Le Serviteur verra une descendance (Is 52,13 – 55,13)
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Le Serviteur verra une descendance (Is 52,13 – 55,13)
Le Serviteur sera haut placé
La manière dont Dieu décrit le sort de » son serviteur » au v. 52,13 ( » il sera haut placé, élevé, exalté « ) ne peut pas manquer de surprendre le lecteur. En effet, les adjectifs » haut « , » élevé » et » exalté » (ram et nisa’) avaient été utilisés pour dénoncer l’orgueil des chefs qui se glorifient eux-mêmes (2,12-15) dans l’oubli du seul vrai Roi qui apparaissait au voyant dans le temple assis sur un trône » haut » et » élevé » (6,1).
La surprise du lecteur correspond d’ailleurs à celle des foules d’abord horrifiées (52,14) puis émerveillées (52,15). Or la méprise des foules au sujet du serviteur vient de ce qu’elles jugent l’homme à son apparence. Tout ceci rappelle en fait le récit de l’onction de David par le prophète Samuel. Ce dernier, voyant Éliav et sa » haute » taille, le prend pour le messie de YHWH, mais Dieu lui dit : » Ne considère pas son apparence ni sa haute taille… les hommes voient ce qui saute aux yeux mais YHWH voit le cœur » (2 Sm 16,7). Le parallèle entre l’élection de David et l’exaltation du serviteur s’enrichit encore d’un détail lexical. Le mot étrange qui sert à décrire l’apparence du serviteur ( » une corruption » d’homme : mishha) est très proche en hébreu de celui par lequel Samuel, dans son erreur, qualifie Éliav : » le messie – mashiah – de YHWH » (1 Sm 16,6). Le rédacteur a donc une nouvelle fois recours à l’ironie pour battre en brèche le credo messianique traditionnel : YHWH en la matière fait du neuf et les rois en restent bouche close !
Le fondateur d’une nouvelle dynastie
C’est alors que le groupe du » nous » entre en scène, confessant lui aussi sa méprise : » Il avait ni aspect, ni prestance tels que nous le remarquions, ni apparence telle que nous le recherchions » (53,2). Pourtant » racine sortant d’une terre aride « , le serviteur ne rappelle-t-il pas la » racine de Jessé qui sera érigée, en ce jour-là, en étendard des peuples » (11,10) ? En outre, comme le rejeton de Jessé, le Serviteur fait resplendir la justice.
Son sort évoque aussi celui d’Ézéchias lors de sa maladie : comme lui, il est » rejeté par sa génération « , » retranché de la terre des vivants » (53,8 cf. 38,11). Mais tandis qu’Ézéchias était surtout préoccupé de son sort et de celui de sa descendance, le serviteur porte celui du peuple. À cet égard, il est éclairant de lire le chant en regard de la diatribe qui ouvre le livre (1,1-9) : » maladie « , » blessure « , » péché « , » révolte « , tous les maux du peuple énumérés dans cette diatribe sont maintenant endossés par le serviteur. Pourtant il ne se trouve en lui ni cette » violence » si caractéristique des fils d’Adam (Gn 6,11-13), ni la » fraude » dont font preuve Jacob et ses fils (Gn 27,35 ; 34,13).
C’est pourquoi, contrairement à ce qui arrive à Ézéchias, figure royale imparfaite, le serviteur se voit assurer par Dieu non seulement » une prolongation de ses jours » mais aussi » une descendance « . Les fondements d’une nouvelle dynastie sont ainsi posés en remplacement de la dynastie davidique incapable de mettre en œuvre le plan de YHWH.
Sion et les fils-serviteurs
Sion est invitée à accueillir cette nouvelle dynastie dans la joie (54,1). Ézéchias se lamentait, comparant Jérusalem assiégée à une femme en travail : » Des fils se présentent à la sortie du sein maternel et il n’y a pas de force pour enfanter » (37,3). Le groupe du » nous » confessait : » Nous avons été dans les douleurs mais nous avons enfanté du vent » (26,18). Ici, » celle qui n’a pas enfanté… qui n’a pas été dans les douleurs » est invitée à accueillir » une descendance » si nombreuse qu’elle doit » élargir l’espace de sa tente et distendre les toiles de ses demeures « .
