Danses yiddish, klezmer, ashkenazes ou du shtetl
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Danses yiddish, klezmer, ashkenazes ou du shtetl
Depuis le 16ème siècle, la danse était une partie importante des festivités juives en Europe de l’Est, particulièrement des mariages. Mais aucune danse juive ashkenaze n’étaite spécifique à une communauté: la plus grande partie du répertoire -danses en ligne, en cercle, en couples, etc.- était cosmopolite ou comprenait des éléments empruntés à l’environnement non juif.
Cependant, les Juifs utilisaient un langage corporel qui les différenciait des non juifs pratiquant les mêmes danses, en particulier par les mouvements des bras et des mains, ainsi que par le jeu de jambes chez les jeunes hommes.
La gestuelle ashkenaze était fortement inspirée du langage et des considératiosn éthiques jouaient sans doute aussi un rôle.
Au cours des mariages, une partie importante du rituel consistait en des danses visant à honorer les invités de marque, les beaux-pères, les ancêtres, les rabbins présents, etc.
Les deux belles-mères, en particulier, mimaient leurs sentiments mutuels lors de la « broyges tants » (« danse de la colère ») et dans la « sholem tants » (« danse de la paix »).
Dans de nombreuses communautés misnagdiques (non hasidiques) , le freylekh, le sher, la Polish Patsh Tants, etc. pouvaient être dansées en couples mixtes.
Dans les plus orthodoxes, les hommes dansaient séparés des femmes.
Après la Renaissance, parmi les aristocrates et les paysans européens, la mode allait de plus en plus aux danses de couple (au cours desquelles les partenaires de sexes opposés se tenaient par la main ou par la taille) et aux contre-danses (où l’on changeait de partenaire).
Pour respecter le decorum éthique, les Juifs y introduirent l’usage du tikhele (mouchoir) comme moyen d’éviter les cointacts diects entre les sexes. pendant les danses (Zev Feldman).
On faisait parfois appel au badkhn (maître de ceremonie) ou à des professionnels liés à la kapelye (orchestre klezmer) pour interpréter des danses spectaculaires ou folkloriques.
Dans d’autres cas, de bons danseurs parmi les invités payaient les klezmorim pour avoir le privilège de se produire en solo.Ces danses en solo pouvaient avoir un but comique, parodique, voire grotesque, selon le crarctère du danseur et l’humeur du moment!
Une de ces attractions, la « flash tants », consistait à danser avec une bouteille sur la tête… sans la faire tomber!
Et pour mettre en valeur leur agilité, certains danseurs dansaient même pieds nus sur un miroir!
De nombreuses danses traditionnelles ashkénazes ont été ritualisées et sacralisées vers le début du 19ème siècle par les hasidim, de la même façon que bien d’autres aspects laïcs de la vie juive. Il a suffi d’en valoriser la gestuelle patriarcale et mystique et les mouvements de dévotion religieuse extatique aux dépends des aspects érotiques et ludiques (Zev Feldman)…
Le système chorégraphique des danses ashkénazes semble avoir été assez stable et identique dans toute l’Europe de l’Est entre le début du 19ème siècle et la fin du 20ème. Dans les régions de Hongrie, de Moldavie et de Wallachie où la Haskala (mouvement des « lumières ») et le modernisme ont eu beaucoup d’influence, l’assimilation culturelle a affaibli cette pratique. Et la Première Guerre Mondiale, la Révolution Russe y ont mis une fin définitive. Après la Shoah, les danses traditionnelles n’étaient plus guère pratiquées que dans de rares communautés yiddishophones d’ancienne Union Soviétique et dans les landsmanshaften aux Etats-Unis, spécialement à New York et à Philadelphie.
Le sher était considéré comme « la » danse ashkénaze par excellence, aussi bien par les Juifs eux-mêmes que par les goyim. Il était couramment dansé de la Baltique à la Mer Noire et fut emprunté par les Moldaves et les Ukrainiens. Aux Etats-Unis, il fut conservé dans les landsmanshaften (communautés originaires du même shtetl) et dans les milieux socialistes qui appréciaient sa nature laïque!) jusque dans les années 1960 et au-delà.
Son nom a donné lieu à plusieurs hypothèses étymologiques. Il permet d’exprimer les postures et les gestes typiquement ashkénazes et donne aux femmes l’opportunité d’effectuer de subtils mouvements des bras et des épaules mettant en valeur leur coquetterie!
Les participants sont répartis en quatre (ou un multiple de quatre) couples mixtes (ou de femmes seulement chez les orthodoxes). La danse débute par une « promenade » en cercles, puis en couples, après quoi chaque danseur invite successivement les quatre partenaires féminines du groupe à danser avec lui au centre du cercle. A la fin, le groupe répète la premenade en cercle.
