgie, l’évocation d’un passé qui n’existe plus,
La morale chrétienne, un poids bien loin d’être léger
Et un joug bien loin d’être suave.
Mais avec la foi en la divinité du Christ :
Dieu est l’Emmanuel, Dieu-avec-nous,
Le Christ, est le ressuscité qui vit dans l’Esprit,
L’Evangile, parole définitive de Dieu à l’humanité entière,
L’Eglise, sacrement universel de salut,
L’évangélisation, partage d’un don,
La liturgie, rencontre joyeuse avec le Ressuscité,
La vie présente, début de l’éternité.
Il est en effet écrit : « Qui croit au Fils a la vie éternelle » (Jn 3, 36). La foi en la divinité du Christ nous est indispensable surtout à un moment comme celui-ci où nous devons entretenir la flamme de l’espérance sur l’avenir de l’Eglise et du monde. Contre les gnostiques qui rejetaient la vraie humanité du Christ, Tertullien, en son temps, s’est écrié: « Parce unicae spei totius orbis », n’enlevez pas au monde sa seule espérance!18 C’est ce que nous devons dire aujourd’hui à ceux qui se refusent de croire en la divinité du Christ.
Aux apôtres, après avoir calmé la tempête, Jésus adressa une parole qu’il répète aujourd’hui à leurs successeurs : « Ayez confiance, c’est moi, soyez sans crainte » (Mc 6,50).