Archive pour février, 2012

The ark of Noah and the cosmic covenant / L’arche de Noé et l’alliance cosmique

15 février, 2012

The ark of Noah and the cosmic covenant / L'arche de Noé et l'alliance cosmique dans images sacrée 12%20ST%20SAVIN%20PIERRES%20ROMANES%20ARCHE%20DE%20NOE

http://www.artbible.net/1T/Gen0601_Noah_flood/pages/12%20ST%20SAVIN%20PIERRES%20ROMANES%20ARCHE%20DE%20NOE.htm

Le goût du bonheur, Au fondement de la morale avec Aristote

15 février, 2012

http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=86

Le goût du bonheur, Au fondement de la morale avec Aristote

P. Jean-Marie Forrett

Paris, Éd. Presses de la Renaissance, 2000. – 276 p.,

Esprit & Vie n°61 / juillet 2002 – 1e quinzaine, p. 28.

Voilà un livre simple, clair, en des domaines souvent abscons pour le lecteur ordinaire : la pensée morale du vieil ARISTOTE. Jean VANIER n’en reste pas pour autant à un présentation superficielle de la doctrine du Stagirite, se complaisant dans une vulgarisation à bon marché, mais il fait pénétrer avec beaucoup de pédagogie l’analyse que fait ARISTOTE de la nature humaine, mettant chaque fois en valeur le fond culturel et philosophique sur lequel elle prend son élan.
C’est avec joie que l’on retrouve ou que l’on découvre le réalisme et l’équilibre d’une pensée, qui rejoint la quête actuelle de points de repère pour la construction en chacun de sa propre humanité : la juste place du plaisir dans une recherche plus fondamentale d’un bonheur qui soit à la hauteur de l’inquiétude humaine ; le dynamisme intérieur du monde de vertus par lequel chacun accède à la beauté et à la joie ; surtout les bienfaits de l’amitié et la dimension politique d’un bonheur qui n’a rien de la jouissance égoïste…
Après le règne du moralisme qui laissa dans la conscience moderne un grande méfiance par rapport à la morale, c’est avec étonnement que le lecteur découvre une éthique qui est un appel à vivre, avant tout basée sur le désir, et qui fait fond sur le sens inné en l’être humain de son accomplissement. L’attention à ce qui est, l’observation des comportements et la prise en compte des opinions autorisées font la texture du discernement rationnel d’ARISTOTE et lui donnent sa tournure concrète, existentielle. Ce que les nombreuses citations des œuvres du philosophe, surtout des deux Éthique, permettent de goûter.
La notion simple de bonheur est la pierre de fondement de la pensée d’ARISTOTE. C’est aussi ce qui fait sa « modernité », après le long règne des morales du devoir. C’est cependant à une redécouverte du bonheur comme accomplissement en nous de notre nature humaine, comme action la plus intériorisée et la plus haute, que ce livre nous conduit, très loin de sa compréhension vulgaire comme satisfaction matérielle immédiate. Il nous en énonce aussi les diverses composantes : intellectuelle, relationnelle et affective, politique… La notion d’un tel bonheur nous est-elle facilement accessible, à nous qui restons marqués culturellement par une réticence envers le recours à la notion de « nature » en morale, au profit de la revendication d’une « liberté » ressentie avant tout comme une sortie de la nature ? Jean VANIER lui-même envisage cette difficulté et insiste sur la nécessité de clarifier à la base ces concepts essentiels.
La conclusion, non moins intéressante, évoque, avec la valeur de la morale d’ARISTOTE, ses lacunes aussi, au regard d’une philosophie moderne qui, depuis, a conquis la conviction de la valeur égale de toute personne humaine, qui a fait davantage de place à l’amour et à la compassion, qui a adopté une vision évolutive du sujet et de l’histoire, notamment au contact des sciences humaines, toutes choses que le philosophe grec ne pouvait penser. Reste la santé de ses analyses et sa conviction de la vocation humaine à l’humanisation, son appel à la capacité conjuguée en nous de la raison et de la volonté.
Le ton général de l’exposé de Jean VANIER est enfin à relever qui, à chaque pas, fait sentir l’actualité du Stagirite, son utilité dans bien des problèmes de pédagogie concrète, sans pour autant forcer la note ni verser dans la condamnation pessimiste de nos Tempora et Mores.

La souffrance est-elle une Bonne Nouvelle ?

15 février, 2012

http://qe.catholique.org/sacrement-des-malades/30707-la-souffrance-est-elle-une-bonne-nouvelle

Questions Essentielles

La souffrance est-elle une Bonne Nouvelle ?

« L’Évangile de la souffrance » est une expression du pape Jean-Paul II, employée notamment dans sa lettre apostolique Salvifici doloris sur la valeur salvifique de la souffrance. Signé le 11 février 1984, en la fête de Notre-Dame de Lourdes, devenue dans l’Église « journée mondiale des malades », ce document prenait aussi place dans le cadre du jubilé de la Rédemption (1983-1984), qui commémorait le 1950e anniversaire de la mort et de la résurrection du Seigneur.
L’idée d’un « Évangile de la souffrance », choquante à première vue, et qui pourtant s’éloigne dans la pensée de Jean-Paul II de toute tentation doloriste, s’explique par l’idée que « la joie vient de la découverte du sens de la souffrance », une découverte qui est une plongée dans le mystère du Christ qui rejoint dans la souffrance le mystère de l’homme.

L’expérience humaine de la souffrance.
Jean-Paul II relève d’abord que l’expérience humaine, fondamentalement, est celle de la souffrance, ce que constate également Benoît XVI, et avec eux tout homme raisonnable :
« La souffrance semble être, et elle est, quasi inséparable de l’existence terrestre de l’homme. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris) « Nous devons tout faire pour surmonter la souffrance, mais l’éliminer complètement du monde n’est pas dans nos possibilités. » (Benoît XVI, Spe salvi)
Mais en même temps qu’elle renvoie l’homme à sa finitude, la souffrance « manifeste à sa manière la profondeur propre à l’homme », elle « semble appartenir à la transcendance de l’homme » :
« Seul l’homme, en souffrant, sait qu’il souffre et se demande pour quelle raison. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris) Cette question de la souffrance, l’homme se la pose bien sûr à lui-même, mais c’est aussi dans ces occasions qu’il se tourne le plus volontiers vers une transcendance : même si c’est parfois pour l’accuser, il a tendance à se tourner vers Dieu.

La souffrance, le péché et le mystère du mal
Un des éléments fondamentaux de la foi chrétienne, c’est qu’il n’est pas vrai que la souffrance a automatiquement une valeur morale individuelle, même si bien évidemment certaines conduites à risque (l’alcool par exemple) provoquent des souffrances prévisibles :
« S’il est vrai que la souffrance a un sens comme punition lorsqu’elle est liée à une faute, il n’est pas vrai, au contraire, que toute souffrance soit une conséquence de la faute et ait un caractère de punition. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris) Pour autant, la souffrance demeure liée au mal, à travers le mystère du péché originel, qui n’a pas été voulu par Dieu mais qui touche tous les hommes. À Adam et Ève, Dieu révèle que la peine sera désormais constitutive de leur vie.
« À l’homme, Dieu dit : parce que [...] tu as mangé de l’arbre dont je t’avais interdit de manger, maudit soit le sol à cause de toi ! À force de peines tu en tireras subsistance tous les jours de ta vie. » (Ge, III, 18)
Le récit de la Genèse révèle que ce n’est pas Dieu qui est la cause du mal dans le monde ; bien au contraire, le mal est l’absence du Bien, sa limitation ou son altération, un Bien dont l’être humain, cependant, garde conscience :
« Le christianisme proclame que l’existence est fondamentalement un bien, que ce qui existe est bon ; il professe la bonté du Créateur et proclame que les créatures sont bonnes. [...] L’homme souffre, pourrait-on dire, en raison d’un bien auquel il ne participe pas, dont il est, en un sens, dépossédé, ou dont il s’est privé lui-même. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris)
Aussi, sur le plan individuel, le mystère de la souffrance dépasse l’entendement de l’homme.
C’est le cas dans l’exemple de Job, que Satan obtient de mettre à l’épreuve en le privant de tout. Ses amis cherchent à tout prix une explication ; si Job souffre, c’est qu’il a dû commettre une faute. Finalement, Dieu intervient pour confondre leurs discours ; il affirme la justice de sa Sagesse. Jean-Paul II commente ainsi ce livre de la Bible : « Sa souffrance doit être acceptée comme un mystère que l’intelligence de l’homme n’est pas en mesure de pénétrer à fond. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris)
Jésus lui aussi dans l’Évangile associe la souffrance à la sagesse du dessein de Dieu qui au sein du mal fait éclater le bien, comme dans le cas de l’aveugle-né :
« “Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ?” Jésus répondit : “Ni lui ni ses parents n’ont péché, mais c’est afin que soient manifestées en lui les œuvres de Dieu.” » (Jn, IX, 2-3)

