Archive pour le 14 mars, 2012
« Il faut savoir se trouver un désert dans sa propre maison et se faire une solitude au milieu du monde ».
14 mars, 2012http://geraldchaput.homily-service.net/(2003)_causerie_2.html
2ième causerie ; LA CHAMBRE ET LA RUE
« Il faut savoir se trouver un désert dans sa propre maison et se faire une solitude au milieu du monde ».
« En toutes choses, actions, conversations, il sentait et contemplait la présence de Dieu. Il était contemplatif dans l’action ce qu’il exprimait par ces mots : il faut trouver Dieu en toutes choses ».
( Giuliani parlant deSt Ignace de Loyola
En guise d’introduction :
Qu’est-ce qu’ils ont vraiment besoin ? Des hommes et des femmes qui ont appris à marcher sur leurs deux jambes. Catherine de Sienne observait dans l’une de ses lettres que nous marchons souvent comme des handicapés sur une seule jambe. « Quand tu veux prier entre dans ta chambre ! Allez sur les places publiques ». Chrétien et mystique. Laïc et mystique. Chambre et rue. Se sont nos deux résidences principales. Présence et Vie. Le nom même de votre groupe laisse entendre que vous avez en permanence deux résidences, deux sanctuaires : celui de Dieu et celui du monde. (Marcelle Veyrac). Vous savez d’expérience comment habiter ces deux résidences peut sembler impossible. Marguerite Bourgeois avait cette belle formule: » sortir dans sortir du cœur de Dieu ». Nous avons souvent une résidence principale et une autre secondaire. Ces deux résidences sont inséparables. Passer de l’une à l’autre. Passer des autres à moi – à ce moi plus intime à moi-même que moi-même (St Augustin)-, passer de l’extérieur à l’intérieur, voilà l’urgence pour tout disciple qui aspire à se donner des yeux de Lumière.
Ma question : sur quelle jambe nous appuyons-nous le plus souvent ? La vie mystique n’est pas une manière de vivre réservée à des moines, moniales.aux professionnels de la prière. Le peuple de Dieu, les chrétiens, les laïcs sont souvent perçus même dans les documents officiels comme des professionnels de l’action, des « œuvre de charité » Professionnels de la prière d’un coté. Professionnels de l’action de l’autre. « Adoration et mission sont les deux faces d’une même action » disait Jean-Paul 11 en béatifiant récemment(20 octobre 2002) Marie de la Passion, fondatrice des soeurs franciscaines missionnaires.
Séparer ces deux mots – chrétien et mystique – c’est vouer à la mort et le chrétien et le mystique. C’est vouer l’évangélisation à l’échec. Évangéliser, c’est montrer en acte que nous sommes fils de Dieu et frère universel. C’est laisser voir que nous avons une double-vie. Évangéliser n’est possible que si nous sommes des porte-voix de la Parole. « Je ne suis pas le Christ. Au milieu de vous se trouve quelqu’un dont je ne suis pas digne de délier sa chaussure » (Mc1, 7) Cela impose à chacun de laisser passer la Lumière en nous.
La vie mystique disait le Père Chénu o.p. n’est pas autre chose que la vie chrétienne à l’état de perfection. Dit autrement être mystique, c’est la manière « ordinaire » « normale » de vivre sa foi. Le nouveau catéchisme précise que chaque baptisé a la mission de vivre une « union mystique » (#2013). De vivre une vie d’union à Dieu. «Dieu nous appelle tous à cette intime union avec lui »(#2014).
La vie mystique – ne pas confondre avec des expériences mystiques – déborde la vie contemplative « qui n’en est qu’une forme » ( Père Marie Eugène je veux voir Dieu p. 420) Il y a une vie mystique contemplative. Il y a aussi une vie mystique active, une mystique de l’action ou une action mystique. La vie mystique ou l’union à Dieu a deux jambes : Dieu et les humains. Docteur de la prière, docteur d’une action mystique, ce sont les deux jambes pour nous configurer au Christ. Je m’adresse à des contemplatifs en action selon la belle expression de Jean-Paul 11 (Encyclique sur la mission # 91)
Le mystère contemplé dans le silence de la chambre doit aussi être contemplé dans le bruit de la rue. La rue doit être un lieu priant et la chambre un lieu étourdissant du bruit de la rue. Parlant des Instituts de droit apostolique le droit canon 663 déclare : « la contemplation des réalités divines et l’union constante à Dieu dans la prière sera le premier et le principal office de tous religieux ». Vous n’êtes peut-être pas des religieux au sens spécifique du terme mais votre participation à un Institut vous engage à mener une vie qui porte en elle une dimension contemplative. .
