Archive pour le 13 mars, 2012

Saint-Joseph le charpentier

13 mars, 2012

Saint-Joseph le charpentier dans images sacrée milano-san-giuseppe-falegname
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SAINT JOSEPH DANS L’ANCIEN TESTAMENT

13 mars, 2012

 http://voiemystique.free.fr/saint_joseph_01_1.htm

SAINT JOSEPH DANS L’ANCIEN TESTAMENT

1  Les figures de Saint Joseph dans l’Ancien Testament

 Grâce à sa mission auprès de Jésus, Enfant puis Adolescent, Saint Joseph nous fait découvrir le Père, que Jésus nous révélera pleinement plus tard. La Bible nous dévoile parfois l’amour infini de Dieu pour son peuple, même pécheur, mais, si elle laisse entendre qu’Il l’aime encore plus qu’une mère n’aime son enfant, elle reste très discrète sur la paternité de Dieu.
Certains auteurs ont vu, dans le patriarche Noé accueillant, à la fin du déluge, la colombe et son rameau d’olivier, l’image de Joseph, gardien de Marie, la colombe mystique qui nous donne le salut en enfantant Jésus. D’autres ont cité Éliézer, [1] le serviteur de la famille d’Isaac, chargé de veiller sur la fiancée de son maître ; ou encore Moïse, confident des desseins secrets de Dieu. Pour rester avec Moïse, on peut ajouter ici que les chérubins qui protégeaient l’Arche d’Alliance ont parfois été considérés comme le symbole de Marie et de Joseph dans l’attitude d’adoration où ils se tenaient à Bethléem autour du berceau de Jésus, la véritable hostie de propitiation. Quant à Saint Bernard, il considère Joseph, fils de David, comme un autre David.
Les personnages évoqués ci-dessus n’ont cependant donné lieu qu’à peu de commentaires dans le cadre du sujet qui nous intéresse. Par contre, nous nous attarderons davantage sur les quatre personnages bibliques qui nous apparaissent vraiment comme des figures anticipées de Saint Joseph.
Dès la Genèse, l’histoire de Joseph ben Jacob, qui sauvera l’Égypte puis les peuples voisins, donc sa famille, d’une terrible famine, nous montre comment Dieu “sauve” ceux qui seront les aïeux de Jésus. Plus tard, deux livres, — le premier historique : le Livre de Samuel, puis une histoire édifiante : le Livre de Tobie —, nous feront pressentir la sollicitude de Dieu vis-à-vis de ceux qu’Il s’est choisis dès leur plus tendre enfance. Enfin, nous mentionnerons, dans une autre histoire édifiante, dont l’historicité totale n’est pas prouvée, l’action de Mardochée, le protecteur de celle qui devint la Reine Esther, et dont les conseils judicieux conduisirent cette dernière à entreprendre l’action qui sauva son peuple. Nous examinerons successivement la mission de Joseph ben Jacob, puis celle d’Héli auprès de Samuel et celle de l’ange Raphaël auprès du jeune Tobie, et enfin celle de Mardochée auprès de la Reine Esther.

Avertissement
On trouve dans de nombreux documents d’Église, des textes qui cherchent à établir des parallèles entre la vie et la mission de Saint Joseph et celle du patriarche Joseph, fils de Jacob.  Mais on ne trouve que très rarement  l’esquisse d’un rapprochement possible entre Saint Joseph et le prêtre Héli, gardien, protecteur et éducateur du jeune Samuel, rapprochement qui paraît cependant assez logique. De même on ne suggère pas le  rapprochement entre Saint Joseph et l’Ange Raphaël, gardien du jeune Tobie.
Par ailleurs c’est seulement dans les écrits de Marie d’Agreda, la grande mystique du XVIIe siècle qu’il est fait mention du parallélisme entre Mardochée et Saint Joseph.
Dans ce chapitre, seront mis en valeur les éléments de la vie de Joseph fils de Jacob, ainsi que de celle du prêtre Héli, éléments qui sont comme des préfigurations de la mission de Saint Joseph. Puis nous contemplerons longuement la protection qui entoura le jeune Tobie jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge adulte et ait trouvé la femme que Dieu lui avait réservée. Enfin nous méditerons le comportement exemplaire de Mardochée, tuteur de la jeune Esther destinée à devenir la Reine Esther.

