Archive pour le 30 décembre, 2011
Homélie du 1er janvier – Sainte Marie, Mère de Dieu
30 décembre, 2011http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
Homélie du 1er janvier – Journée de la Paix
Sainte Marie, Mère de Dieu
Nb 6, 22-27 ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2, 15-21
Thème : Bilan d’espérance
Un mercredi d’octobre, le jour même, où sur le plateau de France 2 était présenté le livre de Jean-Paul II : « Entrez dans l’espérance », on avait enregistré trois assassinats de plus en Algérie, discouru sur le procès des affaires, évoqué un horrible attentat à Tel Aviv, illustré par des images sanglantes nées de l’impuissance des uns et de la haine des autres (1). Plus proche encore, la récente prise d’otages et ses deux premières victimes, abattues la veille de Noël, fête de l’espérance. Puis, l’assassinat des quatre Pères Blancs, la veille du jour où l’Eglise fait mémoire du massacre des saints innocents. « Il y a du désespoir dans l’air », titrait un éditorialiste.
Faut-il nous rappeler que notre monde n’est pas un paradis terrestre ? Mais c’est dans ce monde que le Christ est venu nous rejoindre et non pas pour se replier « dans une grotte en attendant que passe l’orage ». D’ailleurs, la liturgie de ce jour ne jette pas un voile pudique sur les horreurs de ce monde. Elle n’entonne pas une litanie de gémissements sur nos faiblesses, nos échecs et autres épreuves humaines. Elle nous offre au contraire une pleine brassée d’espérance à semer dans nos cœurs. Car c’est là qu’elle doit prendre racine.
Espérance, car la paix est possible. Elle nous est promise. Elle nous est donnée. Mais c’est la paix de Dieu. Celle du Christ, Prince de la Paix, qui naît comme la semence de l’évangile dans « la profondeur des êtres » (Marcel Légaut). C’est d’ailleurs la paix qui engendre les fils et les filles de Dieu, disait saint Léon-le-Grand. C’est elle « qui favorise l’amour, qui enfante l’unité ». Mais il ne suffit pas d’accueillir le don de la paix, ni de le conserver dans un coffre ou un frigidaire. La paix est un défi, un champ à cultiver, une œuvre à bâtir, un trésor à partager. Inlassablement. Dieu construit son royaume dans le monde tel qu’il est, avec la faiblesse de l’homme. Un homme que Dieu appelle sans cesse à collaborer avec lui. C’est ainsi que l’on devient des hommes et des femmes d’espérance. Ou plus exactement, des témoins rayonnants et contagieux d’une espérance vécue, car « l’espérance n’est pas une élaboration intellectuelle ni une effusion sentimentale ». Elle est le fruit savoureux d’une rencontre intérieure avec Dieu, d’une expérience de son amour.
Dans nos journaux, sur les ondes ou sur nos petits écrans, il n’y a pas que des catastrophes, des échecs, des tueries et autres mauvaises nouvelles. Mais chacun de nous est appelé à convertir constamment son regard, à déboucher ses oreilles, à écarquiller les yeux. Pourquoi ? Afin de percevoir, même dans la boue, la souffrance et le sang, les petites pousses tendres et fragiles de l’espérance. Tout l’évangile est une invitation à discerner l’invisible et à écouter « les mots de l’âme ».
Même avec l’actualité, on peut dresser le bilan d’espérance d’une année écoulée, qui offre des raisons d’espérer pour l’année en devenir.
Si le monde continue à tourner malgré ses horreurs, écrit Paul Valadier, c’est que quelques « justes » y travaillent en silence. Attention dès lors de ne pas détourner nos yeux « de ce qui permet au monde d’avoir un cœur ».
Aujourd’hui, nous célébrons la Paix, évoquons donc quelques victoires de la paix. Avez-vous médité l’extraordinaire bonne nouvelle des accords de paix entre Israël et l’OLP. Leurs leaders étaient séparés par des montagnes de morts et des fleuves de sang. Donc, irréconciliables. Les voici Nobel de la Paix. Ce qui témoigne d’une immense capacité de réconciliation, une patience à toute épreuve, une persévérance souvent héroïque. Ce n’est certes qu’un début, car la paix des hommes est toujours fragile. Elle doit être soutenue et nourrie, protégée et encouragée à tous les niveaux, autrement que par des discours et des incantations.
Savez-vous que c’est une simple communauté de jeunes chrétiens qui a pris la folle initiative de réunir à Rome des représentants de toutes les sensibilités algériennes pour tenter de les sortir du cycle infernal de la violence? Initiative un peu folle peut-être, mais qui est bonne nouvelle.