La paire » tente, demeure » évoque l’époque précédant la construction du premier temple à propos de laquelle YHWH déclarait par la bouche du prophète Nathan : » Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ?… jusqu’à ce jour, j’ai cheminé sous une tente et à l’abri d’une demeure » (2 Sm 7,6). La situation est ici la même que lorsque Nathan rendit visite à David : on parle certes de construire (54,12), mais ce qui compte c’est d’abord d’établir une maison de chair, une dynastie.
Comme au ch. 50, YHWH se présente comme l’époux de Sion : un temps il l’avait abandonnée, mais il veut maintenant renouveler son alliance avec elle. Il est le père de ses fils et, paradoxalement, ces » fils » sont aussi la descendance promise au Serviteur puisque pour la première fois dans le livre le mot » serviteurs » apparaît au pluriel pour les désigner (54,17). Enfin, ces fils sont des » disciples « , comme le Serviteur (50,4) et comme ceux en qui le prophète avait » enfermé l’attestation » et » scellé l’instruction » (8,16). Mais qu’en est-il du groupe du » nous » constitué autour du prophète au ch. 8 ?
Renouvellement de l’alliance
C’est précisément au groupe du » nous » – groupe qui inclut les disciples, les serviteurs et même, potentiellement, les lecteurs – que s’adresse l’invitation de YHWH : » O vous tous qui êtes assoiffés venez vers les eaux ! » Et voici que ces invités deviennent les destinataires inattendus d’un renouvellement radical des promesses faites à David ( » ta maison et ta royauté seront stables pour toujours » [2 Sm 7,16]) : » Je conclurai avec vous une alliance de toujours, selon les bienfaits stables accordés à David » (Is 55,3).
Ainsi une réponse commence à être donnée à la douloureuse question de la fidélité de YHWH à ses promesses, et le lecteur découvre combien » les pensées (de YHWH) sont hautes par rapport aux pensées (des hommes) » (55,8). Bien que la maison de David se soit révélée incapable de servir le plan de YHWH, celui-ci réussit néanmoins à être fidèle. En effet, rien n’empêche que la maison du Serviteur puisse inclure celle de David (c’est bien pourquoi Sion est invitée à élargir l’espace de sa tente). Il est jusqu’au lecteur qui est convié à en faire partie puisque l’exhortation faite ici à » rechercher YHWH » (55,6) redouble celle présente dans le diptyque d’ouverture de la seconde partie : » Cherchez dans le livre de YHWH et lisez ! » (34,16).
La fidélité de Dieu se lit à travers les » signes «
Se retournant, le lecteur peut effectivement retracer tout le développement de la question davidique à travers les occurrences du mot » signe » :
• Is-7,11.14 : Achaz refuse de demander un signe, il en est donné un à la maison de David : l’annonce de l’enfantement de l’Emmanuel.
• Is-37,30 : des signes sont donnés à Ézéchias indiquant la délivrance de la ville et sa guérison miraculeuse, mais lorsqu’il demande un signe pour monter à la maison de YHWH (38,22), il ne lui est fait aucune réponse si ce n’est la venue des Babyloniens.
• Is-55,13 : la descendance d’Israël procure à YHWH un » nom » et cela constitue » un signe perpétuel qui ne sera jamais retranché « .
Maintenant que la nouvelle dynastie est ainsi solidement établie, il peut à nouveau être question du temple (qui avait disparu du livre depuis le faux pas d’Ézéchias) selon l’ordre de priorités que Dieu avait déjà imposé à David (2 Sm 7).
Dominique Janthial, Cahier Évangile n° 142 (décembre 2007) pages 42-44
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