Comment le patriarche Joseph préfigure Saint Joseph
L’encyclique “Quamquam pluries” de Léon XIII, indique que “le Joseph des temps anciens, fils du patriarche Jacob, fut la figure du nôtre, et, par son éclat, témoigna de la grandeur du futur gardien de la divine famille.” Outre la similitude de nom : Joseph, qui signifie ” progressant, ou avançant”, il existe entre les deux Joseph des similitudes évidentes.
Le premier Joseph obtint d’abord la faveur de son maître dont il fit croître les biens ; puis grâce à sa situation dans le Royaume d’Égypte, il sut, par sa sagesse, en un temps de disette, pourvoir aux besoins des égyptiens et des pays voisins, de telle sorte que le roi d’Égypte décréta qu’on l’appellerait “sauveur du monde… C’est ainsi que dans cet ancien patriarche il est permis de reconnaître la figure du nouveau. De même que le premier fit réussir et prospérer les intérêts domestiques de son maître, de même le second, destiné à être le gardien de la religion chrétienne, doit être regardé comme le protecteur et le défenseur de l’Église, qui est vraiment la maison du Seigneur et le royaume de Dieu sur la terre.” [2]
De son côté Saint Bernardin de Sienne, dans un de ses sermons sur Saint Joseph, ne craint pas de dire: “Saint Joseph a l’avantage sur le patriarche qu’il ne fournit pas seulement le pain de la vie corporelle aux Égyptiens, mais à tous les élus il a assuré le pain du Ciel qui donne la vie céleste, nourrissant avec le plus grand soin Jésus-Christ, le pain de nos âmes.” [3] Le patriarche Joseph a sauvé son peuple en lui donnant du pain matériel. Saint Joseph a participé au salut du peuple de Dieu en nourrissant Celui qui nous donnera le Pain du Ciel.
On pourrait aller encore plus loin dans la similitude entre Joseph, le Patriarche, et Joseph, le père légal de Jésus. La genèse (Gn. 37, 9 11) raconte comment, dans un songe, le jeune Joseph avait vu le soleil et la lune se prosterner devant lui. Ce songe ne serait-il pas comme un symbole de l’autorité de Joseph envers Jésus et Marie? Saint Grégoire, en effet, ne craint pas d’affirmer : “Pourquoi, je vous prie, Joseph n’aurait-il pas eu une intelligence très éclairée, lui qui vivait entre le Soleil et la Lune?”

Comment le prêtre Héli préfigure Saint Joseph
La Bible nous raconte comment Anne, la femme stérile d’Elqana, de la tribu d’Éphraïm, conçut son fils Samuel, son fils premier-né, celui que le Seigneur lui donna, en réponse à sa prière confiante, et qui, bientôt, lui ôtera la honte de sa stérilité. Dans sa peine, Anne avait longuement prié Yahvé et fait ce vœu : “Yahvé des armées, regarde avec bonté la peine de ta servante, souviens-toi de moi, n’oublie pas ta servante. Si tu donnes à ta servante un petit garçon, je le consacrerai à Yahvé pour le restant  de ses  jours  et le rasoir ne passera pas sur sa tête.”    (1 Samuel 1- 11)
Anne enfanta un fils et, fidèle à son vœu, dès que l’enfant fut sevré, elle monta avec lui à la maison de Yahvé, à Silo, et le confia au prêtre Héli en disant : “… c’est moi la femme qui se tenait ici près de toi pour prier Yahvé. C’est pour cet enfant que j’ai prié et Yahvé m’a donné ce que je demandais. A mon tour je le cède à Yahvé pour le restant de ses jours : il sera donné à Yahvé.” C’est ainsi que Samuel fut confié au prêtre Héli, et qu’il resta au service de Yahvé. “Chaque année Anne montait avec son mari pour le sacrifice annuel. Héli bénit Elqana et sa femme… Et Yahvé se souvint d’elle: elle conçut et enfanta trois autres fils et deux filles.”
Le jeune Samuel grandissait sous le regard de Yahvé, mais sous la garde d’Héli. Les fils d’Héli, “des moins que rien” se conduisirent mal aux yeux de Yahvé qui les rejeta et choisit Samuel pour être son prêtre.”Le jeune Samuel servait Yahvé sous le regard d’Héli. En ce temps-là la parole de Yahvé était chose rare et les visions peu fréquentes.”
Samuel ne connaissait donc pas encore Yahvé. Héli était alors presque aveugle et Samuel couchait dans le sanctuaire de Yahvé, là où se trouvait l’Arche de Dieu. Ce jour-là, la lampe de Dieu n’était pas encore éteinte quand Yahvé appela : “Samuel ! Samuel ! Samuel répondit : “Me voici “ et courut vers Héli et lui dit : “me voici puisque tu m’as appelé.” Mais Héli, qui n’avait pas appelé renvoya Samuel se coucher. Yahvé appela de nouveau, et la même scène se renouvela. Au troisième appel Héli comprit que c’était Yahvé qui appelait Samuel et il dit à l’enfant : “Va te coucher; si on t’appelle, tu répondras: parle, Yahvé, car ton serviteur écoute.” (1Samuel, 3- 9) Yahvé entra et se tint là. Il appela de nouveau Samuel qui répondit : “Parle, Seigneur car ton serviteur écoute.”
Samuel grandit. Yahvé était avec lui et ses paroles ne manquaient jamais de se réaliser. Tout Israël sut que Samuel était le prophète de Yahvé.
La similitude entre Héli et Saint Joseph, au moins pour une certaine période de leur  vie, est évidente : à chacun d’eux furent confiées la garde et l’éducation d’un enfant qui devait juger et sauver le Peuple de Dieu. C’est Samuel qui oindra Saül, le premier roi d’Israël. C’est encore lui qui, après que Yahvé eût rejeté Saül lequel s’était mal conduit, oindra David, roi et messie, David de qui descendra Jésus, le Messie tant attendu. Ben Sirac le sage confirmera la mission de Samuel : “Samuel fut aimé de son Seigneur ; comme prophète du Seigneur il établit la royauté et donna l’onction sainte aux chefs de son peuple.” [4]
On pourrait encore poursuivre la similitude: à la descendance d’Héli fut retirée la garde de l’Arche, ses fils s’étaient mal conduits. Et ce sera Samuel qui après la mort d’Héli assurera cette fonction et conduira le peuple. De même, plus tard, le Temple sera détruit, et c’est Jésus, Temple de Dieu, qui sera le chef de l’Église. Ainsi, comme Héli prépara Samuel à sa mission, une mission qui cependant dépassait de beaucoup tout ce qu’Héli avait pu imaginer, de même, ce fut Saint Joseph qui eut la grande mission de préparer Jésus à son oeuvre immense: la Rédemption du monde, œuvre dont Saint Joseph ne pouvait imaginer ni la grandeur, ni la sublimité.

