Archive pour le 8 février, 2012

Jesus Weeping Over Jerusalem

8 février, 2012

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http://sacredartpilgrim.com/collection/view/84

Paul, le missionnaire (Père Manns)

8 février, 2012

http://www.christusrex.org/www1/ofm/pope2/intros/GPint06.html

Paul, le missionnaire

by Frédéric Manns

(Studium Biblicum Franciscanum – Jerusalem)

L’expérience du chemin de Damas allait transformer Paul en missionnaire du ressuscité. L’ancien émissaire du Sanhédrin devint l’envoyé du Christ. La communauté d’Antioche où Paul était l’hôte comprit rapidement qu’elle ne pouvait pas garder le message du Christ en vases clos. Les Juifs de la diaspora attendaient la plénitude de la révélation. Barnabé, Paul et Jean Marc furent envoyés par la communauté pour proclamer que Jésus de Nazareth humilié par les hommes est le Christ ressuscité.
Au cours de la première mission en Asie Mineure, en passant par Chypre, l’évangile fut annoncé dans des petits centres tels Paphos, Pergé, Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres et Derbé. Barnabé originaire de Chypre avait la direction. Lorsque Paul prendra le commandement lors des missions successives, il agira méthodiquement. Lorsqu’il fondait une communauté chrétienne il choisissait des villes qui par leur position géographique, économique et culturelle constituaient des centres de rayonnement pour tout un arrière-pays. Généralement ces villes étaient des capitales des provinces de l’empire.
Paul laissait derrière lui une communauté solide qui, en tant que centre missionnaire, devait propager la foi dans les villes les plus proches. Il ne voulait pas la conversion de quelques uns, mais cherchait à organiser l’Eglise. La ville d’Antioche sur l’Oronte à partir de laquelle Barnabé et Paul ont accompli leur premier voyage servit de modèle. Le message fut répandu ainsi à Philippes, point de rencontre entre la Grèce et le reste du monde occidental ; à Thessalonique, capitale de la province de Macédoine, à Corinthe, capitale de la province d’Achaïe, et à Ephèse qui servait de résidence au gouverneur d’Asie et qui avec son Temple d’Artémis était un centre important de pèlerinages.
Enfin Athènes, la ville des philosophes, allait réserver des surprises à Paul. Les philosophes ne se laissent pas facilement convaincre. Les nouveautés leur sont suspectes par principe. Une tentative d’implantation dans la capitale a probablement échoué. Sur l’impossibilité de fonder une communauté à Athènes, Luc s’explique de façon magistrale dans les Actes des Apôtres 17,34. Peut-être Paul a-t-il tiré une leçon de cet échec à Athènes ? En examinant les projets de Paul on voit que son but était plutôt d’atteindre les ports que les capitales. En effet le message du Christ crucifié et ressuscité s’est répandu dans le monde entier essentiellement à partir des ports, les plaques tournantes de la vie internationale.
S’il en est ainsi pourquoi Paul a-t-il porté l’Evangile aux Galates ? Ce voyage ne correspond pas à sa tactique missionnaire (Ac 16,6-7). Paul a néanmoins évangélisé les Galates. Il semblait avoir pour dessein de traverser la Galatie et la Phrygie jusqu’en Bithynie qui avec ses ports offrait un intérêt apostolique. Dans sa lettre aux Galates 4,13 reconnaît que c’est à l’occasion d’une maladie qu’il leur a annoncé la bonne nouvelle.
Les Actes des Apôtres rédigés par Luc révèlent une vision de l’histoire du salut centrée sur Rome. En fait Rome n’a pas été le but ultime de l’activité apostolique de Paul. Cette finalité aurait été en contradiction avec sa règle évangélique : en fait Rome possédait déjà une église chrétienne florissante. Lorsque Paul, avant d’aller à Jérusalem, écrit une lettre de Corinthe à la communauté de Rome, il ne le fait que pour annoncer son voyage missionnaire en Espagne et son passage par Rome. Le séjour projeté n’est qu’une étape et non pas une évangélisation. Mais à Jérusalem. Paul est arrêté et son voyage se passe différemment de ce qu’il avait projeté. Après une traversée difficile et un naufrage à Malte où il doit passer l’hiver, Paul est placé en liberté surveillée. Il est ensuite libéré. Tout ce que nous savons c’est qu’il fut décapité hors de Rome. En dépit de l’interprétation eschatologique que Luc donne des voyages de Paul, les Actes des Apôtres 16,6-10 montrent que Paul considérait sa mission dans la partie orientale de l’empire comme achevée avec la création de la communauté d’Ephèse. A partir de là l’activité de Paul se déroule telle qu’elle est racontée dans les Actes des Apôtres.
A lire ce texte on a l’impression qu’il n’existe que des communautés fondées par Paul. Or le monde chrétien de l’époque se situait dans son ensemble en Orient, en Palestine et en Syrie, sans parler du christianisme égyptien et éthiopien. Les compagnons de Paul sont à peine mentionnés comme s’ils n’étaient que des compagnons de voyages sans responsabilités ni initiatives.
