Archive pour le 22 mars, 2012
Une date pour la crucifixion ?
22 mars, 2012http://bible.archeologie.free.fr/datecrucifixion.html
Une date pour la crucifixion ?
(image : http://www.britannica.com)
Le jour du dernier repas
Bien que le récit de la Passion de Jésus de Nazareth soit rapporté avec force détails, il donne assez peu d’informations permettant de connaître la date exacte de l’évènement. Les historiens qui ont essayé de la calculer se sont plongés dans de difficiles reconstitutions du calendrier. L’un des problèmes soulevés concerne le déroulement de la semaine sainte qui précède la condamnation, car le calendrier recèle une contradiction : alors que les trois premiers évangiles font de la Cène un repas pascal (Mt. 26,17 ; Mc. 14,12 ; Lc. 22,7), l’évangile selon saint Jean place le dernier repas un ou plusieurs jours avant la fête de la Pâque (Jn. 13,1 ; Jn. 18,28).
D’autres incohérences ont été relevées dans le récit. Habituellement, la liturgie chrétienne célèbre le dernier repas pascal de Jésus le jeudi saint, et sa mort le lendemain vendredi saint. Le problème est le laps de temps écoulé entre son arrestation et son exécution, délai qui peut paraître bien court pour un déroulement complet du procès. En l’espace d’une nuit, Jésus aurait été transféré chez l’ancien grand-prêtre, puis chez le nouveau, puis deux fois au prétoire où siégeait Pilate, et entretemps chez Hérode … Il faut aussi tenir compte de certaines lois et pratiques juives qui figurent dans le Talmud, un livre sacré complémentaire de la Bible hébraïque : interdiction pour un tribunal de siéger la nuit, interdiction de condamner à mort un prisonnier en moins de vingt-quatre heures, et interdiction de condamner à mort une veille de sabbat.
Une page extraite du Talmud. Exemplaire
provenant du Caire, IXème s..
(image : http://www.moreeuw.com)
Une solution a été proposée en 1959 par une spécialiste de l’exégèse biblique et chercheur au CNRS, Annie Jaubert. Elle a publié une étude remarquable qui permet de lever la contradiction tout en étalant davantage dans le temps le récit du procès. Son travail se fonde sur une information déterminante fournie par les manuscrits de la mer Morte.
En effet les rouleaux de parchemin découverts à Qumran nous apprennent l’existence d’un deuxième calendrier hébreu utilisé au temps de Jésus. Les incohérences tombent si l’on suppose que les quatre évangélistes n’ont pas utilisé le même calendrier. Cette hypothèse met les quatre textes d’accord en proposant que la Cène se soit déroulée non pas le jeudi, mais le mardi. De ce fait, les contradictions disparaissent, les délais sont respectés et le déroulement devient plausible.
Cette hypothèse est en outre appuyée par plusieurs témoignages chrétiens très anciens (IIème-IIIème siècles), comme la Didachè des apôtres, un texte de catéchèse du IIème siècle, qui semblent indiquer qu’au temps de l’Eglise naissante la Cène était célébrée le mardi soir. Si Jésus prit réellement son dernier repas pascal un mardi, il aurait donc passé deux jours en captivité.
Le résultat de ce travail a emporté de nombreux suffrages chez les exégètes, et semble également avoir convaincu le Vatican. Toutefois, cette conclusion ne risque-t-elle pas de remettre en question le calendrier liturgique actuel des chrétiens ? Pas nécessairement : celui-ci a une vocation de célébration plutôt que de reproduction rigoureuse des faits.