La mission de l’Ange Raphaël préfiguration de la mission de Saint Joseph
Le Livre de Tobie fait partie des livres deutérocanoniques. C’est une histoire édifiante, un roman à but pédagogique destiné à l’éducation morale et religieuse du Peuple juif. Comme le Livre de Job, le Livre de Tobie pose le problème de la souffrance du juste. Mais il révèle aussi la sollicitude de Dieu, soit envers ceux à qui Il confiera une mission particulière, soit envers des jeunes ayant besoin d’être particulièrement guidés. Nous découvrirons dans le livre de Tobie, deux préfigurations de Saint Joseph à qui sera confiée l’exceptionnelle mission d’être le gardien et l’éducateur du Fils de Dieu, Jésus Enfant et Adolescent.
Le vieux Tobit [5] est le type même du juif fidèle qui, malgré sa fidélité subira de nombreuses tribulations et sera emmené à Ninive, en déportation. L’histoire de sa cécité qui dura quatre ans est bien connue. Découragé par toutes ses épreuves dont il ne comprend pas la raison et les récriminations de sa femme, il adresse une longue et douloureuse prière au Seigneur et demande la mort…
En même temps, loin de là, la jeune Sara, fille de Ragouel, le frère de Tobit, était dans la plus extrême des peines: les sept maris qui lui avaient été donnés étaient tous morts avant de l’avoir connue. Elle aussi priait instamment le Seigneur de faire cesser cette malédiction.
“Leurs prières, à l’un et à l’autre parvinrent en même temps au Dieu de gloire et Raphaël fut envoyé pour les guérir tous les deux.” (Tobie 3, 16-17)
Le vieux Tobit avait un fils, Tobie qui ne devait épouser qu’une femme de sa parenté… et Tobit décida d’envoyer Tobie, dans sa parenté lointaine pour y trouver sa femme.
Ici apparaît, dans ce texte, la première figure de notre Saint Joseph: le vieux Tobit qui avait constamment donné à son fils l’exemple de l’homme fidèle à la Loi de Yahvé, même au péril de sa vie, et qui, au moment de se séparer, même momentanément de son fils, multiplie les conseils de fidélité, enseigne et transmet sa sagesse. Le vieux Tobit fut pour Tobie, un pédagogue modèle et avisé. Il avait compris qu’obéir à Dieu vaut mieux que toutes les richesses : “Ne t’inquiète pas mon fils, de nous voir devenus pauvres: tu possèdes une grande richesse si tu crains Dieu, si tu évites tout péché, et si tu fais ce qui est agréable à Dieu.” (Tobie 4, 21)
En homme avisé, le vieux Tobit veut un compagnon sûr pour son fils désemparé à l’idée d’aller seul dans un pays inconnu et peut-être hostile. L’Ange Raphaël se présente sous la forme d’un serviteur. Accepté comme guide pour Tobie, l’Ange sera pour nous une  autre figure de Saint Joseph. Auprès de ce guide judicieux, le jeune Tobie complètera sa formation. Il saura, en jeune obéissant, recueillir de sages compétences de médecine, (Tobie 6, 3-7) il priera pour que le démon qui tenait Sara liée soit chassé, (Tobie 8,1-3) mais surtout il comprendra que Sara est la femme que Dieu lui a réservée, et que pour construire leur famille, solide et bâtie sur la confiance mutuelle, la maîtrise de soi et un temps de prière préalable est indispensable. “Ainsi se marient les enfants de Dieu.” (Tobie 8, 1-8) De retour auprès de son père, Tobie fit ce que l’ange lui dit de faire, et le vieux Tobit recouvra la vue. L’Ange put alors révéler qui il était et toute la maisonnée rendit gloire à Dieu.
En résumé, le Livre de Tobie a bien mis en évidence deux facettes de ce que sera Saint Joseph pour Jésus :
– Tobie est enseigné par son père Tobit, (ce qui est normal) comme plus tard l’Enfant Jésus sera enseigné par son père légal: Joseph le Charpentier.
– L’Archange Raphaël, l’envoyé de Dieu, enseigne le jeune Tobie, mais il est aussi son serviteur. Jésus est soumis à Joseph qu’il assiste et sert dans son travail. Dans les deux cas c’est le supérieur : l’Ange ou Jésus, qui sert et assiste son inférieur, Tobie ou Joseph, en lui étant soumis.