Un autre cliché des Actes doit être revu. D’après les Actes Paul prêche d’abord méthodiquement à la synagogue et ne s’adresse aux Juifs que si ces derniers refusent son message. Cette interprétation de Luc reflète la pensée de Paul : le salut est d’abord offert au Juif, ensuite au non-Juif. Mais à partir du concile de Jérusalem les accords sont plus clairs. Dans la lettre aux Galates 2,8-9 Paul affirme clairement que sa mission est pour les païens. Il n’est pas faux de dire que Paul a commencé à prêcher à la synagogue. Mais c’est dans les synagogues qu’il rencontre les craignant-Dieu, les païens sympathisants du judaïsme. Pour Paul la crucifixion de Jésus est déjà un appel vers les païens (Ga 3,13-14).
Paul considérait son travail achevé dans la partie orientale de l’empire avec la fondation de la communauté d’Ephèse. Avant de se rendre à Jérusalem il se trouva confronté aux crises les plus graves de sa vie missionnaire : ces crises affectaient les communautés de Galatie, de Corinthe et d’Ephèse.
Des rapports lui étaient parvenus selon lesquels des missionnaires étrangers attaquaient son évangile. De même que Paul n’intervenait pas dans les communautés fondées par d’autres, de même il n’acceptait pas d’ingérence étrangère. L’évangile qu’il annonçait il l’avait reçu de Dieu même. Le fait d’être affronté à des schismes naissants dans l’Eglise lui montre ce que peut signifier une séparation dans l’Eglise.
Des difficultés de tous ordres avaient surgi en Galatie, à Corinthe et à Ephèse. C’est au cours de cette période difficile que Paul écrit ses lettres à Corinthe, son épître aux galates et aussi aux Philippiens.
L’épître écrite de Corinthe à Rome est une préparation à ce qui devait sauver la deuxième partie de son apostolat : une mise en forme des thèmes de l’Evangile qu’il avait propagés dans la partie orientale de l’empire. Paul traite les problèmes brûlants de la foi et nous connaissons son intention d’annoncer l’Evangile aux limites du monde occidental (Rom 15,24-28).
Les Actes des Apôtres racontent innocemment que Paul, en route vers Jérusalem, évite l’escale d’Ephèse pour gagner du temps (20,16), mais que toutefois il envoie un messager pour inviter les chefs de la communauté à lui rendre visite à Milet. Dans le testament que Paul leur fait la réalité douloureuse que Paul vit est décrite comme un événement menaçant à venir : « Je sais qu’après mon départ des loups féroces s’introduiront parmi vous qui n’épargneront pas le troupeau ». Dans la deuxième lettre à Timothée Paul confesse: « Tu le sais, ceux d’Asie m’ont abandonné ». La révolte des orfèvres d’Ephèse ne suffit pas à expliquer l’attitude de Paul. Paul s’est heurté aux anti-pauliniens et aux pseudo-pauliniens. Des gens qui se réclamaient de son Evangile de liberté répandaient un enseignement que Paul devait repousser. La doctrine paulinienne de la justification par la foi prend dans les épîtres aux Galates et aux Romains la forme d’un thème théologique en raison des difficultés rencontrées en Galatie et à Corinthe. Pour Paul il n’y a qu’un chemin vers le salut : Jésus dont la grandeur s’est révélée dans son abaissement.
La lettre de Jacques propose une théologie différente de celle de Paul. Pour Jacques on n’est heureux que par les oeuvres. Jacques ne s’attaque pas à Paul, mais à un paulinisme mal compris. Mais il est significatif que Jacques dans son enseignement de la justification par les oeuvres personnelles, tout comme Paul dans son enseignement sur la justification par la foi, citent le même verset de l’Ecriture relatif au consentement d’Abraham à sacrifier Isaac (Rom 4 et Jc 2,21-23). Tous deux citent Gen 15,6. Paul conclut en Rom 3,28 : « Donc sans les oeuvres », tandis que Jacques 2,24 affirme : « Non pas sans les oeuvres ». Jacques met en relation Gen 22,9 et Gen 15,6. Le consentement d’Abraham au sacrifice de son fils est une oeuvre et c’est la raison de sa justification. D’autre part Abraham a fait confiance à Dieu. Dans la justification apparaît une synergie, une union de la foi et de l’action. Dans les oeuvres la foi agit (Jc 2,22). Pour Paul aussi la foi dans le Christ exige les oeuvres (Rom 3,20) et s’accomplit dans l’amour. La collecte qu’il organise pour l’Eglise de Jérusalem fait partie de son évangile. Jacques ne combat pas le christianisme paulinien, mais propose une tradition chrétienne différente.
La manifestation actuelle du Règne du Christ est chez Paul une idée force. Le Christ exerce dès maintenant son pouvoir comme chef de l’Eglise qui est son corps. Par le baptême le croyant meurt avec le Christ, se libère du péché et ressuscite avec le Seigneur (Col 2,12). Dès maintenant les baptisés sont déjà assis avec le Christ à côté du Père et attendent la révélation de ce qu’ils sont déjà. Ils participent à la souffrance du Christ, car la souffrance découle de l’engagement total pour le bien, le bien du Royaume de Dieu.
On parle beaucoup de nouvelle évangélisation ces derniers temps. Une des plus belles figures d’évangélisateur reste celle de Paul : sa foi au Ressuscité, son dynamisme, son talent d’organisateur sont encore l’objet d’admiration de beaucoup d’Eglises locales et peuvent inspirer aujourd’hui les générations nouvelles.