Le décret Perfectae Caritatis no 5 abonde dans le même sens quand il dit : « il faut que les membres de tout Institut, ne cherchant avant tout que Dieu seul, unissent la contemplation par laquelle ils adhèrent à lui de cœur et d’esprit, et l’amour apostolique qui s’efforce de s’associer à l’œuvre de la Rédemption. »
Le disciple a pour devise : Prie et travaille. Travaille et prie. St Benoît disait : « rien ne doit avoir priorité sur l’amour de Dieu ». Saint Vincent de Paul répondait un siècle plus tard « rien ne doit avoir priorité sur l’amour de nos frères » La chambre et la rue sont appelés à se conjuguer.
Quand Jésus a prononcé l’invitation « si tu veux être parfait » (Mtt19, 21) au jeune homme riche, il s’adressait à tous les chrétiens ordinaires et non pas à une élite. (Voir Jean-Paul 11 dans splendeur de la vérité no 18) « Vous donc vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt5, 48). Ces paroles là ne sont pas à prendre ou à laisser. «L’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang »(LG40). Dans sa lettre ouvrant ce millénaire, Jean-Paul 11 écrit qu’un «baptisé ne peut se contenter d’une vie médiocre, d’une religiosité superficielle» (31).
Comment unifier prière et travail ?
Comment solidifier, souder cette deux « doctorats » indispensable à tout disciple ? Comment être à la fois cette Marthe qui recevait Jésus chez elle et cette Marie qui « a choisi la meilleur part ? » (Lc10, 42)Il y a une solidarité, une soudure essentielle, indissociable entre la prière et l’action, entre l’action et la prière. Aucune concurrence entre la voie mystique contemplative et la voie mystique dans l’action. » Tu aimeras ton Dieu ». (prier) » Tu aimeras ton prochain » (action) de tout ton coeur, de toutes tes forces. (Lc 10,27) L’état de perfection du disciple se réalise quand il se donne une » double vie ». D’une vie mixte dirait St Thomas d’Aquin et qui est dit-il la forme de vie la plus parfaite, supérieure à la vie purement contemplative. Dans chaque personne dit-on, il y a un homme et une femme. Chez les uns, la dimension féminine est plus évidente. Chez d’autres, c’est la dimension masculine qui se voit d’abord. Mais les deux dimensions sont là. Ainsi en est-il de nos vies de chrétiens et de disciples.
Est-ce que nous sommes des gens équilibrés non pas mentalement mais spirituellement équilibrés ? Des gens capable d’harmoniser un balancement entre la prière et l’action. Mère Térésa de Calcutta exprimait un jour à un prêtre qui travaillait beaucoup : » si vous voulez travailler davantage, passez plus de temps devant le saint Sacrement. » Et la « sainte » ajouta : « le monde a besoin que nous travaillions davantage » Aux yeux de cette grande femme toute frêle, fragile, plus nous prions, plus nous devons travailler. Plus nous travaillons, plus nous devons passer du temps en prière.
Soulignant récemment le 50e anniversaire d’un institut de formation de laïcs sous la responsabilité d’un monastère des Carmes, Jean-Paul 11 souhaitait » que votre contemplation s’unisse harmonieusement à votre action et que votre action devienne une véritable union à Dieu. » Il ajouta » Pour prendre le large, il est indispensable que grandisse en chacun de vous l’union intime au Christ, lui qui est la seule et unique source de renouveau évangélique ». C’est à cette seule condition qu’il est possible d’affronter avec courage les défis du temps présent.
Ce que nous devons d’abord planifier, ce ne sont pas des réunions, des coups de téléphone, des documents à préparer, des télécopies à envoyer, des conférences de presse à planifier mais des rendez-vous avec Dieu. Nous devons d’abord planifier des moments pour nous » laisser avoir » par Dieu plutôt que de nous « faire avoir » par le temps qui nous manque. Se laisser captiver, attirer par Dieu.