En parcourant les informations quotidiennes, on découvre souvent des efforts admirables pour la paix. Avec les armes pacifiques de l’art, par exemple. Ainsi, des photographes israéliens et palestiniens, qui avaient crié en noir et blanc ou en couleurs les plaies et les douleurs de leurs peuples, ont voulu contribuer à les cicatriser. En réalisant une exposition commune. Pas loin de chez nous, « Roméo et Juliette » de Shakespeare, a été interprétée en hébreu et en arabe par une troupe d’acteurs où se mêlaient israéliens et palestiniens. En créant ensemble, ils se sont révélés des pionniers de la paix et ses meilleurs garants. C’est merveilleux.
Souvenez-vous de la signature des accords entre le Vatican et l’Etat d’Israël. Avons-nous sauté de joie et chanté le Magnificat pour saluer cette bonne nouvelle. C’est le fruit mûr d’une graine semée à Vatican II, puis cultivée durant une trentaine d’années par de patients dialogues et l’éclosion d’amitiés respectueuses et cordiales.
Des lueurs d’espérance ont même brillé dans l’épouvante rwandaise ou l’obscénité absolue en Bosnie, grâce à l’œuvre des commandos pacifiques de l’espoir que sont médecins, infirmiers et infirmières et bien d’autres… Autant de « justes » qui se sont dévoués à l’extrême au risque de leur vie. On ne peut donc pas « désespérer des forces secrètes qui poussent aussi notre humanité au bien ».
Le Rwanda, dit-on, était un vrai paradis. Les enfants y sont baptisés « Espérance », « Patience » ou « Pacifique ». L’Eden a été transformé en enfer. Mais on y a vu aussi des hommes et des femmes embrasser les assassins de leurs conjoints et de leurs enfants en signe de pardon. Ces témoins d’une foi héroïque nous apprennent que c’est au cœur même du mal qu’il faut parfois écrire son avenir. C’est d’ailleurs au cœur de l’impitoyable enfer de la croix qu’est née la plus grande espérance. A savoir que Dieu nous aime et que la vie est plus forte que la mort.
Bien des hommes et des femmes de foi ont choisi de rester dans des pays en proie à la terreur généralisée, pour rester fidèle au peuple dans lequel ils voulaient incarner l’Evangile « sans autre équipement qu’un amour désarmé » et toujours prêt à mourir en pardonnant. Un amour désarmant. (F. Mounier). Comme celui du Christ.
Abordons le front du sida. Il n’y a pas que la souffrance et la mort. Les médias nous ont livré des témoignages de jeunes, de parents, de médecins, d’imams ou de prêtres. Ils nous ont dit ce que des sidéens leur ont apporté : des leçons de courage, des leçons de vie et de générosité, de foi et de prière, de conversion et d’évangile. La terrible épreuve du sida, disait l’un d’eux, « fait partie de la lumière que Dieu m’a envoyée ». Il est vrai, comme l’a écrit Claudel, que « Dieu écrit droit avec des lignes courbes ».
« J’ai trouvé une lumière dans toutes les religions, même dans l’animisme », expliquait récemment Sœur Emmanuelle. Il y a aussi beaucoup de ténèbres. On continue à tuer au nom de Dieu. Mais, cette année, tous les dialogues interreligieux ont affirmé avec force qu’une religion authentique est toujours universelle et tolérante. Aucune d’entre elles en se référant à ses textes fondateurs ne peut justifier une « guerre sainte ». C’est une raison d’espérer.
L’année écoulée peut apparaître comme celle de toutes les corruptions, spectaculaires ou discrètement quotidiennes, elle fut aussi l’année d’un combat pour la justice, avec les armes de l’esprit. Je songe à Maria Nowak, entrée en résistance contre le défaitisme social et devenue la « banquière de l’espoir » pour les exclus du crédit. Elle ne prête qu’aux pauvres.
Partout, l’évangile est annoncé et se vit au cœur des drames et des conflits de ce monde. Et ils sont nombreux ceux et celles qui trouvent la force de prier au cœur même de la violence. Sans cesser d’espérer. Demain est celui de tous les possibles, tant qu’il y a des justes pour relever la tête et bâtir un royaume de justice et de paix.
Les signes d’espérance surgissent même là où l’on ne croit trouver que misère et désespoir. La veille de Noël, à l’heure où les familles se recomposent pour le repas, j’ai rencontré Marie, incognito, emmitouflée de couvertures, assise à même le sol dans un couloir glacé de la Gare Centrale. Je lui ai tendu un petit billet monnayable, à l’effigie de Hendrik Beyaert. Elle m’a offert en retour un cadre minuscule en forme de cœur sur fond d’un trèfle à quatre feuilles. A cet instant, je crois qu’une étoile s’est allumée dans le ciel. Et dans la crèche de l’église toute proche, l’enfant-Dieu a souri. C’était la première homélie de Noël, avec la petite voix et les pauvres images de ceux et celles qui n’ont plus de voix et qui sont cependant capables de « donner un cœur au monde ».