MESSAGE DE BENOÎT XVI POUR LE CARÊME 2012

8 février, 2012

http://www.zenit.org/article-30093?l=french

MESSAGE DE BENOÎT XVI POUR LE CARÊME 2012

« Faisons attention les uns aux autres »

ROME, mardi 7 février 2012 (ZENIT.org) – « Je désire rappeler ici un aspect de la vie chrétienne qui me semble être tombé en désuétude : la correction fraternelle en vue du salut éternel » : Benoît XVI évoque cet aspect de la vie chrétienne, en vue de la sainteté, dans son message pour le carême 2012.
Le carême commence cette année le mercredi 22 février et le dimanche de Pâques tombe le 8 avril.
Le thème du message est tiré de l’Epître aux Hébreux : «Faisons attention les uns aux autres ?pour nous stimuler dans la charité et les œuvres bonnes» ?(He 10, 24).
Message de Benoît XVI pour le carême
Frères et sœurs,
Le Carême nous offre encore une fois l’opportunité de réfléchir sur ce qui est au cœur de la vie chrétienne : la charité. En effet, c’est un temps favorable pour renouveler, à l’aide de la Parole de Dieu et des Sacrements, notre itinéraire de foi, aussi bien personnel que communautaire. C’est un cheminement marqué par la prière et le partage, par le silence et le jeûne, dans l’attente de vivre la joie pascale.
Cette année, je désire proposer quelques réflexions à la lumière d’un bref texte biblique tiré de la Lettre aux Hébreux : « Faisons attention les uns aux autres pour nous stimuler dans la charité et les œuvres bonnes » (10, 24). Cette phrase fait partie d’une péricope dans laquelle l’écrivain sacré exhorte à faire confiance à Jésus Christ comme Grand prêtre qui nous a obtenu le pardon et l’accès à Dieu. Le fruit de notre accueil du Christ est une vie selon les trois vertus théologales : il s’agit de nous approcher du Seigneur « avec un cœur sincère et dans la plénitude de la foi » (v. 22), de garder indéfectible « la confession de l’espérance » (v. 23) en faisant constamment attention à exercer avec nos frères « la charité et les œuvres bonnes » (v. 24). Pour étayer cette conduite évangélique – est-il également affirmé -, il est important de participer aux rencontres liturgiques et de prière de la communauté, en tenant compte du but eschatologique : la pleine communion en Dieu (v. 25). Je m’arrête sur le verset 24 qui, en quelques mots, offre un enseignement précieux et toujours actuel sur trois aspects de la vie chrétienne: l’attention à l’autre, la réciprocité et la sainteté personnelle.
1. « Faisons attention » : la responsabilité envers le frère.
Le premier élément est l’invitation à « faire attention » : le verbe grec utilisé est katanoein, qui signifie bien observer, être attentifs, regarder en étant conscient, se rendre compte d’une réalité. Nous le trouvons dans l’Évangile, lorsque Jésus invite les disciples à « observer » les oiseaux du ciel qui, bien qu’ils ne s’inquiètent pas, sont l’objet de l’empressement et de l’attention de la Providence divine (cf. Lc 12, 24), et à « se rendre compte » de la poutre qui se trouve dans leur œil avant de regarder la paille dans l’œil de leur frère (cf. Lc 6, 41). Nous trouvons aussi cet élément dans un autre passage de la même Lettre aux Hébreux, comme invitation à « prêter attention à Jésus » (3, 1), l’apôtre et le grand prêtre de notre foi. Ensuite, le verbe qui ouvre notre exhortation invite à fixer le regard sur l’autre, tout d’abord sur Jésus, et à être attentifs les uns envers les autres, à ne pas se montrer étrangers, indifférents au destin des frères. Souvent, au contraire, l’attitude inverse prédomine : l’indifférence, le désintérêt qui naissent de l’égoïsme dissimulé derrière une apparence de respect pour la « sphère privée ». Aujourd’hui aussi, la voix du Seigneur résonne avec force, appelant chacun de nous à prendre soin de l’autre. Aujourd’hui