Archive pour le 20 février, 2012
Le Pourim ou carnaval juif
20 février, 2012http://judaisme.sdv.fr/perso/stauben/purim/carnaval.htm
Le Pourim ou carnaval juif
Son origine historique. – Le livre d’Esther ou la Meghila. – Le Pourim en Alsace. – La lecture de la Meghila.- Les marteaux. – La matinée du Pourim. - L’après-midi ; le Schlach Moness. – Le repas du soir. – Un plat de rigueur. – Le personnel du repas. – Masques. – Deux représentations dramatiques.
Je voudrais, pour être le moins incomplet possible dans ces esquisses de mœurs, faire connaître au lecteur deux autres fêtes juives, moins solennelles, moins graves, beaucoup moins importantes que les précédentes fêtes et peu ou point observées d’ailleurs dans les villes ; et pourtant ces deux fêtes ne laissent pas que d’être curieuses, moins encore à cause de leur origine historique que pour la manière toute patriarcale dont les célèbrent les pieuses populations de nos campagnes de l’Alsace.
L’une d’elles tombe à la fin, l’autre au commencement de l’hiver ou à peu près. Évoquons d’abord les souvenirs de la première, celle du joyeux Pourim ou carnaval. Entendons-nous cependant, et n’allons pas confondre : il y a carnaval et carnaval. Le Pourim des juifs n’a absolument rien de commun avec le carnaval chrétien ; celui-ci, on le sait, n’est après tout qu’une sorte de réminiscence des Lupercales grecques et des Saturnales romaines tempérées par l’esprit moderne. C’est une époque de gaieté exubérante et de folies admises comme dédommagement, soi-disant, de l’austérité du carême, gaieté, folies, arrivant à leur apogée dans les trois jours qui précèdent le lugubre mercredi des Cendres.
Son origine historique
Tout autre est l’origine de notre Pourim, tout différent son but. Pourim est la fête anniversaire et commémorative de la délivrance des juifs, sous le règne d’Assuérus, alors que la belle et vertueuse Esther fit révoquer le sanglant édit que le cruel Haman avait arraché au roi contre tous les juifs répandus, depuis la Captivité, dans le vaste empire des rois Persans successeurs des rois de Babylone.
Cet événement, qui ne le connaît ? Grâce au livre d’Esther et grâce aussi aux vers immortels de Racine qui a mis en drame la chronique sacrée.
Le livre d’Esther ou la Meghila
Résumons et feuilletons un peu, tour à tour, cette chronique connue encore dans le rite juif sous le nom de Meghila, et voyons qu’elle nous apprend :
Haman l’Amalécite, devenu tout puissant, ne peut pardonner au juif Mardochée, un des nobles descendants la tribu de Benjamin, le dédain et le mépris dont il accable le ministre parvenu ; il calomnie donc auprès du roi les juifs ses nouveaux sujets, et obtient l’autorisation de les faire massacrer, à un jour donné, dans toute l’étendue de l’empire. Cependant Esther, la fille adoptive de Mardochée, avait remplacé sur le trône l’altière Vasthi, et le roi qui ignorait sa religion jusqu’à ce jour, l’aimait tendrement.
«Et Mardochée, ayant appris ce qui avait été arrêté, déchira ses vêtements, se couvrit d’un sac, répandit des cendres sur sa tête, et parcourut les rues en poussant des cris lamentables» (Esther 4:1).
«Il arriva ainsi devant le palais, mais vêtu comme il l’était, il ne lui était pas permis d’y pénétrer» (Esther 4:2).
«Et Mardochée fit dire à Esther ce qui s’était passé et lui communiqua une copie du décret de proscription rendu contre les juifs de Suze, et lui ordonna d’entrer chez le roi afin de le supplier et de lui demander grâce pour son peuple» (Esther 4:8).