La musique du sher a le même caractère que celle du freylekh, mais la durée des morceaux doit être suffisante pour ne pas interrompre la danse (Zev Feldman).
Le khosidl a été crée par les hasidim. C’est une danse en solo sur un zemerl (mélodie d’inspiration religieuse). Elle commence généralement à un tempo modéré et s’accélère peu à peu jusqu’à atteindre -si tout va bien- un enthousiasme extatique…
L’aspect mimétique des danses juives est particulièrement apparent dans la broygez tants (« danse de la colère »), une danse de mariage dans laquelle les deux belles-mères expriment ou miment leur problèmes relationnels. Une des femmes joue l’offensée pendant que l’autre tente de l’amadouer. La scène finit par la sholem tants (« danse de la paix ») au cours de laquelle s’exprime la réconciliation.
En dehors du mariage, la broygez tants pouvait aussi être dansée par un homme et une femme.
La hora « lente » ou roumaine est une danse en cercle sur une musique à 3 temps, courante chez les Juifs et les goyim en Roumanie (Moldavie, Bessarabie, Bukovine) et dans certaines région d’Ukraine. Elle n’a rien à voir avec la hora israélienne! Les pas en sont généralement lents et feutrés, ce qui permet à tous d’y participer.
Le freylekh (« joyeux ») est la danse juive en ligne ou en cercle sur une musique à 2 temps. C’était la plus simple et donc la plus courante en Europe de l’Est. Elle se pratiquait dans les mariages, les Bar-Mitzves et toutes les autres « simkhes » (fêtes).
Elle est vive, joyeuse et se veut néanmoins empreinte de spiritualité. Elle se caractérise par de longues marches sur des pas, parfois traînants, parfois chassés et parfois assortis de coups de talons, différents d’un shtetl à un autre, qui laissent une large place à l’improvisation.
N’importe quel danseur peut à tout moment effectuer des exhibitions spectaculaires, comiques ou improvisées et le meneur initier des figures collectives comme la « grande marche » ou le « passage de l’aiguille ».
Le bulgar est aussi une danse vive en cercle, en ligne ou en couples, sur un rythme proche du Freylekh, apparue chez les Juifs en Roumanie et au sud de l’Ukraine à la fin du 19ème siècle et qui fut exportée aux Etats-Unis où elle devint extrêmement populaire dans les années 1920-1930.
Le terkisher, une danse hassidique sur une rythm « à la turque » dit de ‘terkish’ (similaire au tango ou au syrtos), plus répandue dans le Nouveau Monde qu’en Europe.
La sirba est une danse roumaine (Moldavie, Olténie) ‘à la façon serbe’, en couple ou en ligne, sur un tempo rapide.
La patsh tants est une contre-danse en cercle des Juifs polonais. La musique en est très typée, puisqu’elle requiert, à des moments précis, de frapper dans ses mains (‘patsh mit di handelekh’) ou de taper des pieds (‘tupen mit di fiselekh’).
Quelques notes sur la gestuelle des danses yiddish
Au début d’une danse, il est d’usage de faire des mouvements d’amplitude modérée et de les intensifier au fil du temps. Les femmes font des mouvements plus réservés que les hommes.
« Sheynen » (briller) sur en dansant le Sher ou le freylekh montre la fierté de l’homme: il danse en se pavanant, par exemple les pouces vers les aisselles du gilet ou à la ceinture, paumes vers l’avant ; ou une main derrière l’oreille et l’autre bras tendu en avant, paume vers le bas, en faisant des petits mouvement (pro-supination) de la main. C’est l’occasion pour un proster yid (homme pauvre ou humble) de se sentir important et valorisé!
L’ « expression érotique » admise est la façon « discrètement sensuelle » d’avancer les pieds et de balancer les épaules en avant du côté du pied qui avance!!! Contrairement aux danses arabes, il n’y a pas de mouvements du bassin et des hanches (symbole de soumission de la femme!!!)
Les mouvements des bras sont importants: ils délimitent son espace « privé » et les gestes des mains symbolisent un langage: en « ouvrant » les paumes vers le haut, on invite le voisin ; en mettant les paumes en avant, doigts vers le haut, on lui interdit l’approche!
Particulièrement dans la « broyges tants », il y a aussi des gestes de colère, de mépris, de dédain, de questionnement, de réconciliation, de pardon, d’affection, de supplication, etc.
Et le geste hassidique typique: mains en supination, paumes vers le haut, avec la tête légèrement inclinée en arrière et sur le côté, semblant implorer Dieu ou le questionner « pourquoi m’as-tu fait ça »…
Ce chapitre a été élaboré grâce à l’enseignement de Zev Feldman et de Michael Alpert, ainsi qu’avec l’aide de Khayele Domergue-Zilberberg.
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