« Dieu premier servi » Cette expression de Jeanne d’Arc nous l’avons souvent entendue jadis. Mais ces dernières décennies, nous avons investi beaucoup dans l’action. Il y a présentement deux dérives à éviter: celle du fonctionnel qui serait de dire : programmons, réajustons, planifions. Celle de nos litanies des lamentations qui occupent beaucoup de place dans nos journées.
L’époque que nous traversons à besoin d’être transformée par la manifestation de la dimension contemplative de nos actions. Nous ne sommes pas qu’une machine à agir. Nous sommes des fils de Dieu. Le défi est de passer de l’action à la prière. De la prière à une action mystique. Il faut savoir dit Antoine Bloom dans son livre école de prière (Seuil 1970 pp 118-120) dire STOP à ce que nous faisons pour respirer Dieu.
Trop occupés pour prier ??
Ce quelque chose de plus que demandait Jésus au jeune homme riche, c’était tout simplement pour un instant de laisser de coté, – le texte dit tout abandonner – son travail ordinaire pour prier, pour le Suivre Lui Jésus au désert. L’Évangéliste ajoute : il avait de grand bien. Nous pourrions dire: nous avons tellement à faire. Comme le jeune homme riche, nous préférons nos « affaires », entendre nos activités plutôt que de le Suivre. Il faudrait simplement devant cette question de Jésus, lui demander de nous aider à tout quitter, à quitter notre travail pour laisser l’Esprit nous habiter. Je suis assuré qu’il nous entendrait.
Trop souvent nous prétextons d’une situation extérieure genre trop de travail, échéancier à respecter, pour ne pas avoir à s’en prendre à soi-même. C’est un alibi confortable pour éviter de prendre en main sa propre vie de disciple. Madeleine Delbrel a ces mots très puissants : « être chrétien, c’est une vraie vocation, une vraie profession, c’est être appelé à faire un travail qu’on est seul à faire ». Et elle précise : « ce travail est plus que de désirer prier ». (Delbrel Madeleine invisible amour. Ed Centurion p 21s)
Trop de travail pour prier. Il y a aussi une façon de voir les choses. La vie est tellement stressante, le travail est tellement demandant que cela exige de nous donner du temps pour décompresser. Nous voulons arrêter la machine à penser, la machine de la recherche de l’efficacité, calmer le tohu-bohu qui nous remplit la tête, apprendre « à respirer par le nez » ou lâcher prise, optons pour la prière. Certains sont à la recherche de fin de semaine pour « lâcher prise » – notre époque est celle des loisirs-. Dans le langage chrétien (mystique) cela s’appelle l’abandon. Prier, c’est vivre au rythme de notre respiration, c’est s’abandonner, c’est délecter selon le très beau titre du livre du Père Stinissen, o.c.d l’éternité au cœur du temps présent ( Ed. Carmel 2002). Évitons tout malentendu, je parle de prière et non pas d’un repli sur soi-même et non aussi de fuite du travail. Prier, c’est cesser de s’occuper de soi pour laisser Dieu s’occuper de nous. Thérèse d’Avila aime dire quand nous nous occupons de Dieu, nous nous occupons de nous-même.
La même mission pour tous :
Prie et travaille. La mission confiée par Jésus allez sur les places n’est pas en opposition avec l’invitation de Jésus à se retirer, à entrer dans sa chambre. Et toi quand tu pries, entre dans ta chambre. La chambre et la rue ne sont pas des lieux en état de guerre. La rue peut devenir aussi priante que la chambre. La chambre peut devenir aussi peuplé que la rue. Vie d’union à Dieu et vie active, c’est du pareil au même. Actif dans la prière. Actif dans l’action. Ne séparons pas ce que » Dieu a uni » dans la personne de son Fils. Aucune rivalité entre l’attention portée à Dieu et celle portée aux humains. Aucune concurrence entre l’extérieur et l’intérieur. Aucune compétition entre « être adorateur du Père »(Jn4, 23) et s’engager pour la cause du Royaume. Aucun sens unique non plus. Ce serait une vision déformée que de considérer l’action comme un excédent de la contemplation, un simple débordement du superflu de notre prière. L’action conduit aussi à la prière.
