Homélie 3e dimanche ordinaire B – 22 janvier 2012
http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
Homélie 3e dimanche ordinaire B – 22 janvier 2012
Jon 3, 1-5, 10 ; 1 Co 7, 29-31 ; Mc 1, 14-20
Savez-vous que l’Irak correspond grosso modo à la Mésopotamie des temps bibliques. Au nord, à une centaine de kilomètres de la frontière turque, la grande ville de Mossoul est bâtie sur la rive droite du Tigre. De l’autre côté du fleuve, se trouve la ville de Ninive, qui a gardé très longtemps le titre de capitale des païens, que lui avait donné le peuple d’Israël.
C’est d’elle dont parle le livre de Jonas, qui nous raconte, non pas un combat du genre « tempête du désert », mais un combat missionnaire et spirituel, dont l’enseignement est d’une étonnante actualité. Il peut illustrer non seulement l’évangile d’aujourd’hui, mais aussi s’inscrire dans le cadre de la Semaine de prière pour l’Unité, en y ajoutant le dialogue interreligieux.
Le message de la liturgie de ce jour peut se résumer dans les trois invitations de Jésus : Convertissez-vous… Croyez à la Bonne Nouvelle… Venez derrière moi. Autrement dit : La Parole de Dieu annonce, mobilise et envoie. Elle nous fait changer de conduite. Elle nous réoriente constamment vers les seuls biens véritables et essentiels. Elle guérit aussi, et même ressuscite.
Malheureusement, on considère encore très souvent que l’appel des premiers disciples ne concerne que l’appel à la vocation sacerdotale ou religieuse. Dès lors, on pousse un soupir de soulagement… Ce n’est pas à nous que ce discours s’adresse. Or, c’est oublier que nous avons tous et chacun à être et constamment à devenir vraiment des disciples, des apôtres. Tout chrétien est appelé, non pas à applaudir le Christ, mais à l’écouter, le suivre et l’imiter. Non pas seulement à proclamer ou chanter sa foi en lui, son credo, mais devenir comme lui annonceur et témoin de l’Evangile. La simple appartenance n’est donc qu’une fausse assurance. Une fausse sécurité. Une illusion.
La première lecture nous a précisément montré à la fois le danger pour les croyants de sombrer dans la torpeur et la sécurité des certitudes et de l’efficacité des rites. Et par le fait même, la nécessité de se laisser constamment réveiller par l’appel à la conversion. Non pas seulement la conversion des mœurs, mais la conversion des idées, des croyances, des jugements.
L’histoire de Jonas est comparable à une fable de La Fontaine ou à une parabole du Nouveau Testament. Il ne s’agit pas d’une histoire vraie, mais d’un récit didactique sous une forme humoristique. Ce qui permet d’offrir un enseignement très important sans heurter les auditeurs directement concernés.
Jonas représente le peuple des croyants. Mais des croyants qui se prennent un peu pour des enfants uniques. Leur Dieu est à eux seuls. Ils sont donc fiers de leur privilège, rassurés d’être du bon côté de la barrière. Intimement persuadés d’être possesseurs de la vérité tout entière sur Dieu et sur toute chose. Comme si Dieu était prisonnier des idées que l’on se fait de lui !
C’est donc un Dieu qui est bien de leur côté, sur lequel ils peuvent toujours compter. Un Dieu qui pardonne. Par contre, il punit sévèrement et impitoyablement les païens quand il s’agit de rendre justice au peuple des croyants.
… C’est ainsi que Jonas est envoyé à Ninive, capitale de l’empire assyrien, c’est-à-dire des païens. Sa mission ? Annoncer aux habitants la malédiction de Dieu et leur prochain châtiment. Jonas se sent donc investi d’une mission de jugement et de condamnation contre tous ceux et celles qui ne pensent pas comme lui. Il est parfaitement sûr de sa théologie.
Or, dit la parabole, tout se déroule à l’envers. Les Ninivites vont se convertir, proclamer leur foi en Dieu qui lui, au lieu d’anéantir les ennemis d’Israël, va leur pardonner. Ce qui n’était pas prévu. D’où le dépit de Jonas : » Il fut très contrarié et se mit en colère « , jusqu’à vouloir souhaiter la mort.
Le Dieu auquel il avait cru jusqu’ici était nationaliste et revanchard. En fait, il l’avait définitivement enfermé dans une définition à la mesure étroite de sa petite intelligence. Or, voici que Dieu se présente à lui comme tout autre. Non pas comme protecteur et vengeur de son peuple, un peuple élu, mais bien comme un père appelant tous ses enfants à la conversion et au repentir. Il met son pardon à la disposition de tous, sans exception. C’est la fin des privilèges. Et voilà que ces païens maudits se convertissent au premier appel, puis donnés en exemple aux croyants qui, eux, sont prisonniers de leur bonne conscience et particulièrement lents à vouloir se convertir.
Je vous conseille vivement de lire cette histoire en entier. Il n’y a que deux ou trois pages. Vous y verrez que tous les mécréants sont sympathiques : les marins païens du naufrage, le roi et les habitants de Ninive, et même les animaux, du ver de terre à la baleine.
Par contre, le seul croyant qui est mis en scène, et qui, de surcroît, est un prophète, est accablé de reproches, mais non sans humour. Ainsi, Yahwé-Dieu va jouer quelques bons tours à ce prédicateur désobéissant et rebelle, pour lui faire adopter une théologie plus ouverte. Il faudra également qu’il cesse de croire que les meilleurs disciples du Seigneur sont nécessairement ceux qui pensent comme lui.
Mine de rien, cette fable constitue un sommet de l’enseignement biblique. Jusque-là, en effet, la communauté des croyants était tentée de s’enfermer sur elle-même. Ce tout petit livre l’invite, au contraire, à un « œcuménisme », ou plutôt à un universalisme extraordinairement ouvert. Et qui appelle à une rude conversion.
Que ceux et celles qui ont des oreilles pour entendre, entendent, ajouterait Jésus. Moralité : c’est magnifique de servir Dieu à condition de ne pas le réduire à l’idée que l’on se fait de lui.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.