Ce bouquet de « signes », glanés comme des fleurs sur le champ de l’histoire, permettez-moi de vous l’offrir. Non comme une récompense, mais comme un tremplin pour que nous puissions entrer dans l’espérance.
P.Fabien Deleclos, franciscain (T)1925 – 2008
ACTUALITÉ DE LA MÈRE DE DIEU – MÈRE DES VIVANTS
30 décembre, 2011http://www.pagesorthodoxes.net/mere-de-dieu/md-homelies.htm
ACTUALITÉ DE LA MÈRE DE DIEU
par le père Michel Quenot
Mère des vivants
Adam nomme sa compagne » Ève « , ce qui signifie » vie « , » parce qu’elle fut la mère de tous les vivants » (Ex 3, 20). Promue mère des croyants à la suite d’Abraham qui en assure la paternité, la Vierge Marie a aussi cru en l’accomplissement de la promesse du Seigneur (Lc 1, 45), devenant ainsi la bienheureuse Mère des vrais vivants. Son importance dans l’histoire du salut et dans la vie de chaque homme puise ici sa source. À l’instar de la première Ève, dont la chute concerne l’humanité entière, son » oui » à l’accueil en elle du Sauveur a uni le divin à l’humain.
D’Ève la mère des vivants,
Mère de Dieu, tu fus le relèvement,
car tu as mis au monde l’Auteur de la vie.
En la Pâque hivernale de la Nativité, elle nous a donné la » Pâque » qu’est le Christ. Imaginons un instant sa douleur quand elle assiste, impuissante au pied de la Croix, à la déchéance de son Fils moribond ? Première créature humaine dans l’ordre de la sainteté, elle nous représente malgré notre lâcheté. Avant de mourir, Jésus ne confie pas sa Mère à la parenté, mais à l’apôtre Jean, surnommé le théologien pour avoir accordé un accent particulier à la parole du Maître dans son évangile, avant de devenir lui-même parole. Cette maternité trouve son plein épanouissement au Calvaire qui la fait accéder à une maternité universelle envers le peuple de Dieu.
Dans son amour profond pour la Mère des vivants, saint Silouane l’Athonite écrit : » Lorsque l’âme est toute pénétrée par l’amour de Dieu, oh ! comme tout est bon alors, comme tout est rempli de douceur et de joie ! Mais, même alors, on n’échappe pas aux afflictions, et plus grand est l’amour, plus grandes sont les afflictions. La Mère de Dieu n’a jamais péché, même par une seule pensée, et elle n’a jamais perdu la grâce, mais, elle aussi, eut à endurer de grandes afflictions. Quand elle se tenait au pied de la Croix, sa peine était vaste comme l’océan. Les douleurs de son âme étaient incomparablement plus grandes que celles d’Adam lorsqu’il fut chassé du Paradis, parce que son amour était, lui aussi, incomparablement plus grand que celui d’Adam. Et si elle resta en vie, c’est uniquement parce que la force du Seigneur la soutenait, car le Seigneur voulait qu’elle voie sa Résurrection, et qu’après son Ascension elle reste sur terre pour consoler et réjouir les Apôtres et le nouveau peuple chrétien. «
Un voile de silence entoure la fin terrestre de la Mère de Jésus. Ni le Nouveau Testament, ni les Pères de l’Église ne la mentionnent. Entre le Ve et la première moitié du VIe siècle, de nombreux textes syriaques, puis coptes, ont fleuri sur ses derniers instants. Le récit imagé et semi-légendaire de sa Dormition précède celui de son enlèvement au ciel. En gros, certains textes insistent sur son élévation au ciel, sans mort et sans ensevelissement préalables, d’autres, sur une élévation consécutive à son endormissement, laissant le corps incorruptible. La vérité nous amène à dire que le corps de la Vierge Marie n’a laissé aucune trace ici-bas.
En préférant le terme de Dormition à celui d’Assomption, l’Église orthodoxe suit la Tradition de l’Église indivise des sept grands Conciles œcuméniques dans sa croyance que la Vierge Marie est passée par la mort, comme son divin Fils, avant d’être élevée au ciel. Héritière du péché originel, elle devait mourir mais son union totale à son Fils, le Dieu-homme, l’a fait échapper à la corruptibilité et triompher de la mort en participant tout de suite à sa Résurrection, entraînant à travers sa personne une partie de la création dans sa propre transfiguration.