aussi, Dieu nous demande d’être les « gardiens » de nos frères (cf. Gn 4, 9), d’instaurer des relations caractérisées par un empressement réciproque, par une attention au bien de l’autre et à tout son bien. Le grand commandement de l’amour du prochain exige et sollicite d’être conscients d’avoir une responsabilité envers celui qui, comme moi, est une créature et un enfant de Dieu : le fait d’être frères en humanité et, dans bien des cas, aussi dans la foi, doit nous amener à voir dans l’autre un véritable alter ego, aimé infiniment par le Seigneur. Si nous cultivons ce regard de fraternité, la solidarité, la justice ainsi que la miséricorde et la compassion jailliront naturellement de notre cœur. Le Serviteur de Dieu Paul VI affirmait qu’aujourd’hui le monde souffre surtout d’un manque de fraternité : « Le monde est malade. Son mal réside moins dans la stérilisation des ressources ou dans leur accaparement par quelques-uns, que dans le manque de fraternité entre les hommes et entre les peuples » (Lett. enc. Populorum progressio [26 mars 1967], n. 66).
L’attention à l’autre comporte que l’on désire pour lui ou pour elle le bien, sous tous ses aspects : physique, moral et spirituel. La culture contemporaine semble avoir perdu le sens du bien et du mal, tandis qu’il est nécessaire de répéter avec force que le bien existe et triomphe, parce que Dieu est « le bon, le bienfaisant » (Ps 119, 68). Le bien est ce qui suscite, protège et promeut la vie, la fraternité et la communion. La responsabilité envers le prochain signifie alors vouloir et faire le bien de l’autre, désirant qu’il s’ouvre lui aussi à la logique du bien ; s’intéresser au frère veut dire ouvrir les yeux sur ses nécessités. L’Écriture Sainte met en garde contre le danger d’avoir le cœur endurci par une sorte d’« anesthésie spirituelle » qui rend aveugles aux souffrances des autres. L’évangéliste Luc rapporte deux paraboles de Jésus dans lesquelles sont indiqués deux exemples de cette situation qui peut se créer dans le cœur de l’homme. Dans celle du bon Samaritain, le prêtre et le lévite « passent outre », avec indifférence, devant l’homme dépouillé et roué de coups par les brigands (cf. Lc 10, 30-32), et dans la parabole du mauvais riche, cet homme repu de biens ne s’aperçoit pas de la condition du pauvre Lazare qui meurt de faim devant sa porte (cf. Lc 16, 19). Dans les deux cas, nous avons à faire au contraire du « prêter attention », du regarder avec amour et compassion. Qu’est-ce qui empêche ce regard humain et affectueux envers le frère ? Ce sont souvent la richesse matérielle et la satiété, mais c’est aussi le fait de faire passer avant tout nos intérêts et nos préoccupations personnels. Jamais, nous ne devons nous montrer incapables de « faire preuve de miséricorde » à l’égard de celui qui souffre ; jamais notre cœur ne doit être pris par nos propres intérêts et par nos problèmes au point d’être sourds au cri du pauvre. À l’inverse, c’est l’humilité de cœur et l’expérience personnelle de la souffrance qui peuvent se révéler source d’un éveil intérieur à la compassion et à l’empathie : « Le juste connaît la cause des faibles, le méchant n’a pas l’intelligence de la connaître » (Pr 29, 7). Nous comprenons ainsi la béatitude de « ceux qui sont affligés » (Mt 5, 4), c’est-à-dire de ceux qui sont en mesure de sortir d’eux-mêmes pour se laisser apitoyer par la souffrance des autres. Rencontrer l’autre et ouvrir son cœur à ce dont il a besoin sont une occasion de salut et de béatitude.
