Archive pour février, 2012

Vendredi Saint, Vicovaro (RM)

3 février, 2012

Vendredi Saint, Vicovaro (RM) dans images sacrée phoca_thumb_l_part_piazza_san_pietro

http://www.vicovaro2000.it/foto-utenti-venerdi-santo/category/9-vicovaro

Augustin d’Hippone : Donne-moi de reposer en toi

3 février, 2012

http://www.patristique.org/Augustin-d-Hippone-Donne-moi-de.html

Augustin d’Hippone : Donne-moi de reposer en toi

par Luc Fritz

Vous trouverez ici, sous forme psalmodiée, une prière de saint Augustin.

Qui me donnera, Seigneur, de reposer en toi ?
Qui me donnera que tu viennes en mon cœur et que tu l’enivres,
afin que j’oublie mon malheur,
et que je t’embrasse, toi, mon seul bien ?

Seigneur, qu’es-tu pour moi ?
Aie pitié, pour que je parle !
Et moi, qui suis-je pour toi,
pour que tu m’ordonnes de t’aimer ?

[…]

Dis-moi au nom de ta miséricorde,
Seigneur mon Dieu, ce que tu es pour moi.
Dis à mon âme : ton salut c’est moi.
Dis-le, de façon que je l’entende.

Voici les oreilles de mon cœur, Seigneur,
et dis à mon âme : ton salut c’est moi.
Je veux quêter cette parole, et te saisir.
Ne me cache pas ta face…, que je la voie.

Étroite est la maison de mon âme
pour que tu viennes y loger :
qu’elle se dilate grâce à toi !
Elle tombe en ruines : répare-la.

Elle a de quoi offenser tes yeux :
je l’avoue, je le sais.
Mais qui la purifiera ?
Vers quel autre que toi crierai-je ?

[…]

Je crois et c’est pourquoi je parle.
Seigneur, tu le sais.
Ne t’ai-je pas confessé mes fautes ?
N’as-tu pas remis l’impiété de mon cœur ?

Je n’entre pas en jugement avec toi,
Tu es la vérité,
Je ne veux pas me tromper moi-même,
de peur que mon iniquité ne se mente à elle-même.

Je n’entre pas en jugement avec toi,
Tu es la vérité.
Si tu retiens les fautes, Seigneur,
Seigneur, qui subsistera ?

LES RACINES JUDÉO-CHRÉTIENNES DE L’EUROPE : UN FAIT!

3 février, 2012

http://www.zenit.org/article-30068?l=french

LES RACINES JUDÉO-CHRÉTIENNES DE L’EUROPE : UN FAIT!

Elles réconcilient lEurope avec la « solidarité » et les « devoirs »
ROME, jeudi 2 février 2012 (ZENIT.org) – Les racines judéo-chrétiennes de l’Europe sont une constituante « normale » de la réalité, souligne Joseph Weiler.
Pour le professeur, juif, de droit européen à la New York University, ces racines sont une occasion, en ce temps de crise, de sortir d’un modèle purement « économique » pour renouer avec la « solidarité » et assumer des « devoirs » au lieu de revendiquer des « droits ».
Récemment, le Sénat italien a en effet approuvé une motion sur la politique européenne de l’Italie, qui a introduit une référence aux racines judéo-chrétiennes. Joseph Weiler, commente cette décision au micro de Radio Vatican.

Que pensez-vous de cet amendement ?
Ce devrait être le cours normal des choses. Il reflète une réalité historico-culturelle que tous connaissent : les racines de la civilisation européennes sont Athènes et Jérusalem. Ce qui est étrange est de trouver quelqu’un qui résiste, qui veut nier, qui trouve scandaleux de le mentionner. Si, par exemple, on avait dit que les racines de l’Europe sont gréco-romaines, personne n’aurait objecté, parce que c’est évident. Personne n’aurait objecté: “C’est « exclusif » parce qu’on ne mentionne pas – que sais-je – les Persans ou les Indiens”. Car la réalité de l’Europe est ainsi : l’un des fondements de sa civilisation est gréco-romain. En revanche, quand on parle de la tradition judéo-chrétienne, il se trouve quelqu’un pour protester mais, en réalité, c’est tout aussi normal. Il s’agit de l’ordre historico-culturel: l’Europe est ainsi. Donc, pour moi, nous sommes dans la normalité : à présent, au moins en Italie, nous sommes dans une position saine. Personne, ni les « laïcs », ni les personnes qui ne sont pas de la tradition judéo-chrétienne, ne doit protester, parce que l’Europe est ainsi.
Selon vous, en ce temps de crise, il est important de souligner que l’identité de l’Europe ne se réduit pas à l’économie ?
L’Europe est bien plus qu’un fait économique. Les fondateurs – tous croyants et catholiques – n’avaient pas seulement une vision économique, mais également une vision spirituelle sur l’ampleur de la condition humaine. Monsieur Monnet a dit que l’Europe, ce n’est pas seulement une coalition entre Etats mais une union entre hommes. L’aspect spirituel et moral de l’Europe, surtout dans un moment de crise, est toujours plus important. On parle de solidarité, mais au moment où il faut payer, la solidarité a disparu. C’est le fruit abîmé d’une Europe simplement économique, matérialiste. Aujourd’hui, nous voyons les résultats de cette vision. Il est donc juste de mentionner les racines spirituelles judéo-chrétiennes mais également de rappeler qu’elles ne sont pas seulement judéo-chrétiennes : nous avons également beaucoup hérité d’Athènes et des Lumières. Mais aujourd’hui il est important de rappeler que la charité est importante : cela fait aussi partie de la civilisation européenne.

Qu’est-ce que le judaïsme et le christianisme ont apporté en Europe, au niveau des droits?
D’abord, que le monde dans lequel nous vivons n’est pas seulement matériel : le “telos”, la fin de l’homme n’est pas seulement le bénéfice, le profit personnel. C’est pourquoi donner est aussi important que prendre. Il n’y a pas seulement des droits, même s’ils sont très importants : l’histoire des droits fondamentaux, les droits de l’homme. L’héritage judéo-chrétien fait penser aussi aux devoirs fondamentaux de l’individu envers la société. Par exemple, le livre du Lévitique, au chapitre 19, décrit une très belle vision d’une société qui se soucie de la misère, des pauvres, et tout ceci sans parler de droits, mais seulement de devoirs. C’est une contribution importante de la pensée judéo-chrétienne dans notre civilisation : la responsabilité des uns envers les autres, la solidarité. En ce moment de crise, il est nécessaire de penser à mes devoirs envers les autres, et non à mes droits envers les autres.

Traduction d’Anne Kurian

Guardian Angels

2 février, 2012

 Guardian Angels dans images sacrée gaicon

http://www.guardianangelscatholiccommunity.org/new-icon.html

POURQUOI JE SUIS CHRÉTIEN ORTHODOXE – par

2 février, 2012

http://www.pagesorthodoxes.net/foi-orthodoxe/temoignage-paul-ladouceur.htm

POURQUOI JE SUIS CHRÉTIEN ORTHODOXE

par Paul Ladouceur

Paul Ladouceur, québécois, est devenu Orthodoxe en France en 1994 suite à une recherche spirituelle dans les grandes traditions spirituelles de l’humanité. Retourné au Canada en 1996, il est le responsable du site web les Pages Orthodoxes La Transfiguration, du bulletin électronique Lumière du Thabor, et des Éditions La Transfiguration. Il est l’auteur de nombreux textes qui figurent aux Pages Orthodoxes, ainsi que du livre Sainte Marie de Paris 1891-1945, Une sainte des temps modernes (2004).