Célébrée dès le concile d’Éphèse, et bien fixée vers la fin du VIIe siècle, la fête de sa Dormition jouit d’une faveur particulière. Elle est en outre précédée d’un jeûne de quinze jours. Rappel puissant de notre destinée, la scène de la Dormition figure souvent, en alternance avec le Jugement dernier, sur le mur surplombant la porte de sortie des églises. Sa main pointée vers le ciel fait écho aux paroles de l’Ange dans l’icône de l’Ascension : » Celui qui vous a été enlevé, ce même Jésus, viendra comme cela, de la même manière dont vous l’avez vu s’en aller vers le ciel » (Ac 1, 11).
Dans l’icône, les apôtres font cercle autour de sa couche mortuaire. Leur disposition correspond à celle de fils autour d’une mère, qui, privilège unique, est en outre Mère de la Vie. Quand le Christ l’enlève vers le ciel, » les anges et les apôtres en chœur regardent comment passe de la vie à la vie celle qui enfanta le Prince de la vie « . » Les anges dans le ciel étaient frappés d’étonnement, voyant que dans Sion leur propre Seigneur tenait une âme dans ses mains ; car à la Femme qui très purement l’avait mis au monde il s’adressa filialement et déclara : Viens partager la gloire de ton Fils ton Dieu « .
Mère des vivants, elle est aussi Mère des morts en attente de la résurrection finale. Première à passer de la vie à la Vie, elle nous précède, nous soutient et nous guide. Mère du Dieu-homme, elle est à la fois Mère de Dieu et Mère des hommes, leur soutien et leur protectrice. Modèle durant notre vie, elle pointe par sa mort vers le sens de notre mort. L’icône de sa Dormition esquisse l’image de la mort de chaque disciple fidèle que le Christ accueillera dans son Royaume. Ayant mené le bon combat en renonçant volontairement aux passions, elle repose sur sa couche mortuaire entourée du monde terrestre et céleste.
Dans sa bienveillance maternelle, elle nous éveille à la vie en Christ qu’elle contribue à former en nous. Après avoir permis la naissance charnelle de Dieu sur terre, elle continue ainsi de l’enfanter dans le cœur humain qui accède par elle au Fils, dans la grâce de l’Esprit Saint. À l’encontre d’une mère possessive, elle veille aux besoins profonds de chaque personne.
En décalage avec l’enseignement catholique, les fidèles orthodoxes ne la considèrent pas comme la Mère de l’Église, mais comme leur Mère au sein de l’Église. L’Orante, figurant souvent dans l’abside des églises, suffit à le rappeler.
Ô Vierge qui as enfanté l’inaccessible clarté,
de ton éclat resplendissant
illumine les ténèbres de mon cœur
et donne-moi la main
pour conduire ma vie sur les chemins du salut.
La femme accomplie
Au sein de notre société où l’affrontement des sexes prend des tournures subtiles, la femme occupe une position en point de mire à travers une sérieuse remise en question de son rôle et de sa place par rapport au passé. Toute recherche de fusion relève de l’illusion et nivelle les charismes propres à chacun.
Dans une vision du monde rivée à la terre, l’homme tend à tout organiser selon des schémas logiques, sans référence à la personne. La vie cède alors la place aux lois, et l’homme – surtout dans sa dimension masculine, dimension parfois désavantageusement convoitée par la femme – risque à tout moment de succomber à la tentation du pouvoir, de la force et de la violence. Ontologiquement distincts, l’homme et la femme fondent leur union dans l’amour, et non dans l’égalité, comme on tend à nous le faire croire. La femme enfante et entretient par sa nature une relation privilégiée avec la vie. Sa vraie vocation ne se situe pas dans l’imitation de l’homme souvent en lutte pour le pouvoir à tous les niveaux de la société, y compris dans l’Église, mais dans le dépassement de la vision figée mâle qui consiste à réduire la vie à des schémas stériles. Il lui incombe la tâche de souligner l’unicité et la plénitude de la vie, de montrer que l’authenticité de la vie réside dans l’amour et non dans le sexe.