« Prêter attention » au frère comporte aussi la sollicitude pour son bien spirituel. Je désire rappeler ici un aspect de la vie chrétienne qui me semble être tombé en désuétude : la correction fraternelle en vue du salut éternel. En général, aujourd’hui, on est très sensible au thème des soins et de la charité à prodiguer pour le bien physique et matériel des autres, mais on ne parle pour ainsi dire pas de notre responsabilité spirituelle envers les frères. Il n’en est pas ainsi dans l’Église des premiers temps, ni dans les communautés vraiment mûres dans leur foi, où on se soucie non seulement de la santé corporelle du frère, mais aussi de celle de son âme en vue de son destin ultime. Dans l’Écriture Sainte, nous lisons : « Reprends le sage, il t’aimera. Donne au sage : il deviendra plus sage encore ; instruis le juste, il accroîtra son acquis » (Pr 9, 8s). Le Christ lui-même nous commande de reprendre le frère qui commet un péché (cf. Mt 18, 15). Le verbe utilisé pour définir la correction fraternelle – elenchein – est le même que celui qui indique la mission prophétique de la dénonciation propre aux chrétiens envers une génération qui s’adonne au mal (cf. Ep 5, 11). La tradition de l’Église a compté parmi les œuvres de miséricorde spirituelle celle d’« admonester les pécheurs ». Il est important de récupérer cette dimension de la charité chrétienne. Il ne faut pas se taire face au mal. Je pense ici à l’attitude de ces chrétiens qui, par respect humain ou par simple commodité, s’adaptent à la mentalité commune au lieu de mettre en garde leurs frères contre des manières de penser et d’agir qui sont contraires à la vérité, et ne suivent pas le chemin du bien. Toutefois le reproche chrétien n’est jamais fait dans un esprit de condamnation ou de récrimination. Il est toujours animée par l’amour et par la miséricorde et il naît de la véritable sollicitude pour le bien du frère. L’apôtre Paul affirme : « Dans le cas où quelqu’un serait pris en faute, vous les spirituels, rétablissez-le en esprit de douceur, te surveillant toi-même, car tu pourrais bien, toi aussi être tenté » (Ga 6, 1). Dans notre monde imprégné d’individualisme, il est nécessaire de redécouvrir l’importance de la correction fraternelle, pour marcher ensemble vers la sainteté. Même « le juste tombe sept fois » (Pr 24, 16) dit l’Écriture, et nous sommes tous faibles et imparfaits (cf.1 Jn 1, 8). Il est donc très utile d’aider et de se laisser aider à jeter un regard vrai sur soi-même pour améliorer sa propre vie et marcher avec plus de rectitude sur la voie du Seigneur. Nous avons toujours besoin d’un regard qui aime et corrige, qui connaît et reconnaît, qui discerne et pardonne (cf. Lc 22, 61), comme Dieu l’a fait et le fait avec chacun de nous.
2. « Les uns aux autres » : le don de la réciprocité.
Cette « garde » des autres contraste avec une mentalité qui, réduisant la vie à sa seule dimension terrestre, ne la considère pas dans une perspective eschatologique et accepte n’importe quel choix moral au nom de la liberté individuelle. Une société comme la société actuelle peut devenir sourde aux souffrances physiques comme aux exigences spirituelles et morales de la vie. Il ne doit pas en être ainsi dans la communauté chrétienne! L’apôtre Paul invite à chercher ce qui « favorise la paix et l’édification mutuelle » (Rm 14, 19), en plaisant « à son prochain pour le bien, en vue d’édifier » (Ibid.15, 2), ne recherchant pas son propre intérêt, « mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés » (1 Co 10, 33). Cette correction réciproque et cette exhortation, dans un esprit d’humilité et de charité, doivent faire partie de la vie de la communauté chrétienne.