UN DIEU DE LUMIÈRE
L’image centrale de l’Orthodoxie qui me vient à l’esprit le plus souvent est celle du Christ en Gloire, lui qui est l’Un de sainte Trinité (deuxième antienne de la Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome, ), devenu homme pour le salut du monde, et qui est monté aux cieux et siège à la droite du Père (Symbole de Foi). Dans les représentations, le Christ est figuré assis sur un trône céleste, avec la Sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie, à sa droite, et il est entouré de saints et d’anges. On retrouve cette image souvent dans les églises orthodoxes, sous forme de fresque derrière l’autel (exemples : Centre Ste-Croix en Dordogne et l’Église de la Dormition de la Mère de Dieu à l’Atelier d’Iconographie Saint-Jean-Damascène en Vercors), ou d’une icône, souvent l’icône centrale d’une iconostase.
C’est l’image de la gloire divine, de la victoire du Christ sur la mort, de la Lumière, de la Vie et de la Vérité. C’est également un reflet de la promesse et du souhait de Dieu pour l’humanité, sa propre création : que chaque homme et chaque femme partage le royaume des cieux, la gloire divine, avec le Christ. Car Jésus, le Christ, l’oint de Dieu, est notre frère par son humanité, notre Dieu et Créateur par sa divinité. Nous sommes appelés à entrer dans le corps du Christ, qui est l’Église, l’union des saints sur terre et au ciel. Et nous sommes tous appelés à être saints, à participer à la sainteté de Dieu lui-même.
Une autre image très proche de celui du Christ en Gloire est l’icône de la Transfiguration, qui illustre le récit évangélique : Jésus, au sommet d’une montagne, s’entretient avec Moïse et Élie, est transfiguré devant trois de ses disciples, son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière (Matthieu 17,2). La Transfiguration du Christ est une préfiguration de la transfiguration de l’homme, rendue possible grâce à l’incarnation du Verbe de Dieu en la personne de Jésus, le Christ de Dieu.
A l’instar des images du Christ en Gloire et de la Transfiguration, la théologie orthodoxe, ainsi que la Liturgie orthodoxe, sont inondée de lumière, la lumière divine, inspirée par les textes de Saint Jean en particulier : Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière luit dans les ténébres, et les ténèbres ne l’ont pas saisie… Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme, il venait dans le monde (Jean 1, 4-5, 9); et : Dieu est lumière, en lui point de ténèbres (1 Jean 1,5). La lumière est un attribut de Dieu, une énergie divine par laquelle Dieu se manifeste à sa création, par exemple l’apparition du Christ à Saint Paul sur le chemin de Damas : Soudain une lumière venue du ciel l’enveloppa de sa clarté (Actes 9,3), ainsi qu’aux saints hésychastes, moines byzantins du Moyen-Âge, qui ont eu l’expérience de Dieu sous forme de lumière, la lumière incréée. Cette expérience mystique fait partie de la théologie orthodoxe, car l’orthodoxie ne reconnaît pas de séparation entre la théologie et la mystique, entre la connaissance et la pratique. La vraie connaissance de Dieu vient de l’expérience, de la pratique : Si tu es théologien, tu prieras vraiment, et si tu pries vraiment, tu es théologien, écrit Évagre le Pontique (Traité sur l’oraison, Ve siècle).

DANS TA LUMIÈRE, NOUS VERRONS LA LUMIÈRE
(Psaume 36)
Si les images du Christ en Gloire et de la Transfiguration peuvent parfois me sembler lointaines, inaccessibles, au-delà de ma séparation d’avec Dieu, de mon état de pécheur, une autre image populaire dans l’orthodoxie est beaucoup plus proche de ma faiblesse, celle de l’icône que l’on appelle la Résurrection ou la Descente aux Enfers. Le Christ est représenté aux enfers, le séjour des morts – de ceux qui sont séparés de Dieu. Le Christ est vêtu de vêtements blanc resplendissant, car il est le premier d’entre les ressuscités; par la mort il a vaincu la mort (Tropaire de Pâques). Le Christ saisit Adam par la main droite, tandis qu’Eve attend suppliante à sa gauche, ou parfois il prend Eve par la main gauche. Les Saints de l’Ancien Testament, dont on reconnaît David et Salomon, attendent parmi les morts. Adam, le premier homme, est le symbole de l’humanité déchue, séparée de Dieu par l’abus de la liberté accordée par Dieu, par l’orgueil qui l’a fait croire qu’il pourrait accéder à la sainteté de Dieu par ses propres moyens. Adam, c’est moi, dans mon enfer d’orgueil, du petit moi, de ma séparation de Dieu; c’est moi dans la misère de mon péché, des ténèbres qui m’entourent. Et le Christ, le nouvel Adam, l’homme nouveau, vient jusque dans mon enfer me prendre par la main pour me faire entrer dans son royaume, celui de la vie éternelle de Dieu lui-même. Je peux résister à la main du Seigneur, mon frère, et je résiste, et je sais que je résiste, mais la main est toujours tendue; je n’ai qu’à contempler l’icône pour m’en souvenir.
La Résurrection du Christ est la doctrine principale de l’orthodoxie. Jésus lui-même dit : Je suis la résurrection et la vie (Jean 11,25), et Saint Paul reconnaît l’importance de la Résurrection pour la foi chrétienne : Si le Christ n’est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi… le Christ est ressuscité d’entre les morts, prémices de ceux qui se sont endormis (1 Corinthiens 15,14&20). La Résurrection, c’est l’accomplissement de la promesse du Créateur à l’espèce humaine : voilà ce que Dieu souhaite pour nous tous, et voilà le moyen d’y parvenir. Pour parvenir à la résurrection, à la lumière, il faut passer par la mort, non seulement la mort physique, sort de tout homme, mais la mort de l’ego, du petit moi, des ténèbres. La Résurrection du Christ, et ainsi de tout chrétien, ne peut être séparée de la Crucifixion – ni la Crucifixion de la Résurrection. L’aboutissement de l’enseignement chrétien n’est pas la Crucifixion, mais la Résurrection.

UN DIEU DE MISÉRICORDE
L’orthodoxie attache beaucoup d’importance à la miséricorde, à la compassion, à l’amour de Dieu envers les hommes : Tu es un Dieu de miséricorde, plein d’amour pour les hommes (Divine Liturgie); Tu es un Dieu de bonté, plein d’amour pour les hommes (Divine Liturgie). La miséricorde prime la Loi, la Justice divine : le Seigneur est tendresse et miséricorde, longanime et plein de bonté (Psaume 103, 8); Dieu est le Père compatissant qui pardonne toutes nos offenses, qui nous guérit de toute maladie (Psaume 103, 3), le Père qui nous reçoit avec amour, joie et honneurs, après notre égarement dans les pays du péché, à l’exemple du Père dans la parabole du fils prodigue (Luc 15,11-32). En faisant le signe de croix, on touche successivement le front (l’intellect, l’esprit), la poitrine (le corps, la terre), l’épaule droite, qui signifie la justice ou la Loi, et on termine avec l’épaule gauche, l’amour et la miséricorde, qui tempère la Loi.
La spiritualité orthodoxe vise essentiellement l’individu devant son Dieu, la relation de chaque personne avec Dieu, car chacun est responsable devant Dieu : Chacun de nous, frères, rendra compte à Dieu pour soi-même (Romains 14,12). En fin de compte, le seul « intermédiaire » est le Christ lui-même : Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie; nul ne vient au Père que par moi (Jean 14,6). La relation avec Dieu est immédiate, directe et personnelle, car nous sommes aussi des fils de Dieu : La preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos coeurs l’Esprit de son Fils qui crie Abba, Père! (Galates 4,6). L’Église, les saints, les prêtres, les pères spirituels, sont là comme exemples, pour donner conseil au fidèle, pour prier pour lui, pour l’aider à trouver le chemin, mais aucun ne peut prendre la responsabilité de cette relation personnelle entre le fidèle et Dieu. Le but de la vie spirituelle, donc de l’existence humaine, est l’union avec Dieu, la déification de l’homme, selon le langage des Pères de l’Église. L’expression de Saint Irenée de Lyon (fin IIe siècle) est reprise maintes fois dans les enseignements des Pères : Dieu s’est fait homme, afin que l’homme devienne dieu (Contre les hérésies…). Saint Séraphin de Sarov (XIXe siècle) disait que le vrai but de la vie chrétienne consiste en l’acquisition du Saint-Esprit de Dieu (Entretien avec Motovilov, p. 156).
Comment est-ce possible? N’est-ce pas une vocation qui nous dépasse entièrement, tellement elle est grandiose? N’est-ce pas réservée à quelques vrais saints de parmi nous? Non, nous sommes tous appelés à devenir des saints, à partager la sainteté que seul possède Dieu lui-même. L’enseignement spirituel de l’orthodoxie se réfère constamment à la phrase de la Genèse : Dieu créa l’homme selon son image et ressemblance (Genèse 1,27). Les Pères distinguent entre « image » et « ressemblance ». Depuis Adam, chaque être humain retient « l’image de Dieu », mais la séparation de Dieu, le péché, détruit la « ressemblance » à Dieu. L’oeuvre de notre vie consiste à restaurer cette ressemblance; c’est ainsi que nous devenons semblables à Dieu, que nous acquerrons l’Esprit-Saint de Dieu. Comment? La réponse est à la fois simple et difficile : suivre les commandements et l’exemple du Christ. Jésus lui-même nous enseigne qu’il y a deux grands commandements : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit; et : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Matthieu 22,37-39). En fin de compte, il n’y a qu’un commandement : aimer. Tout suit de ceci, y compris la moralité de la vie de tous les jours. Car la vie morale existe en fonction de la vie spirituelle, la relation avec Dieu; la vie morale, vue trop souvent comme une série d’interdictions, n’a de sens qu’à la lumière du commandement de l’amour, l’amour de Dieu et de son prochain. L’Évangile, les Pères, l’Église, nous proposent des moyens concrets et précis pour « vivre en Christ », les sacrements, en particulier la communion, la prière, la lecture sainte, les offices, les jeûnes… A chacun de choisir les pratiques qui lui conviennent, de préférence avec les prières et les conseils d’un père spirituel.