Souffrances des hommes, Passion du Christ
Cependant, l’Évangile va plus loin que la simple constatation du mystère du mal et de la souffrance. Il jette sur lui une lumière nouvelle. Dans le Christ innocent, toute la souffrance humaine est en effet assumée, conformément à la prophétie faite par Isaïe du Serviteur souffrant :
« C’est à cause de nos fautes qu’Il a été transpercé, c’est par nos péchés qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui, et c’est par ses blessures que nous sommes guéris. » (Is, LIII, 5)
Le Christ n’a pas seulement partagé les souffrances physiques des hommes, il a aussi éprouvé l’abîme de la souffrance morale et de la détresse, aux limites du désespoir :
« “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?” » (Ps XXII, 2 & Mt, XXVII, 46)
Aussi cette oblation souffrante du Christ est-elle la plus grande preuve de l’amour de Dieu :
« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn, XV, 13)
« L’homme a pour Dieu une valeur si grande que Lui-même s’est fait homme pour pouvoir compatir avec l’homme de manière très réelle, dans la chair et dans le sang, comme cela nous est montré dans le récit de la Passion de Jésus. » (Benoît XVI, Spe salvi)
C’est cela que Jean-Paul II appelle l’« l’Évangile de la souffrance ». La souffrance n’est plus synonyme d’absurdité ; elle devient le lieu où Dieu a aimé l’homme :
« La souffrance humaine a atteint son sommet dans la Passion du Christ. Et, simultanément, elle a revêtu une dimension complètement nouvelle et est entrée dans un ordre nouveau : elle a été liée à l’amour. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris)

La valeur salvifique de la souffrance
C’est par la croix que Dieu a voulu sauver le monde. Certes, ce n’est pas tant la souffrance du Christ qui sauve les hommes que son obéissance totale, mais cette obéissance est vécue « jusqu’à la mort sur une croix » (Ph, II, 8) :
« Il vous a réconciliés dans son corps de chair, le livrant à la mort, pour vous faire paraître devant Lui saints, sans tache et sans reproche. » (Col, I, 22)
« En opérant la Rédemption par la souffrance, le Christ a élevé en même temps la souffrance humaine jusqu’à lui donner valeur de Rédemption. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris)
Ainsi, tout homme a la possibilité de faire participer sa souffrance à celle du Christ. C’est le mystère qu’exprime saint Paul :
« Je complète en ma chair ce qui manque aux souffrances du Christ pour son Corps, qui est l’Église. » (Col, I, 24)
« La souffrance du Christ a créé le bien de la Rédemption du monde. [...] Aucun homme ne peut lui ajouter quoi que ce soit. Mais en même temps, dans le mystère de l’Église qui est son corps, le Christ, en un sens, a ouvert sa souffrance rédemptrice à toute souffrance de l’homme. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris)
Aussi, tout malade qui s’unit volontairement au Christ acquiert-il une valeur unique, là où une logique purement matérielle ne voit en lui qu’un poids inutile :
« Comme le Christ, celui qui souffre devient utile au salut de ses frères et sœurs, car il participe du sacrifice du Christ. » (Jean-Paul II, Salvifici doloris)
C’est cette dimension-là qui est mise en valeur par l’Onction des malades.

Protection of the Most Holy Virgin Mary

14 février, 2012

Protection of the Most Holy Virgin Mary   dans images sacrée panagia%20skepi

http://www.mindspring.com/~frantonios/iconcards.htm

Saint Paul et le mystère de l’Eglise.

14 février, 2012

http://bordeaux.dominicains.com/new_site/index.php?controller=conferences&id=51

Saint Paul et le mystère de l’Eglise.