Jean-Paul 11 le redit souvent: «la contemplation du visage du Christ suscite chez le disciple la contemplation des visages humains » (Evangilium nuntiandi #7) et nous transforme en évangélisateur. Agir parce que Jésus nous sort de la bouche tant il nous ronge le coeur. Prier parce que le peuple s’attend à ce que nous le présentions à Dieu. Prie et travaille. Cette mission appartient à tous les baptisés. Nous avons à suivre Jésus au désert et d’aller sur les places. De travailler à la Vigne. Vatican 11 est étonnamment très clair:
Les laïcs sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l’esprit évangélique, et, pour manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur vie, rayonnant de foi, d’espérance et de charité. (LG31)
Soyons clair : Il ne suffit pas de prier : Que sert à quelqu’un de dire qu’il a la foi s’il n’a pas les oeuvres ? Si quelqu’un est réduit à l’indigence et qu’on lui dise : allez en paix sans lui donner les choses nécessaires, à quoi cela sert-il. Ainsi en est-il de la foi : sans les oeuvres elle est vraiment morte (Jac2 : 14-17. Le travail fait partie de l’équilibre humain. Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur. mais qui font la Volonté de mon Père.
Soyons très clair. Il ne suffit pas d’agir. Il ne suffit pas d’agir pour dire Dieu. Il ne suffit pas de prêcher pour dire Dieu. Pour dire Dieu, il faut ce « mariage spirituel » de la prière et de l’action. Accueillir Dieu dans la prière. Le trouver en se mettant au service de la Résurrection. Que ce soit dans notre prière contemplative, à l’écart dans le secret de notre chambre intérieure; Que ce soit dans le service, si petit soit-il, pour rendre notre terre, une Terre Neuve, c’est toujours le même « hôte qui vient habiter chez nous. » (Thérèse d’Avila)
Vous et moi sommes profondément marqués par notre culture toute axée écrivait déjà au début du siècle dernier l’écrivain russe Tolstoï » sur l’augmentation de l’avoir ( le texte dit : des chevaux) de titres administratifs, de connaissances ». Mais ajoute l’écrivain « une seule augmentation est nécessaire: l’augmentation de la sagesse » (Journal Intime #183) Matthieu écrivait il y a XX siècles que la culture de son temps invitait à avoir une belle apparence à l’extérieur mais où l’intérieur est «rempli d’ossements »(Mtt 23,27) « d’ossements desséchés » (Ez 37,4. La société et ses valeurs d’efficacité, de rendement à tout prix nous dominent, nous envahissent. Nous ne pouvons tout avoir. Il faut faire un choix entre les « appels d’offre » de notre culture et les « appels d’offre »de l’Évangile « Être homme, c’est habiter avec Dieu » (St Bruno) C’est notre première tâche.
Nous sommes ici, vous êtes membre de cet Institut Présence et Vie pour répondre aux appels d’offre de l’Évangile. L’Évangile nous offre d’être pleinement humain et pleinement divin. Soyez parfait. Pleinement relation aux autres et pleinement uni à Dieu. Pour nous occuper aussi de« l’intérieur de la coupe » (Mtt23, 28). Nous sommes ici pour «nous éviter de courir après des riens et devenir rien »(Jérémie, 2,5) pour « entrer au pays des vergers pour en goûter les fruits et la beauté »(Jérémie 2,7). Jérémie dans l’oracle que je cite reprochait à son peuple vous avez changé de Dieu. C’est également notre réalité. Nous sommes ici pour changer de Dieu. Pour changer de gloire. ! « Vous êtes appelés par notre Évangile à posséder la gloire de Notre Seigneur Jésus Christ » (2 Th2, 14) Nous avons échangé la gloire de Dieu pour l’éphémère gloire que nous offre notre culture toute axée sur l’extérieur.