UN DIEU HUMBLE
Le Dieu Tout-Puissant, Créateur du ciel et de la terre, Lumière de lumière (Symbole de foi) est un Dieu humble, humble même devant sa propre création, cette humanité qui a abusé la liberté accordée par Dieu lui-même. L’incarnation est l’acte suprême de l’amour divin, mais aussi de l’humilité. Car, pour notre salut, le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous (Jean 1,14), il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, a souffert et a été enseveli (Symbole de foi). Pour les juifs et les grecs des premiers siècles, la Crucifixion de Jésus Christ était un grand scandale : comment peut-on croire en la divinité de celui qui a terminé sa vie dans des conditions aussi humiliantes et honteuses? Le langage de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est puissance de Dieu. (…) Les juifs demandent des signes et les grecs cherchent la sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les païens… Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes (1 Corinthiens 1,18; 22-25). L’abaissement de Dieu envers l’humanité est aussi un appel à chaque personne d’être humble, non seulement devant Dieu, mais devant ses frères et ses soeurs. L’orgueil étant le premier, et selon l’enseignement de beaucoup de Pères, le seul péché, l’humilité est le début de la vertu, de la sagesse, cette humilité que l’on appelle souvent dans les écrits des Pères la « crainte de Dieu ». La crainte de Dieu ne consiste pas à craindre la punition d’un Dieu puissant et vengeur, mais plutôt la reconnaissance de qui nous sommes devant un Dieu plein d’amour et de tendresse (Psaume 102, 4) à notre égard. La crainte de Dieu se traduit en amour de Dieu, car Dieu souhaite avant tout notre amour libre et inconditionnel, image de son amour envers nous. La spiritualité orthodoxe parle beaucoup de la métanoia, le repentir ou la conversion, le retournement de notre esprit vers l’image divine inscrite au tréfonds de nous-mêmes, vers Dieu lui-même et l’accomplissement de la vie de sainteté qui est notre raison d’être. Les prosternations fréquentes que font les orthodoxes, surtout pendant le Grand Carême, ne sont pas simplement un acte d’adoration et d’abaissement devant un Dieu terrible, mais un geste de reconnaissance de notre condition et d’amour et d’action de grâces à celui qui donne la vie (Symbole de foi). Comme si les Apôtres n’avaient pas bien assimilé son enseignement pendant son ministère, Jésus lui-même, à la dernière cène, renforce la leçon en lavant les pieds de ses disciples : C’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous (Jean, 13; 15). Le fidèle ne vit pas exclusivement pour lui-même, mais en tant que participant à la communion des saints, le salut et le bien-être de tous, du monde entier, est la responsabilité de chacun.

LA COMMUNION DES SAINTS
Les choses saintes aux saints! (Divine Liturgie). Ainsi annonce le prêtre au début de la cérémonie de la communion pendant la Divine Liturgie; puisque nous sommes appelés à être saints, il nous importe de participer aux saints Dons, le Corps et le Sang du Christ. Les offices de l’Église orthodoxe, en particulier la Divine Liturgie, favorisent le regard intérieur, à soi-même et à sa relation avec Dieu. La Divine Liturgie est d’une beauté, d’une dignité et solennité, d’une paix, qui maintiennent l’élément essentiel du sacré dans le culte public, ainsi que le sens de la participation aux « mystères divins ». Car la Divine Liturgie, la célébration de la Passion de notre Seigneur Jésus Christ et la communion au Corps immaculé et au Sang précieux du Christ (Prière de Communion) est un événement sacré, un mystère auquel nous participons mais dont nous ne pouvons pas saisir toute la signification.
La tradition orthodoxe attache une grande importance à l’homme entier : corps, âme, esprit. L’homme n’est pas un esprit malheureux condamné à vivre pour un temps dans un corps mauvais et corrompu, mais la plus belle création de Dieu, une unité de corps, âme et esprit; en cela, les Pères nous disent que l’homme est supérieur aux anges (!). Ainsi, la Divine Liturgie engage non seulement l’esprit, par les prières et les lectures, mais aussi tous les sens : la vision par les fresques, les icônes, les gestes du prêtre les bougies; l’ouïe par les prières et les chants; le toucher par les baisers des icônes et de la croix du prêtre; l’odorat par les encensements fréquents; le goûter par la sainte communion et les anaphores (le pain et le vin bénis mais non consacrés). Il en est ainsi à la chrismation et le sacrement des malades; chaque sens est béni de l’huile sainte.
L’orthodoxie accorde beaucoup d’attention à la personne, car c’est dans l’essentiel de chaque être humain que se trouve justement cette image du Créateur; chaque personne est unique, connue de Dieu par son nom, ce nom que Dieu répète à chaque instant : Je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi (Isaïe 43,1); Il compte le nombre des étoiles, il appelle chacune par son nom (Psaume 146, 4). Dieu appelle chacun de nous par notre nom; c’est cet appel divin qui est la vie, l’existence. Le respect accordé au nom personnel se manifeste dans la Divine Liturgie de plusieurs façons. Les litanies, prières de demandes, prévoient à quelques reprises, l’insertion des noms des malades et des défunts pour lesquels on prie en particulier. En communiant les fidèles, le prêtre nomme chaque personne avec la formule : Le serviteur (la servante) de Dieu N. reçoit les précieux Corps et Sang de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus Christ, pour la rémission des ses péchés et la vie éternelle. Aussi, chaque fidèle peut préparer un diptyque, feuille ou carte à deux volets où sont inscrits les noms des vivants et des défunts pour lesquels le fidèle aimerait prier en particulier; les diptyques sont remis au prêtre, qui prie pendant la Liturgie pour les personnes nommées.
L’importance attachée au nom est surtout manifestée dans le respect accordé au nom du Seigneur, Jésus Christ, et à l’invocation du Nom en tous temps, en particulier dans la pratique de la Prière du Coeur ou la Prière de Jésus : Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi. De même que dans d’autres traditions spirituelles (islam, hindouisme, bouddhisme), une grande importance est donnée à l’invocation du Nom divin en tous temps comme pratique spirituelle.
L’orthodoxie maintient le lien direct avec les origines du christianisme, de l’Église et avec les Pères de l’Église. Après le Nouveau Testament, les écrits et les autorités essentiels de l’orthodoxie sont les Pères de l’Église, compris entre les Pères Apostoliques du 1er et du 2e siècle, les Pères du désert et les Pères jusqu’au 8e ou 9e siècle, ainsi que les sept « conciles oecuméniques » entre le 4e et le 8e siècle. Ce lien avec les origines du christianisme est reflété dans l’ecclésiologie de l’Église orthodoxe. L’Église orthodoxe est composée d’églises locales, un ou plusieurs évêques avec les prêtres et les fidèles qui leur sont rattachés. Il n’y a pas d’autorité suprême ou centrale dans l’orthodoxie, mais les églises principales sont en communion les unes avec les autres. Il y a cinq « Patriarches » traditionnels : Constantinople, Jérusalem, Antioche, Alexandrie et Moscou (Rome était le sixième, et le premier en honneur, jusqu’au schisme de Xe siècle), et un certain nombre d’églises autocéphales ou autonomes.

Dès mes premiers contacts avec l’orthodoxie, au Centre de Prière et de Méditation (Gorze, Lorraine) en septembre 1994, j’ai été très impressionné par la ferveur, l’enthousiasme, l’engagement et la joie du clergé et des fidèles orthodoxes que j’ai rencontré, impression confirmée par la suite de mes contacts avec la paroisse de Bruxelles, le Centre Ste-Croix, l’Atelier et la Chapelle de Saint-Jean-Damascène (Royans), les monastères de la Dormition-de-la Mère-de-Dieu (Asprès-sur-Buèch) et de Saint-Silouane (Saint-Mars-de-Locquenay). En fait, il s’agit de la communauté orthodoxe francophone, les « néo-orthodoxes », par rapport aux communautés traditionnelles orthodoxes des grecs, russes, roumains etc. Les orthodoxes d’origine française, belge et suisse sont devenus orthodoxes généralement par choix délibéré, personnel, fréquemment après une recherche spirituelle qui les ont amenés, souvent du catholicisme au Nouvel Age ou aux spiritualités orientales avant d’aboutir à l’orthodoxie : des personnes qui ont fait un chemin semblable au mien, et dont il m’est facile de reconnaître le cheminement. Il y a effectivement un vrai sens de « communauté chrétienne », d’identification, de solidarité, dans les paroisses francophones et entre les diverses paroisses, centres et monastères. Les orthodoxes sont une petite communauté éparpillée dans la grande masse de la population d’expression française en Europe, comparable sans doute aux premières communautés chrétiennes perdues dans la masse de l’Empire Romain.

