Archive pour novembre, 2011

« L’espérance est un acte de foi. » (Marcel Proust)

16 novembre, 2011

du site:

http://geraldchaput.homily-service.net/retraites.html

1ière CAUSERIE : L’ESPÉRANCE, C’EST QUELQU’UN
 
« L’espérance est un acte de foi. » (Marcel Proust)

Foi : vingt-quatre heures de doute…mais une minute d’espérance. » (Georges Bernanos)

Introduction :

Il y a très longtemps, au début du 2e siècle, un Père du désert écrivait dans ce que l’on appelle des écrits apophtegmes : « le moine ­ -mais c’est également vrai pour tout chrétien – doit être comme les chérubins : « tout œil ». Le poète Blaise Pascal écrivait dans ses Pensées : « j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, ne pas savoir voir ». Nous sommes faits pour voir. Mais que voyons-nous?  Saint Jean nous offre une vérité de la palisse quand il dit que « les ténèbres nous aveuglent (1Jn2, 11).»  À vivre avec comme seule vision ce que nous offre nos mass médias, nos yeux risquent d’être comme « des ossements desséchés (Is 6,45)».
Nous voyons plus souvent qu’autrement un monde en « agonie ». Beaucoup de « nuages (Lc12, 54-59)». Mais « les nuages », comme l’écrit le chansonnier québécois Luc Plamondon «  n’empêchent pas le soleil de briller ».Il serait facile de faire la liste de situations catastrophiques que nous observons dans notre monde, notre Église aussi. À lire les journaux, à écouter la radio ou les nouvelles, tout ce que nous voyons et entendons nous déprime.
Le siècle dernier – pour nous en tenir qu’à lui -, a été un siècle noir, un « siècle de martyrs (Jean-Paul 11)»  fait de guerres, de dictatures, de massacres : l’Arménie, l’Argentine, Chili, le Cambodge, les Balkans, la Tchétchénie, le Rwanda.  Comme pour confirmer cela, plus de 485 martyrs de la guerre civile d’Espagne (1935-1940) furent béatifiés en octobre dernier. Pour inaugurer le XX1ième siècle, il y eut  le 11 septembre 2001, puis l’Afghanistan, Proche-Orient, Soudan, Irak.  Nous n’en finissons plus d’entendre et de voir se défiler détresses et tueries. Chez nous, des personnes voient surgir dans leur vie familiale, leur environnement, des situations de violence inimaginable, d’enlèvement d’enfant. Nous n’en finissons plus d’entendre que ça n’a plus de bon sens, que ça dépasse les bornes.
Déjà en 1993, Tony Anatrella, psychanalyste et prêtre jésuite, affirmait que nous vivons dans une «société dépressive»,marquée par des phénomènes de ruptures, de divorces, de guerres entre les religions. Vivre ensemble semble être impossible à l’heure du chacun-pour-soi.  Beaucoup de « nuages » (Lc12, 54-59) obscurcissent nos regards.
Devant les horreurs du monde, – Auschwitz,  11 septembre 2001 – Dieu est mis en accusation.  « Que fait Dieu quand la haine déchaîne la barbarie » (P. Bernard Rey, op).  Son silence confirme sa non-existence. Le cri des survivants d’Auschwitz retentit toujours : où étais-tu Dieu ? 
Avec vous, ces situations m’inquiètent. Comme vous, je suis démuni. J’éprouve un sentiment d’impuissance. Il ne suffit pas de regarder ces lieux de la souffrance humaine, et de nous contenter d’être les touristes de la crucifixion du monde. Pour vous, je suis « tout œil » et non désespéré. Celui qui est « tout œil » voit aussi que ces lieux de calvaire font découvrir un nouveau monde d’espérance. Être chrétien, je le redis avec émotion, c’est « être tout œil  ». Nos yeux sont les fenêtres de notre foi. Ils trahissent notre capacité à regarder le monde à la manière de Dieu. « Nos yeux sont les fenêtres de l’âme »(George Rodenbach, écrivain belge).
« Si l’on regarde superficiellement notre monde, on est frappé par bien des faits négatifs qui peuvent porter au pessimisme.  Dieu est en train de préparer pour le christianisme un grand printemps que l’on voit déjà poindre  (Redemptoris missio #86)». Le défi actuel des croyants, des pratiquants est de nous donner un regard qui sauve de la déprime. « Face à un panorama changeant et complexe, la vertu de l’espérance est mise à dure épreuve dans la communauté des croyants » déclarait Benoît XV1 aux évêques mexicains en visite ad limina.
Nous connaissons la formule très citée de Charles Péguy : « La foi que j’aime, dit Dieu, c’est l’espérance…. Cette petite fille de rien du tout, qui fait marcher le monde ».Comme chrétiens, nous ne sommes pas immunisés contre le découragement. Mais en ces temps de perturbations, de «nuages» dans notre Église, nos familles, nous avons besoin d’être « tout œil »,d’être « des veilleurs dans la nuit (Esaïe 21,11)».
Nous avons une expertise pour voir ce qui se meure. Le temps de l’Avent nous laisse entendre que nous avons une autre expertise : « voici que je fais toutes choses nouvelles, ne l’apercevez-vous pas? » Il ne faudrait pas que l’agonie de ce qui se meurt nous rendre à ce point aveugle que nous ne percevions pas ce qui naît et qui devrait nous donner confiance. Le temps qui est le nôtre nous « provoque » à l’espérance. Aujourd’hui, dans un monde crucifié par la souffrance, la violence et la pauvreté, notre vocation est à la fois plus difficile et plus nécessaire que jamais. La crise de l’espérance traverse toutes les parties du monde.
Benoît XV1 citait lors de l’audience du 20 décembre 2006, saint Maxime de Turin, évêque du IVe-Ve siècle qui affirmait : « Le temps nous avertit que le Noël du Christ Seigneur est proche. Le monde, par ses inquiétudes mêmes, nous parle de l’imminence de quelque chose qui le renouvellera, et il désire avec une attente impatiente que la splendeur d’un soleil plus resplendissant illumine ses ténèbres… Cette attente de la création nous persuade nous aussi d’attendre la venue du Christ, nouveau Soleil » (Disc. 61a, 1-3). L’actualité de notre monde nous fait espérer  un sauveur.Le réalisme n’impose pas de voir l’avenir uniquement sous les aspects les plus sombres. Mais la question du comment vivre notre vocation à l’espérance, dans un monde crucifié par la souffrance, la violence et la pauvreté, est à la fois plus difficile et plus nécessaire que jamais. La crise de l’espérance traverse toutes les parties du monde. Elle nous traverse aussi.
Devant ce temps « qui nous avertit que le Noël du Christ est proche »,  nous  avons l’obligation de « justifier notre espérance devant ceux qui en demandent des comptes(1 Pi 3, 15) ». « Être tout œil »  pour voir clairement ce qui est en train de naître. Pour réaliser que nous sommes dans ce temps dont parle Paul aux Galates : « Mais lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d’une femme, il a été sous la domination de la loi de Moïse pour racheter ceux qui étaient sous la domination de la Loi et pour faire de nous des fils (Ga 4, 4-5). »

Pourquoi être chrétien ?
Il y a quelques années, le Père Timothy Radcliffe, op. a écrit un volume de plus de quatre cents pages pour répondre à la question « Pourquoi être chrétien » (Cerf, 2005). Tout au long de son livre, il s’est demandé qu’elle est la spécificité du christianisme à l’heure de l’inter culture religieuse. Sa réponse est sans ambiguïté : être des porteurs d’espérance. «Notre foi, écrit-il, dit que Dieu est venu nous chercher et nous a trouvés. Dieu est déjà présent dans la vie de tous les êtres humains, même s’il n’est pas reconnu». Déjà au 1Ve siècle, Augustin écrivait: « c’est uniquement l’espérance qui nous rend proprement chrétiens(La cité de Dieu) ». Il ne s’agit pas ici uniquement de l’espérance en la vie éternelle, mais de l’espérance humaine, celle qui nous permet   de clamer « la grâce de l’attente » que ça ira mieux.  Seul celui qui attend est capable d’être « tout œil » sur le temps présent.
« Heureux ceux qui suivent et qui savent où ils vont ! Heureux ceux dont le pas est pressé et qui voient le chemin conduisant au Royaume ! Mais heureux aussi ceux qui attendent, ceux qui appellent le Seigneur, ceux qui implorent la venue, ceux qui ne cessent de clamer : « Viens ! Viens ! Viens encore guérir, pardonner, consoler, sauver ! » Heureux celui dont le regard suit tous les regards du Seigneur sur le monde et, en même temps, ne peut détacher son regard du visage de son Seigneur ! » (Un moine de l’Église d’Orient)
Paul Claudel disait qu’ « Il y a une chose plus triste à perdre que la vie, c’est la raison de vivre, plus triste que de perdre ses biens, c’est de perdre son espérance ».  Il faut sauver l’espérance de la mort parce que dit le philosophe Guy Coq, «espérer,  c’est meilleur pour la vie ». 
  « Je décide d’espérer parce que c’est meilleur pour la vie. Et mon choix d’espérer engendre l’espérance et la fait croître…. Elle est tournée vers ce que je ne possède pas, vers ce que, peut-être, je ne posséderai jamais. L’adage qui dit il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre est faux. De l’espérance naît l’action. Sans espérance, je me prive des initiatives, des énergies qui font marcher… en quête du trésor à trouver. Le vrai bâton du pèlerin (disciple) est l’espérance ».
L’espérance est un acte de foi dans la vie. Personne ne peut vivre sans elle.
Avoir pour profession l’espérance, c’est refuser de nous enfermer dans la tragédie. C’est ce qu’affirme l’Apocalypse «  je vis un ciel nouveau(21,1), je vais créer des cieux nouveaux, une terre nouvelle. On ne se souviendra plus du passé (Isaïe 45, 17) ». Le baptême nous ordonne à l’espérance. « Voici venir des jours où j’accomplirai la promesse de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda (Jérémie 33, 14)». « Gardons sans fléchir la profession de l’espérance(he10, 23) ». Dans la prière pour la paix attribuée à saint François, nous lisons « là où est le désespoir que je sème l’espérance ». « Ne pas nous désoler comme ceux qui n’ont pas d’espérance(1 Th 4,13). »
Hilaire de Poitiers dans son commentaire du Psaume (118) demande : «Chrétiens, où est ton espérance ? »  « Soyez prêts à répondre de votre espérance(1P3, 15) ». Cette responsabilité est notre plus belle mission, la responsabilité spécifique du croyant, mais aussi un véritable défi. L’espérance chrétienne subit présentement l’épreuve d’un environnement de noirceur. Mais ce chemin de l’espérance prend forme en nous quand nous faisons de notre cœur un oratoire dans lequel nous nous retirons de temps en temps pour nous entretenir avec « Celui qui vient nous sauver ». Si nous sommes fidèles à lui offrir notre cœur, Lui, sera fidèle à prendre les devants pour nourrir notre espérance.
Ce dont notre monde a besoin, ce dont les croyants qui ont pris une distance avec une certaine forme de pratique chrétienne ont besoin de voir, ces sont des chrétiens qui sont des signes d’espérance dans une Eglise qui vit un temps de Passion.  Déjà en 1965, Fernand Dumont observait que « ce qui manque au monde actuel, c’est l’espérance ». Au lieu de perdre notre temps à nous lamenter, nous pouvons opter pour une solution créatrice, innovatrice : « espérer contre toute espérance » en devant « tout œil ». Un peu avant sa mort, le Père Tillard op, dans un petit texte sommes-nous le dernier des croyants?, lançait ce cri aux chrétiens : « redonnez-nous des raisons d’espérer ».
 
Tous les textes de ce temps de l’Avent font ressortir que l’espérance, c’est ce qui nous tient en vie. « L’espérance veille ».Elle veille en nous. Nous sommes ici pour « sortir de notre sommeil ».Sortir du sommeil notre espérance.

Qu’est-ce que l’espérance ?

Elle n’est pas :

Disons tout de suite: l’espérance n’est pas quelque chose de reposant. Ce n’est pas une façon passive de perdre son temps ni d’avoir la tête dans le sable comme l’autruche. Autre chose qu’une voie d’évitement de la réalité. Autre chose que la résignation, que de nous asseoir et voir passer le train en attendant que ça aille mieux. Elle n’est pas une attitude à bon marché. Encore moins « une grâce à bon marché (Bonhoeffer) ». Nietzsche disait que l’espérance est la « vertu des faibles » parce qu’il rend les chrétiens inutiles et étrangers au progrès du monde.
L’histoire des cinquante dernières années démontre que nous recherchons un Sauveur à « bas prix ». Un salut « à bas prix » qui finit toujours par engendrer des déceptions. Ce n’est pas espérer que de vouloir devenir ce que nous ne sommes pas. Les mass media placent devant nos yeux à tout moment ce que nous pourrions être et ce que nous ne sommes pas, ce que les autres font et que nous ne faisons pas. 
Espérer ne sera ni une illusion de bonheur ni rêver d’un Dieu « à bon marché » qui viendra empêcher les horreurs humaines, mais d’entrevoir un Dieu qui est au cœur de nos tragédies. Devant horreurs qu’il a vécu au camp d’Auschwitz, Élie Wiesel a écrit ces mots inoubliables :
« Jamais je n’oublierai cette nuit, la première nuit de camp qui a fait de ma vie une nuit longue et sept fois verrouillée. Jamais je n’oublierai cette fumée. Jamais je n’oublierai les petits visages des enfants, dont j’avais vu les corps se transformer en volutes sous un azur muet. Jamais je n’oublierai ces flammes qui consumèrent pour toujours ma Foi. Jamais je n’oublierai ce silence nocturne qui m’a privé pour l’éternité du désir de vivre. Jamais je n’oublierai ces instants qui assassinèrent mon Dieu et mon âme… Jamais je n’oublierai cela, même si j’étais condamné à vivre aussi longtemps que Dieu lui-même. Jamais (p. 60). »  
 Nous n’avons pas pour profession de passer à côté de la souffrance, de la détresse. Nous n’avons pour vocation d’obscurcir l’espérance en perdant « la mémoire de notre héritage chrétien » (ecclésia in Europea). Nous avons pour profession : être des porteurs d’espérance, de voir Dieu au cœur de nos détresses. L’Évangile de l’espérance est confié à l’Église du nouveau millénaire.
 
L’espérance, c’est Jésus
Péguy disait qu’ « espérerne va pas de soi, ne va pas toute seule. Pour espérer il faut être heureux. Il faut avoir reçu une grande grâce ». Celle de croire que l’espérance, c’est une Personne. C’est Dieu nous donnant ce qu’Il est. « Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par des prophètes », écrivait l’auteur de la lettre aux Hébreux, « dans les temps où nous sommes, il nous a parlé par ce Fils… C’est le reflet resplendissant de la gloire du Père, l’expression parfaite de son être ». Il suffit de regarder Jésus pour devenir ce qu’Il est. Nous sommes des « participants de la nature divine » (1Pi). 
La nature de Dieu est d’avoir des yeux de lumière. Des yeux qui relèvent. Nous ne savons pas ce qui vient, mais nous savons qui vient. Voilà le sens de notre espérance. De l’Avent.  Alors que l’espoir vient de nos désirs…ça ira mieux, l’espérance nous est donnée à voir dans la crèche.  Ce jour-là,  Dieu, celui dont personne n’a vu le visage, a pris visage humain. Ce jour là, Dieu confirmait qu’il voulait s’occuper de nous.
Le temps de l’Avent nous aide à voir Dieu venir s’occuper de nous. Avouons-le, nous avons beaucoup de résistances à ce que quelqu’un s’occupe de nous, de nos affaires. « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes (lecture nuit de Noël)». Notre foi affirme une vérité insensée: en Jésus «la création a épuisé sa désespérance(Michel del Castillo).  » « Veillez, tenez-vous en état d’éveil ».
Notre espérance est fondée sur le fait bouleversant que Dieu « a pris les devants » comme l’affirme Péguy. C’est lui le premier qui “espère” que tous les humains puissent accepter son offre de nous laisser sauver.  Jésus n’a pas attendu que nous allions vers Lui. Il est venu vers nous. Il a pris les devants. « Adam où es-tu ? ».  Nous entendons souvent ce cri comme celui d’un reproche.   C’est plutôt dit saint Silouane,  un Dieu recherchant Adam pour lui offrir à nouveau d’entrer dans le Paradis qu’il avait quitté pour lui offrir de retrouver « son image et sa ressemblance ».
Toute l’Histoire sainte montre que lorsque le peuple s’éloignait de Lui, se comportait d’une manière inhumaine,  Lui, Dieu, envoyait des prophètes et même son Fils (parabole des vignerons) pour les sortir de leur méchanceté. Pour le dire autrement, le malheur attire Dieu. En ce sens, notre temps est un temps de grâce qui attire Dieu. Le vide attire Dieu et notre temps respire de ce vide. Rien ne nous manque, mais nous manquons de tout. Nous manquons de plénitude.
Jésus a quitté sa divinité pour nous revêtir de ses vêtements divins. «Il a pris les devants». Luc dit « Il est né le sauveur du monde (Lc2, 10-12) ». Paradoxe, à l’époque, l’empereur romain tout-puissant par ses armées, se faisait appelé le sauveur du monde. Voilà que ce titre est donné à l’être le plus faible et le plus pauvre du monde. 
Il faut être capable d’être saisi d’émotion devant ces paroles « Il est né le sauveur du monde ». Devant cette annonce, il faut, une fois dans notre vie, éprouver ce qu’on appelle «  l’onction de la foi », cette clarté soudaine qui nous fait exclamer : « c’est vrai ! Tout est vrai ! Ce ne sont pas des mots. Dieu est vraiment venu sur notre terre ». 
Mais a-t-on encore besoin aujourd’hui d’un Sauveur du mode ? Il ne suffit pas cependant de reconnaître le Christ comme « sauveur du monde » ; Il faut que nous le reconnaissions comme « mon Sauveur ». L’instant où nous faisons cette découverte, où nous recevons cette illumination, est un instant impossible à oublier. Nous comprenons alors ce que disait Paul : « Jésus Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis, moi, le premier (1 Tm 1, 15)». 
L’épisode de Pierre qui coule dans le lac, est un merveilleux exemple de l’expérience de salut que nous faisons avec le Christ. Nous faisons chaque jour l’expérience de couler : dans le péché, la tiédeur, le découragement, l’incrédulité, le doute, la routine… Notre espérance est une marche au bord d’un ravin, avec la sensation permanente qu’à chaque instant nous pourrions perdre l’équilibre et tomber.
 L’évangile n’est ni optimisme ni pessimisme. Il est traversé par un fort courant d’espérance. « Un enfant vous est né ». Un royaume est en germe dans notre monde. Voilà ce qui nous fait lever le matin. Voilà qui donne envie de vivre et de s’impliquer dans l’aventure d’une terre neuve, d’un « royaume de justice, d’amour et de paix (préface du Christ Roi) », d’une Eglise “autre”.  Voilà qui suscite en nous qu’être chrétien, c’est beau. C’est être ce jardinier qui jette en terre, à tout vent “des graines de sénevé ”qui demain produiront des fruits juteux. Devenir « graines de sénevé d’espérance ».
À Noël  « l’histoire a culbuté dans un avenir déjà sauvé (Ratzinger, entretien sur la foi p.11) ». Dieu a épousé la cause de toutes les situations malheureuses. Il « a renversé les puissants de leur trône et exalté les humiliés ». Ce sont des paroles inouïes, invraisemblables. Des paroles de libération. Espérer un avenir quand l’avenir est sans avenir. L’avenir de la terre, l’avenir de nos vies, repose sur le moins que rien.  Et cette réalité là devrait susciter en nous un regain d’espérance.
… un « petit rien »…..
Le fait que le Christ ne soit pas venu dans la splendeur, la puissance et la majesté, mais petit, pauvre, qu’il ait choisi pour mère « une humble servante », qu’il n’ait pas vécu dans l’une des métropoles de l’époque, Rome, Alexandrie ou même Jérusalem, mais dans un village perdu de Galilée, exerçant l’humble métier de charpentier, acquiert en ces temps de « rapetissement » de notre Église une signification nouvelle. Avec l’arrivée de Jésus, le vrai centre du monde n’était ni Rome ni Jérusalem, mais Bethléem, la « plus petite ville de Judée » et après elle Nazareth, le village duquel on disait qu’« il ne pouvait rien venir de bon ».
Notre espérance en Jésus Christ nous libère de la nécessité de faire notre chemin dans la vie, de dépasser nos limites à n’importe quel prix, pour être quelqu’un ; elle nous libère également de l’envie par rapport aux grands, elle nous réconcilie avec nous-mêmes et avec notre place dans la vie, elle nous donne la possibilité d’être heureux et pleinement épanouis là où nous sommes. « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ! » (Jn 1, 14). Dieu, l’infini, est venu et vient continuellement vers nous, là où nous sommes. La venue du Christ dans l’incarnation fait de toutes les places, la première place. Avec le Christ dans le cœur, nous nous sentons au centre du monde même dans le village le plus perdu de la terre. Avec le Christ, «  maintenant nous avons tout » (L’histoire rapporte que la Bienheureuse Marie de Jésus Crucifié, l’une des ces personnes cloîtrées, connue sous le nom de « Petite Arabe » en raison de son origine palestinienne et sa toute petite taille, retournait à sa place après avoir reçu la communion, on l’entendait s’exclamer, à mi-voix : « Maintenant j’ai tout, maintenant j’ai tout ».)
 L’espérance : Songez à ce couple qui se rendait dans l’hiver glacial de la Palestine vers Bethlehem et qui voyait toutes les portes se fermer.  Leur marche reposait dans un enfant caché dans le ventre de l’une mère.  Il n’y avait pas de quoi pavoiser dans la nuit de l’étable. Ce couple marchait…. voilà! Marcher. L’espérance est la vitalité de notre mémoire chrétienne. Nous avons des trous de mémoire sur notre héritage chrétien.

CONCLUSION
« Épargne celui qui est l’unique espérance du monde entier » écrivait Tertullien jadis. C’est le cri du coeur que nous devons répéter aux humains aujourd’hui, tentés de vivre sans le Christ. C’est lui, encore aujourd’hui, l’unique espérance du monde. Lui, le Don de l’avenir. Lorsque l’apôtre Pierre nous exhorte à « donner raison de l’espérance qui est en nous », il nous exhorte à parler aux hommes et aux femmes  du Christ, car c’est lui la raison de notre espérance.
Nous sommes les bergers des temps modernes. Nous ne sommes pas meilleurs que les autres. Nous sommes seulement chargés, avec nos fragilités, d’être porteur d’espérance, de Bonne nouvelle en dégageant sérénité et compassion. Dans nous, gens de la rue, Simone Weil, cette juive fascinée par Jésus sans y adhérer officiellement, offre cette remarque que je vous laisse en terminant : « Quand je veux voir si quelqu’un est chrétien, je n’écoute pas d’abord comment il me parle de Dieu, mais comment il me parle de l’homme ».
Dans un monde ravagé par la solitude, l’individualisme, le vide spirituel, nous pouvons encore comme chrétiens formuler une parole originale, qui fait preuve d’une nouvelle jeunesse, c’est celle d’offrir des raisons d’espérer. C’est le chemin que nous propose Jésus. Il s’est fait humain pour nous parler avec des mots humains de Dieu pour que maintenant avec nos mots humains nous devenions par grâce, ce qu’Il est par nature. Le véritable chemin d’espérance se trouve dans notre manière de parler, de percer les nuages pour y voir le soleil qui brille dans les cœurs.
 
Que cette journée vous tienne en éveil, vous éveille. « Chrétiens, reconnais ta dignité. Deviens ce que tu as (Augustin) ». Et nous sommes ESPERANCE VIVANTE POUR NOTRE PEUPLE.

Gloire du visage, gloire du regard Auteur : Olivier Clément prière de méditation

16 novembre, 2011

du site:

http://le-blog-de-didier-paravel.fr/priere/gloire-du-visage-gloire-du-regard-auteur-olivier-clment-prire-de-mditation/

Gloire du visage, gloire du regard Auteur : Olivier Clément prière de méditation

 10 décembre 2009 |  Auteur: Didier Paravel

Dans mon enfance, je n’avais jamais entendu parler
ni de Dieu, ni du Christ.
Dans mon éducation, le mystère n’avait pas de place.
Pourtant, très tôt, les visages me hantaient.
Je sentais obscurément que
quelque chose d’autre habitait en eux :
d’où venaient-ils ?
d’où venait la lumière qui, par instants, les transfigure
et les faits si beaux qu’on a envie de pleurer..
Le reste de l’univers m’apparaissait
de plus en plus impersonnel, glacial,
plus froid que la clarté qui tombe des étoiles.
A seize ans, on est capable
des plus profonds désespoirs de sa vie :
j’avais résolu de me tuer.
(Le démon de nos cœurs s’appelle  »à quoi bon »).
Pétrifié par l’absence intérieure
qui faisait de moi un  »mort vivant »,
je suis monté dans le car qui devait me ramener en ville.
Et j’ai senti tout à coup, qu’on me regardait:
quand on est vraiment regardé, ça se pressent;
ça fait comme une brûlure,
ou comme une main posée sur l’épaule.
Une petite fille – de 4 ou 5 ans- me regardait.
Je ne l’avais jamais vue, je ne l’ai jamais revue.
Elle me regardait avec la douce insistance
- pleine de pudeur et de gravité –
de ceux qui comprennent sans qu’il soit besoin de rien dire.
Elle m’a souri…
Et ce sourire a effacé le drame, il l’a balayé.
Au sens le plus fort du mot, il m’a ‘’sauvé la vie ».
J’ai compris que la lumière venue de ces yeux-là
ne pouvait pas mentir;
elle était plus réelle et plus vaste que l’océan des peines
elle parlait plus haut que l’aveugle silence
du ciel noyé d’étoiles.
L’océan intérieur de ces yeux-là était plus réel que la mort.
Et leur promesse était de celles
qui sont faites pour être tenues.
Il devenait urgent de …vivre.

The Good Shepherd

14 novembre, 2011

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La Prière Juive

14 novembre, 2011

du site:

http://www.lafoimapaix.org/pages/connaitre-israel/la-priere-juive.html

La Prière Juive

LA PRIERE JUIVE  1°

    Je me suis appuyé sur des articles de nos Frère Paul Ghennassia et Emmanuel Rodriguez parus dans la revue T. M. P. I., pour nous aider, (nous les croyants des nations), à mieux connaître les Juifs et le mouvement Messianique lié au Peuple d’Israël . Mieux connaître c’est aussi mieux comprendre les pratiques et les coutumes (1) du peuple d’Israël et faire disparaître les préjugés .
    Puissent ces articles nous aider a mieux exprimer et vivre nos moments de Louanges et de prières, dans quelque contexte et endroit que ce soit . Nos louanges nos prières, celles qui doivent monter jusqu’a l’oreille de L’Eternel . Nous pourrons remarquer la profondeur et la puissance de leurs louanges et prières, mais aussi combien elles sont empreintes et fondées sur la Parole De Dieu .
    Très tôt dans l’histoire de l’Eglise s’est développée une attitude anti-juive qui, de nos jours encore, influence la position du christianisme face au judaïsme . Une image faussée et déformée de la Synagogue prévaut la plupart du temps . Pour avoir fréquenté personnellement et sur invitation , une Synagogue et les Frères qui là compose, je puis assurer que j’y est trouvé un véritable enrichissement pour ma vie spirituelle . J. T.

La Synagogue
    Habituellement, elle désigne un bâtiment, mais son sens originel est assemblée ; une assemblée de dix hommes, au minimum, que le judaïsme appelle le minyane . Ces hommes se regroupent dans le but de prier car pour les Juifs la prière collective est essentielle . Un minyane est donc composé d’au moins dix hommes et peut se réunir partout pour prier .  Ce nombre de dix se réfère, entre autres, au récit de Genèse 18/32, lorsque Abraham implorait l’Eternel au sujet de Sodome et Gomorrhe . Abraham a osé diminuer, chaque fois, le nombre de justes requis pour que L’Eternel épargne la ville . L’Eternel aurait épargné la ville s’il s’y était trouvé seulement dix justes . Cette approche est la base de la prière d’intercession pour la ville ou le pays . Elle nous plonge dans le mystère de la prière .
    Certains théologiens chrétiens ont vu une contradiction entre cette tradition du minyane et la déclaration de Yeshoua-Jesus en Matthieu 18/20 : Car là ou deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieux d’eux .  Le rabbin Elie Soloveitchik dans son commentaire de l’Evangile de Matthieu  Kol Koré , relève la déclaration suivante du Talmud :  En quelque lieu où des hommes se réunissent pour adorer, où des justes siègent au tribunal et où un homme, même seul, s’adonne à l’étude de la Torah, la Chéhinah (la gloire de Dieu) est présente . (Abin Ben-Adda, Talmud : Berakot 6a) .
    Les Evangiles nous montrent Yéshoua (Jésus) menant la vie d’un Juif fidèle en ce qui concerne l’observation de la loi de Moïse . En Luc 4/19, il est dit que c’était son habitude d’aller à la synagogue le jour du shabbath (Jour mis a part et consacré a l’Eternel) . Dans les Evangiles la synagogue (Assemblée) est mentionnée plus de 40 fois . La prière joue un rôle essentiel dans le judaïsme qui considère que Dieu l’a prévue pour remplacer les sacrifices sanglant d’animaux devenus impossibles après la destruction du temple . Nous lisons à ce sujet dans Osée 6/6 : Car je veux, la loyauté et non les sacrifices, et la connaissance de Dieu plus que les holocaustes . Osée 14/3 dit également . Prenez avec vous des paroles de repentance et revenez à l’Eternel . Dites-lui : pardonne toute faute et reçois-nous favorablement ! Nous t’offrirons, au lieu de taureaux l’hommage de nos lèvres . Cela nous montre aussi Les conditions et l’état de notre cœur, requis en sa présence .

La Priere Et Ses Trois Formes Dans Le Judaïsme
    Les prières sont avant tout des bénédictions (Béni soit Dieu…), des louanges et des actions de grâce ; les Juifs expriment également des requêtes personnelles . Ils rendent grâce à Dieu pour la Création, pour le don de la Torah (sa parole- son Verbe),  pour la Chéhinah (sa gloire brillant sur nous) et pour la rédemption (notre relation nouvelle avec Lui, a cause de Jésus .
    C’est depuis l’époque d’Esdras que les synagogues se sont développées et devinrent des lieux de prière, d’étude de la Torah et de rassemblement . La prière est une affaire personnelle, mais le concept de la prière en commun existe aussi dans la Bible . La prière personnelle en est une force ; ajoutée à celles des autres, elle devient encore plus puissante . Il en va de la prière comme d’une corde, plus ses brins sont nombreux, plus solide et efficace elle devient .
    Les Juifs pieux prient trois fois par jour. Ces trois moments de prières se nomment : Cha’harite – prière du matin ; Min’ha – prière de l’après-midi ; Arvite – prière du soir. Les trois temps quotidiens de prière qui nous ont été transmis par Esdras, le scribe versé dans les Ecritures, correspondent aux moments des sacrifices ; les prières du matin et de l’après-midi aux sacrifices eux-mêmes, celles du soir, au sacrifice par le feu des entrailles des victimes du jour.
    La tradition (1) enseigne que ce furent les patriarches, Abraham, Isaac et Jacob qui instituèrent la prière offerte trois fois par jour .
    Selon la pensée hébraïque, David transcrivit toutes ses expériences dans les Psaumes . Tout ce qu’un homme peut vivre au cours de son existence s’y trouve écrit . C’est pourquoi, les Juifs les utilisent pour exprimer tous leurs besoins (Ephésien 5/19) . Quand ils se trouvent au Mur Occidental, en dehors des services réguliers, ils récitent des Psaumes . Ils répandent ainsi leur cœur devant Dieu . Il va de soi que les Juifs parlent également à Dieu d’une manière spontanée, La prière n’est pas figée .

Pessouké Dezimra
    Les Juifs se préparent à la prière selon un rite qui sert à la purification du cœur et des pensées afin que celui qui prie ose se présenter devant Dieu et son trône (2) . Dans le temple le prêtre devait se laver les mains dans la cuve d’airain avant de vaquer à la prière et aux sacrifices . C’est par la lecture répétée chaque jour de certains Psaumes, de cantiques et de louange, que la communauté se prépare à se tenir devant Dieu .
    Pessouké Dezimra  signifie texte de louange et prépare l’assemblée à la prière du  Chema Israël et de  Chemoné Esréh  l’un à la suite de l’autre . Les textes constituant Pessouké Dezimra  sont les suivants : 1 Chroniques 16/8-36 (Psaume d’action de grâce) – Psaumes 100 (Psaume d’invitation au bonheur et aux actions de grâce) et 145/1 (Hymne a la Compassion) et pour terminer Exode 14/30 et 15/19 (Hymne de reconnaissance pour la délivrance du fardeau de imposé par l’ennemi). La lecture de ces passages de la Bible est introduite par une bénédiction et se termine de même .
     La bénédiction qui introduit Pessouké Dezimra, nommé Barouh Chéamar est particulièrement significative . Selon la tradition, cette prière a été transcrite par les hommes de Grande Assemblée il y a environ 2400 ans . La prière  Barouh Chéamar consiste en 87 mots hébreux, ce qui représente la valeur numérique du terme  Paz  signifiant  or fin  Psaume 19/11 . Le thème de cette prière est le nom de Dieu avec ses multiples significations . Connaître ce nom, c’est connaître ses divers attributs, mentionnés brièvement dans cette prière .

Loué soit l’Eternel qui a créé l’univers par sa parole .
Loué soit celui dont l’action est conforme à la parole .
Loué soit celui qui ordonne et maintient .
Loué soit celui qui a tiré le monde du néant .
Loué soit celui qui étend sa miséricorde sur la terre .
Loué soit celui qui récompense ses fidèles .
Loué soit celui qui dissipe les ténèbres et fait naître la lumière .
Loué soit le Tout-Puissant qui est et qui existe éternellement .
Loué soit celui qui n’admet ni iniquité, ni oubli, ni partialité, ni don corrupteur dans le jugement ; il est juste dans toutes ses voies, bienfaisant dans toutes ses actions .
Loué soit le libérateur et Sauveur .
Loué soit celui qui a ordonné le repos à son peuple Israël le saint jour du Shabbath .
Loué soit-il, loué soit son Nom, et béni soit son souvenir d’éternité en éternité .
Sois loué, Eternel notre Dieu, Roi de l’Univers, Roi tout-puissant et saint, principe de toute miséricorde,
Sois loué glorifié par la bouche de ton peuple,
Sois loué célébré et exalté par les louanges de tes pieux et fidèles serviteurs . Et par les cantiques de ton serviteur David nous te louons, ô Eternel notre Dieu !
Nous te glorifions, nous publions ta puissance et ta majesté . Nous te proclamons notre Roi,
nous te sanctifions et nous t’exaltons, ô toi notre Roi, notre Dieu unique et Eternel !
Sois loué Eternel, notre Roi, célébré par des actions de grâces .

    Cette représentation fondamental de la louange et des actions de grâces, lié à une profonde connaissance du Nom de Dieu et au besoin de l’honorer, ressort d’une manière évidente des écrits de shaliah Paul Apôtre Paul . Il commence la plupart de ses lettres par la louange, en offrant des actions de grâce à Dieu pour tout ce qu’il fait à l’égard de son peuple . En Philippiens 4/6, Apôtre Paul résume en un seul verset : Ne vous inquiétez de rien ; mais en toutes choses, par la prière et la supplication, avec des actions de grâce, faites connaître à Dieu tout vos besoins ou demandes .
     Pessouké Dezimra se terminent par une prière nommée  Yichtaba’h  ce qui signifie : sois loué . A nouveau le nom de Dieu se trouve au cœur de cette prière . Les sages (ceux qui ont la connaissance) attirent l’attention sur la prédominance du nombre quinze dans cette prière . En hébreux, ce nombre est écrit au moyen des lettres yod et hé, deux des lettres du tétragramme sacré (yod, hé, vav, hé), jamais prononcé, qui est le nom même de Dieu .
 (1) (Les tradition et coutumes ne peuvent être mauvaises que lorsqu’elles introduisent des erreurs et entraînent a des comportement qui ne glorifient pas L’Eternel . J. T. )
(2) (Esaïe 58 et 59 nous en instruisent pleinement, nous et nos pasteurs .  J. T. )

Divo Barsotti, un prophète pour l’Eglise d’aujourd’hui (Sandro Magister)

14 novembre, 2011

du site:

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/163161?fr=y

Divo Barsotti, un prophète pour l’Eglise d’aujourd’hui

Il a anticipé de plusieurs décennies les axes majeurs de l’actuel pontificat. On découvre aujourd’hui son importance, grâce notamment à une exposition qui lui est consacrée. Il a vécu à Florence, en plein dans les conflits du Concile et de l’après-concile. Le commentaire critique du théologien Paolo Giannoni

par Sandro Magister

ROMA, le 28 août 2007 – Lors du rassemblement international organisé comme chaque année à Rimini au mois d’août, Communion et Libération a consacré une exposition à une personnalité chrétienne injustement méconnue mais de grande valeur: « Divo Barsotti, le dernier mystique du XXe siècle ».
Divo Barsotti – mort à 92 ans le 15 février 2006 dans son ermitage de San Sergio à Settignano, sur les hauteurs de Florence – a été prêtre, théologien, fondateur de la Communauté des Fils de Dieu, mystique renommé et maître spirituel.
Le père Luigi Giussani, le fondateur de Communion et Libération, était mort un an avant lui à Milan. Les deux hommes ne se sont jamais rencontrés, mais ils avaient une grande estime l’un pour l’autre.
Cette année, Communion et Libération a choisi le thème suivant pour son rassemblement: « La vérité est le destin pour lequel nous sommes faits ».
C’est justement sur le primat de la vérité que le père Barsotti a fondé toute sa vie et son enseignement, en parfaite harmonie avec les lignes directrices de l’actuel pontificat. Une raison supplémentaire pour redécouvrir son héritage et le mettre en valeur.

* * *

Au cours de sa vie, Divo Barsotti s’est souvent retrouvé seul et incompris. Quand il était un jeune prêtre, isolé dans son diocèse de San Miniato. Quand il est arrivé à Florence, compris et soutenu par peu de gens. Quand il est resté seul, pendant plusieurs années, dans son ermitage de Settignano, abandonné par ses premiers disciples. Pus tard encore, ignoré et sous-évalué jusqu’à la fin de sa vie par la majorité des médias et de l’intelligentsia catholique.
C’était un autodidacte, qui n’avait jamais obtenu de diplôme en théologie. Il a beaucoup écrit: 160 livres et d’innombrables articles et textes divers, mais il n’a pas achevé une œuvre systématique. Pourtant, sa production écrite et orale témoigne d’une profondeur, d’une cohérence, d’une prévoyance, d’un sens aigu de la critique, d’une liberté d’esprit qui se révèlent aujourd’hui absolument hors du commun.
Alors que presque personne en Italie ne connaissait la spiritualité russe, il a été le premier à la faire connaître en 1946 avec son premier livre et ensuite à la répandre. Il a donné le nom du grand saint russe Serge de Radonège à son ermitage de Settignano, sur les hauteurs de Florence.
Mais lorsque l’orientalisme est devenu une mode, plus esthétisante que spirituelle, il l’a stigmatisé par des jugements tranchants: « Nous autres Florentins, nous avons Fra Angelico, Masaccio, Giotto, Cimabue. Ils ne tiendraient pas la comparaison face aux icônes russes? Mais bien sûr qu’ils tiennent la comparaison, ils en sortent même vainqueurs « .
Dans les années quarante et cinquante, alors que l’enseignement, en Italie et dans les facultés de théologie romaines, s’appuyait paresseusement sur les manuels, le père Barsotti ne manquait pas un livre des grandes figures françaises du « ressourcement », c’est-à-dire du retour aux sources bibliques, patristiques et liturgiques: Jean Daniélou, Louis Bouyer, Henri de Lubac.
En 1951, lorsqu’il a publié ce chef-d’œuvre qu’est « Il mistero cristiano nell’anno liturgico », Divo Barsotti a été le premier en Italie à développer et à approfondir des thèses proches de celles d’Odo Casel – le bénédictin allemand qui défendait l’efficacité objective de la liturgie dans la représentation de l’événement chrétien – avant même d’en avoir lu les œuvres.
Néanmoins, il n’a jamais caché les points faibles des auteurs qu’il estimait le plus. Divo Barsotti n’a pas ménagé Hans Urs von Balthasar – qui a été son directeur spirituel pendant six mois avant de mourir en 1988 – en critiquant ses thèses douteuses sur l’enfer: « Si l’enfer n’existait pas, je ne pourrais pas accepter le paradis ».
Il n’a pas été moins sévère avec ceux qui le considéraient comme leur maître spirituel. Giuseppe Dossetti a été son disciple spirituel à partir de 1951, quand il a abandonné la politique pour devenir moine et prêtre et se consacrer entièrement à rénover l’Eglise à sa façon jusqu’à sa mort, en 1966. Mais Barsotti n’a pas approuvé toutes ses thèses politiques et théologiques. Il a écrit un jour dans son journal intime: « Le père Giuseppe ferait mieux de se retirer sur un petit îlot à Hong Kong ». Surtout, Barsotti n’acceptait pas que Dossetti soit si lié avec Giuseppe Alberigo et avec son interprétation du Concile Vatican II et de l’après-concile comme un « nouveau départ » dans l’histoire de l’Eglise. Il considérait le contact entre les deux hommes comme un « danger ». Il en est venu à lancer un ultimatum à Dossetti: la rupture avec Alberigo ou la fin de la direction spirituelle.
Il en a été de même pour d’autres éminents catholiques florentins, tels que Giorgio La Pira, Gianpaolo Meucci, Mario Gozzini, lorsqu’il n’approuvait pas leurs positions politiques ou ecclésiales.

* * *

Les papes ont également fait l’objet de critiques de la part du père Barsotti, qui les considérait comme un acte de justice « voulu par le Seigneur ».
En 1971, il est convoqué par le Vatican pour prêcher, au début du carême, les exercices spirituels destinés au pape Paul VI et à la curie. Au cours de ses prédications, il aborde le sujet du pouvoir de Pierre et déclare – comme il le rappellera ensuite dans son journal intime – que « l’Eglise a un pouvoir coercitif parce que Dieu le lui a confié et elle doit donc l’utiliser. En effet, pendant ces années, l’anarchie se répandait au sein de l’Eglise et l’on se moquait du pape dans les Eglises d’Europe du Nord ».
Par « pouvoir coercitif », Barsotti entend l’affirmation de la vérité et la condamnation de l’erreur. Exactement ce que le Concile Vatican II et, après le Concile, une grande partie de la hiérarchie catholique avaient renoncé à faire, comme il l’a dit et expliqué à plusieurs reprises: une renonciation « qui en clair niait l’essence même de l’Eglise ».
Barsotti était un fervent admirateur de Jean-Paul II, pour la même raison qui faisait que l’intelligentsia catholique le dévalorisait. « Ce qui nous a fait le plus comprendre que le Christ est présent en ce pape, c’est l’exercice d’un magistère qui, plus que le dernier Concile, a réaffirmé la vérité et a condamné l’erreur ». Un pape « qui a toujours enseigné l’exclusivité de la foi chrétienne: seul le Christ sauve ».
Pourtant, même Jean-Paul II, « colonne de l’Eglise », a fait l’objet de critiques de la part de du père Barsotti. Par exemple, lors de la rencontre interreligieuse d’Assise en 1986, selon lui, « les intentions du pape étaient très claires ». Ce qui n’était pas le cas des déductions de nombreux hommes d’Eglise, qui « affirment que l’événement d’Assise est le premier pas d’un cheminement qui devrait réaliser dans la paix l’unité de toutes les fois dogmatiques ».
Dans deux lettres, le père Barsotti a écrit à Jean-Paul II que son magistère de pape était « plus important ou au moins aussi important que le magistère du dernier Concile ». Ce dernier ayant « seulement introduit des virgules dans le discours ininterrompu de la tradition », il ne comprenait pas « pourquoi l’on cite presque exclusivement ce dernier Concile ».
Le père Barsotti inspirait aux catholiques progressistes un respect silencieux, mais pas parce qu’il répondait à leurs attentes. Au contraire. Dans l’histoire de l’Eglise italienne et mondiale, il représentait la résistance contre la dérive post-conciliaire, au nom des « fondamentaux » de la foi chrétienne. Il estimait que peu d’hommes d’Eglise de haut rang étaient aussi décidés que lui à « mettre l’accent sur l’essentiel, sur la nouveauté du Christ, qui est ce dont l’Eglise a le plus besoin aujourd’hui ». En 1990, il en indiquait deux: Joseph Ratzinger et Giacomo Biffi. Tous deux seront par la suite ses deux « papabili » préférés.
Lorsque le premier est effectivement devenu pape, en 2005, on aurait dit un passage de témoin. Alors que le père Barsotti, âgé de plus de 90 ans, infirme, cessait peu à peu d’écrire et de parler, les thèses que le prêtre toscan avait défendues tout au long de sa vie étaient reprises « urbi et orbi » sous le pontificat de Benoît XVI – avec l’autorité du successeur de Pierre.

* * *

La ressemblance est frappante entre les diagnostics sur le Concile et l’après-concile formulés par Divo Barsotti et Joseph Ratzinger, avant ou après l’élection de ce dernier en tant que pape. Le dernier exemple en date remonte au 24 juillet dernier, lors de la rencontre du pape avec les prêtres à Lorenzago di Cadore, au nord-est de l’Italie.
Tout aussi remarquable, le souci commun au deux hommes de chercher la nourriture dans la grande tradition de l’Eglise et de partager ce pain avec les nombreux chrétiens de base. Il suffit de penser, en ce qui concerne Benoît XVI, à ses deux cycles de catéchèse pour l’audience du mercredi. Le premier était consacré à l’Eglise apostolique, avec les portraits de chaque apôtre et des autres protagonistes du Nouveau Testament. Le second est consacré aux pères de l’Eglise grecs et latins des premiers siècles. Le pape en est actuellement aux grands évêques et théologiens de la Cappadoce: Basile, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse.
Divo Barsotti et Benoît XVI ont en commun leur manière de lire les Ecritures Saintes et de s’imprégner de leur sens profond. Non pas en s’appuyant seulement sur l’histoire ou la philologie mais à la lumière de leur Auteur premier, l’Esprit Saint, reconnaissable dans la tradition de l’Eglise.
Les visions des deux hommes sur la politique et l’histoire sont tout aussi semblables. Tous deux sont clairement contraires à l’idée qu’au cours de l’histoire terrestre, un royaume de paix et de justice se construise progressivement, presque par une évolution naturelle. Tous deux sont intimement convaincus que l’eschaton, à savoir l’acte ultime et définitif du salut de l’homme et du monde, est déjà présent ici et maintenant et n’est autre que Jésus crucifié et ressuscité.
Le « mystère chrétien », c’est lui, Jésus crucifié et ressuscité, qui est assis à la droite du Père mais qui, en même temps, se fait pain pour les hommes dans l’eucharistie. Les événements du mystère se réalisent au cours de la messe. On retrouve là aussi un accord remarquable entre le Barsotti du « Mystère chrétien dans l’année liturgique » et des réflexions ultérieures et les homélies de Benoît XVI lors des messes pontificales.
Qu’il s’agisse du livre « Jésus de Nazareth », une œuvre capitale de ce pontificat, de la place centrale donnée à l’eucharistie, de l’encyclique « Deus caritas est », le magistère de Benoît frappe par sa cohérence. La même cohérence se dégage de la vie et des œuvres de Barsotti. Une réflexion sur éros et agapè figurant dans une note de son « Mystère chrétien » daté de 1951, est remarquable par la manière dont elle préfigure le cœur de l’encyclique de Benoît XVI.
Chez les deux hommes, on trouve cette conscience que l’Eglise vit sur la base de la vérité et que c’est seulement de la « veritas » que jaillit la « caritas », comme l’Esprit Saint procède « ex Patre Filioque »: du Père et du Fils qui est le Logos, le Verbe de Dieu.
Divo Barsotti a justement laissé, dans ce qui est probablement son dernier écrit public, un commentaire d’un livre sorti en 2006 sur le philosophe chrétien Romano Amerio, la consigne suivante:
« Je vois le progrès de l’Eglise à partir d’ici, du retour de la sainte Vérité comme fondement de chaque acte. La paix promise par le Christ, la liberté, l’amour sont pour chaque homme l’objectif à atteindre, mais il faut l’atteindre uniquement après avoir construit le fondement de la vérité et les colonnes de la foi ».

Parable the Talents

12 novembre, 2011

Parable the Talents dans images sacrée 420px-Parable_of_the_Talents

http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Parable_of_the_Talents.jpg

La « Trinité » de saint André Roublev (par père Lev Gillet)

12 novembre, 2011

La « Trinité » de saint André Roublev (par père Lev Gillet) dans Orthodoxie trinite1c3

L’hospitalité d’Abraham, Novgorod, fin XVe siecle

du site:

http://www.pagesorthodoxes.net/eikona/icone-de-roublev.htm

La « Trinité » de saint André Roublev

par père Lev Gillet

(Un Moine de l’Église d’Orient)

L’icône de la Trinité d’André Roublev (1) est souvent considérée comme le point culminant de l’iconographie russe, et ceux-là même qui sont peu préparés à percevoir l’exquise beauté de son dessin et de son coloris et à pénétrer la profondeur de son symbolisme ne peuvent manquer d’être impressionnés par la fraîcheur, la tendresse, l’émotion contenue de ce chef-d’œuvre. Celui-ci a donné lieu à une abondante littérature, où l’accent a été mis sur l’histoire et la technique plutôt que sur l’interprétation spirituelle. C’est à ce dernier point de vue que nous aimerions nous placer maintenant. Nous voudrions essayer de répondre en termes très simples à cette question que nous dit de la Sainte Trinité l’icône de Roublev ?
Pour fixer les idées, nous rappellerons le dispositif d l’icône. Trois anges, reconnaissables à leurs ailes, sont assis autour d’une table. Sur cette table est posé un plat. Dans le fond, un paysage s’esquisse plutôt qu’il ne se précise. Nous y voyons un arbre et un édifice. Il s’agit d’une représentation de l’épisode décrit au chapitre 18 de la Genèse. Le Seigneur, y est il dit, apparut à Abraham dans la plaine de Mambré, sous la forme de trois hommes (la Bible ne prononce pas ici le mot « anges »). Abraham les invita à se reposer et leur offrit un repas. La tradition patristique a vu en ces trois visiteurs un figure des trois personnes divines. À sa suite, la tradition iconographique byzantine a choisi de représenter la Trinité sous l’aspect des trois hommes, devenus des anges, assis à la table d’Abraham. L’icône de Roublev s’insère donc dans une longue tradition consacrée. Mais peut-être nous parle-t-elle plus que ne le font les autres anneaux de cette chaîne.
Remarquons tout d’abord le rythme ou mouvement circulaire qui semble entraîner tous les éléments de l’icône. La position des sièges, entrevus latéralement, celle de leurs marchepieds, la position même des pieds des deux anges du premier plan, l’inclinaison de leurs têtes : tout cela évoque, suggère un mouvement « dirigé » (dans le sens contraire à celui des aiguilles d’une montre). Ce mouvement se manifeste aussi bien à l’arrière-plan. L’arbre infléchit vers la gauche (du spectateur), comme sous le souffle d’un vent fort. À gauche encore s’infléchissent les pans coupés de la toiture de l’édifice. Ce rythme exprime la circulation et la communication de la même vie divine entre les trois personnes. Mais celles-ci ne se retranchent pas dans un système clos. Leur rythme est un rythme d’adoption, d’effusion, de don, de générosité et de grâce. Leur condescendance admet, invite dans le cercle divin l’être créé, – mais il y demeurera distinct et à sa propre place. En courbant l’arbre, le mouvement circulaire de la vie divine atteint la nature. En infléchissant le toit de l’édifice (lequel à en juger par son style général et plus spécialement par celui de la fenêtre et de la porte, est une église), il atteint l’humanité priante, l’humanité à sa plus haute puissance. Le monde « adopté » constitue en quelque sorte la périphérie. Les trois personnes demeurent le centre. Cela est indiqué par une subtile dégradation des couleurs. Les tons foncés – bleu, grenat, orange, vert – des vêtements des anges sont entourés du jaune-feu plus léger des ailes et des sièges et de la pâle transparence dorée de l’arrière-plan. La réalité maximale est celle des trois personnes. « Je suis celui qui suis » (Ex 3,14).
Regardons maintenant les traits des trois personnes. Elles n’ont pas d’âge, et cependant elles produisent une impression de jeunesse. Elles n’ont pas de sexe, et cependant elles unissent la robustesse précise à la grâce. Les physionomies et les gestes n’ont pas été « construits » en vue du charme, et cependant le charme qui se dégage est immense. D’autres symboles trinitaires – par exemple l’Ancien des jours, l’agneau, la colombe, trois hommes assis sur un même trône – ont été représentés. Mais, à notre avis, aucune représentation n’est aussi apte que l’icône de Roublev à « introduire » le croyant dans la réalité vivante des trois personnes. Pourquoi ? Parce que Roublev a su exprimer d’une manière unique l’éternelle jeunesse et l’éternelle beauté des trois. En théorie, on sait bien tout cela. Mais quand au lieu d’un vieillard à barbe et chevelure de neige et d’une impénétrable colombe, on retrouve, grâce à une œuvre d’art, la beauté et la jeunesse du Fils dans le Père et dans le Paraclet, on reçoit comme une révélation pratique, non de concepts, mais d’attitudes. Désormais l’on « voit » différemment, on « approche » différemment, on « sent » les trois différemment, car il nous a été maintenant suggéré qu’ils sont autres, non point que ce que nous croyions, mais que ce que nous imaginions (d’ailleurs plus ou moins malgré nous). Et, dans notre nouvelle vision – celle de l’éternelle jeunesse et beauté, celle de l’indescriptible charme des trois – il y a plus de chaleur, plus d’attrait, plus de joie, plus de réalité personnelle que dans la « peinture abstraite » que nous avions déduite des schémas théologiques. « Tes yeux verront le Roi dans sa beauté » (Is 33,17).
Chacun des trois anges porte en main un bâton allongé et très mince. C’est que chaque personne divine est un voyageur, un pèlerin. Seul le Verbe s’est fait chair, mais il s’est fait chair par la puissance et le vouloir du Père et de l’Esprit. À aucun moment les deux autres personnes n’étaient étrangères à l’œuvre de salut du Fils, à aucun moment elles ne cessent de venir jusqu’à nous et d’agir sur nous d’une manière invisible. L’icône met en lumière la participation de toute la Sainte Trinité à l’Incarnation. Les trois bâtons constituent une déclaration et une promesse. Ils déclarent que les trois sont déjà venus vers les hommes. Ils promettent que les trois viendront encore. Notre Dieu en trois personnes vient, vient à jamais.
Le terme de cette venue est l’habitation des trois personnes parmi les hommes. C’est pourquoi les trois anges ont accepté l’hospitalité d’Abraham. Ils sont assis à sa table, près de sa tente (Gn 18,1-2), sous un arbre (Gn 18,3). L’arbre et l’église représentés sur l’icône signifient encore l’arbre et la tente du récit biblique. L’icône évoque la vie divine des trois, mais elle la met en rapport avec une table humaine, avec les besoins humains. Les trois personnes veulent être pour nous plus que des visiteurs ou des hôtes de passage. Il y a une habitation de la Trinité dans l’âme des serviteurs de Dieu. Le repas du royaume messianique s’y accomplit invisiblement. « Si quelqu’un m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui, et je souperai avec lui et lui avec moi » (Ap 3,20). « Nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure » (Jn 14,23).
Mais qu’y a-t-il sur cette table autour de laquelle les anges sont assis ? Un plat y est posé. Nous discernons mal ce qu’il contient. Toutefois l’étude de l’icône faite avec des moyens appropriés décèle la tête d’un veau. Abraham avait fait préparer pour ses hôtes trois mesures de fleur de farine, un jeune veau à la chair tendre, du beurre et du lait (Gn 18,6-8). Est-ce donc cette offrande du patriarche que le plat veut indiquer ? Dans le récit de la Genèse, les anges sont venus chez Abraham pour lui annoncer la promesse divine dont Isaac est l’objet. Abraham lui-même se tient debout auprès des anges durant leur repas, et Sarah est tout près, sous la tente. Mais l’icône ignore la présence d’Abraham.
Le mets offert aux anges et posé sur la table acquiert une signification qui dépasse infiniment le geste hospitalier du patriarche. Il ne s’agit plus ici d’Abraham et d’Isaac. Nous devons chercher au veau immolé un autre et plus haut sens. Dieu prescrira plus tard à Aaron d’offrir un jeune veau en sacrifice pour le péché (Lv 9,2,11), un même holocauste associera un veau et un agneau, tous deux sans tache et âgés d’un an (Lv 9,3,12). Plus tard encore le Sauveur lui-même, dans une parabole, racontera comment le père de l’enfant prodigue fit tuer un veau pour le festin par lequel il célébra le retour de son fils (Lc 15,23). Ainsi le veau de l’icône est un signe de sacrifice et de salut. Et par là l’icône nous fait approcher du mystère de la Rédemption. Car ces trois termes, Trinité, Incarnation, Rédemption, ne sont point séparables. Par quelque mystère que nous commencions à contempler l’œuvre divine, cette contemplation (appuyée non sur notre raison, mais sur la Révélation) appellera les autres mystères en vertu d’une nécessité interne. Le pèlerinage des trois anges porteurs de bâtons de voyage ne serait pas complet s’il n’aboutissait au Calvaire. L’icône évoque donc le conseil des trois personnes divines en vue de la rédemption du genre humain. Au lieu d’un plat posé sur une table, c’est une croix que le peintre eût pu dresser au milieu des trois anges. Une spiritualité de l’Incarnation ou de la Trinité est mensongère, si elle ne maintient le Sang du Rédempteur au centre de l’œuvre du salut. Et voilà pourquoi il est juste et suggestif que les bâtons des anges soient si minces, presque comme des fils, et colorés de rouge. Car le même fil écarlate qui fut un gage de salut pour Rahab la prostituée (Jo 2,17 ; 6,23) relie notre faiblesse au Sang précieux versé pour nous.
Maintenant que nous savons sur quel objet précis l’icône concentre l’attention des trois anges, observons les nuances qu’expriment leurs attitudes respectives. Ils se ressemblent étonnamment. Leurs traits sont presque identiques. Et cependant leur regard et leur geste manifestent la manière propre dont chacun d’eux approche le mystère de la Rédemption (2). L’ange qui fait face au spectateur et qui, par rapport à celui-ci, est assis au-delà de la table représente le Père. Sa main désigne le plat ; elle suggère le sacrifice, elle y invite. Mais ce geste de la main est esquissé plutôt qu’affirmé; ce n’est pas un geste ouvert, mais un geste retenu et comme rétractile. Et le regard, chargé de tristesse, se détourne. L’ange assis devant et à droite de la table, toujours par rapport au spectateur, représente le Fils. Le regard du Fils est, lui aussi, triste. Mais il ne se détourne pas. Tandis que la tête s’incline doucement en signe d’acceptation, les yeux, à la fois fascinés et mortellement tristes – « Mon âme est triste jusqu’à la mort » ( Mt 26,36) – se fixent sur le plat. La main se tend vers celui-ci ; mais là encore, le geste est contenu, retenu ; il n’est pas hésitant, il est en quelque sorte explorant, tâtonnant. Toute l’attitude exprime un fiat obéissant, résigné, douloureux.
L’ange assis à gauche, devant la table, représente le Paraclet. C’est bien le cas de dire le Paraclet plutôt que l’Esprit, car c’est ici que la troisième personne exerce suprêmement son ministère de consolateur. Les mains ne se tendent pas directement vers le plat, quoique deux doigts de la main droite semblent pointer vers lui ; les deux mains tiennent avec une sorte de solennité le mince bâton rouge en face du Fils. C’est comme si ce bâton lui était présenté pour lui parler de pèlerinage terrestre et de sang répandu. Les yeux fixent le visage du Fils. