Homélies du 5e dimanche de carême B
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Homélies du 5e dimanche de carême B
Jr 31, 31-34 ; He 5, 7-9 ; Jn 12, 20-33
Aujourd’hui comme il y a deux mille ans, il y a des chercheurs de sens, des chercheurs de vérité, des chercheurs de Dieu, qui s’intéressent à Jésus. Ils ne viennent pas de la Grèce païenne, comme dans l’évangile, mais de ce monde pluraliste dans lequel nous baignons. Beaucoup y adorent toujours le veau d’or. D’autres appartiennent à un monde d’exclusion, de pauvreté et de désespoir. Ou, plus largement, à une humanité où chacun veut revendiquer ses droits, sans vouloir pour autant remplir ses devoirs. Ma question est celle-ci : Si ces « Grecs », évoqués par Jean, s’adressaient à nous : « Nous voulons voir Jésus ! ». Quelle serait notre réponse ? Que pourrions-nous leur offrir, leur faire voir, leur faire expérimenter ?
On ne sait pas ce que les disciples ont répondu. Par contre, Jean fait écho à ce que Jésus a répondu à ses amis. Un Jésus angoissé par la proximité d’une condamnation, alors même qu’il est resté fidèle à sa mission de réconciliation, de solidarité, de justice et d’amour. Evidemment, il a pris le risque quasi suicidaire de défendre les exclus de tous genres. Et, comme l’a chanté Guy Béart : « Le prophète a dit la vérité, il doit être exécuté ». On en revient toujours là.
Il ne faudrait pas croire pour autant que Jésus a recherché la souffrance. Il ne l’a pas non plus valorisée pour elle-même. Il n’a rien d’un masochiste ni d’un fanatique suicidaire. Au contraire. Il s’est toujours employé à soulager les souffrances physiques et morales de tous ceux et celles qu’il rencontrait. Pour Jésus, le mal par excellence, c’est le manque de respect envers l’Alliance établie entre Dieu et les humains. Non pas une Alliance de contrainte, mais une Alliance d’Amour. Donc, de droits et de devoirs à respecter. Sinon, c’est l’escalade de la violence. Encore faut-il constamment purifier et rectifier notre conception de cette Alliance.
Ici encore, la Bible et l’actualité se rejoignent. Parcourez les nouvelles quotidiennes, vous retrouverez des problèmes identiques à ceux qui se sont posés dans le passé. Ainsi, sept siècles avant Jésus Christ, Jérémie est désespéré de voir son peuple multiplier les infidélités à la Loi de Moïse. Les conséquences sont désastreuses. Non seulement pour la vie religieuse, mais aussi sociale, économique et politique. Que faire ? Faut-il rétablir de force les Dix commandements ? Non, estime le prophète. Mais, renouveler leur compréhension, les actualiser. Avoir notamment une autre perception des relations de l’être humain avec Dieu. C’est ainsi qu’il pressent une Alliance purifiée, renouvelée. Or, que réclame Jérémie ? Le « retour du cœur ».
Dans toute relation, dans toute Alliance, il existera toujours un danger permanent de dégradation. Tout simplement parce que l’esprit tend à s’effacer au profit de la lettre et du conformisme. Quand Dieu est considéré comme un juge impitoyable, et maître intransigeant, l’être humain cherche alors à fuir la colère divine en multipliant les gestes de soumission. Il veut s’assurer bienveillance et privilège à force de rites, de formules, d’offrandes et de sacrifices. D’où, dans l’histoire de toutes les religions, cette cascade de précisions, jusqu’aux détails les plus minutieux. Ce qui enveloppe le croyant dans un filet juridique dont les mailles ne cessent de se rétrécir jusqu’à l’étouffer. Ce qui constitue un terrain propice au développement de la peur ou de la révolte, du scrupule ou de l’indigestion.
Ce que Jérémie espérait ou pressentait, c’est que les Tables de la Loi redeviennent les paroles de quelqu’un. Alors, la Loi ne serait plus un texte figé, mais une affectueuse connivence, inscrite dans le cœur. Elle ne serait plus un règlement tatillon entouré de menaces, mais l’écho d’un grand amour. Alors, la confiance peut remplacer la crainte. Vue ainsi, la Loi est offerte à notre liberté comme un don, comme une chance à saisir, pour bâtir une relation et vivre une Alliance avec Dieu. C’est ainsi que tout commandement, même formulé négativement, laisse le champ libre aux initiatives de l’amour qui, lui, est capable d’adapter, d’innover, de dépasser l’étroitesse de la lettre. Et même d’aimer jusqu’à l’engagement de tout l’être, au-delà de toute loi. « Je mettrai ma loi au plus profond d’eux-mêmes, dit le Seigneur. Je l’inscrirai dans leur cœur ».
Voilà pourquoi Jésus n’est pas venu abolir la loi mais la parfaire. Non pas l’éplucher ni en discuter à perte de vue, mais l’incarner dans le quotidien, en lui rendant son esprit. Ainsi, « en Christ, la vieille opposition entre loi et amour est surmontée ».
Mais en annonçant qu’il allait être « élevé de terre », Jésus révèle jusqu’où va le péché de l’homme et jusqu’où va l’amour dans un être humain parfaitement accompli. Le grand sacrifice de cette Alliance et de toute alliance d’amour, ce n’est pas celui du sang et des larmes, mais celui de la totale disponibilité, s’arracher à l’égoïsme, au risque même de la souffrance : « Père, que ta volonté soit faite… » et non pas, comme trop souvent… la mienne.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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