En guise de conclusion :
Puisqu’une image vaut mille mots, je termine pour cette image qui résume bien ce que je viens d’expliquer:
Présenter du chocolat à un enfant, il va tout laisser. Il abandonne tout. Il est attiré par le plaisir de manger du chocolat. Le Christ, révélation du Père, nous attire-t-il au point de tout laisser, de tout abandonner parce que son Asalut@ nous fascine ? Le Christ nous fascine-t-il à ce point que nous pouvons dire : je n’ai plus de temps pour le travail parce que je dois laisser Dieu s’occuper de moi. Nous entendons plus souvent le contraire: je n’ai pas le temps de prier parce que j’ai trop à faire. Le Père nous offre du bon chocolat mais nous nous en privons de peur de prendre du poids. « Personne ne vient à moi, si le Père ne l’attire » (Jn6, 44)
Pour nous donner une action « théophore » porteuse de Dieu disait jadis les Pères de l’Église (Ignace d’Antioche), un passage obligatoire s’impose : Avoir en nous Jésus. Être porteur de Dieu, porteur du temple de Dieu. Le temple de Dieu est sacré et ce temple, c’est vous (1 Cor3, 17. Notre option de disciple : Voir Dieu par la prière du coeur. Servir Dieu par la prière des mains. En régime chrétien, il n’y a pas de temps pour prier pas plus qu’il n’y a du temps pour agir. Il n’y a que le temps de Dieu. Il n’y a que l’Éternité au coeur du temps (titre d’un récent livre du Père Wilfrid Stinissen, o.c.d. 2002) Et l’éternité ne se trouve pas seulement dans la prière mais dans le réel concret de notre monde. Qu’est-ce qu’ils ont vraiment besoin ? De nous voir marcher sur nos deux jambes.
La Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère – VI (Jean Galot s.j)
14 mars, 2012http://www.moscati.it/Francais2/Fr_Galot_Maria6.html
La Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère – VI
Jean Galot s.j. – [Traduction par Françoise Matera]
Maternité spirituelle universelle
Le plus haut titre attribué à Marie est celui de « Mère de Dieu » : être mère du Fils de Dieu qui est Dieu est une dignité incomparable, qui suscite toujours notre admiration et nous fait comprendre l’audace de notre foi.
Il y a aussi une autre merveille dans la personne de Marie. Elle qui est Mère de Dieu Dieu est devenue notre mère spirituelle, mère de chacun d’entre nous dans l’ordre de la grâce. C’est la maternité qui a été établie et déclarée par le Christ peu avant sa mort sur la croix. L’évangéliste Jean nous a rapporté la parole qui a attribué à Marie cette maternité, plus précisément en relation avec son disciple bien-aimé: »Femme, voici ton fils « (Jean 19,26). Il dit au disciple: »Voici ta mère ». Il y a un effet immédiat: « A partir de ce moment-là, le disciple la prit chez lui »(19,27)
le disciple est confié à la maternité spirituelle de Marie ,Marie qui reçoit la mission de prendre soin de lui comme d’un fils.
En outre, le problème des moyens de subsistance de Marie et de son logement avait déjà été solutionné quand Jésus avait laissé Nazareth pour suivre sa mission publique et son activité de prédication : il avait dû s’occuper des conditions de vie de sa mère. La présence de la belle-sœur de Marie, la femme de Cléophée, auprès de la croix de Jésus, semble aussi indiquer que Marie, si elle en avait eu besoin, aurait trouvé de l’aide dans la famille.
En réalité, au moment où Jésus souffre sur la croix pour le salut de l’humanité, ce ne sont pas les soucis familiaux qui mobilisent le fond de sa pensée et ses forces. Il a renoncé à sa famille pour se consacrer à l’édification du règne de Dieu; il veut assurer le développement de ce règne. Il est conscient que ses disciples sont exposés à de nombreux dangers ; pour les détourner de leurs faiblesses, il les confie à la sollicitude d’une mère, la meilleure de toutes les mères. Celle qui a été choisie comme la coopératrice par excellence de l’œuvre de salut, pourra aider les disciples à rester fidèles et à accomplir leur mission.
Le choix du disciple bien-aimé pour l’institution de ce rapport filial avec Marie a une valeur symbolique. Il signifie que chaque disciple, en étant aimé spécifiquement par le Christ, reçoit Marie comme mère. Le don de Marie comme mère des disciples est le dernier don qu’a fait Jésus avant sa mort. Dans son sacrifice, le Sauveur avait tout donné pour le salut de tous les hommes. Il lui restait sa mère, près de lui, comme un trésor suprême. Et ce trésor, il le donne aussi à l’humanité.
Marie est le cadeau le plus précieux qui puisse être donné à l’humanité. Après les paroles adressées à Marie et au disciple bien-aimé, l’évangéliste souligne que le don de la croix est complet : Jésus savait « que désormais tout était achevé »(19,28). Toute la mission confiée par le Père au Fils avait été accomplie et l’amour qui voulait se révéler dans le drame de la rédemption s’était pleinement manifesté dans le don Marie comme mère.