Mais il n’était permis à personne de pénétrer auprès du prince sans en avoir été mandé, et si on pénétrait néanmoins, on était condamné à mort, à moins qu’à l’instant même, en signe de grâce, il ne tendît son sceptre vers cette même personne. Esther hésita donc un instant mais Mardochée lui ayant fait comprendre qu’elle devait tout risquer pour sauver les siens,
«Esther fit répondre à Mardochée : Va, rassemble tous les juifs de Suze, qu’ils jeûnent à mon intention…, je jeûnerai de même avec mes filles, et ainsi préparée, j’irai trouver le roi, contente de mourir, si je dois mourir» (Esther 4:16).
Esther parut devant le roi et obtint grâce à ses yeux ; elle l’instruisit de tout, démasqua les odieuses menées d’Haman que le roi fit pendre au gibet même préparé par Haman pour Mardochée, et le terrible édit fut révoqué.
«Et ils firent appeler les écrivains du roi qui écrivirent tout ce que Mardochée ordonna concernant les juifs, aux pachas et gouverneurs des cent vingt-sept provinces de l’empire, à chaque pays suivant son langage et aux juifs selon leur langue. Et l’on écrivit au nom du roi, on scella les dépêches, et on les fit porter par des courriers montés sur des chevaux, des mulets ou des dromadaires» (Esther 8:9-10).
L’ordre de suspendre l’exécution était arrivé partout à temps. Et le quatorzième jour du douzième mois, du mois d’Adar (février-mars), jour fixé pour l’exécution ainsi arrêtée,
«Les juifs firent des illuminations, des fêtes joyeuses, des réjouissances et des festins… et s’envoyèrent réciproquement des présents…, et firent des dons aux pauvres. Car Haman, fils d’Hamdatha, de la race d’Agag, persécuteur de tous les juifs, avait eu le projet de les exterminer tous, et il avait jeté des pour c’est-à-dire des sorts pour connaître le jour qui lui serait le plus favorable pour les anéantir…, c’est pour cela que ces jours de fêtes s’appellent Pourim» (Esther 9:22-26).
Et l’on comprendra maintenant pourquoi on appelle encore le Pourim des juifs, assez improprement cependant, du nom de carnaval. On a voulu marquer ainsi, par ce rapprochement, toute la joie et toutes les réjouissances qui caractérisent le Pourim.
Le Pourim en Alsace
Nous sommes dans nos villages de l’Alsace ; aujourd’hui c’est le 14 du mois d’Adar, veille du Pourim. Hommes, femmes et enfants, tout le monde jeûne dans la communauté en souvenir du jeûneauquel s’étaient livrés les juifs de Suze, avec Mardochée et Esther pendant que la juive devenue reine, se préparait à obtenir du sévère Assuérus une audience favorable. Heureusement pour nos jeûneurs villageois que la journée du 14 Adar, qui correspond à fin février ou au commencement de mars, est assez courte ; et pourtant on l’a passablement allongée, attendu qu’il n’est permis de rompre le jeûne qu’une heure après la nuit close. Et pourquoi cela ? Parce que l’on inaugure le Pourim par la lecture faite en pleine synagogue, du livre d’Esther ; cette lecture ne peut commencer que lorsque le jour a complètement disparu, et elle dure au moins une bonne heure.
Entrons au temple. La kehila (communauté) tout entière est assemblée. Des cierges dits cierges de Pourim éclairent l’édifice sacré. Les hommes sont debout derrière leurs pupitres ; les femmes, dans des tribunes à elles réservées ; tous les gamins de la kehila sont rangés sous les yeux de leurs parents et tiennent dans leurs mains de superbes marteaux de bois tout frais fabriqués. En face du hazan, sur l’estrade sacrée se trouve étendu un rouleau de parchemin que le schamess déroulera tout à l’heure devant lui, au fur et à mesure qu’il en sera besoin. Sur ce parchemin se trouve écrit en caractères manuscrits le livre d’Esther appelé encore Méghila. Chacun des fidèles a devant soi un rouleau du même genre.