La similitude entre la mission de Mardochée, protecteur d’Esther et celle de Saint Joseph, protecteur de Marie
Nous nous référons d’abord au tome 2 de la “Cité Mystique de Dieu”, oeuvre de Marie d’Agreda, écrite au XVIIe siècle, traduite de l’Espagnol par Thomas CROSET, religieux Récolet, éditée en 1857, et reproduite intégralement en offset par les Éditions Téqui en 1970.
Au numéro 66 du tome 2 de l’édition de 1857, Marie d’Agreda écrit des paroles révélées par Marie elle-même, à propos des combats victorieux qu’elle (Marie) eut à mener contre le Dragon : “Le combat dura jusqu’à ce qu’elle, (Marie) l’eût privé de son pouvoir tyrannique: et comme le très fidèle Mardochée fut honoré en la place de l’orgueilleux Aman, (Esth VI, 10) ainsi le très chaste et très fidèle Joseph, qui prenait soin de ce qui regardait notre divine Esther (Marie) et qui lui inspirait continuellement de prier pour la liberté de son peuple (car c’était l’occupation ordinaire de cet incomparable Saint (Joseph) et de sa très pure épouse (Marie) fut élevé par son moyen à une si grande sainteté et à une si dignité si excellente, que le suprême Roi lui donna l’anneau de son sceau (Esth VIII, 2) afin qu’il commandât par cette marque d’honneur le même Dieu humanisé, qui lui était soumis, comme l’Évangile le dit.” (Luc II, 51)
Ce texte, qui paraît d’abord assez ambigu, tant il mêle les deux figures: celle de Mardochée et celle de Joseph, nous conduit tout naturellement à nous pencher plus longuement sur le Livre d’Esther, tel qu’il est raconté dans la Bible. [6]
L’histoire se passe durant la captivité du peuple hébreu en Chaldée, au temps du roi Assuérus. La reine Vasthi, disgraciée dut être remplacée par une autre femme d’une grande beauté. “Or, il y avait à Suse, la capitale, un juif nommé Mardochée, de la tribu de Benjamin. Il était le tuteur d’Esther, fille de son oncle, orpheline, et Mardochée l’avait adoptée pour fille.”
Sur les conseils de Mardochée, Esther, qui n’avait dévoilé ni sa race, ni sa famille, fut choisie pour devenir reine à la place de Vasthi. Par ailleurs, Mardochée ayant rendu un insigne service au roi Assuérus, ce dernier demanda à Aman, le deuxième personnage du royaume, d’honorer publiquement et superbement celui qui lui avait sauvé la vie. Aman, qui connaissait la race de Madochée conçut contre lui une haine inexpiable et jura d’exterminer la totalité de la nation juive.
On connaît la suite de l’histoire. Ayant appris la menace qui pesait sur les Hébreux, Mardochée insista auprès d’Esther pour qu’elle intervienne auprès du roi, en faveur de son peuple, disant : “Qui sait si ce n’est point pour une circonstance comme celle-ci que tu es  parvenue à la royauté ?” Esther sauva son peuple, et Mardochée prit la place d’Aman auprès du roi Assuérus. “Il était en grande considération parmi les juifs et il était aimé de la multitude de ses frères. Il recherchait le bien de son peuple et parlait pour le bonheur de toute sa race.”
On voit bien, à travers ce récit, comment Mardochée, d’abord protecteur de la vierge Esther, devint, grâce à elle, le sauveur de son peuple. La similitude entre Mardochée, figure de Saint Joseph, et Joseph peut aller encore plus loin, quand on relit les chapitres 10 et 11 du Livre d’Esther, chapitres moins connus, manquant dans le texte hébreu, et rapportés par Saint Jérôme. Ces chapitres racontent un songe étonnant advenu à Mardochée, grand personnage attaché à la cour du roi, la seconde année du règne d’Assuérus.
Voici la vision de Mardochée, qui faisait partie du nombre des captifs déportés par le roi de Babylone : “Des clameurs soudaines, du fracas, des tonnerres, un tremblement du sol, l’effroi par toute la terre. Puis soudain s’avancèrent deux grands dragons prêts à foncer l’un contre l’autre. Au cri qu’ils jetèrent, les nations s’émurent pour combattre contre la nation des justes. Ce fut un jour d’obscurité et de ténèbres: tribulation, angoisse, détresse et épouvante sur toute la terre. Le peuple entier des justes plein de terreur, craignant tous les malheurs, se crut sur le point de périr, et cria vers Dieu. Pendant qu’ils poussaient des clameurs, voici qu’une petite source prit les proportions d’un grand fleuve, une masse d’eau. La lumière parut, avec le soleil; ceux qui étaient dans  l’humiliation furent exaltés et dévorèrent les nobles.” [7]
Mardochée conserva ce songe dans son esprit, cherchant à en connaître la signification. Saint Jérôme indique qu’il a trouvé ce qui suit dans la Vulgate, écrit en caractères grecs.
Mardochée dit : ”C’est de Dieu qu’est venu tout cela. Je me souviens d’un songe que j’ai eu à ce sujet . Rien n’en a été omis: la petite source devenue fleuve, la lumière, le soleil, la masse d’eau. Le fleuve, c’est Esther que le roi a prise pour femme et qu’il a créée reine. Aman et moi, voilà les deux serpents. Les peuples, ce sont ceux qui se sont assemblés pour détruire le nom des juifs. Ma nation, c’est Israël qui a invoqué le Seigneur et qui a été sauvé; car le Seigneur a sauvé son peuple et nous a délivré de tous les maux. Dieu a fait des prodiges et des merveilles comme il n’en a pas été opéré parmi les nations. Alors le Seigneur a eu souvenance des siens et a fait justice à son héritage.” [8]