UN DIEU SANS VISAGE ?
Pourquoi suis-je chrétien, orthodoxe, et non bouddhiste, comme un Jean Eracle, prêtre catholique devenu bonze bouddhiste (voir son récit autobiographique De la croix au lotus, Musée ethnographique de Genève, 1996), vu mon respect profond pour le bouddhisme? La réponse relève et de la foi, mystère inexplicable en soi, et de la raison, plus accessible. En dépit de mon admiration pour le bouddhisme, certains aspects du bouddhisme me troublent et ne me satisfont pas. En premier, bien sûr, l’absence d’un Dieu personnel, le Créateur et le Sauveur. Le Bouddha Sakyamuni n’est pas un dieu, il n’a jamais réclamé la divinité; au contraire, son enseignement ne comporte aucune notion d’un dieu suprême et personnel. Le Dieu personnel du christianisme, ainsi que d’autres religions théistes, permet au fidèle d’envisager une relation personnelle avec Dieu, dont le modèle existe dans la relation entre deux personnes sur terre, parent-enfant, homme-femme etc. La possibilité et la réalité de cette relation personnelle répond à un besoin essentiel de toute être humain. Aussi, en toute simplicité, je dis avec Lanza del Vasto : Si Dieu n’était personne, d’où viendrait la Personne? Les vivants ne naissent pas des morts, mais des vivants. (…) Si Dieu n’était personne, personne ne serait personne. La suprême personne est Présence infinie (Principes et préceptes du retour à l’évidence, p.157).
J’apprécie cependant – mais peut-être les théologiens chrétiens et les sages bouddhistes seraient unanimes à condamner mon interprétation – le concept central de la métaphysique bouddhique, la vacuité ou le vide (shûnyatâ en sanskrit, kû en japonais). Concept casse-tête pour les non-bouddhistes et sans doute pour beaucoup de bouddhistes également – on peut passer des années, sinon toute une vie, à méditer sur la Prâjnâparamitâ Sûtra, le Sûtra du coeur de la grande sagesse, qui tente d’expliquer, dans un texte condensé mais profond, la relation entre le vide et la forme entre le monde matériel que nous connaissons et le transcendental.
Il me semble que la vacuité a deux correspondances dans la théologie et la métaphysique chrétiennes. Pour rester dans le domaine des contradictions apparentes, si chères au bouddhisme zen en particulier (les koans), la vacuité bouddhique est semblable au concept de Dieu comme Plénitude; rien n’existe qui n’existe pas en Dieu; tout ce qui existe existe en Dieu : Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut (Jean 1,3). Pourtant toute l’existence, toutes choses visibles et invisibles (Symbole de foi), n’épuise pas la Plénitude de Dieu, car Dieu n’existe pas (attention au sens!), pas comme nous connaissons l’existence, mais d’une autre façon qui nous dépasse entièrement, ainsi que celle de toute créature; il est le Tout-Autre. La théologie orthodoxe reconnaît que dans son essence, Dieu est inexprimable, inconcevable, invisible et incompréhensible (Saint Jean Chrysostome, Sur l’incompréhensibilité de Dieu, III) – et en même temps il est celui qui est partout présent et qui remplit tout (Invocation du Saint-Esprit). Le Tout-Autre est plus intime à l’âme qu’elle ne l’est elle-même (Saint Augustin, Confessions, III,6,11; aussi Maître Eckhart, Sermon 10). Simplement, Dieu est, et c’est ainsi qu’il s’est révélé à Moïse dans l’Ancien Testament : Je suis celui qui est (Exode 3,14), parole reprise par Jésus en affirmant sa divinité devant les Pharisiens : Avant qu’Abraham existât, Je Suis (Jean 8,57). Cet « est » divin, l’inexprimable existence-en-soi, n’est-il pas apparenté au vide bouddhique (ainsi qu’au sat hindou)? N’essaie-t-on pas d’exprimer, dans les limites de notre langage et de nos constructions mentales-métaphysiques, non seulement le même concept, mais la même expérience, le même vécu, celui de tout mystique?
Partant de ceci, je conçois la métaphysique bouddhique du vide dans une optique semblable à celle de la tradition de la théologie « négative » ou apophatique du christianisme, tradition retenue dans l’orthodoxie, mais presque oubliée dans la théologie occidentale. La théologie apophatique, reconnaissant l’insuffisance de notre langage et nos concepts pour décrire Dieu, l’Au-delà de tout (Grégoire de Naziance, IVe siècle), tente d’approcher Dieu en disant ce qu’il n’est pas, ainsi que par des apparentes contradictions. Le représentant le plus distingué de cette école était le Pseudo-Denys (VIe siècle), notamment dans son traité, court et mystérieux, sur La théologie mystique, texte qui a beaucoup influencé le mysticisme occidental du Moyen-Âge. Quelques expressions classiques : la translumineuse Ténèbre du silence… cette radieuse et resplendissante Ténèbre. Les correspondances entre le Prajnâpârmitâ Sûtra et la Théologie mystique sont frappantes; pour moi, ces textes parlent de l’expérience de la même Réalité.
La métaphysique bouddhique semble se rejoindre sur plusieurs points à la théologie apophatique de l’orthodoxie, mais il n’en reste pas moins que les questions fondamentales du Dieu personnel, de la Présence divine et de la création, ainsi que l’origine du mal, reste sans réponse dans le bouddhisme. Tout en respectant la voie bouddhiste, dont je peux apprendre beaucoup, ce n’est pas la mienne. L’orthodoxie enseigne que Dieu est ineffable et invisible, celui que notre esprit ne peut saisir ni cerner, le Dieu éternel et immuable (Divine Liturgie, p.45), mais elle ne s’arrête pas là, car Dieu s’est fait connaître, dans la création, dans le coeur de l’homme, et par l’incarnation du Fils de Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ. Le Dieu du christianisme n’est pas seulement un concept métaphysique, l’Absolu, mais le Dieu vivant, personnel, notre Père (Prière dominicale), la source de la vie (Doxologie – Psaume 35, 10).

FOI ET RAISON
Toutes les explications élaborées ci-haut ne sont pas suffisantes pour répondre à la question « Pourquoi es-tu chrétien orthodoxe? » Les différents points évoqués expliquent, d’une certaine façon, une attirance au christianisme orthodoxe, mais n’expliquent pas le « pourquoi ». Il s’agit en partie d’un engagement, mais d’un engagement qui ne vient pas exclusivement de la volonté personnelle, car, en fin de compte, il n’y a pas de réponse définitive à la question; la vraie réponse relève de la foi et non du rationnel. La foi est en elle-même inexplicable, car il s’agit d’un don du Saint-Esprit, don qui n’est pas irrationnel, contre la raison, mais non-rationnel, au-delà de la raison.

À toi convient la louange,
à toi convient le cantique,
à toi convient la gloire,
Père, Fils et Saint-Esprit,
maintenant et toujours
et aux siècles des siècles.

Paul Ladouceur
Genève, août-septembre 1996

CATÉCHÈSE DE BENOÎT XVI : AUDIENCE DU 1ER FÉVRIER 2012

2 février, 2012

http://www.zenit.org/article-30049?l=french

CATÉCHÈSE DE BENOÎT XVI : AUDIENCE DU 1ER FÉVRIER 2012

En disant oui à Dieu, l’homme trouve sa pleine réalisation

ROME, mercredi 1er février 2012 (ZENIT.org) – A Gethsémani, le Christ manifeste que « c’est seulement en conformant sa volonté à celle de Dieu que l’être humain atteint sa véritable hauteur », explique Benoît XVI.
Le pape a en effet poursuivi sa méditation sur la prière de Jésus lors de l’audience générale de ce 1er février, en la salle Paul VI du Vatican. Au Mont des Oliviers, a-t-il dit en substance, Jésus révèle la profondeur de son mystère intérieur et de sa relation à son Père.

Voici la traduction intégrale de la catéchèse de Benoît XVI en italien:

Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui, je voudrais parler de la prière de Jésus à Gethsémani, au Jardin des Oliviers. Le scénario du récit évangélique de cette prière est particulièrement significatif. Jésus se rend au Jardin des oliviers, après la dernière cène, tandis qu’il prie avec ses disciples. L’évangéliste Marc nous dit : « Après le chant des psaumes, ils partirent pour le Mont des oliviers » (Mc 14, 26). C’est sans doute une allusion au chant de certains psaumes du hallel par lesquels on remercie Dieu pour la libération du peuple de l’esclavage et on lui demande son aide dans les difficultés et les menaces toujours nouvelles du temps présent. Le chemin parcouru jusqu’à Gethsémani est constellé d’expressions de Jésus qui font percevoir l’imminence de sa mort et qui annoncent la dispersion des disciples qui s’ensuivra.
Arrivés au domaine du Mont des oliviers, cette nuit-là encore, Jésus se prépare à sa prière personnelle. Mais cette fois-ci, il y a quelque chose de nouveau : il semble qu’il ne veuille pas rester seul. Jésus se retirait souvent à l’écart de la foule et des disciples, en se tenant dans des « lieux déserts » (cf. Mc 1, 35) ou en montant « dans la montagne », nous dit saint Marc (cf. Mc 6, 46). A Gethsémani, au contraire, il invite Pierre, Jacques et Jean à rester plus près de lui. Ce sont les disciples qu’il avait appelés à être avec lui sur le mont de la transfiguration (cf. Mc 9, 2-13). Cette proximité des trois disciples pendant la prière à Gethsémani est significative. Cette nuit-là aussi, Jésus priera le Père « seul » parce que son rapport avec lui est tout à fait unique et singulier : c’est le rapport du Fils unique. On dirait, au contraire, qu’en cette nuit surtout, personne ne peut vraiment s’approcher du Fils, qui se présente au Père dans son identité absolument unique, exclusive. Mais Jésus, tout en allant « seul » là où il s’arrêtera pour prier, veut qu’au moins trois de ses disciples ne soient pas loin, dans une relation plus étroite avec lui. Il s’agit là d’une proximité spatiale, d’une demande de solidarité au moment où il sent approcher sa mort, mais c’est surtout une proximité dans la prière, pour exprimer, d’une certaine manière, qu’ils sont en syntonie avec lui au moment où il s’apprête à accomplir jusqu’au bout la volonté du Père, et c’est une invitation faite à chaque disciple à le suivre sur le chemin de la croix. Voici le récit de l’évangéliste : « Puis il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il commença à ressentir effroi et angoisse. Et il leur dit « Mon âme est triste à en mourir ; demeurez ici et veillez » (Mc 14, 33-34).
Dans cette parole qu’il adresse aux trois disciples, Jésus, encore une fois, s’exprime avec le langage des psaumes : « Mon âme est triste » est une expression du psaume 43 (cf. Ps 43, 5). La ferme détermination « jusqu’à la mort » rappelle ensuite une situation vécue par beaucoup des envoyés de Dieu dans l’Ancien testament et qui s’est exprimée dans leur prière. Il n’est pas rare, en effet, que le fait de suivre la mission qui leur est confiée signifie pour eux qu’ils trouveront hostilité, refus, persécution. Moïse vit une épreuve dramatique lorsqu’il guide le peuple dans le désert, et il dit à Dieu : « Je ne puis, à moi seul, porter tout ce peuple : c’est trop lourd pour moi. Si tu veux me traiter ainsi, tue-moi plutôt ! Ah ! si j’avais trouvé grâce à tes yeux, que je ne voie plus mon malheur ! » (Nb 11, 14-15). Pour le prophète Elie, ce n’est pas non plus facile de mener à bien le service de Dieu et du peuple. On lit, dans le premier Livre des Rois : « Pour lui, il marcha dans le désert un jour de chemin et il alla s’asseoir sous un genêt. Et il souhaita mourir et dit : « C’en est assez maintenant, Seigneur ! Prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères » (1R 19,4).
Les paroles que Jésus adresse à ses disciples, qu’il veut proches de lui pendant sa prière à Gethsémani, révèlent la peur et l’angoisse qu’il éprouve à cette « Heure », et la solitude ultime et profonde dont il fait l’expérience justement au moment où le dessein de Dieu se réalise. Et dans cette peur et cette angoisse de Jésus, toute l’horreur éprouvée par l’homme devant sa propre mort, sûre et inexorable, lorsqu’il perçoit le poids du mal qui ronge notre vie, est récapitulée.
Après avoir invité les trois disciples à demeurer et veiller dans la prière, Jésus, « seul », se tourne vers son Père. L’évangéliste Marc raconte que, « étant allé un peu plu loin, il tombait à terre et il priait pour que, s’il était possible, cette heure passât loin de lui » (Mc 14, 35). Jésus tombe à terre : c’est une attitude de prière qui exprime l’obéissance à la volonté du Père, l’abandon en toute confiance entre ses mains. C’est un geste que l’on refait au début de la célébration de la Passion, le Vendredi saint, comme aussi lors de la profession monastique et de l’ordination diaconale, sacerdotale et épiscopale, pour exprimer, dans la prière, avec son corps aussi, la remise totale de soi à Dieu, la confiance que l’on met en lui. Puis Jésus demande au Père que, si c’est possible, cette heure passe loin de lui. Ce n’est pas seulement la peur et l’angoisse de l’homme face à la mort, mais c’est le bouleversement du Fils de Dieu qui voit le poids redoutable du mal qu’il devra prendre sur lui pour le surmonter et le priver de son pouvoir.
Chers amis, nous aussi, dans la prière, nous devons être capables d’apporter devant Dieu nos fatigues, la souffrance de certaines situations, de certaines journées, notre engagement quotidien à le suivre, à être chrétiens, et aussi le mal que nous voyons en nous et autour de nous, afin qu’il nous donne l’espérance, qu’il nous fasse sentir sa proximité et qu’il nous donne un peu de lumière sur le chemin de la vie.
Jésus continue sa prière : « Abba (Père) ! tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe ; pourtant pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36). Dans cette invocation, il y a trois passages révélateurs. Au début, nous avons la répétition de l’expression par laquelle Jésus s’adresse à Dieu : « Abba ! Père ! » (Mc, 14, 36a). Nous savons bien que la parole araméenne « Abba » est celle qu’utilisaient les enfants pour s’adresser à leur papa et qu’elle exprime donc le rapport de Jésus avec Dieu le Père, un rapport de tendresse, d’affection, de confiance, d’abandon. Dans la partie centrale de l’invocation, il y a un second élément : la conscience de la toute-puissance du père – « tout t’est possible » – qui introduit une demande dans laquelle, encore une fois, apparaît le drame de la volonté humaine de Jésus face à la mort et au mal : « Eloigne de moi cette coupe ! ». Mais il y a ensuite la troisième expression de la prière de Jésus, et c’est celle-là qui est décisive, dans laquelle la volonté humaine adhère pleinement à la volonté divine. Jésus, en effet, conclut en disant avec force : « Pourtant pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36c).
Dans l’unité de la personne divine du Fils, la volonté humaine trouve sa pleine réalisation dans l’abandon total du Je au Tu du Père, appelé « Abba ». Saint Maxime le Confesseur affirme que, depuis le moment de la création de l’homme et de la femme, la volonté humaine est orientée à la volonté divine et que c’est justement dans le « oui » à Dieu que la volonté humaine est pleinement libre et trouve sa réalisation. Malheureusement, à cause du péché, ce « oui » à Dieu s’est transformé en opposition : Adam et Eve ont pensé que le « non » à Dieu était le sommet de la liberté, la plénitude de l’être. Jésus sur le Mont des oliviers, ramène la volonté humaine à un « oui » total à Dieu ; en lui, la volonté naturelle est pleinement intégrée dans l’orientation que lui donne la personne divine. Jésus vit son existence à partir du centre de sa personne : son être de Fils de Dieu. Sa volonté humaine est attirée dans le Je du Fils, qui s’abandonne totalement au Père. Ainsi Jésus nous dit que c’est seulement en conformant sa volonté à celle de Dieu que l’être humain atteint sa véritable hauteur, devient « divin » ; c’est seulement en sortant de soi, seulement dans le « oui » à Dieu que se réalise le désir d’Adam, notre désir à tous, d’être complètement libres. C’est cela que Jésus réalise à Gethsémani : l’homme véritable naît en transférant sa volonté humaine dans la volonté divine, et c’est ainsi que nous sommes rachetés.
Le Compendium du Catéchisme de l’Eglise catholique nous donne un enseignement synthétique : « La prière de Jésus pendant l’agonie au Jardin de Gethsémani et ses dernières paroles sur la Croix révèlent la profondeur de sa prière filiale. Jésus porte à son achèvement le dessein d’amour du Père et prend sur lui toutes les angoisses de l’humanité, toutes les demandes et les intercessions de l’histoire du salut. Il les présente au Père qui les accueille et les exauce au-delà de toute espérance, en le ressuscitant des morts » (n. 543). Vraiment, « en aucun autre lieu de l’Ecriture sainte nous ne pouvons scruter aussi profondément le mystère intérieur de Jésus comme dans la prière sur le Mont des Oliviers » (Jésus de Nazareth II, 183).
Chers frères et sœurs, chaque jour dans la prière du Notre Père, nous demandons au Seigneur : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » (Mt 6, 10). Nous reconnaissons donc qu’il y a une volonté de Dieu avec nous et pour nous, une volonté de Dieu sur notre vie, qui doit devenir chaque jour davantage le point de référence de notre vouloir et de notre être ; nous reconnaissons ensuite que c’est au « ciel » que se fait la volonté de Dieu et que la « terre » devient le « ciel », lieu de la présence de l’amour, de la bonté, de la vérité, de la beauté divine, uniquement si la volonté de Dieu se réalise en elle. Dans la prière que Jésus adresse au Père, en cette nuit terrible et magnifique de Gethsémani, la « terre » est devenue le « ciel » ; la « terre » de sa volonté humaine, bouleversée par la peur et l’angoisse, a été assumée par sa volonté divine, de sorte que la volonté de Dieu s’est réalisée sur la terre. Et c’est important aussi dans notre prière : nous devons apprendre à compter davantage sur la Providence divine, demander à Dieu la force de sortir de nous-mêmes pour lui redire notre « oui », pour lui répéter « que ta volonté soit faite », pour conformer notre volonté à la sienne. C’est une prière que nous devons faire tous les jours parce qu’il n’est pas toujours facile de se remettre à la volonté de Dieu, de répéter le « oui » de Jésus, le « oui » de Marie. Les récits évangéliques de Gethsémani montrent douloureusement que les trois disciples, choisis par Jésus pour être proches de lui, n’ont pas été capables de veiller avec lui, de partager sa prière, son adhésion au Père et ils se sont laissé écraser de sommeil. Chers amis, demandons au Seigneur de nous rendre capables de veiller avec lui dans la prière, de suivre la volonté de Dieu chaque jour même si elle nous parle de la croix, de vivre une intimité de plus en plus grande avec le Seigneur, pour apporter ensemble sur cette « terre » un peu du « ciel » de Dieu. Merci.