Pour Jean Vanier, qui jouit d’une grande expérience humaine glanée à travers les continents et dans ses communautés de l’Arche :
…le danger de l’homme est de fuir la vulnérabilité de son propre cœur et ses puissances de tendresse. Parfois, il réclame une femme-mère, puis très vite, comme un petit garçon, il la refuse, voulant sa propre liberté. Il se jette alors dans le monde de l’efficacité et de l’organisation, niant la tendresse et la véritable réciprocité. Mais par le fait même, il se mutile et se sépare de ce qui en lui est essentiel. Tantôt il idéalise la femme – elle est la vierge toute pure – tantôt il la plonge dans la déchéance – elle est la grande séductrice, l’instrument du diable, la prostituée, ou encore il se sert d’elle comme d’une servante. Dans tous les cas, il ne fait rien d’autre que rejeter sa propre sexualité, qu’il considère comme mauvaise, ou la nie. De toute façon, il refuse toute relation vraie avec la femme comme personne et ne la voit plus que comme symbole de péché ou de pureté, ou comme un être inférieur.
Toute la croissance de l’homme est dans la maturation de ses rapports avec la femme. Tant qu’il demeure au stade des rapports mère–enfant, ou au stade de la femme séduction–répulsion, il ne peut vraiment grandir, même spirituellement.
[…] De la même façon, la femme, elle aussi, doit trouver son équilibre. Elle ne doit pas, par refus de sa féminité, chercher le même pouvoir que l’homme ni loucher jalousement sur ses capacités d’organisation, mais elle doit découvrir les richesses de sa propre féminité, le pouvoir qui peut être caché dans sa faiblesse même, la lumière et la sagesse propres de son intelligence, et les capacités de guérison et de compassion qui sont en elle. Lorsqu’elle est dépourvue de tout pouvoir, il arrive qu’elle ait une intuition d’autant plus limpide et plus vraie, moins mêlée aux passions d’orgueil et de puissance qui colorent souvent l’intelligence de l’homme.
Si tout n’est pas aussi tranché dans la réalité, quant aux qualités réciproques, il reste néanmoins vrai que l’homme ( » Yang « , selon la sagesse chinoise) tend à être davantage orienté vers l’action et l’extériorité que la femme ( » Yin « ), plus intériorisée et plus relationnelle de par sa capacité de maternité.
Face à la tentation prométhéenne de la femme moderne qui consiste à brader sa féminité au profit d’une masculinité en qui elle croit trouver sa force et sa grandeur, la Vierge Marie offre l’exemple d’un être ayant harmonieusement intégré le masculin et le féminin vers un dépassement du genre. Elle oppose à l’orgueil une humilité remplie de vigueur spirituelle, au paraître l’être, au masque le visage, à l’impudeur la pure beauté, à la quête frénétique du changement le repos dans l’Esprit, à la haine l’amour de ce Dieu d’amour qu’elle a enfanté. Sa violence pacifique est celle des Béatitudes, sa gloire le Christ. Femme accomplie et personnification de la femme dans un monde dominé par l’homme, elle arbore la virilité du Royaume.
L’histoire humaine montre que le plus grand péché conduit souvent à la prostitution chez la femme et à l’hérésie chez l’homme. La pureté revêt ainsi une dimension d’autant plus grande chez la femme. La Toute-pure est en effet la Toute-sainte, celle qui n’a pas connu le péché.
Pour l’homme, la confession de la foi juste prend une dimension particulière. Il risque en effet à tout moment de donner la priorité aux choses secondaires. On sait, par exemple, que les femmes ont joué un rôle de premier plan dans la sauvegarde de la foi en Russie durant la période communiste. Cette approche dualiste, entre d’un côté le péché de la chair et de l’autre le péché de l’esprit, nous amène aussi à dire que la prostitution n’est pas l’apanage de la femme, loin s’en faut. Elle nous rend simplement attentifs à deux péchés qui ont trait à la séduction de la chair et à celle de l’esprit.
La » femme forte, qui la trouvera ? » (Pr 31, 10), s’exclame Salomon dans les Proverbes. N’est-il pas surprenant que la femme la plus forte, la » pleine de grâces « , selon les propres termes de l’archange Gabriel, soit en même temps la plus humble, la servante du Seigneur ? Gloire des humains, première de cordée et première créature déifiée, fierté et modèle des femmes, la Mère de Dieu a parfaitement réalisé en elle l’union du masculin et du féminin, de la terre et du ciel, du divin et de l’humain. Ayant atteint la perfection de l’humain à l’image du Dieu-homme, elle transcende le dualisme homme – femme, propre à la condition corrompue. […]
Résumant en sa personne les qualités de la femme par excellence que sont l’intériorité, la douceur et l’amour miséricordieux d’une mère, la Vierge Marie démontre en sa personne comment la féminité trouve son accomplissement plénier dans la sainteté. Si la première créature humaine est une femme, son œuvre majeure fut d’accueillir l’Esprit, but de la vie chrétienne selon Séraphim de Sarov. Qui ajoute : cette acquisition contribuera au salut de beaucoup d’hommes ainsi côtoyés. Il n’est donc nullement demandé de parcourir les océans et de soulever les montagnes.