La lecture de la Meghila
Soudain le ministre-officiant, sur un ton particulier et traditionnel, commence la lecture. Avec quel art le hazan sait interpréter les passages les plus saillants ce curieux et piquant récit ! Avec quel talent il en sait rendre toutes les intentions, toutes les nuances ! semblable en cela à quelque excellent acteur commentant de la voix et du geste les moindres paroles de son auteur. Arrive-t-il à l’endroit de la Meghila où, en parlant du festin donné par Assuérus à tous les grands de la cour, l’auteur sacré raconte que le vin le plus généreux circulait dans les coupes d’or, et que «ces coupes étaient plus riches les unes que les autres» (Esther 1:7), la voix du hazan, en prononçant ces derniers mots, devient triste et mélancolique. Ces coupes en effet n’étaient-elles pas celles-là mêmes, que les rois d’Assyrie avaient autrefois pillées dans le temple de Jérusalem ?
Avec quelle malice, au contraire, et quelle verve comique, il lit la scène fameuse de la déconvenue d’Haman, scène qui devrait servir de leçon à tous les courtisans : Le roi avait trop longtemps laissé sans récompense le dévouement du juif Mardochée, qui l’avait jadis soustrait aux coups de deux conspirateurs. Il mande Haman, ministre favori et tout-puissant, pour lui demander ce qu’Assuérus pourrait bien faire pour celui qu’il voudrait combler du plus insigne honneur.
«Haman se dit, dans son coeur : « Qui le roi peut-il songer d’honorer ainsi, si ce n’est moi ?» Et il dit au prince : «L’homme que le roi veut honorer… il faut le revêtir des habits royaux, et lui faire monter le cheval que le roi montait lui-même le jour de son couronnement, et le grand maréchal du palais conduisant le cheval par la bride, parcourra les places de Suze en criant : Voilà ce que l’on fait à l’homme que le roi veut honorer !» Et le roi dit à Haman : «Vite, prends les habits royaux et le cheval du roi, et fais ce que tu as dit au juif Mardochée, qui est assis à la porte du palais ; que rien ne manque à ce que tu as dit.» (Esther 6:6-10)
Haman, pris ainsi dans son propre piège, dut s’exécuter, sans mot dire. Et il faut entendre le hazan quand, remplissant le rôle plaisamment ridicule d’Haman, il crie, devant son public de village enthousiasmé, le fameux : « Voilà ce que l’on fait à l’homme que le roi veut honorer ! » (Esther 6:11)
Et plus loin, quand Haman, dénoncé au roi par Esther, veut profiter de l’absence momentanée du roi de la salle du festin, pour solliciter sa grâce aux pieds d’Esther, et que le roi, en rentrant soudain, s’écrie, en voyant Haman incliné vers le divan de la reine : «Comment, oserait manquer de respect à la reine dans mon palais ?» (Esther 7:8). Ces derniers mots, le hazan les prononce sur un ton de jalousie dédaigneuse et de despotisme conjugal, qui, dans cette grave réunion, fait sourire les maris et frémir les femmes.
Les marteaux
Est-ce là tout ? et cette lecture n’offre-t-elle pas d’autres incidents ? Il en est encore un surtout, qu’il est de notre devoir d’historien de mentionner. Vous n’avez pas oublié nos gamins armés de marteaux de bois ? Ils se sont tenus là, suivant avec la plus minutieuse attention la voix du hazan, et à chaque fois qu’il a prononcé le nom d’Haman, fils d’Amdatha, vous les auriez pu voir, comme un seul homme, se courber à terre et faire pleuvoir, sans trêve ni merci, au moins pendant cinq minutes, sur le plancher de la synagogue, d’innombrables coups de marteau. Tous ces coups sont censés retomber sur Haman ; c’est un tribut régulier que la jeunesse juive de nos villages lui paie, chaque année, avec la même monnaie. Et si depuis plus de deux mille deux cents ans qu’on lui inflige cette punition, l’ancien ministre d’Assuérus n’en a pas le dos aplati, il faut convenir que la faute n’en est pas à ses jeunes ennemis, et qu’il a les épaules solides.
La lecture de la Méghila terminée, on rentre chez soi pour rompre le jeûne, et le Pourim est commencé.