Synthèse en français de la catéchèse de Benoît XVI :
Chers frères et sœurs, la prière de Jésus à Gethsémani revêt un caractère particulier. D’après les évangiles, Jésus semble ne pas vouloir rester seul. Il invite trois des disciples, Pierre, Jacques et Jean à venir avec lui, comme sur le mont de la transfiguration. En cette heure où Jésus va accomplir jusqu’au bout la volonté de son Père, c’est une demande de solidarité et de proximité dans la prière. C’est une invitation pour chaque disciple à le suivre sur le chemin de la Croix. Reprenant le verset d’un psaume, Jésus révèle : Mon âme est triste ! Déjà, dans l’Ancien Testament, les envoyés de Dieu ont rencontré hostilité, refus et persécution dans leur mission. Moïse et Elie ont porté avec peine le poids du peuple qu’ils devaient conduire. Jésus connaît la solitude et l’angoisse, récapitulant l’horreur de l’homme face à la mort inexorable et l’accablement devant le mal. Les paroles rapportées montrent l’affection de Jésus pour son Père qu’il appelle : Abba ! Conscient de la toute-puissance de Dieu, Jésus demande l’éloignement du calice. Par-dessus tout, il adhère pleinement à la volonté du Père. Par son obéissance, Jésus ramène la volonté humaine, détournée de Dieu par le péché, au oui plénier à Dieu. Ainsi, l’être humain est sauvé et parvient à sa véritable stature, « divine », celle de fils de Dieu.

Paroles de Benoît XVI aux francophones :
Je salue les pèlerins francophones, particulièrement le groupe du Collège du Sacré-Cœur d’Aix-en-Provence. Chers amis, dans la prière, n’hésitons pas à confier à Dieu ce qui fait notre vie, nos joies et nos soucis. Je vous invite à chercher en tout sa volonté, et à renouveler votre engagement à vivre en chrétien, en suivant Jésus, la lumière de notre vie. Avec ma bénédiction à tous, et particulièrement aux personnes consacrées, dont nous célébrerons la fête demain !

Traduction de Zenit, par Hélène Ginabat

Presentation du Seigneur ou Temple, Mantegna

1 février, 2012

Presentation du Seigneur ou Temple, Mantegna dans images sacrée Andrea_Mantegna._The_Presentation_in_the_Temple._c._1465-66._Oil_on_canvas._69x86.3_cm._Gemaldegalerie_Berlin_Germany._jpeg

http://rouen.catholique.fr/spip.php?article662

LA SAINTE RENCONTRE OU LA PRÉSENTATION DU CHRIST AU TEMPLE

1 février, 2012

http://www.pagesorthodoxes.net/fetes/presentation1.htm

LA LITURGIE ORTHODOXE

(à lire, même la partie liturgique, à partir du lien)

LA SAINTE RENCONTRE OU LA PRÉSENTATION DU CHRIST AU TEMPLE 

MÉDITATION SUR LA FÊTE AVEC LE PÈRE LEV GILLET                     

D’après la loi de Moïse (Lv 12, 2-8), la mère d’un enfant mâle devait, quarante jours après la naissance, présenter l’enfant devant le tabernacle et offrir en holocauste, comme purification  » de son flux de sang « , soit un agneau soit une paire de colombes ou de pigeons. La présentation d’un enfant premier-né avait aussi le sens d’un rachat, car tout premier-né, aussi bien animal qu’humain, était considéré comme appartenant à Dieu (Nb 18, 14-18). Marie et Joseph obéirent à ce précepte de la loi. Ils apportèrent au Temple Jésus qui fut béni par le vieillard Siméon et reconnu comme sauveur par la prophétesse Anne. C’est cet événement que nous célébrons dans la fête du 2 février [1].
Aux vêpres de la fête, le soir du 1er février, on lit trois leçons de l’Ancien Testament. La première (Ex 13, 1-16) formule les préceptes relatifs à la circoncision et à la purification, mis dans la bouche de Dieu parlant à Moïse. La deuxième (Is 6, 1-12) décrit la vision des séraphins aux six ailes par Isaïe et la manière dont un des séraphins, avec un chardon ardent, purifia les lèvres du prophète ; ce passage a vraisemblablement été choisi à cause de quelques paroles qui pourraient symboliquement préfigurer la venue du Christ dans le Temple :  » Les gonds du seuil vibraient… et le Temple se remplissait de fumée… et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur des Armées « . La troisième leçon (fragments du chapitre 19 d’Isaïe) ne se comprend bien que si on lit le chapitre tout entier : on voit alors que la venue du Seigneur en Égypte, la destruction des idoles égyptiennes en sa présence, et son adoration pas les Égyptiens peuvent s’appliquer à la révélation que le Christ a faite de lui-même aux païens, ( » lumière pour éclairer les nations « , comme dit le cantique de Siméon.) L’évangile lu à matines (Lc 2, 25-32) est un abrégé de celui qui est lu à la liturgie (Lc 2, 22-40) et qui relate la présentation de Jésus au Temple. L’épître de la liturgie (He 7, 7-17), parle de Melchisedek rencontrant Abraham ; déjà Lévi a payé la dîme à Melchisedek  » en la personne d’Abraham… car il était dans les reins de son aïeul…  » ; le sacerdoce aaronique rendait ainsi hommage au sacerdoce éternel ; de même, pouvons-nous inférer de ce texte, que le Temple de Jérusalem, en la personne de Siméon qui accueille et bénit Jésus, rend hommage au sacerdoce du Christ. On sait que le cantique de Siméon,  » Laisse maintenant, Seigneur, ton serviteur s’en aller en paix « , est devenu un élément de l’office divin quotidien, à Rome comme à Byzance. La phrase de Siméon [2] à Marie,  » un glaive te transpercera l’âme… « , jette un rayon de lumière sur le mystère de la participation de la Très Sainte Vierge à la Passion de son Fils.
 » Allons, nous aussi… à la rencontre du Christ et accueillons-le, ornez votre chambre… et recevez le Christ Roi… Et accueillez Marie la porte du ciel « . Ces chants de la fête de la Présentation s’appliquent aussi à notre âme. Chaque âme devrait être un Temple de Dieu, où Marie apporte Jésus. Et chacun de nous, comme Siméon, devrait prendre l’enfant dans ses bras et dire au Père :  » Mes yeux ont vu ton salut. La prière de Siméon,  » laisse ton serviteur s’en aller en paix « , ne signifie pas seulement que celui qui a vu Jésus et l’a tenu dans ses bras peut maintenant quitter cette vie, mourir en paix. Elle signifie encore pour nous que, ayant vu et touché le Sauveur, nous sommes délivrés de la servitude du péché et nous pouvons nous éloigner en paix du royaume du mal.