L’humilité, à l’exemple de la Vierge Marie, constitue le meilleur antidote à la tentation de pouvoir qui empoisonne les relations humaines et crée de nombreuses distorsions dans la solution des problèmes au sein de l’Église et de la société civile. Où trouver un meilleur modèle pour la femme d’aujourd’hui en quête de sa place dans la société et dans l’Église ?
Ayant adhéré à l’Incarnation de tout son cœur, de tout son esprit et de toutes ses forces, elle est le modèle pour la femme qui enfante, invitation à transmettre la vie de l’esprit avec la vie biologique. Bien plus, elle incarne l’humanité restaurée en Christ.
Modèle de foi, elle a cru en cet Enfant apparemment pareil aux autres, et cela malgré l’incrédulité ambiante et les rejets répétés. Dans la lignée d’Abraham qui a cru : » Bienheureuse, toi qui a cru » (Lc 1, 45), son épreuve de la foi a dépassé celle de ce dernier, stoppé par un ange au moment fatidique. Elle est allée jusqu’au sacrifice suprême de la Croix et de l’ensevelissement de son Fils.
À la déception des apôtres manifestée dans un premier temps, puis signifiée lors de la rencontre d’Emmaüs : » Nous espérions, nous, que c’était lui qui allait délivrer Israël, mais avec tout cela, voilà le troisième jour depuis que ces choses sont arrivées ! » (Lc 24, 21), elle a opposé une constance inouïe, celle de la Mère d’un Fils qu’elle a reconnu imperturbablement comme son Seigneur et son Dieu.
Plus que toute créature, elle a gardé en son cœur la Parole de Dieu et l’a mise en pratique jusqu’à devenir elle-même parole. Elle a fait sienne la parole de son Fils à l’apôtre Paul : » Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse » (2 Co 12, 9). L’homme accède en effet à la sainteté quand il se déleste de ce qui fait sa force aux yeux du monde.
Son profil spirituel, fait d’humble disponibilité, apparaît le mieux dans sa déclaration : » Je suis la servante du Seigneur « . Elle se tait et s’efface : silence et humilité. L’évangéliste Luc ajoute qu’ » elle conservait toutes ces choses avec soin, les méditant en son cœur » (Lc 2, 19). […]
Par son don du Dieu-Homme au monde, elle constitue le prototype de l’Église dont la mission consiste à transmettre le Christ aux hommes. Elle est aussi le prototype de chaque chrétien appelé, selon Ignace d’Antioche, à devenir » porteur de Dieu « .
Durant l’office des matines, le prêtre quitte l’autel, peu avant la neuvième ode, et sort avec l’encensoir en main pour se placer devant l’icône de la Theotokos, à gauche des Portes Royales. Il invite alors l’assemblée : » Magnifions par des hymnes la Mère de Dieu, Mère de la Lumière « , puis encense l’église et les fidèles pendant le chant du Magnificat. L’Église rappelle ainsi à chacun que cette Lumière nous est parvenue à travers une femme et que nous avons tous, comme elle, par l’accueil de l’Esprit Saint, à devenir des porteurs de Lumière et à rendre le Sauveur présent au milieu des hommes pour qu’il les délivre de la mort du péché.
» Bénie entre toutes les femmes « , elle l’est assurément en tant que Mère de Dieu, mais particulièrement aussi par la tension de tout son être – corps, âme, esprit – vers Dieu. Le Christ dit en effet clairement que sa mère et ses frères sont ceux qui font la volonté de son Père. À l’image du Christ s’offrant au Père, chaque disciple a pour vocation de s’offrir et d’offrir avec lui le monde en retour : » Ce qui est à toi, le tenant de toi, nous te l’offrons en tout et pour tout « . Ce sacerdoce royal, auquel nous sommes conviés, a trouvé sa plus belle expression en celle qui est devenue à la fois Christophore (porteur du Christ) et Pneumatophore (porteur de l’Esprit). Au chapitre douze du livre de l’Apocalypse, la femme couronnée d’étoiles symbolise l’Église et la Vierge Marie qui en manifeste l’accomplissement par sa christification totale. […]
Dans un monde aux esprits et aux cœurs pollués, elle donne un exemple de pureté. Ébloui par sa beauté, saint Grégoire Palamas écrit : » Voulant créer une image de la beauté absolue et manifester clairement aux anges et aux hommes la puissance de son art, Dieu a fait véritablement Marie toute belle. Il a réuni en elle les beautés partielles qu’il a distribuées aux autres créatures et l’a constituée le commun ornement de tous les êtres visibles et invisibles ; ou plutôt, il a fait d’elle comme un mélange de toutes les perfections divines, angéliques et humaines, une beauté sublime embellissant les deux mondes, s’élevant de terre jusqu’au ciel et dépassant même ce dernier « .