Autres figures de Saint Joseph dans l’Ancien Testament
D’une manière plus succincte, on peut citer d’autres personnages, déjà mentionnés plus haut, qui, par certains aspects de leur vie, peuvent être regardés comme présentant certaines facettes préfigurant Saint Joseph.
Ainsi d’Abraham dont il est dit : “Abraham est le père illustre d’une multitude de nations ; (comme Joseph, père légal de Jésus, peut être considéré comme le Père de la multitude des chrétiens) personne n’a jamais égalé sa gloire. Il a observé la Loi du Très-Haut qui l’a fait entrer dans son Alliance. (l’Ancienne Alliance)
Cette Alliance fut inscrite dans sa chair; il resta fidèle au jour de l’épreuve.” [9] D’Abraham toujours, “dont la parfaite obéissance et la foi ne connurent jamais de défaillance, et qui engendra une nombreuse postérité en vertu de la promesse, postérité n’égalant pas pourtant celle de Saint Joseph, père adoptif du Christ, et par lui de tous les chrétiens.” [10]

Ou encore d’Éliezer chargé de protéger la fiancée de son maître Isaac.
Ou bien de Moïse, à cause de sa douceur, de sa fidélité, de son commerce intime avec Dieu, de Moïse “que Dieu fit entrer dans son mystère. Moïse, cet homme fidèle et doux, qu’il avait choisi entre tous. Il lui fit entendre sa voix et l’introduisit dans la nuée obscure. Il lui parla face à face et lui donna les commandements, cette Loi révélée, loi de vie, pour qu’il enseigne à Jacob, l’alliance, à Israël, ses décrets.” [11]
On pourrait aussi citer David, en raison de son humilité et de sa justice, mais surtout par le fait qu’il fut le père de Salomon, nom qui signifie “Pacifique” et lui-même image du Christ, Prince de la Paix.
Enfin, si l’on considère que tout l’Ancien Testament est annonciateur du Christ, on peut mentionner Noé accueillant la colombe qui annonce la fin du déluge, en rapportant dans son bec un rameau d’olivier. “Noé fut trouvé juste, parfait: il fut l’instrument de la réconciliation au temps de la colère ; grâce à lui un reste fut épargné sur la terre lorsque vint le déluge. “ [12]
Certains auteurs ont aussi voulu voir Marie et Joseph figurés par les deux chérubins qui couvraient de leurs ailes le propitiatoire d’or où reposait la majesté de Dieu, ou reconnaître une figure de Joseph dans le voile qui fermait le Saint des Saints où l’on conservait l’Arche d’Alliance, figure de Marie.

[1] Exode (24, 1-66).
[2] Lettre encyclique “Quamquam pluries “ 
[3] Cité par Daniel FOUCHER, dans son livre “Notre père, Joseph le charpentier “ – Éditions de MONTLIGEON.
[4] Le Siriacide (46, 13).
[5] Afin de différencier le père et le fils, certaines éditions de la Bible orthographient différemment les noms de Tobit (le père) et celui de Tobie (le fils). C’est ce qui a été fait ici.
[6] Le Livre d’Esther.
[7] Esther (11, 2-12).
[8] Esther (10, 4-12).
[9] Le Siracide (44, 19-20).
[10]  “Les saints, Saint Joseph”  du Cardinal Dubois -Édité chez Lecoffre, 1927.
[11] Le Siracide (45, 4-5).
[12] Le Siracide (44, 17-18).

«J’ai commencé à aimer la Vierge Marie… (sur Jean Paul I)

13 mars, 2012

http://www.30giorni.it/articoli_id_927_l4.htm

«J’ai commencé à aimer la Vierge Marie…

…avant même de la connaître… durant les soirées près du feu, sur les genoux maternels, la voix de maman qui récitait le rosaire…». C’est ainsi qu’Albino Luciani, pape pendant trente-trois jours du 26 août au 28 septembre 1978, a parlé de sa dévotion à la Vierge. Sa sœur Antonia raconte aujourd’hui…