NOTES
[1] Cette fête existait à Jérusalem dès la première moitié du Ive siècle. L’empereur Justinien 1er l’introduisait en 542 dans tout l’empire byzantin. Nous la trouvons célébrée à Rome au VIIe siècle. En Orient, la Présentation (ou, selon le terme grec, la  » rencontre « ) est considérée comme une des fêtes de notre Seigneur. En Occident, c’est plutôt une fête de la sainte Vierge ; on la nomme généralement  » Purification de la bienheureuse Vierge Marie « . L’usage latin de bénir des cierges le 2 février date du XIe siècle.
[2] Nous ne savons pas qui était Siméon, pas plus que nous ne savons qui était Anne. Il est possible que Siméon ait été un fils du célèbre rabbin Hillel et le père du pharisien Gamaliel que mentionne, plutôt avec sympathie, le livres des Actes (5, 34). Certains textes rabbiniques pourraient être interprétés dans ce sens. Il est aussi possible que Siméon ait eu deux fils, Gharinus et Leucius, dont parle l’évangile apocryphe de Nicodème. Mais nous n’avons pas l’ombre de certitude historique à ce sujet.

Extrait du livre L’An de grâce du Seigneur,
signé « Un moine de l’Église d’Orient »,
Éditions AN-NOUR (Liban) ;
Éditions du Cerf, 1988.

2 février – Présentation de Jésus au temple

1 février, 2012

http://missel.free.fr/Sanctoral/02/02.php

2 février – Présentation de Jésus au temple

Sommaire :

Le sens des cérémonies de la chandeleur
Prière de Sainte Gertrude
Lumière est venue dans le monde
Le silence de Marie
Le vieillard Siméon et la prophétesse Anne
Syméon, le dernier et le premier des justes
—————————————————

Le sens des cérémonies de la chandeleur
Les diverses cérémonies que l’Eglise accomplit au jour de la Présentation du Seigneur au Temple sont comme un commentaire vivant de l’évangile lu à la messe ; les liturgistes du Moyen-Age en ont tiré des leçons édifiantes et salutaires. Pour Yves de Chartres, la cire des cierges signifie et représente la chair virginale de Jésus qui n’a point altéré, ni par sa conception ni par sa naissance, l’intégrité de Marie ; la flamme des cierges symbolise le Christ, lumière qui est venue illuminer nos ténèbres. Durand de Mende dit que « nous portons des cierges allumés en procession pour faire écho à la parole de Siméon qui salue en Jésus la lumière du monde, pour signifier l’humanité et la divinité du Christ, pour proclamer la pureté inaltérable de Marie, pour imiter les vierges sages qui accompagnent le céleste époux jusqu’au temple de la gloire. » Invocations au Père des lumières et à Jésus-Christ, lumière du monde, les prières de la bénédiction des cierges rappellent les touchantes circonstances des mystères de ce jour. L’usage de ces cierges bénits devra, selon les intentions de l’Eglise, procurer aux fidèles la santé de l’âme et du corps, les délivrer des ténèbres de l’erreur et du vice, leur montrer ce qui est agréable à Dieu et leur mériter l’entrée dans le séjour de l’éternelle lumière.

Prière lue par Sainte Gertrude
et adoptée pour le jour de la Purification de Notre Dame
O mon Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, donnez-moi d’aspirer vers vous, de tout mon cœur, avec les brûlants désirs d’une âme altérée ; donnez-moi de respirer en vous, ô très suave et très doux ami ; que mon esprit, que tout mon être haletant soupire après vous, ô seule vraie Béatitude. O Sauveur dont la clémence est infinie, daignez, par votre Sang précieux, imprimer dans mon cœur vos plaies sacrées afin qu’en elles je lise à chaque instant, et vos douleurs, et votre Charité pour moi.
Faites que le souvenir de vos divines blessures, demeure enseveli toujours au plus intime de mon être afin d’y exciter une juste compassion à toutes vos souffrances, et d’y allumer le feu consumant de votre amour. Accordez-moi aussi de connaître le néant de la créature, diminuez sa valeur devant mes yeux, et soyez, Vous seul, ô Jésus, la douceur et la joie de mon âme.
Gertrude aimait cette prière et la récitait tous les jours. Ses demandes agréées du Sauveur : Je connus d’une manière spirituelle, que vous aviez imprimé sur des places très réelles de mon cœur les stigmates sacrés de vos plaies adorables ; au moyen de ces blessures, vous avez guéri les ulcères de mon âme et vous m’avez enivrée d’un nectar délicieux.

Lumière est venue dans le monde
Allons à la rencontre du Christ, nous tous qui honorons et vénérons son mystère avec tant de ferveur, avançons vers lui dans l’enthousiasme. Que tous sans exception participent à cette rencontre, que tous sans exception y portent leurs lumières. Si nos cierges procurent un tel éclat, c’est d’abord pour montrer la splendeur divine de celui qui vient, qui fait resplendir l’univers et l’inonde de lumière éternelle en repoussant les ténèbres mauvaises ; c’est aussi et surtout pour manifester avec quelle splendeur de notre âme, nous-mêmes devons aller à la rencontre du Christ.
De même, en effet, que la Mère de Dieu, la Vierge très pure, a porté dans ses bras la véritable lumière à la rencontre de ceux qui gisaient dans les ténèbres ; de même nous, illuminés par ses rayons et tenant en mains une lumière visible pour tous, hâtons-nous vers celui qui est vraiment la lumière.
C’est évident : puisque la lumière est venue dans le monde et l’a illuminé alors qu’il baignait dans les ténèbres, puisque le Soleil levant qui vient d’en haut nous a visités, ce mystère est le nôtre. C’est pour cela que nous avançons en tenant des cierges, que nous accourons en portant des lumières, afin de signifier la lumière qui a brillé pour nous, mais aussi afin d’évoquer la splendeur que cette lumière nous donnera. Courons donc ensemble, allons tous à la rencontre de Dieu. Cette lumière véritable, qui éclaire tout homme venant en ce monde, voici qu’elle vient. Soyons-en tous illuminés, mes frères, soyons-en tous resplendissants.
Que nul d’entre nous ne demeure, comme un étranger, à l’écart de cette lumière; que nul, alors qu’il en est inondé, ne s’obstine à rester plongé dans la nuit. Avançons tous dans la lumière, tous ensemble, illuminés, marchons à sa rencontre, avec le vieillard Siméon, accueillons cette lumière glorieuse et éternelle. Avec lui, exultons de tout notre cœur et chantons un hymne d’action de grâce à Dieu, Père de la lumière, qui nous a envoyé la clarté véritable pour chasser les ténèbres et nous rendre resplendissants.
Le salut que Dieu a préparé à la face de tous les peuples et qu’il a manifesté pour la gloire du nouvel Israël que nous sommes, voilà que nous l’avons vu à notre tour, grâce au Christ ; nous avons été aussitôt délivrés de la nuit de l’antique péché, comme Siméon le fut des liens de la vie présente, en voyant le Christ.
Nous aussi, en embrassant par la foi le Christ venu de Bethléem à notre rencontre, nous qui venions des nations païennes, nous sommes devenus le peuple de Dieu, car c’est le Christ qui est le salut de Dieu le Père. Nous avons vu de nos yeux Dieu qui s’est fait chair. Maintenant que la présence de Dieu s’est montrée et que nous l’avons accueillie dans notre âme, nous sommes appelés le nouvel Israël ; et nous célébrons sa venue par une fête annuelle pour ne jamais risque de l’oublier.
Saint Sophrone de Jérusalem

