Dumitru Staniloae. « Ose comprendre que je t’aime »

http://www.esprit-et-vie.com/article.php3?id_article=2402

Dumitru Staniloae. « Ose comprendre que je t’aime »

P. David Roure

Préface d’A.-M. Allchin. – Paris, Éd. du Cerf, coll. « Patrimoines – Orthodoxie », 2008. -

Esprit & Vie n°207 – janvier 2009,

Le P. Staniloae est l’un des plus grands théologiens de l’orthodoxie roumaine du xxe siècle. Né en 1903 en Transylvanie, il consacra de longues années de sa vie à l’édition d’une Philocalie en roumain, dont les dix volumes parurent entre 1947 et 1982. Son œuvre maîtresse fut sa Théologie dogmatique orthodoxe, publiée en 1978, et non encore traduite dans notre langue dans laquelle on ne peut lire que quatre de ses ouvrages, d’ailleurs tous épuisés. À l’heure où l’on peut espérer que les Éditions du Cerf éditent bientôt les œuvres les plus importantes de ce théologien, le P. Costa de Beauregard, prêtre dans l’Église schismatique de l’ECOF (Église catholique orthodoxe de France) avant de l’être dans le Patriarcat de Roumanie (il est aujourd’hui recteur d’une paroisse dans les Yvelines), fait reparaître, un quart de siècle après une première édition (1983) et quinze ans après la mort du P. Staniloae (1993), les entretiens qu’il avait eus avec lui au cours de l’été 1981, au monastère de Cernica, près de Bucarest. Le lecteur francophone a ainsi un accès direct à la pensée de Dumitru Staniloae. Il regrette seulement un peu qu’un usage pour le moins étrange des guillemets ne lui permette pas de savoir toujours avec précision si c’est lui qui parle ou… le P. Costa de Beauregard ! D’autre part, il aurait également apprécié que la biographie fournie du théologien soit un peu plus développée. Ceci dit, c’est avec une grande joie qu’il pénètre peu à peu dans une pensée d’une si grande richesse spirituelle.
Costa de Beauregard insiste dès ses premières pages sur la spécificité roumaine : « Il y a quelque chose de mesuré et d’équilibré dans l’orthodoxie roumaine, que l’on ne trouve pas chez les Russes. Il y a quelque chose d’humain et de sensible que l’on ne trouve pas chez les Grecs. Et, pourtant, tous sont orthodoxes » (p. 13).
Le livre est divisé en quinze chapitres, reprenant chaque fois un thème important de la théologie orthodoxe, depuis « la vie » (chap. 1), « la communion des saints » (chap. 3) et « l’expérience trinitaire » (chap. 4), jusqu’à « la divine compassion » (chap. 14), où la compassion est présentée comme un « déchirement intérieur pour les hommes » (p. 199) et « la lutte pour la communion » (chap. 15), où nous lisons à l’avant-dernière page de l’ouvrage : « Nous sommes appelés à travailler avec Dieu à l’instauration de la communion entre les hommes. Dans chaque liturgie, nous anticipons le Royaume des cieux. Nous entrons dans une communion et une joie partagée : c’est l’avant-goût du Royaume. Mais cela ne suffit pas. Nous pouvons aussi prolonger cette communion dans le quotidien » (p. 215).
Si nous nous arrêtons au chapitre 11, intitulé « Théologie et union avec Dieu » (p. 153-168), nous constatons que, d’entrée de jeu, le P. Staniloae vise juste même s’il met la barre très haut : « La théologie ressort du désir de l’homme de connaître Dieu. Il ne peut être connu comme un objet. Il n’est pas un objet. Il est Le sujet par excellence. Une personne ne peut être connue comme un objet. Je la connais en m’unissant à elle ; elle me connaît en s’unissant à moi. Il n’y a connaissance que dans la mesure où il y a union. Dieu s’est uni à l’humanité pour qu’elle puisse Le connaître : c’est la base de la théologie » (p. 153). Il insiste sur le fait que « la fonction théologique de l’Église s’apparente au prophétisme » (p. 160). Et, plus loin : « Dans l’orthodoxie, on dit souvent que la liturgie est la seule chaire de théologie de l’Église » (p. 164). À la fin du chapitre : « L’être humain s’enrichit et devient plus complexe au cours de l’Histoire. La vie spirituelle est le lieu de nouvelles découvertes qui exigent une langue plus nuancée, plus poétique. La théologie a perdu son prestige quand elle a voulu devenir une science, quand elle s’est mise en compétition avec la sagesse du monde. Elle peut être lyrique mais unir la poésie à une grande précision de termes. Car il y a une extrême précision dans la terminologie ; elle est compatible avec la poésie » (p. 167). Bref, là comme sur toutes les autres thématiques abordées, la vision du P. Staniloae est originale et stimulante !

Laisser un commentaire