Sa présence au milieu des apôtres nous interpelle. Proche de l’évangéliste Luc, qui en fournit le portrait spirituel le plus imagé, elle est aux côtés de l’évangéliste Jean au pied de la Croix. Après l’Ascension, elle participe à la prière des apôtres dans la Chambre haute (Ac 1, 14) et reçoit l’Esprit le jour de la Pentecôte. […]
De l’amour de Dieu à l’amour des hommes
À maintes reprises, le Christ rappelle à ses disciples cette réalité : » Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22, 27) ; » Le serviteur n’est pas plus grand que son maître » (Jn 15, 20) ; » Si quelqu’un me sert, qu’il me suive » (Jn 12, 26) et » mon Père l’honorera » (Jn 12, 26) ; » Le plus grand parmi vous sera votre serviteur » (Mt 23, 11) ; » Il sera le dernier de tous et le serviteur de tous » (Mc 9, 35). Et l’apôtre Paul, qui se présente comme » serviteur de Dieu, apôtre de Jésus-Christ » (Tt 1,1), lance aux Romains, plongés dans un milieu païen : » Qu’on nous regarde donc comme les serviteurs du Christ » (Rm 4, 1).
Servante du Seigneur accordée à sa parole, la Vierge Marie s’est vidée d’elle-même pour accueillir l’autre, le Tout-Autre. Avant l’heure, elle a actualisé la parole de son Fils : » Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13). Et donner sa vie implique de donner en premier tout ce que l’on aime ; c’est accepter de mourir inlassablement à son moi. Servante du Seigneur, elle est aussi la Mère du Serviteur suprême qui » n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mt 20, 28).
Jésus semble rudoyer sa mère en disant : » qui est ma mère et qui sont mes frères ? » (Mt 12, 48), lorsque celle-ci et ses cousins cherchent à lui parler. Mais il ajoute aussitôt : » Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique » (Lc 8, 21). Si cette réponse abrupte contribue à éloigner les cousins, sans doute enclins à profiter de la situation, la Vierge Marie mérite doublement son titre de Mère, puisqu’elle se met au diapason de la volonté divine. Et face à la femme qui lui crie un jour du milieu de la foule : » Heureuses les entrailles qui t’ont porté et les seins que tu as sucés « , Jésus rétorque : » Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent ! » (Lc 11, 27-28).
Loin de minimiser l’importance de sa Mère qu’il nous donne comme modèle humain, ces paroles lui conviennent parfaitement. Qui mieux qu’elle en effet a gardé en son cœur la parole de Dieu ? Jésus sait que sa mère, devenue parole, le comprend. Mais elle souffre incontestablement de porter seule le mystère de son union au Verbe.
Dans l’esprit du disciple bien-aimé de Jésus, » il n’y a pas de crainte dans l’amour ; au contraire, le parfait amour bannit la crainte… » (1 Jn 4, 18). Et Jean Vanier de préciser : » Sartre a tort : l’autre n’est pas l’enfer ; il est le ciel. Il ne devient l’enfer que si déjà j’y suis, c’est-à-dire si je suis enfermé dans mes ténèbres et mes égoïsmes. Pour qu’il devienne ciel, il me faut faire lentement ce passage de l’égoïsme à l’amour. Mes yeux et mon cœur doivent changer « . Et Alexandre Schmemann ajoute : » Le contraire de l’amour n’est pas la haine mais la peur. C’est profond et vrai à la fois. La peur est avant tout l’absence d’amour ou plutôt ce qui se développe comme des mauvaises herbes là où il n’y a pas d’amour, provoquant peur et angoisse que les diverses thérapies s’efforcent de résorber mais qui vont de pair avec ce monde, en constituent les excroissances. La chute du monde se manifeste dans cette aliénation de Dieu qui est amour, de là les ténèbres et les ombres de la mort. «
Lors de la Présentation de Jésus au Temple, le vieillard Syméon prophétise à Marie : » Vois ! cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en but à la contradiction, et toi-même, une épée te transpercera l’âme ! » (Lc 2, 35-36). La voilà très tôt informée de ce qui attend son Fils et du fait qu’elle aura part à sa souffrance. Elle a en effet partagé la compassion de son divin Fils qui s’est livré lui-même à la mort pour les hommes et un glaive a transpercé son cœur.