Le jour de l’exécution
Pour tenter de calculer la date exacte de la mort de Jésus, la recherche historique se sert du matériel biblique et historique, ainsi que de nos connaissances sur le calendrier. Il ressort des évangiles que la crucifixion de Jésus a eu lieu un vendredi, veille du sabbat et de la Pâque juive. Or d’après l’Ancien Testament (Ex. 12,18), la Pâque juive se place le 14 ou le 15 du mois de Nisan (mars-avril). Par ailleurs, nous savons par l’historien romain Tacite que le gouverneur Ponce Pilate qui condamna Jésus fut préfet de Judée de 26 à 36. Durant cette décennie, il se trouve seulement cinq années pour lesquelles le 14 ou le 15 de Nisan tombe un vendredi. Par recoupements, les historiens retiennent fréquemment les deux dates les plus plausibles, celles du vendredi 26 mars 30 et du 3 avril 33.
Un moyen de départager ces deux dates se trouve peut-être dans le récit de la Passion, où les évangélistes relèvent des phénomènes surnaturels se produisant à l’instant du décès de Jésus.
« C’était environ la sixième heure quand, le Soleil s’éclipsant, l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Le voile du Temple se déchira par le milieu, et Jésus dit en un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et, ce disant, il expira » (Lc. 23, 44-45).
Représentation schématique du calendrier hébreu
(cliquer pour agrandir).
(image : http://www.johnpratt.com)
La Lune prend parfois une couleur rougeâtre
pendant une éclipse de Lune.
(image : http://zenit-photo.com)
La survenue de l’obscurité peut faire penser à un processus naturel tel qu’une éclipse. C’est ce qu’ont fait de nombreux chercheurs qui ont exploré cette possibilité. Une éclipse de Soleil (le Soleil masqué par la Lune) n’est pas envisageable, car la Pâque juive a lieu en période de pleine Lune et les éclipses de Soleil sont alors impossibles. En revanche, une éclipse de Lune (la Lune dans l’ombre de la Terre) a pu avoir lieu pendant cette période.
En 1983, deux astrophysiciens de l’université d’Oxford, C.J. Humphreys et W.G. Waddington, publièrent dans la revue scientifique Nature les conclusions d’une recherche de date effectuée à partir de calculs astronomiques. Ils envisageaient l’hypothèse que la Lune ait pris une couleur rougeâtre, en s’appuyant sur un extrait du livre des Actes des apôtres qui cite le prophète Joël : « Le Soleil se changera en ténèbres – et la Lune en sang – avant que ne vienne le jour du Seigneur, grand et glorieux » (Ac. 2, 14-21).
L’étude cite d’autres textes anciens signalant également une obscurité anormale au moment de la mort de Jésus. L’un d’eux est un rapport apocryphe attribué à Ponce Pilate, la « Lettre de Ponce Pilate à Tibère », qui fait état d’un phénomène semblable, l’obscurité recouvrant la Terre tandis que la Lune prenait la couleur du sang.
Selon Humphreys et Waddington, l’éclipse de Lune se serait produite au moment où la Lune apparaissait à l’horizon. La couleur rouge s’expliquerait par la lumière rasante traversant l’atmosphère, qui absorbe les nuances de bleu. Et entre 26 et 36, une seule éclipse de Lune visible à Jérusalem en période de Pâques a eu lieu : celle du 3 avril de l’an 33. Quant à la survenue de l’obscurité, elle est attribuée à un phénomène de vent des sables qui aurait diminué l’éclairement.
Cette théorie moyennement convaincante, on en conviendra, est la seule à proposer un scénario scientifique qui tente de faire intervenir des phénomènes naturels.
Références :
[1] – Jean-Jacques Nolait, communication personnelle.
[2] – A.A. Valdés : « Le Jeudi saint : quand a eu lieu la dernière Cène de Jésus ? » Franciscan Cyberspot, march 24, 2005.
[3] – C. J. Humphreys et W.G. Waddington : « Dating for the crucifixion ». Nature, volume 306, 22-29 décembre 1983.