Le silence de Marie
C’est le partage de la Vierge, en ce saint temps d’être en silence. C’est son état, c’est sa voie, c’est sa vie. Sa vie est une vie de silence qui adore la parole Eternelle. En voyant devant ses yeux, en son sein, en ses bras cette même Parole, la Parole substantielle du Père, être muette et réduite au silence par l’état de son enfance elle rentre en un nouveau silence et y est transformée à l’exemple du Verbe Incarné qui est son Fils, son Dieu et son unique amour. Et sa vie se passe ainsi de silence en silence d’adoration en silence de transformation ; son esprit et ses sens conspirant également à former et perpétrer en elle cette vie de silence ; et toutefois un sujet si grand, si présent et si propre à elle serait bien digne de ses paroles et de ses louanges. A qui Dieu appartient-il de plus près qu’à Marie qui est sa mère, et ce qui ne convient qu’à elle, elle est sa Mère en la terre sans Père, comme Dieu est son Père au ciel sans Mère ? Qui a donc plus de droit de parler de lui, qu’elle qui lui tient lieu de père et de mère tout ensemble, et ne partage avec aucun la substance nouvelle dont il l’a revêtue ? Qui connaît mieux l’état, les grandeurs, les bassesses de Jésus que Marie, en laquelle il a reposé neuf mois, et de laquelle il a pris ce petit corps qui couvre la splendeur de la divinité, comme une nuée légère qui cache un soleil, et comme un voile délié qui nous cache le vrai sanctuaire ? Qui parlerait plus dignement, plus hautement, plus divinement de choses si grandes, si profondes, si divines, que celle qui est la Mère du Verbe Eternel, et en laquelle et par laquelle ces choses-là même ont été accomplies et qui est la seule personne que la Trinité a choisie et jointe à soi pour opérer ces merveilles ? Et toutefois elle est en silence, ravie par le silence de son Fils Jésus. Et c’est un des effets sacrés et divins du silence de Jésus, de mettre la très sainte mère de Jésus en une vie de silence ; silence humble, profond et adorant plus saintement et plus disertement la sapience incarnée, que les paroles ni des hommes ni des anges. Ce silence de la Vierge n’est pas un silence de bégaiement et d’impuissance, c’est un silence de ravissement, c’est un silence plus éloquent dans les louanges de Jésus que l’éloquence même. C’est un effet puissant et divin dans l’ordre de la grâce, c’est-à-dire un silence opéré par un silence de Jésus, qui imprime ce divin effet en sa mère, et qui la tire à soi dans son propre silence, et qui absorbe en sa divinité toute parole et pensée de sa créature. Aussi est-ce une merveille de voir qu’en cet état de silence et d’enfance de Jésus tout le monde parle, et Marie ne parle point, le silence de Jésus ayant plus de puissance de la tenir en un sacré silence que les paroles ni des anges ni des saints n’ont de force à la mettre en propos et la faire parler de choses si dignes de louanges et que le ciel et la terre unanimement célèbrent et adorent. Les anges en parlent et entre eux-mêmes et aux pasteurs, et Marie est en silence. Les pasteurs courent et parlent, et Marie est en silence. Les rois arrivent, parlent et font parler toute la ville, tout l’Etat et tout le sacré synode de Judée, et Marie est en retraite et en silence. Tout l’Etat est ému et chacun s’étonne et parle du nouveau roi recherché par les rois, et Marie est en son repos et sacré silence. Siméon parle au Temple et Anne la Prophétesse, et tous ceux qui attendent le salut d’Israël, et Marie offre, donne, reçoit et rapporte son Fils en silence, tant le silence de Jésus a de puissance et d’impression secrète sur l’esprit et le coeur de la Vierge, et la tient puissamment et divinement occupée et ravie en silence. Car aussi durant tout le temps de son enfance, nous n’avons que ces paroles qui nous soient rapportées de la conduite de la Vierge et de sa piété au regard de son Fils, et des choses qui sont dites de lui et accomplies par en lui : « Maria autem conservabat omnia verba haec conferens in corde suo. »
Le cardinal Pierre de Bérulle – Opuscules de piété

Le vieillard Siméon et la prophétesse Anne
N’admirez-vous pas que tous ceux qui paraissent dans notre Evangile nous y sont représentés par le Saint-Esprit dans un état d’immolation ? Siméon, ce vénérable vieillard, désire être déchargé de ce corps mortel ; Anne, victime de la pénitence, paraît toute exténuée par ses abstinences et par ses veilles ; mais surtout la bienheureuse Marie, apprenant du bon Siméon qu’un glaive tranchant percera son âme, ne semble-t-elle pas être sous le couteau du sacrificateur ? Et, comme elle se soumet en tout aux ordres et aux lois de Dieu avec une obéissance profonde, n’entre-t-elle pas aussi dans la véritable disposition d’une victime immolée ? Quelle est la cause que tant de personnes concourent à se dévouer à Dieu, comme des hosties, si ce n’est que son Fils unique, pontife et hostie tout ensemble de la nouvelle alliance, commençant en cette journée à s’offrir lui-même à son Père, attire tous ses fidèles à son sentiment et répand, si je puis parler de la sorte, cet esprit d’immolation sur tous ceux qui ont part à ce mystère ?
C’est donc l’esprit de ce mystère de faire entendre aux fidèles qu’ils doivent se sacrifier avec Jésus-Christ.
Mais il faut aussi qu’ils apprennent par quel genre de sacrifice ils pourront se rendre agréables.
C’est pourquoi Dieu agit de telle manière dans ces trois personnes sacrées qui paraissent aujourd’hui dans le Temple avec le Sauveur, que faisant toutes, pour ainsi dire, leur oblation à part, nous pouvons recevoir de chacune d’elles une leçon particulière : Siméon, détaché du siècle, immole l’amour de la vie ; Anne, pénitente et mortifiée, détruit devant Dieu le repos des sens ; Marie, soumise et obéissante, sacrifie la liberté de l’esprit. Par où nous devons apprendre à nous immoler avec Jésus-Christ par trois genres de sacrifices : par un sacrifice de détachement en méprisant notre vie ; par un sacrifice de pénitence en mortifiant nos appétits sensuels ; par un sacrifice de soumission en captivant notre volonté.
Bossuet – premier sermon pour la purification

Syméon, le dernier et le premier des justes
« Les justes vivent pour toujours ; leur récompense est dans le Seigneur et le Très-Haut prend soin d’eux » (Sagesse V 15 ). Le temps me manque pour pouvoir rappeler les vertus de tous les saints. Je traiterai donc du dernier des justes de l’Ancien Testament. Et qui est-il ? Syméon, dont l’évangile de saint Luc nous rapporte le nom. Il est à la fois le premier et le dernier. Le dernier à avoir vécu sous le régime de la Loi, le premier sous celui de la grâce. Juif soumis aux observances, il était chrétien par son action de grâce. Sa formation en avait fait un légiste, sa connaissance de Dieu en fit son messager.
Syméon, dont l’histoire nous a été lue récemment, avait été retiré de l’impiété pharisaïque, comme une rose cueillie parmi les épines. Pour avoir été favorisé du don de la grâce, il avait acquis la réputation d’être le premier. Syméon était parvenu à un si haut degré de justice que pendant sa vie corporelle, Dieu lui fit cette révélation : « Il n’achèverait pas cette vie temporelle avant d’avoir serré dans ses bras de chair la Vie éternelle, Jésus Christ notre Seigneur ».
Le juste Syméon, qui dès avant l’Incarnation aspirait à voir le Seigneur, l’a donc vu dans son Incarnation, il l’a reconnu et l’a pris dans ses bras. Et il a supplié le Maître de l’univers, devenu enfant en la condition de serviteur, d’être délivré de la prison de son corps, en disant à haute voix ces paroles que tu as entendues récemment : « Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s’en aller dans la paix, selon ta parole, car mes yeux ont vu ton salut ». Je l’ai vu, laissez-moi m’en aller, ne me gardez pas ici ; permettez-moi de m’en aller dans la paix, ne me laissez pas dans la tristesse. Je l’ai vu, permettez-moi de partir. J’ai vu votre gloire, les anges danser, les archanges vous glorifier, la création exulter. J’ai vu le passage unique reliant le ciel à la terre. Maintenant, permettez-moi de m’en aller, ne me gardez pas ici.
Ne me laissez pas voir l’insolence de mes compagnons juifs envers vous, la couronne d’épines que l’on tresse, l’esclave qui vous gifle, la lance qui s’approche de vous. Ne me laissez pas voir le soleil s’obscurcir, la lune décroître, les éléments s’altérer. Ne me laissez pas vous voir brisé sur la croix. Ne me laissez pas voir les rochers se fendre, le voile du Temple se déchirer. Car les éléments mêmes ne seront pas capables de supporter ce défi et ils prendront part aux souffrances du Seigneur.
Timothée de Jérusalem – « Discours sur Syméon »

1...34567