Conférence du Carême 2009

La face collée à la poussière, au milieu de la route bruyante, aveuglé par la lumière qui s’abat sur lui, sur ce chemin de Damas en plein midi, Saul, le zélé, découvre que la Loi a un visage, que la grâce a le Nom, que sa quête a un sens. Il entend une voix, et ce qu’il entend change à jamais sa vie.
« Je me rendais un jour à Damas… J’étais en chemin, ô roi, lorsque vers midi je vis venir du ciel, plus resplendissante que le soleil, une lumière qui m’enveloppa de son éclat ainsi que mes compagnons de route » (Ac 26, 12).
Il donc était en chemin. Chemin de zèle, chemin de flamme. Il était en chemin pour sauver Israël d’une communauté qui ne voulait plus vivre ni selon les lois du monde païen, ni selon les traditions des pères. Ô, ces traditions si saintes et si solides, cette haïe sacrée, élevée par les docteurs autour de la Loi vivifiante, pour la protéger, pour la garder ! Si Saul est en route, c’est qu’il aime ! Il aime cette Loi, il aime ce peuple, il aime cette belle tradition qui fait fondre le peuple et la Loi en une unité indissoluble : le peuple est la Loi vécue, la Loi est la vie du peuple. Sur ce chemin de zèle il se retrouve face dans la poussière. Une voix s’adresse à lui en langue sacrée, hébraïque :
« Saoul, Saoul, pourquoi me persécuter ? Il est dur de te rebiffer contre l’aiguillon ! » Je répondis : « Qui es-tu, Seigneur ? » Le Seigneur repris : « Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes » (Ac 26, 14-15).
Celui qu’il persécutait n’était pas une idée, ce n’était pas une conception du monde, ni un système de valeurs. Bien plus, celui qu’il persécutait, c’était plus qu’une communauté, qu’un ramassis de gens, qu’une secte. Il persécutait quelqu’un. Et ce quelqu’un est le Seigneur. Jésus, le Seigneur.
Entendons ce que Paul entend. Cela est central pour notre propos. Paul persécute une doctrine, Paul persécute une communauté, et il découvre avec une évidence qui s’abat sur lui et qui l’écrase par sa majesté que cette doctrine, que cette communauté, c’est quelqu’un.
La voix du ciel ne lui dit pas : Je suis Jésus dont tu persécutes la doctrine. Elle ne dit pas : Je suis Jésus dont tu persécutes les disciples. Non. Le Seigneur lui dit : Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes. Non pas « mon Evangile », ni « mes disciples », c’est moi que tu persécutes.
Comment est-ce possible ? Le Seigneur, n’est-il pas par définition dans la gloire : majestueux, lumineux, impassible ? Jésus, élevé dans la gloire du Père, après l’humiliation et l’ignominie de la Passion, n’est-il pas hors d’attente des hommes, qui ne sont  que l’ombre qui passe ? et pourtant, et pourtant – c’est moi que tu persécutes. Paul l’a entendu : Jésus et son Eglise ne font qu’un. Jésus et son Evangile, c’est tout un. Le Christ et son Eglise, c’est tout un. Nul ne peut se séparer de l’un sans s’exclure de l’autre. Moi et mon Père, nous sommes un, et nul ne vient au Père que par moi.
Sur cette route de Damas, Paul comprend ce que les Apôtres ont entendu de la bouche de Jésus le soir où il entrait librement dans sa Passion. Le Christ disait ceci à son Père : « Pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité, et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17, 19-23).
L’union dans sa gloire et donc l’union aussi dans les persécutions : « Si le monde vous hait, sachez que moi, il m’a pris en haine avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait son bien ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, puisque mon choix vous a tiré du monde, pour cette raison, le monde vous hait. Rappelez-vous la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, vous aussi ils vous persécuteront ; s’ils ont gardé ma parole, la vôtre aussi ils la garderont. Mais tout cela, ils le feront contre vous à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé » (Jn 15, 18-21).
Pour Paul, cette sublime doctrine johannique se résulte en une seule phrase : Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes. Il n’y a pas d’autre accès au cœur du Père que par son Fils, mort et ressuscité pour nous. Jésus est ce don que le Père nous a fait pour nous unir à lui. S’unir au Christ, n’être plus qu’un avec lui pour s’unir en lui au Père. Et nous tous, unis au Christ, nous ne formons plus qu’un Corps, celui du Christ, nous sommes animé par l’Esprit du Christ. La communauté des croyants c’est le Christ lui-même, vivant par son Esprit en plusieurs. Conclusion pratique et nécessaire : aimer le Christ, c’est aimer l’Eglise. Persécuter l’Eglise, c’est persécuter le Christ. A cette vérité Paul restera fidèle jusqu’à sa mort ; cette vérité il la prêchera jusqu’à mourir pour elle.
Sur la route de Damas, Jésus s’est révélé à Paul. Comme il le dira, celui qui m’a appelé par sa grâce daigna révéler en moi son Fils (Ga 1, 16). Cette révélation du Fils de Dieu et suivie d’une mission : « Relève-toi, debout sur tes pieds ! Voici pourquoi je te suis apparu : je t’ai destiné à être serviteur et témoin de la vision où tu viens de me voir ainsi que des visions où je t’apparaîtrai encore. C’est pour cela que je te délivrerai du peuple et des nations païennes, vers lesquelles je t’envoie, moi, pour ouvrir les yeux, afin qu’elles reviennent des ténèbres à la lumière et de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elles obtiennent par la foi en moi la rémission de leurs péché et une part d’héritage, avec les sanctifiés » (Ac 26 16-18).
Voilà donc la mission de Paul, voilà son Evangile : les nations païennes sont admises au même héritage que le peuple élu, elles sont lavées du même sang et ont un même Père dans les cieux. Ecoutons-le en parler : « Dieu s’est plu à faire habiter en [Christ] toute la Plénitude et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix. Vous-mêmes, qui étiez devenus jadis des étrangers et des ennemis, par vos pensées et vos œuvres mauvaises, voici qu’à présent Il vous a réconciliés dans son corps de chair, le livrant à la mort, pour vous faire paraître devant Lui saints, sans tache et sans reproche. Il faut seulement que vous persévériez dans la foi, affermis sur des bases solides, sans vous laisser détourner de l’espérance promise par l’Evangile que vous avez entendu, qui a été prêché à toute créature sous le ciel, et dont moi, Paul, je suis devenu le ministre » (Col 1, 19-23).
Au moment d’écrire ces paroles, Paul est déjà bien âgé. Il est à Rome, il est tout proche de son martyre. Il contemple l’œuvre de sa vie, il contemple le bon combat (II Tm 4, 6) qu’il a livré par fidélité à cette rencontre de la route de Damas. Il peut dire de nouveau, tout comme il disait à un roi à propos de sa conversion : « Dès lors, roi Agrippa, je n’ai pas résisté à cette vision céleste » (Ac 26, 19). Toute sa vie est là : dès lors, je n’ai pas résisté à cette vision. La vie de Paul est désormais livrée en spectacle au monde et aux anges, car il est établi ministre de l’Evangile – nous venons de l’entendre (l’espérance promise par l’Evangile… dont moi, Paul, je suis devenu le ministre), ministre de l’Eglise, inséparablement, car, nous l’avons vu – le Christ, son Evangile, son Eglise, c’est tout un. Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu ? Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes !
Reprenons notre lecture de l’épître aux Colossiens, un texte si poignant et si riche ! Paul n’a jamais connu personnellement cette jeune Eglise, elle a été fondée par un de ses disciples, Epiphras. Peu avant sa mort, Paul, l’apôtre des nations, écris à cette petite communauté gravement ébranlée par la crise. En effet, il y a des docteurs – il y en aura toujours ! – qui voudraient que l’Eglise vive selon les éléments du monde. Quelle déchéance pour un baptisé que de se plier au monde ! Paul s’écrie : « Du moment que vous êtes morts avec Christ et donc soustraits aux éléments du monde, pourquoi vous plier à ses règles, comme si votre vie dépendait encore du monde ! »(Col 2, 20)
Face à cette crise, Paul répond par son ministère. Car, certes, il a été établi ministre de l’Evangile, mais inséparablement aussi – ministre de l’Eglise, car Le Christ, l’Evangile et l’Eglise c’est tout un.
« En ce moment je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Eglise. Car je suis devenu ministre de l’Eglise, en vertu de la charge que Dieu m’a confiée, de réaliser chez vous l’avènement de la Parole de Dieu, ce mystère resté caché depuis les siècles et les générations et qui maintenant vient d’être manifesté à ses saints : Dieu a bien voulu leur faire connaître de quelle gloire est riche ce mystère chez les païens : c’est le Christ parmi vous! l’espérance de la gloire! Ce Christ, nous l’annonçons, avertissant tout homme et instruisant tout homme en toute sagesse, afin de rendre tout homme parfait dans le Christ. Et c’est bien pour cette cause que je me fatigue à lutter, avec son énergie qui agit en moi avec puissance » (Col 1, 24-29).
Je suis devenu ministre de l’Eglise. Ministre du Christ, crucifié et glorifié, ministre de sa Parole, non pas celle de la sagesse du monde, mais de l’amour du Père qui n’est que folie aux yeux du monde. Ministre de l’Eglise. De cette charge Paul s’acquitte de bon cœur, généreusement. En quoi consiste ce ministère ? Il prêche, il enseigne, il témoigne. Il encourage, il intercède, il voyage pour porter la Bonne Nouvelle toujours plus loin. Il écrit pour donner une compréhension toujours plus profonde de l’Evangile. Il baptise, peu, rarement, mais il baptise. Il veille sur l’unité ecclésiale : l’idée d’une séparation lui est insupportable. En effet, si l’Eglise est le Corps du Christ, peut-on déchirer la communauté sans profaner le Corps du Christ ? Ne pas guérir une séparation, en pas faire tout ce qui est en notre pouvoir pour garantir l’unité de l’Eglise, c’est comme profaner l’Eucharistie, c’est comme déchirer le Christ. Il ramasse les fonds pour les chrétiens persécutés ou éprouvés. Il sert et ce service est sa grande joie. Ce ministère est aussi son immense souffrance.
Je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous. Souffrir pour l’Eglise est une joie pour Paul. Un enfant nous était né, le Fils nous a été donné. Comment avec lui Dieu ne nous donnerait-il pas tout ? Et si son avènement chez nous, dans notre vie ne se passera pas sans résistances – avant tout de notre propre part, car la conversion coûte ! – alors c’est une joie et l’honneur que de souffrir pour cet avènement.