LE PSAUME 23
22 mars, 2012http://www.hebrascriptur.com/Ps/23c.html
LE PSAUME 23
Lire ce qui est écrit
Le Psaume 23 est sans doute l’un des plus beaux témoignages de la vie mystique, qui s’épanouit quand elle s’appuie sur une totale confiance en Dieu. Le roi David y exprime toute la joie, la sécurité, la liberté, le bonheur qu’il éprouve, en se laissant entièrement guider
La lecture du texte ne présente aucune difficulté, à l’exception d’un seul mot, dans le dernier verset, le mot hébreu weshaveti, que la quasi-totalité des témoins traduisent par « je demeurerai » ou « j’habite », lecture qui prête pour le moins à discussion. En effet, pour justifier cette lecture, il faut ajouter la lettre yod en seconde position du mot qui devient weyashaveti, ou encore changer la vocalisation weshaveti indiquée par les massorètes en weshiveti, afin de rattacher le mot, dans un cas comme dans l’autre, à la racine yashab (demeurer) au lieu de la racine shoub (retourner).
On trouve ces lectures altérées chez des témoins
aussi anciens que les textes grecs des Septante (3ème siècle avant notre ère), ou les versions Syriaques, contemporaines des massorètes. Mais ces interprétations ne s’appuient sur aucun manuscrit hébreu connu.
Pourquoi ces témoins, suivis en cela par la quasi-totalité des traducteurs modernes, ont-ils refusé de lire ce que la Tradition, ou au moins une Tradition — les massorètes — a transmis, weshaveti, « je reviens » ? pourquoi ont-ils retenu cette lecture injustifiée : « je demeure » ?
La critique textuelle et l’exégèse traditionnelle ont coutume de retenir pour hypothèse principale — explicite ou inconsciente — que les textes nous rapportent la pensée de leurs auteurs, et qu’ils véhiculent avec eux toutes les déformations d’une transmission multi-séculaire. Il résulte de cette position que le sens logique le plus probable prend toujours le pas sur la littéralité transmise : si le texte n’offre pas un sens immédiat assez clair, alors on rectifie le texte, pour atteindre la leçon compréhensible la plus facile, et retrouver ainsi — croit-on — la pensée originelle des rédacteurs, que les aléas de la transmission avaient corrompue. C’est bien le cas ici. À suivre la lettre, on ne voit pas du tout de quel endroit David « reviendrait » (lecture littérale), puisque rien, mais vraiment rien ne l’évoque dans les versets qui précèdent ; en revanche, à rectifier la lecture en « je demeure », on comprend mieux que David se réjouisse à la perspective des beaux jours qu’il a devant lui, guidé par Yhwh.
Le principe de telles corrections n’est pas acceptable.
Tout d’abord, en raison des traditions orales. Car ces traditions orales sont à l’origine des versions vocalisées que les massorètes ont fixées par l’écriture, sans modifier l’Écriture, conformément à leur mission. La mission première d’Israël, en effet, n’est-elle pas de transmettre ? — et non d’interpréter. N’oublions pas que des générations de scribes se sont vu refuser des rouleaux entiers pour un iota en trop ou en moins, ce qui montre à quel point la transmission de la lettre prime sur le sens — et d’ailleurs, quel sens ? combien de lectures en Israël pour un même verset ?
Certes, des erreurs ont traversé le crible, et il existe des versions différentes sur beaucoup de textes. Mais la majorité des manuscrits concordants permet en général de reconnaître la lettre, et d’écarter la plus grande partie des erreurs. C’est le cas ici. Il faut suivre la lettre transmise, même si elle nous paraît obscure.
Plus radicalement, quand on cherche à comprendre, comme ici, le sens d’une pièce qui fait partie d’un ensemble, on doit l’observer dans son contexte. Il est indispensable de prendre du recul, de s’élever pour apercevoir depuis le ciel les structures enveloppantes, et découvrir ainsi quelle place logique occupe la pièce étudiée dans cet ensemble qui la contient.