par Stefania Falasca

Jean Paul I

Elle est prête aujourd’hui encore à se rendre au rendez-vous. Ponctuelle comme toujours. Ici, pendant ces soirées romaines de mai à la basilique Saint Côme et Saint Damien. Elle est entrée dans l’Église comme si elle allait à la rencontre de son enfance et il lui a semblé la retrouver. Là, à Canale. Dans ces soirées lointaines. Lorsque la place de l’Église à la tombée de la nuit est envahie par le vacarme des hirondelles et des enfants qui jouent au ballon avant que le tintement de la petite cloche ne leü appelle tous à la prière. Albino est là lui aussi parmi ces gamins qui courent derrière le ballon. Une vieille femme grommelle de temps autre contre des coups maladroits. La petite cloche sonne et les voilà à l’intérieur. Les hommes qui reviennent du travail et les femmes portant leurs enfants dans les bras se hâtent eux aussi. Nina court prendre sa place sur les marches de l’autel de l’Immaculée. Elle se met à genoux comme les autres enfants. Ils sont tous comme l’a décidé don Filippo: les enfants devant, tous les autres derrière, d’abord les hommes, puis les femmes. «C’est ainsi que commençait l’heure du rosaire», se souvient-elle, et les images défilent, nettes comme des photographies: «J’ai l’impression d’être là-bas… l’église pleine, les prières dites avec une grande dévotion, les chants… on commençait toujours par les chants à la Vierge. Quels beaux chants! Nom très doux, Ô ma belle espérance, Regarde ton peuple… je me les rappelle tous, je ne les ai plus jamais oubliés. Et cela me console tant aujourd’hui de les entendre à nouveau. En ce temps-là – continue-t-elle – on récitait le rosaire en latin et après les litanies don Filippo concluait en racontant des “fioretti”, c’est-à-dire de brefs épisodes de la vie de la Vierge ou de la dévotion des saints à la Vierge. Une année, il nous a raconté toute l’histoire de Lourdes. C’était la première fois que je l’entendais raconter…».
Ces soirées de mai, Nina se la rappelle toutes. Toutes à la suite comme les grains du chapelet qu’elle garde dans la poche de sa robe. Elle se rappelle la place de sa mère dans l’église, la place de Berto et celle d’Albino, les fleurs qu’elle allait cueillir pour “fleurir” l’autel de la Vierge, les premiers “ne m’oubliez pas” qui avaient pointé après la neige, et comme elle était contente de la tâche que don Filippo avait réservée aux petites filles. Elle se rappelle même ce mois de mai où furent déposées, à côté de l’Immaculée, les statues de sainte Agnès et de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, canonisée depuis peu. C’était en 1927. Nina était petite mais elle garde gravée dans sa mémoire cette procession de fillettes vêtues de blanc qui, depuis le village de Celat, portaient sur leurs épaules jusqu’à l’église de Canale les statues des deux saintes. Albino lui avait plusieurs fois raconté des détails de la vie de la petite sainte Thérèse et celle-ci lui était ainsi devenue particulièrement chère. «Chez nous», raconte-t-elle, «on récitait le rosaire à la maison durant toute l’année. Et aussi la supplique à la Vierge de Pompei. Durant les soirées d’hiver, nous allions avec maman chez nos grands-parents maternels et nous le récitions tous ensemble. J’ai des souvenirs précieux de ces soirées… elles ont fait notre vie, nos affections. Ce n’est qu’en mai et en octobre, les mois dédiés à la Vierge, que l’on allait à l’église pour réciter le rosaire et ceux qui ne pouvaient pas venir à cette heure-là ou qui habitaient trop loin, le récitaient devant les atriòl, les petits édicules sacrés qui se trouvent sur les routes. Il y en a beaucoup à Canale, dans nos vallées. «La dévotion à la Vierge», continue Nina «était très profonde chez nous». L’un de ces petits édicules se trouve précisément sur la route qui mène à la maison de Luciani, l’atriòl de Rividela, une ancienne image de Marie qui, autrefois, marquait un étape de la procession dite de Santa Cros. Elle avait lieu le 3 mai, le jour où l’on honorait la Sainte Croix. Ce jour-là, il n’y avait pas de récitation du rosaire à l’église. «La procession guidée par le curé», rappelle-t-elle, «partait à cinq heures et demie du matin et passait par tous les villages de la vallée. Lorsqu’elle arrivait devant l’atriòl de notre maison, on lisait un passage de l’Évangile, puis on allait à l’église pour la messe solennelle. Cette procession, je me la rappelle avec toutes les litanies, comme si c’était hier. Il y a en particulier un détail que je n’oublierai jamais. C’était une année où Pâques était tard et c’était précisément le jour où l’Albino devait rentrer au séminaire après les vacances. Je me rappelle que quand nous sommes arrivés là haut, dans le village de Carfon au-dessus de Canale, je me suis retournée pour regarder en bas vers la place et j’ai vu le car qui partait pour Belluno en emportant l’Albino. J’ai l’impression de le voir encore… j’ai éclaté en sanglots… à l’idée que le soir je ne retrouverais pas mon frère chez moi… Et c’était la même chose en octobre, lorsque vers le milieu du mois il rentrait au séminaire. Durant ces soirées d’octobre nous allions toujours à l’église ensemble. Il me prenait par la main. J’ai l’impression de le voir encore. Quand il s’en allait, je me mettais à sangloter… ses départs ont été les premières douleurs de ma vie…».
«Ainsi», raconte Nina, «passions-nous les mois de Marie de mon enfance. Et puis, s’il y a une chose que l’Albino m’a toujours recommandée, c’est de rester fidèle à la prière, en particulier au rosaire. Quand nous allions le voir à Venise il répétait toujours cela, et il le répétait aussi à ma fille Lina».

«Ainsi», raconte Nina, «passions-nous les mois de Marie de mon enfance. Et puis, s’il y a une chose que l’Albino m’a toujours recommandée, c’est de rester fidèle à la prière, en particulier au rosaire. Quand nous allions le voir à Venise il répétait toujours cela, et il le répétait aussi à ma fille Lina». Le rosaire fait de nous des enfants
«Il est impossible de concevoir notre vie, la vie de l’Église, sans le rosaire, les fêtes mariales, les sanctuaires mariaux et les images de la Vierge», écrivait Albino Luciani lorsqu’il était patriarche de Venise. Et ce qui montre avec quelle vénération pleine de tendresse et de reconnaissance il s’adressait à la Vierge et combien il avait à cœur la pratique du rosaire, ce n’est pas seulement le rappel constant qu’il en fait dans ses interventions et ses homélies, mais sa vie tout entière. Un jour, parlant du rosaire à l’occasion d’une fête mariale à Vérone, il dit: «Certains trouvent cette forme de prière dépassée, inadaptée à notre époque qui demande, dit-on, une Église qui soit tout entière esprit et charisme. L’amour, disait Charles de Foucauld, s’exprime en peu de mots, toujours les mêmes, des mots qu’il répète toujours. En répétant avec la voix et le cœur les Ave Maria, nous parlons comme des enfants à notre mère. Le rosaire, prière humble, simple et facile aide à s’abandonner à Dieu, à être des enfants». En 1975, invité par le diocèse de Sainte Marie, dans le sud du Brésil, à l’occasion du pèlerinage marial et du centenaire de l’immigration des habitants de la Vénétie dans ce pays, on lui demanda d’apporter avec lui une copie de la statue de la Vierge du Salut qui est l’objet d’une grande vénération à Venise. Luciani, qui n’aimait pas beaucoup les voyages, ne sut pas refuser cette fois-là. Arrivé au Brésil, il trouva devant lui deux cent mille personnes. Il était écrit sur une banderole: «Quand vous rentrerez en Italie, dites aux habitants de la Vénétie que nous restons fidèles à la dévotion à la Vierge». Ils avaient aussi élevé un monument de l’émigrant: un homme portant sur ses épaules le balluchon de l’expatrié; sur sa droite, sa femme vêtue des habits traditionnels de Vénétie et portant dans ses bras un enfant; du tablier de la femme on voyait s’échapper un morceau de chapelet. Luciani se rappela la lettre d’un émigré au Brésil que le curé avait lue à l’église, quand il était enfant. Et il se rappela avec quelle émotion il écoutait, enfant, les récits qui disaient la tristesse de la fête de Noël, là-bas, sans une église, sans même un prêtre pour dire la messe, avec une seule chapelle dépourvue de toute image de la Vierge. Il commença alors son homélie en disant: «Celui qui aime currit, volat, laetatur. Aimer signifie courir avec le cœur vers l’objet aimé. J’ai commencé à aimer la Vierge Marie avant même de la connaître… durant les soirées près du feu sur les genoux maternels, la voix de maman qui récitait le rosaire…». Et ayant encore sous les yeux la statue de la femme émigrante avec son rosaire, il dit: «Laissez-moi vous dire maintenant deux mots au sujet de Marie mère et sœur. Mère du Seigneur. On la voit aussi aux noces de Cana; elle manifeste un cœur de mère pour les deux époux qui se trouvent dans un grand embarras. C’est Elle qui obtient le miracle! Il semble presque que Jésus se soit inventé une loi pour lui-même: “Je fais le miracle, mais c’est Elle qui doit le demander!”. Nous devons donc l’invoquer souvent en tant que mère, nous devons avoir une grande confiance en Elle, la vénérer profondément. Saint François de Salles l’appelle même avec tendresse “notre grand-mère” pour avoir la consolation de jouer le rôle du petit-fils qui se jette avec une confiance totale dans ses bras. Mais Paul VI, qui a déclaré Marie Mère de l’Église, l’appelle souvent aussi sœur». «Marie», continua Luciani, «quoique privilégiée, quoique mère de Dieu, est aussi notre sœur. Soror enim nostra est, dit saint Ambroise. C’est vraiment notre sœur! Elle a vécu une vie comme la nôtre. Elle a dû elle aussi émigrer en Égypte. Elle a eu besoin d’aide elle aussi. Elle lavait le linge et la vaisselle, elle préparait les repas, elle balayait le sol. Elle a accompli toutes ces tâches communes mais d’une façon non commune parce que, dit le Concile, “quand elle vivait sur la terre la même vie que tous les autres, une vie remplie par les soucis de la famille et du travail, elle était toujours intimement unie à son Fils”. Si bien que la confiance, la Vierge nous l’inspire non seulement parce qu’elle est très miséricordieuse mais aussi parce qu’elle a vécu notre vie, elle a fait l’expérience de beaucoup de nos difficultés et nous devons la suivre et l’imiter spécialement dans la foi».