Le salut est accompli, il est advenu. Une fois pour toutes le Christ a lavé les péchés du monde par le sang de sa Croix. Désormais il est dans la gloire du Père. Pour lui, sa mission sur terre est terminée. Mais la nôtre ? Nous, nous sommes bien loin de la gloire. Nous ne jouissons que trop imparfaitement de cette vie que le Christ nous a apportée. De son côté, le don est fait, accomplit, parfait. De notre – il faut encore le recevoir. L’Esprit Saint, le Don dans le cœur de Dieu, le troisième de la Trinité est là pour cela – nous introduire dans la gloire que le Christ nous a donnée. Former dans notre sein le cœur du Fils. Nous faire des enfants de Dieu. Le salut est acquis, mais il n’est pas encore pleinement communiqué. C’est là, la place de l’Eglise, c’est là, le ministère de l’Apôtre : réaliser chez nous l’avènement de la Parole de Dieu, ce mystère qui demeurait cachée depuis des siècles et qui s’est manifesté à ses saints. Ce qui est déjà réalisé en Christ doit encore s’accomplir en nous. Sa Passion doit devenir la nôtre, sa gloire doit devenir la nôtre, son Père – le nôtre, son Esprit – le nôtre, sa vie éternelle – la nôtre, sa joie et ses peines – les nôtres. L’Apôtre nous engendre dans pour cette vie, et cet engendrement n’est pas sans douleur.
Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Eglise. Dans la souffrance, l’Apôtre, comme une mère, donne naissance à ce corps historique du Christ, son Eglise. Mais que peut-il bien manquer aux souffrances du Christ ? Que pouvons-nous ajouter à cette Passion parfaite et surabondante du Christ ? Il manque aux souffrances du Christ de s’accomplir dans la chair de Paul. Tout comme il manque à la gloire du Christ de se réaliser dans ma vie, il manque à son Règne d’advenir dans mon âme et dans l’univers qui m’entoure, de même il manque à ses souffrances de s’accomplir en moi. Si le Christ a souffert, ce n’est pas pour lui, c’est pour moi. Si l’apôtre porte le fardeau de mépris, ce n’est pas pour lui, c’est pour moi. « Car Dieu, ce me semble, nous a, nous les apôtres, exhibés au dernier rang, comme des condamnés à mort ; oui, nous avons été livrés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. Nous sommes fous, nous, à cause du Christ, mais vous, vous êtes prudents dans le Christ ; nous sommes faibles, mais vous, vous êtes forts ; vous êtes à l’honneur, mais nous dans le mépris » (I Co 4, 9-10). Et les souffrances de l’Eglise, le monde les lui procure généreusement. Dès qu’une âme se met à suivre le Christ, dès qu’elle témoigne de sa vérité sans fléchir et tricher, elle y trouvera une immense joie, une récompense éternelle, sans aucune mesure avec les souffrances d’ici-bas. Mais cette âme trouvera aussi en abondance le mépris, l’incompréhension et la haine du monde.
L’œuvre de l’Apôtre est bien plus profonde que de fonder, d’organiser, de gérer ou d’instruire. Il n’est pas là pour augmenter sa popularité, son taux d’approbation. L’apôtre est là pour donner le salut du Christ. Cette œuvre est un véritable engendrement : « Auriez-vous en effet des milliers de pédagogues dans le Christ, que vous n’avez pas plusieurs pères ; car c’est moi qui, par l’Evangile, vous ai engendrés dans le Christ Jésus » (I Cor 4, 15). Regardez – dans le Fils, Paul devient un enfant de Dieu par son Esprit. Et comme le Père a envoyé son Fils pour engendrer des multitudes à la vie nouvelle et éternelle, son Fils, Jésus, envoie ses disciples donner cette nouvelle naissance à quiconque veut la recevoir, à quiconque veut vivre de son Esprit. Engendré dans l’Esprit, l’Apôtre engendre à son tour. Il est un Père de l’Eglise, dans le Fils, dans l’Esprit, par la bienveillance du Père céleste, de qui toute paternité sur terre et au ciel tire son nom (Eph 3, 15).
Non, ces disciples ne sont pas ses enfants à lui, exclusivement – ce n’est pas Paul qui est mort pour eux sur la Croix, ce n’est pas Paul qui les a régénérés par son Sang, ce n’est pas au nom de Paul qu’ils ont été baptisés (I Cor 1, 13). Mais c’est par Paul que la parole du salut et la grâce de la Croix sont parvenus jusqu’à eux ; c’est Paul qui leur a donné l’Evangile pur et solide et non pas une doctrine frelatée selon l’esprit du monde.
Qui est Paul pour l’Eglise ? Le persécuteur zélé qui devient l’Apôtre après avoir entendu sur la route de Damas ce fameux « pourquoi me persécutes-tu ? » Qui est l’Eglise pour cet Apôtre qui souffre pour elle et qui se réjouit pour elle, qui l’enseigne et qui l’engendre ? Cette Eglise est avant tout le Corps du Christ, elle est aussi son Epouse, le mystère du salut pour tout homme venant dans le monde.
Le Corps du Christ n’est pas simplement une image, ni une métaphore, c’est la réalité même de la vie chrétienne. Toujours à propos du comportement selon les éléments du monde, Paul remarque : « Que nul ne s’avise de vous critiquer sur des questions de nourriture et de boisson, ou en matière de fêtes annuelles, de nouvelles lunes ou de sabbats. Tout cela n’est que l’ombre des choses à venir, mais la réalité, c’est le corps du Christ » (Col 2 16-17). Le Corps eucharistique, bien sûr, mais le Corps ecclésial aussi. Ce monde n’est que l’ombre des réalités à venir, c’est le Corps du Christ qui est la réalité déjà présente.
Le Corps Eucharistique, car l’Eglise vit de l’Eucharistie. Et l’Eucharistie n’est pas non plus une image, un pieux souvenir, une célébration de notre vivre-ensemble, rien de tel ! Pour Paul, l’Eucharistie, c’est le Christ présent, mort pour nous en venant dans la gloire ! Pour les repas du « vivre-ensemble » vous avez vos propres maisons (Cf. I Cor 11, 22). L’Eucharistie n’est pas une fête de quartier où nous célébrons – et c’est une chose bonne et saine – la joie de notre proximité. Le repas du Seigneur est d’abord la communion à sa passion et à son avènement, et parce que tous nous ne communion qu’au seul Corps d’unique Seigneur, nous devenons un seul corps social.
« J’ai reçu du Seigneur ce qu’à mon tour je vous ai transmis: le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain et, après avoir rendu grâce, le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous; faites ceci en mémoire de moi. » De même, après le repas, il prit la coupe, en disant: « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang; chaque fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi. » Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (I Co 11, 23-26).
Saint Paul n’invente pas l’Eucharistie, il la reçoit. Il la reçoit du Seigneur lui-même (serait-ce en révélation ? serait-ce par son Eglise ?), cette coupe et ce pain ne son rien d’autre que son Corps et son sang, c’est pourquoi un respect absolu et précautionneux leur est dû. « Ainsi donc, quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur. Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe ; car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation, s’il ne discerne le Corps » (I Co 11, 27-29). Ce Corps est donc bien réel mais il a besoin d’être discerné comme tel. Pour s’en approcher il faut avoir la foi en cette présence et les mœurs qui vont avec, car ce Corps fait de notre pauvre corps le Temple de l’Esprit Saint.
« Le corps n’est pas pour la fornication; il est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps. Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera, nous aussi, par sa puissance. Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ ? Et j’irais prendre les membres du Christ pour en faire des membres de prostituée ! Jamais de la vie ! Ou bien ne savez-vous pas que celui qui s’unit à la prostituée n’est avec elle qu’un seul corps ? Car il est dit : Les deux ne seront qu’une seule chair. Celui qui s’unit au Seigneur, au contraire, n’est avec lui qu’un seul esprit » (I Co 6, 13). Pourquoi la fornication est-elle impossible pour le chrétien ? Parce que son corps est au Christ comme le corps du Christ est aux chrétiens. Le Corps de Jésus est livré pour nous dans l’Eucharistie, notre corps se livre au Christ dans ce même repas sacrificiel. En communion au Corps du Ressuscité nous communion à sa Résurrection même. Le Père qui a tiré son Fils de l’abîme de la mort par son esprit de vie, ressuscitera de même nos pauvres corps mortels. Vous le voyez bien, si la sexualité humaine doit être vécue comme humaine et non pas comme bestiale, cela ne vient pas du mépris du corps, absolument étranger à la pensée biblique, mais de la haute estime que l’Apôtre a du corps humain. Ce Corps est au Seigneur, il est déjà héritier de la gloire, je ne peux pas le traiter sans le respect profond, qui est dû. Donc du respect dû au Corps eucharistique du Seigneur – pour ne pas boire et manger sa propre condamnation ! (cf. I Co 11, 29) – naît le respect pour son propre corps, pour le corps de son prochain. De là naît aussi l’unité du Corps ecclésial.
« Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une espérance au terme de l’appel que vous avez reçu ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous » (Ep 4, 4-6).
Ce Corps personnel de Jésus, né de la Vierge, mort et ressuscité le troisième jour se donne dans son Corps eucharistique pour former son Corps ecclésial. C’est le seul et même Seigneur qui agit. Nous, qui étions loin, nous qui étions étrangers à Dieu, il nous intègre par la foi et les sacrements dans son Corps. Plus encore, il donne de prendre part à l’édification de ce corps historique de son Fils.
« C’est lui encore qui « a donné » aux uns d’être apôtres, à d’autres d’être prophètes, ou encore évangélistes, ou bien pasteurs et docteurs, organisant ainsi les saints pour l’œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ, au terme de laquelle nous devons parvenir, tous ensemble, à ne faire plus qu’un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, et à constituer cet Homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ. Ainsi nous ne serons plus des enfants, nous ne nous laisserons plus ballotter et emporter à tout vent de la doctrine, au gré de l’imposture des hommes et de leur astuce à fourvoyer dans l’erreur. Mais, vivant selon la vérité et dans la charité, nous grandirons de toutes manières vers Celui qui est la Tête, le nourrissent et l’actionnent selon le rôle de chaque partie, opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même, dans la charité » (Eph 4, 11-15).
Il n’y a pas de vocation plus haute, il n’y a pas de destin plus digne que de prendre part à la construction de ce Corps. Car c’est en s’unissant au Christ, notre Tête, que chaque homme reçoit le salut et la vie éternelle. L’Eglise est cet appel de Dieu adressé à tous les hommes de s’unir à lui dans son Fils, dans la chair de son Fils, l’unique Médiateur et l’unique grand prêtre de l’Alliance éternelle. Nul n’est exclut de cet appel, nul n’est de trop dans l’Eglise, mais nul ne répond sans le vouloir, sans le choisir, sans lutter.
« Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (I Tm 2, 4), affirme saint Paul. Cela signifierait-il que quelle que soit la position de l’homme, quelle que soit sa vie morale ou sa foi, le salut lui est garantit ? Non. Le salut est proposé à tous, mais il n’advient pas sans une réponse libre et sincère, ce salut n’advient pas non plus hors de la médiation du Christ. « Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous. Tel est le témoignage rendu aux temps marqués et dont j’ai été établi, moi, héraut et apôtre » (I Tm 2, 5-7). De même que Dieu est unique, que son médiateur est unique et que sa médiation est universelle, de même l’Eglise une, seule, totale accueille dans son Corps l’innombrable diversité des vocations.
« De même, que le corps est un, tout en ayant plusieurs membres, et que tous les membres du corps, en dépit de leur pluralité, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il du Christ. Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d’un seul Esprit. Aussi bien le corps n’est-il pas un seul membre, mais plusieurs » (I Co 12, 12-14).
L’unité de l’Eglise ne vient pas de nous, nous la recevons d’en-haut. Mais l’unité de l’Eglise ne se réalisera pas sans nous, nous avons à y coopérer, chacun selon la mission que Dieu lui a donnée. Comme le salut ne vient pas de nous, nous avons radicalement besoin d’être sauvés. En même temps, Dieu ne nous sauve pas sans nous : notre engagement radical est nécessaire pour que le salut divin devienne réellement le nôtre.
Il n’y a pas de base dans l’Eglise – au nom de ma jeunesse soviétique, je vous supplie, laissons à jamais ce discours pseudo-marxiste sur « un catholique de base ». Quand j’entends « moi, simple catholique de base, je m’élève, m’insurge et j’exprime mon indignation devant les inacceptable propos d’un tel », j’ai l’impression de me retrouver dans l’Union Soviétique, et en plus dans ce qu’il avait de moins glorieux… Il n’y a pas de catholiques de bases pour saint Paul. Il y a la Tête du Corps, c’est le Christ. Puis, il y a une multitude de dons, de ministères, de charismes, de service que l’Esprit du Christ accorde à ses membres de réaliser. A chacun – selon le bon vouloir de Dieu, à chacun – pour le bien du Corps tout entier, à chacun pour l’édification dans la charité dans la diversité irréductible.
« Vous êtes, vous, le corps du Christ, et membres chacun pour sa part. Et ceux que Dieu a établis dans l’Eglise sont premièrement les apôtres, deuxièmement les prophètes, troisièmement les docteurs… Puis il y a les miracles, puis les dons de guérisons, d’assistance, de gouvernement, les diversités de langues. Tous sont-ils apôtres? Tous prophètes? Tous docteurs?… » (I Co 12, 27-30).
Il y a la différence essentielle des fonctions, une différence irréductible des ministères, il y a l’unité foncière de charité et l’égalité parfaite dans l’appel à la sainteté. C’est l’appel à la sainteté qui est universel, l’appel à tel ou tel ministère ne l’est jamais. Tous n’ont pas à gouverner dans l’Eglise, tous n’ont pas à enseigner, tous n’ont pas à faire des miracles, mais tous ont à aimer. Tous ont à être configuré au Christ dans le don total de soi –c’est là, le sacerdoce véritable. Tous ont à témoigner de la vérité – c’est là, le prophétisme des baptisés. Tous ont à mener sa vie et celle du monde selon la volonté aimante et sainte de Dieu – c’est là, la royauté des rachetés. A force de se mêler du ministère qui n’est pas le sien propre, nous risquons fort de passer à côté de la sainteté qui est notre appel individuel. Un des signes de cette erreur de perspective est que nous essayons de sauver l’Eglise au lieu d’être sauvés par et en elle. Paul sait que le salut du Christ est pour tout homme, il se met au service de ce salut. La communication de ce salut – c’est cela, l’Eglise. Paul ne la sauve pas, Paul la sert. Ne tâchons pas en cela être plus grand que Paul, nous risquerons fort à passer à côté de ce qui fait notre véritable grandeur – la charité qui est l’âme même de l’Eglise.
Paul est jaloux de son ministère. Oh non, il n’est pas marri de voir un autre prêcher dans l’Eglise. Mais il ne supporte pas de voir prêcher autre chose que l’Evangile dans l’Eglise. Sa jalousie est celle d’un ami d’Epoux, pas d’époux lui-même. Ce n’est pas à lui qu’il exige la fidélité, mais au Christ. Car l’Eglise ne peut pas trahir l’Evangile sans devenir adultère, prostituée, sans être infidèle à son époux. Car, vous l’avez bien saisi, l’Eglise n’est pas simplement le Corps du Christ, elle est aussi son Epouse.
Voilà ce que saint Paul dit lorsqu’il est accusé d’ambition hors normes : « Oh! si vous pouviez supporter que je fasse un peu l’insensé! Mais, bien sûr, vous me supportez. J’éprouve à votre égard en effet une jalousie divine ; car je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ… Si le premier venu en effet prêche un autre Jésus que celui que nous avons prêché, s’il s’agit de recevoir un Esprit différent de celui que vous avez reçu, ou un Evangile différent de celui que vous avez accueilli, vous le supportez fort bien » (II Co 11, 1-2).
L’Eglise est donc une Vierge pure, fiancée par l’Apôtre au Christ, son Unique Epoux. Ces fiançailles – c’est par la prédication évangélique que l’Apôtre les célèbre. Dévier de cet Evangile, c’est trahir, c’est déchoir, c’est aliéner l’œuvre de Dieu.
L’analogie du Corps mettait en lumière l’unité profonde entre le Christ et son Eglise – le corps en effet n’a pas d’autre vie que celle qu’il reçoit de la Tête. Vous ne pouvez pas appartenir au Christ sans être unis à lui par un lien vital de l’Esprit de charité qui est l’âme incréée de l’Eglise. L’analogie de l’Epouse – si présente dans la prédication de Jean le Baptiste, de Jésus lui-même, dans l’enseignement de saint Jean aussi – cette analogie là fait ressortir que l’Eglise et le Christ sont comme dans un face à face. Ils s’aiment. Ils se contemplent. Ils s’admirent. En même temps, cette réciprocité n’est pas parfaite – car c’est le Christ qui sauve, l’Eglise est sauvées. C’est le Christ qui enseigne, l’Eglise reçoit son enseignement. C’est le Christ qui glorifie, l’Eglise, elle, est glorifiée et purifiée.
Ces deux images – celle du Corps et celle de l’Epouse – sont intimement liées. Toute la mystique sponsale s’y résume. Reprenons ensemble le fameux passage de l’épître aux Ephésiens pour voir ces articulations.
« Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ. Que les femmes le soient à leurs maris comme au Seigneur : en effet, le mari est chef de sa femme, comme le Christ est chef de l’Eglise, lui le sauveur du Corps ; or l’Eglise se soumet au Christ ; les femmes doivent donc, et de la même manière, se soumettre en tout à leurs maris. Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise: il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée. De la même façon les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa femme, c’est s’aimer soi-même. Car nul n’a jamais haï sa propre chair; on la nourrit au contraire et on en prend bien soin. C’est justement ce que le Christ fait pour l’Eglise : ne sommes-nous pas les membres de son Corps? Voici donc que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair : ce mystère est de grande portée; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Eglise. Bref, en ce qui vous concerne, que chacun aime sa femme comme soi-même, et que la femme révère son mari » (Ep 5, 22-33).
Admirons tout d’abord une parfaite harmonie et proportionnalité des devoirs des époux chrétiens. Tous les deux, ils sont sauvés. Tous les deux, ils doivent l’obéissance au Christ. Tous les deux ont la dignité inaliénable et égale. C’est uniquement là, où il y a une soumission de charité de tous à l’égard du Christ, que la soumission des hommes est possible. Puis, remarquez-le bien, ce ne sont pas les rapports conjugaux qui fondent les rapports du Christ et de l’Eglise, bien au contraire, c’est le mystère du salut qui est fondamental. Le mari doit se sacrifier pour sa femme, car le Christ l’a fait pour son Eglise. La femme doit respecter son mari car en elle se vit l’image de l’Eglise. Hors de ce don total de soi dans la fidélité inaliénable du Christ tout cela devient vite souffrance et hypocrisie. Le service devient domination et la responsabilité – la manipulation. Dès le moment où l’attachement vital au Christ, unique sauveur, est en cause, le Corps du Christ devient une caricature d’un parti politique (car l’Eglise n’est pas un parti politique) ; l’Epouse du Christ devient une hystérique courant au dernier divertissement du monde et se justifiant devant le monde. Si vous trouver cette image dure, relisez le chapitre 2 de Jérémie, 16 d’Ezéchiel ou les trois premiers chapitres du prophète Osée. Vous serez frappés par le réalisme avec lequel Dieu parle de la prostitution de son peuple.
Qui est Paul pour l’Eglise ? Un persécuteur qui a su entendre la voix qui lui a été adressé sur la route de Damas. Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes. En donnant foi à cette parole, il découvre en Jésus de Nazareth l’accomplissement des promesses faites à ses pères. Il reçoit en même moment une mission de porter cette nouvelle du salut à des nations lointaines qui semblaient être exclues de la miséricorde de Dieu. Lui, qui avait toutes les raisons d’être exclu de la miséricorde, devient le missionnaire de la miséricorde auprès de ceux qui vivaient sans la Loi et sans la miséricorde. Il a reconnu en Jésus le Premier-Né de toute créature et en même temps – le Premier-Né d’entre les morts, la Têtes de l’Eglise. Le Christ, son Evangile, son Corps – c’est tout un, et Paul en devient l’Apôtre.
Qui est l’Eglise pour Paul ? Le mystère. Cela ne veut pas dire une absurdité ou une insulte à l’intelligence. Le mystère – c’est le dessein bienveillant du salut, né dans le cœur du Père, réalisé par le Fils, communiqué par l’Esprit.
Le Christ m’a aimé et s’est livré pour moi. Que puis-je faire en retour ? Lui donner ma vie ? Mais il est dans la gloire, ce don ne lui apportera rien. Je peux donner ma vie pour son Corps qui est l’Eglise, qui rassemble les enfants de Dieu dispersé pour les mener à la lumière. Je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Eglise. Car je suis devenu ministre de l’Eglise, en vertu de la charge que Dieu m’a confiée, de réaliser chez vous l’avènement de la Parole de Dieu… (Col 1, 24-25).