C’est ainsi que nous allons trouver en dehors du Psaume 23, ce que nous n’avons pas trouvé dans les cinq premiers versets, pour expliquer le sixième ; c’est ainsi que nous allons comprendre à quel « retour » David fait allusion. Le Psautier n’est pas une collection de textes alignés par le hasard et indépendants les uns des autres. David vient de vivre les psaumes précédents, et de manière plus immédiate : le Psaume 22. C’est dans ce psaume qu’il retrouve, dans une vision mystique survenant après un long processus de purification, l’intimité divine qu’il avait perdue en recherchant son bonheur ailleurs qu’en Yhwh. À la fin du Psaume 22 David est revenu à la maison de Yhwh, comme Jacob était revenu sain et sauf à la maison de son père, après de longues épreuves (Gen 28, 21).
Il est donc capital, dans cette conclusion du Psaume 23, de ne pas s’éloigner du texte écrit en conservant la racine shoub, retourner, car cette racine est celle du mot teshouvah, la conversion, le retournement, c’est-à-dire le retour à Dieu, que David vient de vivre au Psaume 22 et qui est à la base de toute vie spirituelle.
Il sera nécessaire d’approfondir l’exégèse du Psaume 22 pour comprendre comment on aboutit à un tel bonheur au Psaume 23. Le lecteur est invité, s’il nous a suivis jusque là, à cette découverte dans une étude consacrée à ce sujet .
Note
sur la racine shoub
Un certain nombre de témoins signalent cependant le rattachement à la racine shoub, « retourner », en indiquant (dans leurs notes) la forme du futur « je retournerai » ou « je reviendrai ». Or la forme écrite ici n’est pas la forme inaccomplie de l’hébreu, celle que l’on traduit presque toujours par un futur, mais la forme accomplie précédée d’un waw conversif à laquelle correspond en général beaucoup mieux le présent ou le conditionnel d’une subordonnée. Cette facilité consistant à traduire systématiquement par un futur la forme de l’accompli avec waw conversif, a pour résultat, sur le mot qui nous intéresse ici, de rendre la situation encore plus difficile à comprendre. David se trouve dans une situation neuve, survenue à la fin du psaume précédent, et dont il découvre le caractère universel d’une loi divine : tout est merveilleux « quand je reviens » à la maison de Yhwh. Au contraire, le futur « je reviendrai » renvoie à l’on ne sait quoi, ce qui conduit à chercher des explications. Ainsi, un témoin en vient-il à s’interroger : peut-être le psalmiste est-il un prêtre ou un lévite en exil à Babylone ?… L’éloignement du texte écrit a rendu l’interprétation très aléatoire.
Les massorètes
sont les rabbins qui transmirent la Bible hébraïque à partir du VIème siècle de notre ère. Afin de préserver la lettre du texte dans les copies successives, ils annotèrent celui-ci. À côté du texte uniquement composé de consonnes, ils ajoutèrent des signes de vocalisation (voyelles à lire) et de prosodie (cantilation, ponctuation), ainsi que des remarques marginales, véritables statistiques destinées à vérifier la bonne transcription des textes (massorah).
Avec les massorètes, est née ce qu’on appelle aujourd’hui la critique textuelle, dont l’objet est de publier, à partir de toutes les sources connues (les manuscrits), une édition critique de la Bible hébraïque. Aujourd’hui, l’édition critique la plus complète, reconnue par la majorité des biblistes, est la Biblia Hebraica Stuttgartensia. C’est à cette édition que nous faisons généralement référence, sans pour autant négliger d’autres sources, notamment en cas de désaccord.Les Septante
Traduction de la Bible hébraïque en langue grecque, réalisée au IIIème siècle avant J.C. à Alexandrie, par soixante-dix (ou soixante-douze) sages de la diaspora d’Israël, d’où son nom de Septante. Cette traduction de la Bible est indifféremment appelée “ la Septante ” ou “ les Septante ”, et souvent notée LXX.
par Yhwh.