Maternité singulière et universelle
Le don de Marie de la part de Jésus est complet : il ne reconnaît pas seulement sa mère pour ses qualités maternelles. Il l’appelle « femme » et l’institue mère avec une nouvelle maternité , qui prendra une grande importance dans le futur pour la vie de l’Eglise. Cette nouvelle maternité, dans sa formulation, avait une portée singulière parce qu’elle concernait un seul disciple. Mais à travers ce disciple, elle devait entraîner une relation avec chaque disciple et prendre ainsi une valeur universelle.
Dans sa première destination, la nouvelle maternité assumait une forme singulière, en vertu d’une intention particulière de Jésus. D’une part, le Sauveur crucifié s’immolait pour tous les hommes et désirait communiquer à tous le bénéfice du salut; c’est la raison pour laquelle il voulait étendre à toute l’humanité le don de sa mère. Mais d’autre part, il voulait que ce don parvienne à chaque disciple dans sa singularité. S’il avait proclamé d’une manière générale cette maternité, beaucoup auraient pu sous-estimer la valeur d’une affection maternelle offerte à tous. La forme trop globale de la maternité aurait nui à la qualité du don.
Jésus voulait pour chaque disciple une mère qui aurait été présente spirituellement dans la vie de chacun comme s’il avait été son seul fils, une mère qui se serait intéressée à toutes les particularités de son existence et aurait été prête à répondre à ses besoins et à ses désirs. Il avait apprécié, pendant son enfance et sa jeunesse à Nazareth, la présence de sa mère qui avait montré tant de bonté, de compréhension et de sollicitude. Il désirait pour tous les croyants une présence maternelle qui soit une aide pour la croissance dans la foi et dans l’amour.
C’est dans ce sens que la maternité de Marie conserve toujours sa valeur singulière. Mais elle prend une valeur universelle parce qu’elle s’étend à tous les chrétiens et aussi à tous les hommes: : tous sont appelés à partager la progéniture divine du Christ et à devenir les fils de Marie. Dans cette perspective générale, Marie est vénérée comme mère de l’Eglise et mère de toute l’humanité.
Mère de l’Eglise, Marie n’a pas seulement reçu une mission maternelle en faveur de chaque chrétien. Elle a été dotée d’une responsabilité maternelle dans le développement de toutes les manifestations de la grâce et dans la multiplication de tous les dons et charismes qui contribuent à la vitalité de l’Eglise. Comme une mère très désireuse de favoriser la bonne entente entre ses enfants, elle exerce une action constante pour faire triompher l’unité de l’Eglise sur toutes les tentatives de division entre chrétiens.
Parmi les tâches de l’activité maternelle de Marie, on trouve ses efforts pour faire progresser l’oecuménisme. Le rapprochement réciproque des diverses confessions chrétiennes doit surmonter beaucoup d’obstacles : invisiblement, Marie est toujours présente pour faciliter les bons rapports et les accords, même quand des différends naissent à propos de la doctrine mariale ou du culte marial. Avec une délicatesse maternelle, Marie assure la prédominance de l’harmonie et stimule tous les efforts de réconciliation.
Marie ne peut pas oublier qu’elle a été proclamée mère des disciples à un moment où la haine se déchaînait pour vaincre le Christ. C’était la haine qui s’exprimait dans les nombreuses insultes qui voulaient frapper celui qui répondait uniquement par un silence rempli de pardon. L’instauration de la nouvelle maternité de Marie faisait partie de la réponse. Marie est consciente que sa maternité est destinée à favoriser le pardon mutuel et tout ce qui, dans les relations entre les hommes contribue à développer l’amour mutuel.
Celle qui n’a jamais permis à son cœur la moindre déviation vers l’égoïsme, l’orgueil ou la vengeance, engage toute son affection maternelle pour aider ses fils à vivre dans un climat d’amour authentique.
Maternité en mission
Le Christ a confié la nouvelle maternité à Marie telle une mission. Maternité singulière, elle était destinée à renforcer l’influence de la nouvelle vie du Sauveur. Maternité universelle, elle était destinée à s’ étendre universellement à toute la communauté chrétienne.