La matinée du Pourim
Le lendemain, à l’office du matin, le hazan relit la Méghila avec le même cérémonial et les mêmes inflexions de voix ; et les infatigables ennemis du fils d’Amalec, à certains moments donnés, frappent de plus belle le dos imaginaire d’Haman, et chantent en chœur avec le hazan, ce verset du livre d’Esther : «Et l’on pendit Haman au gibet qu’il avait préparé pour Mardochée» (Esther 7:10)
Avant de quitter le temple, la foule ne manque pas de passer devant l’arche sainte, où l’administration a eu soin de faire placer deux urnes portant, l’une, l’inscription de machzé hasekel, l’autre, celle de mavet Pourim. Dans la première, les fidèles déposent une valeur de 25 centimes à peu près ; cet argent sera envoyé aux pauvres israélites de la Palestine. Dans l’autre, chacun dépose une somme proportionnée à ses moyens ou à sa bonne volonté ; elle est destinée aux frères nécessiteux de la localité même. C’est encore et toujours le même esprit de solidarité que nous avons signalé et admiré ailleurs. Les Juifs, dans leurs jours de joie, n’oublient jamais leurs coreligionnaires malheureux !
Et, maintenant, règne partout le bruyant et joyeux Pourim. Aujourd’hui, bien que la loi ne défende aucun travail, on laisse là les affaires ; et en attendant le grand repas de Pourim, qui aura lieu le soir, et dont nous parlerons tout à l’heure, on a mille et mille moyens de passer gaîment la journée. De toutes les maisons juives, quelque modeste que soit la fortune de leurs habitants,s’exhalent de délicieux fumets de pâtisseries de toutes sortes ; les gâteaux, dits gâteaux de Pourim, consistent en babas, en beignets, en gaufres, dont un chacun fait son déjeuner. Puis, si le temps le permet, les jeunes gens sortent du village pour jouer au bouchon, tandis que les jeunes filles font un brin de toilette et vont jacasser à droite et à gauche. Et la matinée se passe ainsi.
L’après-midi ; le Schlach Moness
L’après-midi est consacrée aux courses du schlach moness. Qu’est-ce que le schlach moness ? On va le voir. la meghila nous a appris que, dans l’excès de la joie que leur avait causée leur miraculeuse délivrance, les Juifs de Suze «s’envoyèrent réciproquement des présents», et le texte ajoute que Mardochée et Esther ordonnèrent à tous les Juifs d’en agir ainsi à perpétuité, en commémoration du Pourim. Donc, cet ordre est encore aujourd’hui observé, à la lettre, dans nos villages. Voyez ces jeunes filles allant et venant, en habits de fête, et portant très gracieusement, dans leurs mains, des assiettes en faïence verte ou brune, recouvertes d’une blanche serviette. Ce sont les filles de la bourgeoisie qui apportent réciproquement, dans les familles, le schlach moness ou cadeaux. Ces cadeaux consistent en confiseries et bonbons de toute nature, fabriqués à Colmar ou à Strasbourg, selon qu’on demeure dans le Haut ou le Bas-Rhin, et arrivés tout frais, le matin même, au village.
Comme choix de cadeaux de ce genre, la tradition ne permet que très peu d’innovations, et les dons innombrables qui se font ainsi en ce jour, de bourgeois à bourgeois du moins, ne sont autre chose, si l’on veut me permettre cette expression, qu’une variation infinie sur un même thème ; ce thème est un gâteau de Savoie affectant tour à tour, avec plus ou moins de grandeur dans les proportions, la forme d’un melon à tranches bien marquées, d’un dôme, d’une étoile, d’un cercle, d’un cône ou d’une pyramide. Cet usage permet, on même temps, de faire, d’une manière délicate et sans les blesser, l’aumône à des pauvres d’une certaine classe : Ceux-ci, en vertu de la joie de commande régnant ce jour en Israël, font, dès la veille, provision d’un schlach moness à leur goût, le portent dans les maisons aisées, et, on rentrant, trouvent toujours sous la serviette de leur assiette quelques pièces d’argent. Les maîtresses de maisons y ont glissé cela après en avoir enlevé, non sans une feinte admiration, le schlach moness consistant, en général, en bonshommes, en pralines, en bottes ou souliers glacés à nœuds rouges, ou encore en bergères, ou en papillotes à devises. En retour de quoi les pauvres ont reçu leurs dons. C’est ce qu’a ordonné, on se le rappelle, le livre d’Esther.