fr. Pavel Syssoev

L’Eglise syrienne orthodoxe (syriaque)

14 février, 2012

http://www.un-echo-israel.net/L-Eglise-syrienne-orthodoxe

L’Eglise syrienne orthodoxe (syriaque)

mardi 9 novembre 2004

Données historiques générales :

L’Evangile fut prêché à Antioche presque aussitôt après la Pentecôte. C’est là que pour la première fois, les disciples de Jésus, Juifs et païens, reçurent le nom de ‘chrétiens’. Les apôtres Pierre et Paul y séjournèrent, et c’est à Antioche que les premières missions commencèrent vers l’occident et vers l’Asie.
Cette Eglise, sans doute la plus ancienne après celle de Jérusalem, fut rapidement élevée au rang de patriarcat. Mais le vaste territoire qui dépendait de sa juridiction diminua par la suite. Le patriarcat de Constantinople lui ravit dès le 4ème siècle une partie de ses provinces. D’autres se déclarèrent autonomes : la Perse en 410, Chypre en 431, Jérusalem en 451…
Le concile de Chalcédoine (451) provoqua une scission encore plus radicale. Le dogme christologique que des ‘deux natures’ était de fait, très contesté en Orient. Le patriarche Sévère d’Antioche se déclara résolument ‘monophysite’ (une seule nature dans le Christ). On voulut l’évincer, mais ce fut en vain. Une hiérarchie non chalcédonienne fut contestée, notamment grâce aux efforts de l’évêque Jacques Baradée (dont le surnom de Jacobite) au 6ème siècle, face au clergé chalcédonien soutenu par l’empereur.
Les deux partis d’affrontèrent durement. Les non chalcédoniens, hostiles à la domination de Byzance, favorisèrent au 7ème siècle l’entrée victorieuse des arabes musulmans en Syrie. Ceux-ci respectèrent que partiellement les libertés promises aux chrétiens. Mais dans l’ensemble, les jacobites eurent la vie plus facile que les autres.
Au 16ème siècle, le mouvement d’union avec Rome, sous l’action principalement des capucins, pénétra largement l’Eglise syrienne. L’idée d’une Eglise syrienne catholique vit le jour. En 1781, un évêque de cette tendance fut élu patriarche. Il fit profession de foi catholique. Une partie des fidèles et du clergé le suivit. Mais l’autre élut son propre patriarche, et une hiérarchie syrienne orthodoxe persista.
Liées à l’histoire complexe du patriarcat d’Antioche, deux autres communautés de rite syrien mérites d’être signalées. Une fraction importante, en effet, de l’Eglise malabar des Indes se tourna au 17ème siècle vers le patriarcat syrien orthodoxe et se plaça sous sa juridiction. Elle constitue aujourd’hui une Eglise semi – autonome. En 1930, une partie de cette Eglise devint catholique, tout en gardant le rite syrien. Elle fut appelée l’Eglise Malankare.

Quelques caractéristiques du Rite syriaque :
Le rite syrien est pratiqué en langue syriaque (araméen occidental). Les lectures sont faites dans la langue locale.
  La principale prière eucharistique est l’anaphore dite de St Jacques. Les catholiques en ont six autres, les orthodoxes un très grand nombre.
  La liturgie de la messe comprend trois parties appelées respectivement : « le sacrifice de Melchisédech », « le sacrifice d’Aaron » et « le sacrifice de Jésus-Christ ».
  Au dessus des espèces saintes, le prêtre imite d’un geste tremblé le vol de la colombe : le St Esprit.
  La « bêma », située au centre de l’église comme dans les synagogues, est l’autel de la Parole. On y lit les Ecritures Saintes.
  De nombreuses prières sont issus de la tradition juive et témoignent du fait que l’Eglise syriaque est en partie héritière des communautés judéo-chrétiennes.

L’Eglise syrienne orthodoxe à Jérusalem :
Le patriarche de l’Eglise syrienne réside à Damas. Les évêques orthodoxes syriens sont présents à Jérusalem depuis 793 et, de façon permanente, depuis 1471. Aujourd’hui, l’Eglise locale est dirigée par un évêque qui réside à Jérusalem, au monastère de Saint-Marc. L’actuel archevêque est Mgr Mar Murad. Le siège patriarcal est à Damas. On estime à 1500 fidèles syriens catholiques en Terre Sainte répartis à Jérusalem et à Bethléem. Les syriens orthodoxes ont un droit dans l’Eglise du St Sépulcre et ont une chapelle à leur disposition (chapelle de Joseph d’Arimathie) non loin du tombeau du Christ. Ils y célèbrent la divine liturgie chaque dimanche matin aux aurores.

Saints Cyrille et Méthode

13 février, 2012

Saints Cyrille et Méthode dans images sacrée

http://www.santiebeati.it/immagini/?mode=view&album=22825&pic=22825G.JPG&dispsize=Original&start=0

Saints Cyrille, moine, et Méthode, évêque – Homélie

13 février, 2012

http://viechretienne.catholique.org/homelie/34512-saints-cyrille-moine-et-methode-eveque

Homélie

Saints Cyrille, moine, et Méthode, évêque

La fête de saints Cyrille et Méthode est l’occasion d’entendre à nouveau l’évangile de l’envoi en mission des 72 disciples. Nous n’avons certes pas tous pour mission de franchir les océans et les montagnes pour annoncer la Bonne Nouvelle, mais nous sommes tous concernés par cet envoi. En effet, ce n’est pas vers des personnes isolées, recluses dans quelque territoire inaccessible que Jésus envoie les 72 disciples, mais dans les villes, vers les maisonnées.
Il ne faut jamais être intimidé ou apeuré d’être envoyé au milieu des loups. Si Jésus fait de nous les messagers de paix, c’est d’abord pour nous faire connaître la joie qui est la sienne. Le champ où nous sommes appelés à moissonner est déjà mûr. D’autres ont porté le poids du jour pour semer et surveiller la croissance des épis. À ses disciples, le Seigneur réserve la joie des récoltes.
En ces jours décisifs pour la paix entre les nations, le Seigneur continue d’envoyer ses disciples, comme il envoya naguère les deux frères Cyrille et Méthode vers les peuples Slaves. Ces pays ne parlaient ni grec ni latin, mais ils ont appris de ces prédicateurs à louer Dieu dans leur langue maternelle. Redoublons donc de ferveur dans la prière, et laissons-nous conduire dans toutes les villes et les maisonnées où le Seigneur nous envoie. Il dépend de chacun de nous que la paix soit portée au cœur de tous les foyers, que le Nom de Dieu puisse être célébré dans toutes les langues.
Seigneur Jésus, apprends-nous à nous faire proches de ceux vers qui tu nous envoies, pour qu’ils découvrent que tu es Celui qui vient, celui qui se fait proche en toutes circonstances, celui qui apporte la paix véritable.