Pour cette mission, Marie a reçu une grâce spéciale le jour de la Pentecôte. Nous savons qu’avant la Pentecôte, elle s’était unie à la prière de la première communauté.
Dans les actes des apôtres, il est dit qu’après l’Ascension, tous les apôtres, avec quelques femmes, persévéraient dans la prière en formant un seul coeur et une seule âme. Parmi ces femmes, une seule est citée : Marie (Actes 1,14). La mère de Jésus apparaît comme un modèle de prière assidue
Plus précisément, la mère de Jésus s’unissait à la prière de la communauté en vue de la venue prochaine de l’Esprit Saint, annoncée par Jésus à ses disciples. Nous pourrions être étonnés que Marie ait besoin de se préparer par la prière à la venue de l’Esprit Saint. En effet, l’Esprit était déjà venue sur elle pour accomplir la merveille suprême de l’œuvre du salut, la conception miraculeuse de l’enfant Jésus. Il semblait que Marie ne pouvait plus recevoir d’autre don de l’Esprit.
Mais elle savait qu’elle avait besoin d’un nouveau don de l’Esprit Saint pour assumer la maternité spirituelle qui lui avait été attribuée. Pour devenir mère du Christ, elle avait reçu un don exceptionnel du Saint Esprit; maintenant, pour accomplir la mission de mère des disciples de Jésus, elle attendait un autre don, tout aussi exceptionnel. Elle priait donc pour obtenir ce don ; elle priait en même temps pour la venue de l’Esprit Saint dans toute l’Eglise, pour obtenir en surabondance une multitude de dons spirituels.
L’événement de la Pentecôtea répondu pleinement à la prière de Marie et aux supplications d’une communauté profondément unie. Comme les autres qui étaient présents, Marie fut remplie du souffle violent de l’Esprit et reçut une langue de feu pour répandre les merveilles de Dieu, ces merveilles dont elle était le témoin privilégié. Ceux qui pouvaient entendre le témoignage de Marie, pouvaient aussi comprendre, chacun dans sa langue, les paroles qui sortaient de sa bouche: Marie et les Apôtres accomplissaient les mêmes merveilles sous l’onction de l’Esprit Saint.
Après la Pentecôte, l’Esprit continua d’animer les Apôtres. Il animait plus particulièrement Marie qui avait été sa coopératrice par excellenceexcellence au moment de l’Annonciation. Il communiquait en abondance à Marie tous les dons spirituels spirituels utiles à l’exécution de sa mission. Il faisait porter beaucoup de fruits à sa maternité, donnant une portée supérieure à ses paroles, à ses actions, à son témoignage.
« Aimez-la comme je l’ai aimée »
Jésus ne se limitait pas à s’adresser à sa mère pour l’instituer mère de son disciple bien-aimé. Il s’adresse aussi au disciple en lui disant : « Voici ta mère », pour lui faire comprendre que ceux qui reçoivent une nouvelle mère doivent avoir un comportement filial. Ce comportement est tout simplement la conséquence de la proclamation de la maternité de Marie. La proclamation aurait pu suffire mais Jésus a voulu attirer l’attention expressément sur la réponse filiale qui sera la caractéristique du culte marial.
Ses paroles adressées à Jean ont eu un effet immédiat, un effet qui, en quelque sorte, nous surprend, mais qui montre que l’invitation à considérer Marie comme mère devait être faite: »A partir de là le disciple la prit chez lui »(Jean 19,27). Par ce comportement, le disciple montrait ses qualités intuitives que d’autres épisodes de l’évangile ont mis en lumière. Il a compris le désir ardent de Jésus ; au cours de la vie publique, il avait pris l’habitude de discerner à travers les liens d’amitié qui l’unissaient au Maître, les signes de ses aspirations et de sa volonté. Ainsi, il comprend l’intention de Jésus qui souhaite que sa mère, qu’il a donnée à l’humanité, soit accueillie de bon coeur et avec affection.
« Sainte Vierge du Sacré Coeur ». La vénération due à Marie répond à la volonté exprimée par Jésus lui-même, qu’il a donnée à chacun de nous au moment de sa Passion.