Le repas du soir – Un plat de rigueur
Mais le jour a baissé, la nuit est survenue, et dans chaque maison aisée se prend et se donne maintenant le repas de Pourim. Il y a là comme deux actes bien distincts. – Dans le premier, on ne voit apparaître que la famille se régalant d’un dîner confortable. Au second, c’est le festin proprement dit. « Ils (Mardochée et Esther) ordonnèrent à tous les Juifs de faire en ce jour des festins» (Esther 9:22). Le second service ne se sert qu’à neuf heures, alors que sont arrivés les convives de rigueur : étrangers, amis, voisins et quelques personnages officiels faisant, ces derniers, leur apparition dans toutes les maisons riches.
A ce second service figure un plat indispensable, dit le Plat d’Haman, ou tout simplement le haman. Ce plat consiste on un morceau de bœuf fumé très gras et très gros. Tout bon croyant est tenu de le faire servir à sa table, et tout convive présent, d’en goûter. Le hazan, les aides-chanteurs, l’instituteur, le schamess arrivent à un moment donné, s’attablent, rompent la croûte, choquent le verre, et ensuite se lèvent pour en faire autant dans maintes et maintes maisons. Comme fonctionnaires publics, ils n’appartiennent à personne en particulier, et se doivent à tout le monde.
Masques
A un certain moment aussi, la maison, dont les portes hospitalières restent toutes grandes ouvertes, est envahie par un flot de jeunes gens déguisés. Ils viennent chanter une chanson de circonstance dont le pauvre Haman fait tous les frais ; puis avec l’autorisation du maître de la maison, quelques masques se détachent du groupe pour donner une représentation dramatique.
Deux représentations dramatiques
On se range et la troupe ambulante vous joue très proprement les deux pièces d’usage, l’une, toute de circonstance, l’autre, essentiellement juive. La première est l’histoire découpée en actes de la délivrance des Juifs par Esther et Mardochée et à laquelle la fête présente donne un singulier à-propos ; la seconde a pour sujet le sacrifice d’Isaac, selon le récit de la Bible. Les acteurs qui représentent les différents personnages historiques, se laissent aller à leur verve et à leur entrain. Il faut voir arriver Mardochée revêtu des insignes de la royauté, monté sur un camarade faisant le rôle du cheval, et précédé d’un autre, jouant Haman déconcerté et s’écriant en hébreu et d’une voix qu’étoffent la honte et le dépit :« Voilà ce que l’on fait à l’homme que le roi veut honorer !» (Esther 6:11).
Quel moment aussi que celui où Abraham étend la main pour immoler, avec un immense couteau de bois, son fils Isaac étendu sur une chaise et garrotté, et quand l’acteur représentant l’ange du Seigneur accourt, non pas du haut du ciel, mais du fond du corridor où il s’était tenu caché, quand il accourt avec ses ailes de papier blanc cousues aux épaules, et s’écrie, cette fois on patois judaïco-alsacien, et sur un. ton qu’il s’efforce de rendre solennel : «Ne porte pas la main sur ton fils, et lui fais aucun mal ; je suis convaincu que tu crains Dieu, puisque tu ne lui as pas refusé ton fils unique ! » (Genèse 22:12).
Les applaudissements alors retentissent dans la salle ; on régale la jeune troupe, on lui distribue d’immenses tranches d’Haman qu’elle dévore avec une sainte gloutonnerie ; les verres se vident et se remplissent aussitôt et la joie se prolonge jusqu’à une heure avancée dans la nuit, et ainsi se trouvent mises à exécution les recommandations finales de la Meghila :
«Mardochée ordonna à tous les juifs de célébrer tous les ans le quatorzième et le quinzième jour du douzième mois, en commémoration de ce qu’en ces jours, les Juifs ont eu raison de leurs ennemis ; que les jours de douleur se sont changés en jours de fête, et il recommanda d’en faire des jours de joie et de festin» (Esther 9:20-22).