A LA RENCONTRE DE LA COMMUNAUTÉ MARONITE DE ROME

13 février, 2012

http://www.zenit.org/article-30125?l=french

A LA RENCONTRE DE LA COMMUNAUTÉ MARONITE DE ROME

Le Liban, pays du « vivre ensemble », par Mgr Tony Gibran

ROME, vendredi 10 février 2012 (ZENIT.org) – Le Liban est « un pays du dialogue et du « vivre ensemble » entre communautés et religions, dans un contexte régional et mondial où prévalent les incompréhensions, les fermetures et les affrontements », fait observer Mgr Tony Gibran.
Le pape Benoît XVI pourrait se rendre au Liban en septembre prochain, si les circonstances internationales le permettent. Ainsi, à l’occasion de la fête de saint Maron, le 9 février, qui a rassemblé, jeudi soir, la communauté maronite de Rome, Zenit a demandé à Mgr Tony Gibran de présenter cette communauté à ses lecteurs. Mgr Gibran est cor-épiscope et recteur du Collège pontifical maronite de Rome, official du tribunal de la Rote romaine, Procurateur du patriarcat maronite, et « curé-recteur » de l’église qui porte justement le nom de saint Maron.
Maron a vécu en ermite, au nord du Liban, dans la région actuelle d’Homs en Syrie, vers 423. Il mena une vie de pénitence, en cultivant une vie intérieure profonde. On construisit sur sa tombe un monastère célèbre, « Mar Maroun », qui devint un lieu de pèlerinage fréquenté et en quelque sorte la capitale religieuse des chrétiens de Syrie. Ils furent appelés pour cela « ceux de Maroun » ou « maronites ». A l’arrivée de l’islam, ils se réfugièrent dans les montagnes du Liban.
L’Église maronite compte actuellement dans le monde quelque deux millions de fidèles regroupés en un patriarcat rattaché à Rome. Le patriarche Béchara Raï a effectué une visite officielle en France l’an dernier. Zenit l’avait rencontré à Suresnes à cetet occasion (cf. Zenit du 11 septembre 2011).
Zenit – A Rome, comment se présente la communauté maronite?
Mgr Tony Gibran – Elle est en phase de croissance. C’est seulement récemment que l’on a créé une structure, une mission avec charge d’âmes, qui s’emploie à renforcer la cohésion de la communauté maronite de Rome. Le premier pas a été l’institution d’une paroisse maronite à Rome par le patriarche maronite, le cardinal émérite Sfeir. Un second pas a consisté dans l’établissement d’une mission avec charge d’âmes, par le vicariat de Rome, représenté par le Cardinal Vallini. Nous sommes une jeune communauté pleine d’enthousiasme et de volonté de nous faire entendre. Nous voulons que notre identité culturelle soit un signe manifeste du territoire sur lequel nous sommes. Notre paroisse a lancé beaucoup d’initiatives : catéchisme, chorale, cours de langue arabe pour enfants et adultes, pique-nique paroissial, dîners de bienfaisance, soutien spirituel hebdomadaire, bref, nous nous dépensons !
Une statue de saint Maron a été placée à Saint-Pierre: c’est un signe important?
Bien sûr. La statue de saint Maron a été placée dans une niche le long du périmètre extérieur de la basilique, et on peut dire qu’elle « soutient » la basilique Saint-Pierre avec les autres saints. Cela a été un signe important ; tout d’abord, cela a attiré l’attention du monde sur la présence chrétienne au Moyen-Orient, terre dans laquelle plongent les racines chrétiennes, où la semence de l’Evangile a été semée en premier ; ensuite cela a envoyé un signal aux millions de Maronites dispersés dans le monde, un message de communion fraternelle, un rappel de nos origines et de notre identité maronite.
Dans les rapports entre l’Eglise en occident et les Eglises d’Orient, les maronites ont une place spéciale: peuvent-ils jouer un rôle de pont?
En ce qui concerne l’œcuménisme, nous n’avons pas la prétention d’être des médiateurs, mais les témoins d’une foi sûre et inébranlable, la foi en l’Evangile du Christ, dans la fidélité au pape. Forts de ces deux aspects auxquels nous ne pouvons renoncer, nous nous efforçons d’entrer en dialogue avec nos frères qui ne sont pas en communion avec Rome. Il faut noter – et c’est un motif d’orgueil pour nous, maronites – que nous sommes la seule Eglise orientale qui n’ait jamais été séparée de Rome, nous avons toujours été en communion avec le Successeur de Pierre, depuis notre fondation.
Etant donné la culture arabe dans laquelle s’est inculturée la foi des maronites, peuvent-ils aussi être un pont pour le dialogue avec l’islam?
Plus qu’un pont, nous voulons être un exemple. L’exemple d’une vie pacifique vécue dans la concorde, le respect et la fraternité dans la diversité des confessions. Au Liban, terre maronite par excellence, 18 confessions religieuses vivent ensemble. Aujourd’hui, le Liban est un pays qui se vante d’être un « message » comme l’avait défini Jean-Paul II lors de sa visite en 1997. On le répète beaucoup aujourd’hui encore avec fierté, comme si c’était un slogan. Un message pour le Moyen-Orient et pour le monde entier. Parce que le Liban est – et pourrait l’être bien davantage – une terre de liberté, d’ouverture, de tolérance. Un pays du dialogue et du « vivre ensemble » entre communautés et religions, dans un contexte régional et mondial où prévalent les incompréhensions, les fermetures et les affrontements.

Propos recueillis par Anita Bourdin
Traduction de l’italien par Hélène Ginabat

14 Février: Saints Cyrille et Méthode

13 février, 2012

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2009/documents/hf_ben-xvi_aud_20090617_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 17 juin 2009