Les disciples du Seigneur, unis au Christ par l’Eucharistie, vivent dans une communion qui les lie les uns aux autres comme membres d’un seul corps. Cela veut dire que l’autre m’est uni de manière particulière, sa vie, son salut, concernent ma vie et mon salut. Nous abordons ici un élément très profond de la communion : notre existence est liée à celle des autres, dans le bien comme dans le mal ; le péché comme les œuvres d’amour ont aussi une dimension sociale. Dans l’Église, corps mystique du Christ, cette réciprocité se vérifie : la communauté ne cesse de faire pénitence et d’invoquer le pardon des péchés de ses enfants, mais elle se réjouit aussi constamment et exulte pour les témoignages de vertu et de charité qui adviennent en son sein. « Que les membres se témoignent une mutuelle sollicitude » (cf.1 Co 12, 25), affirme saint Paul, afin qu’ils soient un même corps. La charité envers les frères, dont l’aumône – une pratique caractéristique du carême avec la prière et le jeûne – est une expression, s’enracine dans cette appartenance commune. En se souciant concrètement des plus pauvres, le chrétien peut exprimer sa participation à l’unique corps qu’est l’Église. Faire attention aux autres dans la réciprocité c’est aussi reconnaître le bien que le Seigneur accomplit en eux et le remercier avec eux des prodiges de grâce que le Dieu bon et tout-puissant continue de réaliser dans ses enfants. Quand un chrétien perçoit dans l’autre l’action du Saint Esprit, il ne peut que s’en réjouir et rendre gloire au Père céleste (cf. Mt 5, 16).
3. « pour nous stimuler dans la charité et les œuvres bonnes » : marcher ensemble dans la sainteté.
Cette expression de la Lettre aux Hébreux (10, 24), nous pousse à considérer l’appel universel à la sainteté, le cheminement constant dans la vie spirituelle à aspirer aux charismes les plus grands et à une charité toujours plus élevée et plus féconde (cf.1 Co 12, 31-13, 13). L’attention réciproque a pour but de nous encourager mutuellement à un amour effectif toujours plus grand, « comme la lumière de l’aube, dont l’éclat grandit jusqu’au plein jour » (Pr 4, 18), dans l’attente de vivre le jour sans fin en Dieu. Le temps qui nous est accordé durant notre vie est précieux pour découvrir et accomplir les œuvres de bien, dans l’amour de Dieu. De cette manière, l’Église elle-même grandit et se développe pour parvenir à la pleine maturité du Christ (cf. Ep 4, 13). C’est dans cette perspective dynamique de croissance que se situe notre exhortation à nous stimuler réciproquement pour parvenir à la plénitude de l’amour et des œuvres bonnes.
Malheureusement, la tentation de la tiédeur, de l’asphyxie de l’Esprit, du refus d’« exploiter les talents » qui nous sont donnés pour notre bien et celui des autres (cf. Mt 25, 25s) demeure. Nous avons tous reçu des richesses spirituelles ou matérielles utiles à l’accomplissement du plan divin, pour le bien de l’Église et pour notre salut personnel (cf. Lc 12, 21b ; 1 Tm 6, 18). Les maîtres spirituels rappellent que dans la vie de la foi celui qui n’avance pas recule. Chers frères et sœurs, accueillons l’invitation toujours actuelle à tendre au « haut degré de la vie chrétienne » (Jean-Paul II, Lett. ap. Novo millennio ineunte [6 janvier 2001], n.31). En reconnaissant et en proclamant la béatitude et la sainteté de quelques chrétiens exemplaires, la sagesse de l’Église a aussi pour but de susciter le désir d’en imiter les vertus. Saint Paul exhorte : « rivalisez d’estime réciproque » (Rm 12, 10).
Face à un monde qui exige des chrétiens un témoignage renouvelé d’amour et de fidélité au Seigneur, tous sentent l’urgence de tout faire pour rivaliser dans la charité, dans le service et dans les œuvres bonnes (cf. He 6, 10). Ce rappel est particulièrement fort durant le saint temps de préparation à Pâques. Vous souhaitant un saint et fécond Carême, je vous confie à l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie et, de grand cœur, j’accorde à tous la Bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 3 novembre 2011.
BENEDICTUS PP. XVI