Dans chaque maison, les festins ont été si abondants, qu’ils défraient largement encore le jour suivant ; de là, dans le pays, cette maxime : « Voulez-vous voyager ? Que ce soit au lendemain du Pourim. » En d’autres termes : ce jour-là vous trouverez partout en Israël, joyeuse humeur et bons reliefs.
22 février – Fête de la Chaire de St Pierre
20 février, 2012http://missel.free.fr/Sanctoral/02/22.php
22 février – Fête de la Chaire de St Pierre
Sommaire :
Historique
Homélie de Saint Léon le Grand
Historique
Il convient ici de rappeler que la chaire est le siège éminent réservé à l’évêque lorsqu’il préside une assemblée. Il importe peu de savoir s’il y eut jamais, à Rome, une chaire regardée comme la vraie chaire de saint Pierre, mais il faut souligner que l’on y fit grand cas de chaires qui rappelaient le magistère suprême de Pierre que, dès le IV° siècle on célébrait par une fête particulière, Natale Petri de Cathedra, fixée au 22 février.
On se souvient que les anciens Romains, comme en témoignent les vestiges du Cœmeterium Maius, creusaient dans le tuf des sièges qui, aux banquets funéraires (refrigeria), symbolisaient la présence du défunt et sur lesquels ils déposaient de la nourriture. Jusqu’au V° siècle, les chrétiens, dans un tout autre esprit, poursuivirent ces usages et attribuèrent la nourriture déposée aux pauvres. Cette célébration pour les défunts se déroulait au 22 février ; les anciens gallicans qui refusaient toute festivité pendant le Carême qui, parfois, était déjà commencé le 22 février, la reportèrent au 18 janvier, ce qui explique les deux fêtes de la Chaire de saint Pierre dont un scribe besogneux du diocèse d’Auxerre fit maladroitement de la deuxième une fête de la Chaire de saint Pierre à Antioche. Ces antiques fêtes de la Chaire de saint Pierre furent remises à l’honneur par Paul IV, en 1547, qui, par la bulle Ineffabilis, décréta que l’on célébrerait désormais la chaire de saint Pierre à Rome le 18 février et celle d’Antioche le 22 février. La réforme du calendrier par Paul VI n’a laissé qu’une seule de ces fêtes, le 22 février, qui les conjugue toutes les deux.
Le meuble de bois et d’ivoire que renferme la Gloire du Bernin, loin de pouvoir être réputé la vraie chaire de saint Pierre, fut offert au pape Jean VIII par Charles le Chauve, sans doute pour son couronnement impérial, à la Noël 875 : comme on peut le voir sur la reproduction qui se trouve dans le musée historique de la sacristie, le buste de l’Empereur est représenté au centre de la partie transversale horizontale du tympan ; les plaques d’ivoire qui datent du troisième ou du quatrième siècle, grossièrement assemblées, montrent les douze travaux d’Hercule et des animaux fantastiques.
Alexandre VII Chigi ordonna que l’on mît la prétendue chaire de saint Pierre dans l’abside de la basilique (3 mars 1656) pour que les fidèles pussent la vénérer. Depuis 1667, la chaire de saint Pierre ne fut exposée qu’une seule fois, en 1867, pour le dix-huitième centenaire du martyre des saints apôtres Pierre et Paul.
