Homélie du 2e dimanche ordinaire B

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Homélie du 2e dimanche ordinaire B

1 S 3, 3b-10.19 ; 1 Co 6, 13c-16a, 17-20 ; Jn 1, 35-42

Moi aussi, comme Samuel, j’entends régulièrement, des voix qui attirent mon attention, et m’invitent donc à réfléchir. Ces voix sont de deux sortes. Les unes sont intérieures, comme un souffle, un murmure, une inspiration. Les autres sont extérieures. Depuis une parole à peine audible, jusqu’aux bruits déchirants. Il ne s’agit pas pour autant de faits extraordinaires.
Il faut savoir que, dans les récits bibliques, ce que nous appelons la Parole de Dieu est en réalité une Parole sur Dieu. Une voix ou un événement. Aujourd’hui encore, la rencontre de quelqu’un, un témoignage, une lecture, une prédication, une épreuve, peuvent susciter une réflexion, une conversion, un engagement. C’est la réponse à un appel. Une vocation… Voyez, Samuel. La vieille tradition juive voulait maintenir et prouver qu’en Israël la royauté était sacrée. La meilleure preuve, c’est que Dieu l’a instaurée. D’où, l’histoire de ce petit garçon, consacré pour la vie à Yahwé et au Temple, à la suite d’un vœu de sa mère. Or, une nuit, Samuel a entendu une voix. Manifestement intérieure, spirituelle. L’enfant aura donc besoin du prêtre Eli pour l’interpréter. Mais le brave homme ne verra pas clair du premier coup. Ce n’est qu’à la troisième fois qu’il y percevra un appel du Seigneur.
Ces appels répétés, ces difficultés à comprendre et à répondre, signifient qu’il faut souvent du temps pour prendre conscience du sens et de l’authenticité d’un appel, et du temps pour prendre des décisions.
La suite montre bien le choix difficile que devra faire Samuel devenu homme. Soit, rester fidèle au vœu de sa mère qui rêvait, dirions-nous aujourd’hui, de le voir entrer au couvent. Soit, répondre à une vocation de type politique et révolutionnaire qui le séduisait. C’est la seconde qu’il choisira. Elle sera prophétique. Samuel deviendra l’instrument de l’instauration de la royauté en Israël. Il lui donnera son premier roi, Saül, et il sacrera plus tard, en cachette, le futur roi David, dont la lignée révélera Jésus le Messie.
Autre exemple : François d’Assise. Dans la chapelle de la Portioncule, explique l’un de ses biographes,  » Dieu lui a parlé à nouveau « . C’est-à-dire tout simplement par la voix du prêtre qui proclamait l’évangile du jour. (Comme moi, aujourd’hui). Le jeune homme, toujours en recherche, croit entendre pour la première fois :  » Allez et annoncez partout que le Royaume de Dieu est proche. Ce que vous avez reçu gratuitement, donnez-le gratuitement…  » (Mt 10)… Voilà ce que je veux, ce que je cherche, ce que je désire faire du fond du cœur, dira ce jeune bourgeois de 26 ans.
Il avait mis trois ans pour comprendre. Et déjà interprété plusieurs songes. Le premier l’avait confirmé dans une vocation de  » volontaire de guerre « . Un autre, qu’il valait mieux servir le Seigneur Dieu plutôt que le seigneur pape, chef des croisades. A la Portioncule, il répondait à un nouvel appel. Qui sera définitif, celui de missionnaire et de témoin de l’Evangile. Auparavant, il avait déjà été secoué par des interpellations : celles des événements, un an d’emprisonnement, la maladie, la rencontre d’un lépreux, les drames de la misère et d’autres choses encore.
Voyez maintenant dans l’évangile : Le déroulement très incarné de l’éclosion des premières vocations de disciples de Jésus…  » Vous cherchez quelque chose ? Passez chez moi, on pourra en parler – D’accord « . Et les deux jeunes gens sortiront de la rencontre enthousiasmés. Naturellement, l’un en parle à son frère qu’il va ensuite présenter à Jésus. Et cela continue.
Dans le cadre du mystère de l’incarnation, les appels de Dieu s’incarnent aussi dans l’ordinaire du quotidien. Tout parle de Dieu à qui veut bien regarder et tendre l’oreille. Je crois même que, sur tous les chemins du monde, même en allant chez le boucher, chez le coiffeur, ou en prenant le métro, on peut croiser Jésus qui va et qui vient, comme il allait et venait sur les bords du Jourdain.
On peut aussi passer près de lui sans le remarquer, sans l’entendre, sans l’écouter.  » Je l’ai déjà trouvé « , direz-vous. Certes ! Mais il peut encore appeler pour un service d’Eglise ou de la société. En lisant les journaux, en écoutant radio et télévision, il nous interpelle par les victimes d’un désastre, ou le dévouement de ceux et celles qui se portent au secours des victimes. Il y a les appels de la conscience, où l’on peut reconnaître des appels de Dieu. Il y a des vocations par appel direct, quand on est sollicité pour venir en aide à certaines détresses, pour assumer une responsabilité politique ou paroissiale, sociale ou religieuse, et même sacerdotale.
La vocation fondamentale est signifiée dans l’Eglise par le baptême. Les autres en découlent. Y compris les vocations sacerdotales ou religieuses. Oui, mais elles diminuent, direz-vous. Je ne crois pas pour autant que les appels du Christ soient moins nombreux ou moins convaincants. Par contre, nous oublions peut-être qu’il peut appeler autrement, et pour des problèmes nouveaux ou des méthodes qui ne sont pas traditionnelles. Peut-être manquons-nous de lucidité, d’audace et d’imagination. A trop regarder en arrière, on finit par être incapable de regarder en avant pour découvrir de nouveaux horizons. Comme l’a écrit un théologien : « Il nous faut savoir, tout simplement savoir, si nous voulons entendre Dieu, non pas là où nous avons envie de l’entendre, mais là où il parle vraiment « . (« Les traces de Dieu », Marcel Neusch, Cerf 2005).

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

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