Dans cet accueil, nous pouvons découvrir la première manifestation du culte rendu à Marie. Depuis le début, déjà avant la naissance de l’Eglise, qui a eu lieu à laPentecôte, ce culte a été promu par Jésus lui-même. Le Maître aurait pu laisser à l’affection spontanée des cœurs chrétiens les premiers mouvements de développement du culte marial. Mais il voulait donner à ce culte une valeur supérieure, avec la garantie de son autorité divine, qui excluait tout doute ou hésitation.
En outre, en prononçant les paroles: « Voici ta mère » dans les souffrances de la croix, il donnait à ces paroles la force de la dernière volonté d’un mourant et la valeur d’une invitation qui devait être reçue comme particulièrement sacrée.
La vénération que l’on doit à Marie a donc répondu à une volonté du Christ, au point que cette vénération est toujours liée au culte rendu au Sauveur. Si Jésus n’avait pas exprimé clairement cette volonté, quelque doute aurait pu être émis sur l’importance du culte marial, au motif que Marie était absente pendant la vie publique, vu qu’elle vivait à Nazareth par volonté de son fils. Mais à l’heure de la croix, Marie était présente, intimement unie à son Fils et ce dernier soulignait la valeur de la proximité de sa mère en l’instituant mère des disciples, mère de l’Eglise.
Cette volonté du Christ était tout d’abord adressée à Marie , comme le montrent ces paroles : « Femme, voici ton Fils ». Jésus n’hésitait pas à demander à Marie d’accomplir son sacrifice maternel : la mère devait accepter de perdre son propre fils pour recevoir un autre fils. En l’appelant « femme », il la faisait renoncer au lien de la tendre affection qui l’unissait à lui pour s’ouvrir à une autre maternité.
Le mot « femme » pouvait sembler froid dans les relations d’un fils avec sa mère. Mais c’était le mot utilisé par Jésus dans les noces de Cana, quand il accepta le désir de miracle qui animait l’intervention de Marie. Il voulait attirer l’attention sur la distance qui, depuis le moment de son départ de Nazareth pour la vie publique, le séparait de sa mère. En tant que femme engagée dans l’œuvre de salut, Marie pouvait obtenir le miracle.
le Maître crucifié invite chaque disciple à accueillir Marie dans sa vie avec un cœur filial, pas comme s’ il s’agissait de sa propre mère, mais parce qu’elle est réellement sa mère, élevée à cette maternité spirituelle par le Sauveur lui-même.
Dans la dernière cène, Jésus avait laissé aux apôtres son commandement par excellence: »Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres »(Jean 13,34-35; cf. 15,12). ). Un précepte analogue ressort des paroles : « Voici ta mère ! » « »Aimez votre mère comme je l’ai aimée, parce qu’elle est la mère de chacun d’entre vous ».
Aimer Marie comme le Christ signifie avant tout découvrir le vrai visage de Marie, comme il a été contemplé par celui qui, du regard, pénétrait le fond des âmes. Nombreux sont ceux qui sont tentés de se limiter à une connaissance superficielle de Marie. Il est vrai que les évangiles nous ont rapporté sur Marie des épisodes qui ont une signification profonde et méritent une réflexion très attentive. Mais souvent notre lecture du texte évangélique est trop rapide et nous retenons seulement ce qui semble évident, sans que nous ayons le temps de relire le texte pour en cueillir la richesse de la pensée cachée par l’Esprit Saint à travers les informations des évangélistes.
En effet, c’est l’Esprit qui doit être imploré pour nous révéler les merveilleux secrets de la vie intime de Marie et de sa coopération à l’œuvre qui a sauvé l’humanité. Il peut nous dévoiler pleinement le visage de Marie Marie comme visage maternel dans lequel s’est manifestée l’immensité de l’amour divin.
Le développement du culte marialet de la doctrine mariale montrent l’effort fourni par toute l’Eglise pour mieux connaître la mère de Jésus qui est notre mère. En la découvrant, il est possible de l’aimer avec plus de sincérité et de trouver dans sa présence et dans son visage une source de joie.
Aimer Marie a été la dernière invitation adressée par le Christ mourant pour l’humanité. . C’est une invitation à des efforts toujours nouveaux pour connaître et apprécier celle qui est la mère de Dieu et la mère de l’humanité rachetée. Les efforts n’ont pas de limite car aimer Marie comme le Christ lui-même l’a aimée, signifie s’engager dans un amour sans aucune frontière.