Gloire du Bernin, faite de marbres colorés, de bronze et de stuc dorés, montre le trône pontifical qui, porté par les nuées, descend du ciel comme la nouvelle Jérusalem, au grand émerveillement des docteurs dont il est bon de souligner qu’ils ne la soutiennent pas mais en reçoivent les splendeurs. Portant le regard de haut en bas, le spectateur est progressivement emporté de la terre vers la lumière céleste ; les marbres sont la terre, où le regard est limité par les deux colonnes de marbre précieux, tandis que le ciel ne connaît aucune limite. Le lien entre la terre et le ciel se fait par les quatre docteurs émerveillés par la vérité que le Seigneur a révélée et qu’enseigne l’Eglise par le magistère de Pierre (saint Augustin, mitré, et saint Jean Chrysostome, tête nue, d’une part et, d’autre part, saint Ambroise, mitré, et saint Athanase, tête nue). La mître de saint Ambroise, comme celle de saint Augustin, mesure 1,80 mètre de haut. Sur le dossier de la chaire, le Seigneur communique à saint Pierre le pouvoir de paître ses ouailles. Au sommet de la chaire deux anges présentent la tiare et les clefs. Le Saint-Esprit, figuré sous la forme de la colombe, irradie le trône du pontife romain de lumière divine. La colombe est haute de 95 centimètres et ses ailes ont 1,75 mètre d’envergure.
Homélie pour l’anniversaire de son sacre épiscopal (IV 2-3)
Dans tout l’univers, Pierre seul est choisi pour présider à la vocation de tous les peuples, à la direction de tous les Apôtres et de tous les Pères de l’Eglise. Ainsi, bien qu’il y ait dans le peuple de Dieu beaucoup de prêtres et beaucoup de pasteurs, Pierre en personne les gouvernerait tous, alors que le Christ les gouverne aussi à titre de chef. Dieu a daigné remettre à cet homme une grande et admirable participation à sa puissance. Et s’il a voulu que les autres chefs aient quelque chose de commun avec lui, tout ce qu’il n’a pas refusé aux autres, c’est toujours par lui qu’il le leur a donné.
Le Seigneur demande à tous les Apôtres quelle est l’opinion des hommes à son sujet. Et ils disent tous la même chose aussi longtemps qu’ils exposent les doutes venus de l’ignorance humaine.
Mais lorsque le Seigneur exige de connaître le sentiment des disciples eux-mêmes, le premier à confesser le Seigneur est celui qui est le premier dans la dignité d’Apôtre. Comme il avait dit : « Vous êtes le Messie, le Fils du Dieu vivant », Jésus lui répondit : « Heureux es-tu, Simon, fils de Yonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révété cela, mais mon Père qui est aux cieux. » C’est-à-dire : Heureux es-tu parce que c’est mon Père qui t’a enseigné ; l’opinion de la terre ne t’a pas égaré, mais c’est une inspiration céleste qui t’a instruit ; et ce n’est pas la chair et le sang, mais celui dont je suis le Fils unique qui t’a permis de me découvrir.
« Et moi, dit-il, je te le déclare », c’est-à-dire : de même que mon Père t’a manifesté ma divinité, de même moi, je te fais connaître ta supériorité. « Tu es Pierre », c’est-à-dire : moi, je suis le rocher inébranlable, la pierre d’angle, qui fais l’unité de deux réalités séparées, le fondement tel que nul ne peut en poser un autre ; mais toi aussi, tu es pierre, car tu es solide par ma force, et ce que j’ai en propre par ma puissance, tu l’as en commun avec moi du fait que tu y participes.
« Et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle. » Sur cette solidité j’érigerai un temple éternel, et la hauteur de mon Église, qui doit la faire pénétrer dans le ciel, s’élèvera sur la fermeté de cette foi.
Les puissances de l’enfer n’arrêteront pas cette confession, les liens de la mort ne l’enchaîneront pas : car cette parole est une parole de vie. Et de même qu’elle porte jusqu’au ciel ceux qui la confessent, de même plonge-t-elle dans les enfers ceux qui la refusent.
C’est pourquoi il est dit à saint Pierre : « Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux ; tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les Cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les Cieux. »
Sans doute, la possession de ce pouvoir a passé encore aux autres Apôtres et l’institution née de ce décret s’est étendue à tous les chefs de l’Eglise. Mais ce n’est pas en vain que ce qui doit être signifié à tous est confié à un seul. En effet, ce pouvoir est remis à Pierre personnellement, parce que Pierre est donné en modèle à tous ceux qui gouvernent l’Église.
Saint Léon le Grand