Nina se rappelle que, pendant les mois de Marie, on faisait des pèlerinages aussi à Canale. «Un de ces pèlerinages», raconte-t-elle, «a eu lieu en 1923 à l’occasion du Congrès eucharistique diocésain au sanctuaire de Sainte-Marie-des-Grâces, dans la vallée du Cordevole. Je me rappelle parce que, bien des années après, les femmes âgées en portaient encore l’insigne. On n’allait jamais très loin, on ne pouvait pas s’en aller des jours et des jours. Avec ma mère, quand nous étions petits, nous allions souvent à pied à la Vierge du Salut à Caviola. L’église de l’enfance du père Cappello. C’était une petite église qui, par la suite, a menaçé de s’écrouler; mais la dévotion était si grande que, quand, à la fin des années Quarante, on a décidé de la fermer pour la restaurer, les femmes sont allées protester chez le curé, elles ne voulaient pas que cette église soit fermée, pour aucune motif. Je me rappelle que l’Albino, un jour, m’a emmenée à la Vierge des Neiges près de Garès. “Allons lui porter ce cierge”, m’a-t-il dit. J’étais très petite et je l’ai accompagné contre la promesse d’une limonade; mais en chemin, il a dû me prendre dans ses bras et il est arrivé là-bas en me portant sur ses épaules». Albino a fait d’autres pèlerinages. «C’est don Filippo qui l’emmenait», raconte-t-elle. «Berto se rappellera certainement du pèlerinage que l’Albino a fait à la Vierge de Pietralba, parce qu’à son retour, trois jours après son départ», dit-elle en riant, «il est allé le réveiller en pleine nuit pour lui montrer le cadeau qu’il lui avait rapporté. Albino devait avoir treize ou quatorze ans. Il a raconté à Berto qu’ils avaient beaucoup marché, que durant une halte chez un prêtre ami de don Filippo, il s’était endormi sur sa chaise en écoutant les deux prêtres parler et puis aussi qu’ils s’étaient perdus… C’est-là la première fois que mon frère est allé à Pietralba». Le sanctuaire marial de Pietralba devint particulièrement cher à Luciani. Il y allait l’été lorsqu’il était évêque de Vittorio Veneto puis lorsqu’il était patriarche de Venise. La plus grande partie du temps qu’il séjournait là-haut, il le passait au confessionnal. Mais les sanctuaires mariaux auxquels Albino Luciani se rendit en pèlerinage sont très nombreux. Il accompagna plus d’une fois des pèlerinages diocésains à Lourdes, à Lorette et à Fatima. Au point que, dans une homélie dans l’église Sainte-Marie-des-Grâces à Venise, il dit ceci: «Lorsque je me suis préparé à parler dans ce sanctuaire marial, j’ai regardé rétrospectivement ma vie d’évêque. J’ai découvert avec surprise que j’ai accompli une partie de mon service pastoral auprès des sanctuaires». Invité un jour par le supérieur du couvent de la Vierge des Miracles de Motta di Livenza, il répondit: «Je viendrai volontiers. Quand j’étais petit j’entendais parler de la Vierge de Motta, mais je ne suis jamais arrivé à satisfaire mon désir [de m’y rendre]». Et lorsqu’il fut au couvent, durant l’homélie, il prononça ces paroles: «On écrit et on dit beaucoup de choses sur la Vierge, mais il faut faire en sorte de se faire comprendre de tous et de toucher les cœurs. Chose que l’on n’arrive pas à faire si l’on n’a pas soi-même le cœur touché: saint Alphonse était un grand homme, un théologien, mais il parlait de façon à se faire comprendre des petits, il avait le cœur touché lorsqu’il composait pour son peuple analphabète des chants qui ont été chantés dans toute l’Italie pendant plus de cent ans, spécialement durant les missions et les mois de mai. Don Bosco les a fait chanter par ses enfants. Il y en a une qui commence ainsi: Ô ma belle espérance, / mon doux amour, Marie, / tu es ma vie, / ma paix, c’est toi”. Celui qui écrivait ainsi sentait Marie proche de lui, il lui ouvrait son cœur avec confiance. Non seulement il parlait de Marie, mais il parlait à Marie, s’adressant à elle dans des prières très tendres qu’il intercalait continuellement. Le sentiment stérile et passager, le sentimentalisme, cela ne va pas, mais ce qui va bien c’est que le cœur, outre l’esprit et la volonté, participe à l’exercice du culte marial. “Que le beau nom de Marie ne quitte jamais tes lèvres”, écrivait saint Bernard, “ne quitte jamais ton cœur”». Le 29 juin 1978, trois mois exactement avant sa mort, Luciani revint à Canale pour la dernière fois. Le curé évoque la dernière image qu’il a gardée de lui: en entrant dans l’église, il l’a surpris dans la pénombre récitant son chapelet devant l’autel de l’Immaculée, là, à l’endroit précis où sa mère allait s’agenouiller. a