Saints Cyrille et Méthode

Chers frères et sœurs,

Je voudrais parler aujourd’hui des saints Cyrille et Méthode, frères de sang et dans la foi, appelés apôtres des slaves. Cyrille naquit à Thessalonique, du magistrat de l’empire Léon en 826/827:  il était le plus jeune de sept enfants. Dans son enfance, il apprit la langue slave. A l’âge de quatorze ans, il fut envoyé à Constantinople pour y être éduqué et fut le compagnon du jeune empereur Michel iii. Au cours de ces années, il fut initié aux diverses matières universitaires, parmi lesquelles la dialectique, ayant comme maître Photios. Après avoir refusé un brillant mariage, il décida de recevoir les ordres sacrés et devint « bibliothécaire » auprès du Patriarcat. Peu après, désirant se retirer dans la solitude, il alla se cacher dans un monastère, mais il fut bientôt découvert et on lui confia l’enseignement des sciences sacrées et profanes, une fonction qu’il accomplit si bien qu’elle lui valut le surnom de « philosophe ». Entre-temps, son frère Michel (né aux alentours de 815), après une carrière administrative en Macédoine, abandonna le monde vers 850 pour se retirer dans la vie monastique sur le mont Olympe en Bithynie, où il reçut le nom de Méthode (le nom monastique devait commencer par la même lettre que le nom de baptême) et devint higoumène du monastère de Polychron.
Attiré par l’exemple de son frère, Cyrille aussi décida de quitter l’enseignement et de se rendre sur le mont Olympe pour méditer et prier. Quelques années plus tard, cependant (vers 861), le gouvernement impérial le chargea d’une mission auprès des khazars de la Mer d’Azov, qui demandèrent que leur soit envoyé un homme de lettres qui sache dialoguer avec les juifs et les sarrasins. Cyrille, accompagné de son frère Méthode, s’arrêta longuement en Crimée, où il apprit l’hébreu. Là, il rechercha également le corps du Pape Clément i, qui y avait été exilé. Il trouva sa tombe, et lorsque son frère reprit le chemin du retour, il porta avec lui les précieuses reliques. Arrivés à Constantinople, les deux frères furent envoyés en Moravie par l’empereur Michel iii, auquel le prince moldave Ratislav avait adressé une requête précise:  « Notre peuple – lui avait-il dit – depuis qu’il a rejeté le paganisme, observe la loi chrétienne; mais nous n’avons pas de maître qui soit en mesure de nous expliquer la véritable foi dans notre langue ». La mission connut très vite un succès insolite. En traduisant la liturgie dans la langue slave, les deux frères gagnèrent une grande sympathie auprès du peuple.
Toutefois, cela suscita à leur égard l’hostilité du clergé franc, qui était arrivé précédemment en Moravie et qui considérait le territoire comme appartenant à sa juridiction ecclésiale. Pour se justifier, en 867, les deux frères se rendirent à Rome. Au cours du voyage, ils s’arrêtèrent à Venise, où eut lieu une discussion animée avec les défenseurs de ce que l’on appelait l’ »hérésie trilingue »:  ceux-ci considéraient qu’il n’y avait que trois langues dans lesquelles on pouvait licitement louer Dieu:  l’hébreu, le grec et le latin. Bien sûr, les deux frères s’opposèrent à cela avec force. A Rome, Cyrille et Méthode furent reçus par le Pape Adrien ii, qui alla à leur rencontre en procession, pour accueillir dignement les reliques de saint Clément. Le Pape avait également compris la grande importance de leur mission exceptionnelle. A partir du milieu du premier millénaire, en effet, les slaves s’étaient installés en très grand nombre sur ces territoires placés entre les deux parties de l’Empire romain, orientale et occidentale, qui étaient déjà en tension entre elles. Le Pape comprit que les peuples slaves auraient pu jouer le rôle de pont, contribuant ainsi à maintenir l’union entre les chrétiens de l’une et l’autre partie de l’Empire. Il n’hésita donc pas à approuver la mission des deux Frères dans la Grande Moravie, en acceptant l’usage de la langue slave dans la liturgie. Les livres slaves furent déposés sur l’autel de Sainte-Marie de Phatmé (Sainte-Marie-Majeure) et la liturgie en langue slave fut célébrée dans les Basiliques Saint-Pierre, Saint-André, Saint-Paul.
Malheureusement, à Rome, Cyrille tomba gravement malade. Sentant la mort s’approcher, il voulut se consacrer entièrement à Dieu comme moine dans l’un des monastères grecs de la Ville (probablement près de Sainte-Praxède) et prit le nom monastique de Cyrille (son nom de baptême était Constantin). Il pria ensuite avec insistance son frère Méthode, qui entre-temps avait été consacré évêque, de ne pas abandonner la mission en Moravie et de retourner parmi ces populations. Il s’adressa à Dieu à travers cette invocation:  « Seigneur, mon Dieu…, exauce ma prière et conserve dans la fidélité le troupeau auquel tu m’avais envoyé… Libère-les de l’hérésie des trois langues, rassemble-les tous dans l’unité, et rends le peuple que tu as choisi concorde dans la véritable foi et dans la droite confession ». Il mourut le 14 février 869.
Fidèle à l’engagement pris avec son frère, Méthode revint en 870 en Moravie et en Pannonie (aujourd’hui la Hongrie), où il retrouva à nouveau la violente aversion des missionnaires francs qui l’emprisonnèrent. Il ne perdit pas courage et lorsqu’il fut libéré en 873, il se prodigua activement dans l’organisation de l’Eglise, en suivant la formation d’un groupe de disciples. Ce fut grâce à eux si la crise qui se déchaîna à la mort de Méthode, qui eut lieu le 6 avril 885, put être surmontée:  persécutés et mis en prison, certains de ces disciples furent vendus comme esclaves et conduits à Venise, où ils furent rachetés par un fonctionnaire constantinopolitain, qui leur permit de repartir dans les pays des slaves balkaniques. Accueillis en Bulgarie, ils purent poursuivre la mission commencée par Méthode, en diffusant l’Evangile dans la « terre de la Rus’ ». Dieu, dans sa mystérieuse providence, utilisait ainsi la persécution pour sauver l’œuvre des saints frères. De cette dernière, il reste également la documentation littéraire. Il suffit de penser à des œuvres telles que l’Evangéliaire (épisodes liturgiques du Nouveau Testament), le Psautier, différents textes liturgiques en langue slave, auxquels travaillèrent les deux frères. Après la mort de Cyrille, on doit à Méthode et à ses disciples, entre autres, la traduction de toute l’Ecriture Sainte, le Nomocanon et le Livre des Pères.

Voulant à présent résumer brièvement le profil spirituel des deux frères, on doit tout d’abord remarquer la passion avec laquelle Cyrille aborda les écrits de saint Grégoire de Nazianze, apprenant à son école la valeur de la langue dans la transmission de la Révélation. Saint Grégoire avait exprimé le désir que le Christ parle à travers lui:  « Je suis le serviteur du Verbe, c’est pourquoi je me mets au service de la Parole ». Voulant imiter Grégoire dans ce service, Cyrille demanda au Christ de vouloir parler en slave à travers lui. Il introduit son œuvre de traduction par l’invocation solennelle:  « Ecoutez, ô vous tous les peuples slaves, écoutez la Parole qui vint de Dieu, la Parole qui nourrit les âmes, la Parole qui conduit à la connaissance de Dieu ». En réalité, déjà quelques années avant que le prince de Moravie ne demande à l’empereur Michel iii l’envoi de missionnaires dans sa terre, il semble que Cyrille et son frère Méthode, entourés d’un groupe de disciples, travaillaient au projet de recueillir les dogmes chrétiens dans des livres écrits en langue slave. Apparut alors clairement l’exigence de nouveaux signes graphiques, plus proches de la langue parlée:  c’est ainsi que naquit l’alphabet glagolithique qui, modifié par la suite, fut ensuite désigné sous le nom de « cyrillique » en l’honneur de son inspirateur. Ce fut un événement décisif pour le développement de la civilisation slave en général. Cyrille et Méthode étaient convaincus que chaque peuple ne pouvait pas considérer avoir pleinement reçu la Révélation tant qu’il ne l’avait pas entendue dans sa propre langue et lue dans les caractères propres à son alphabet.
C’est à Méthode que revient le mérite d’avoir fait en sorte que l’œuvre entreprise avec son frère ne soit pas brusquement interrompue. Alors que Cyrille, le « Philosophe », avait tendance à la contemplation, il était plutôt porté vers la vie active. C’est grâce à cela qu’il put établir les présupposés de l’affirmation successive de ce que nous pourrions appeler l’ »idée cyrillo-méthodienne »:  celle-ci accompagna les peuples slaves pendant les diverses périodes historiques, favorisant le développement culturel, national et religieux. C’est ce que reconnaissait déjà le Pape Pie xi dans la Lettre apostolique Quod Sanctum Cyrillum, dans laquelle il qualifiait les deux frères:  « fils de l’Orient, byzantins de patrie, grecs d’origine, romains par leur mission, slaves par leurs fruits apostoliques » (AAS 19 [1927] 93-96). Le rôle historique qu’ils jouèrent a ensuite été officiellement proclamé par le Pape Jean-Paul ii qui, dans la Lettre apostolique Egregiae virtutis viri, les a déclarés copatrons de l’Europe avec saint Benoît (AAS 73 [1981] 258-262). En effet, Cyrille et Méthode constituent un exemple classique de ce que l’on indique aujourd’hui par le terme d’ »inculturation »:  chaque peuple doit introduire dans sa propre culture le message révélé et en exprimer la vérité salvifique avec le langage qui lui est propre. Cela suppose un travail de « traduction » très exigeant, car il demande l’identification de termes adaptés pour reproposer, sans la trahir, la richesse de la Parole révélée. Les deux saints Frères ont laissé de cela un témoignage significatif au plus haut point, vers lequel l’Eglise se tourne aujourd’hui aussi, pour en tirer son inspiration et son orientation.

1234567