Jusqu’à la fin des temps, elle communie quotidiennement à la tragédie humaine assumée par son Fils sur la Croix, réalisant pleinement la parole : » Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix chaque jour, et qu’il me suive » (Lc 9, 23). Tout » oui, oui « , selon l’injonction de l’apôtre Jacques (Jc 5, 12), elle n’a pas connu le péché et rien en elle ne s’est opposé à l’amour.
Silouane l’Athonite est clair : » Nous ne parvenons pas à la plénitude de l’amour de la Mère de Dieu, et c’est pourquoi nous ne pouvons pas non plus pleinement comprendre sa douleur. Son amour était parfait. Elle aimait immensément son Dieu et son Fils, mais elle aimait aussi d’un grand amour les hommes. Et que n’a-t-elle pas enduré lorsque ces hommes, qu’elle aimait tant et pour lesquels jusqu’à la fin elle voulait le salut, crucifièrent son Fils bien-aimé ? » Il ajoute plus loin que même si les détails de sa vie nous échappent, nous savons pourtant que » son amour embrasse le monde entier, que, dans l’Esprit Saint, elle voit tous les peuples de la terre et que, tout comme son Fils, elle a de la compassion pour tous les hommes « .
Sa maternité divino-humaine l’a fait entrer dans une relation privilégiée avec la Sainte Trinité. Modèle pour tout chrétien, elle l’est par excellence pour ceux qui exercent une activité dans l’Église et dont la tâche primordiale revient à l’intercession.
Pour saint Siméon le Nouveau Théologien, chacun de nous est invité, comme la Mère de Dieu, à mettre mystiquement le Christ au monde, à devenir Theotokos, c’est-à-dire porteur de Dieu. Accueillir le Christ en nous, le laisser s’incarner dans notre être, corps – âme – esprit, c’est manifester aujourd’hui son incarnation dans le monde.
Extrait du livre du père Michel Quenot,
La Mère de Dieu, Joyau terrestre, Icône de l’humanité
31 décembre – Saint Sylvestre, pape
30 décembre, 2011http://missel.free.fr/Sanctoral/12/31.php
31 décembre – Saint Sylvestre, pape
Biographie
Sylvestre, fils du prêtre Rufin, était un romain, mais ses origines sont obscurcies par toutes sortes de légendes. Sa mère, Justa, confia son éducation au prêtre Cyrinus. Il n’est pas douteux qu’il s’est bien conduit pendant la persécution de Dioclétien (284-305), ce qui lui a valu le titre de « très glorieux. » Il pratiqua l’hospitalité avec le plus grand courage en hébergeant un chrétien d’Antioche, Timothée, qui après avoir fait beaucoup de conversions fut décapité sur l’ordre du préfet de la ville, Tarquinius ; Sylvestre emporta le corps du martyre et, avec le pape Miltiade, il l’ensevelit près du tombeau de saint Paul, dans le jardin d’une pieuse dame, Théona. Tarquinius fit alors arrêter Sylvestre, le somma de livrer les biens de Timothée et d’apostasier. Sylvestre refusa et fut envoyé en prison d’où il fut libéré après que Tarquinius se fut étranglé avec une arête de poisson. Le pape Miltiade l’ordonna prêtre.
Elu à la succession de Miltiade, Sylvestre fut pape pendant près de vingt-deux ans (du 31 janvier 314 au 31 décembre 335) sous le règne de Constantin le Grand (306-337), gouvernant l’Eglise à l’époque où elle passait de la persécution au pouvoir ; cependant, il semble n’avoir joué qu’un rôle insignifiant dans les grands événernents en cours. Il eut la satisfaction de voir l’Eglise de Rome enrichie et embellie par les largesses impériales auxquelles on doit de grands édifices comme la Basilique Constantinienne (plus tard Saint-Jean-du-Latran) avec son baptistère, et les basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul.
Le pape Sylvestre organisa parfaitement le service des pauvres. Un évêque de Pamphilie, Luphronius ou Euphrosynus, vint à Rome ; ses discours et ses gestes donnèrent à Sylvestre l’occasion de divers règlements : il prescrivit aux prêtres et aux diacres de porter le colobium, tunique flottante et sans manches ; il ordonna de remplacer le nom des dieux que portaient les jours par les numéros des féries, il fit des dimanches et des jeudis des jours de fête, des mercredis, vendredis et samedis des jours de jeûne. Aux Grecs qui s’étonnaient de cette ordonnance, il rétorqua que le jeudi était le jour de l’Ascension et de l’institution de l’Eucharistie et que, puisque chaque dimanche commémorait la Résurrection, chaque samedi devait rappeler le séjour du Christ au tombeau.
Saint Sylvestre mourut à un âge avancé et fut enterré dans le cimetière de Sainte-Priscille sur la Via Salaria (31 décembre 335).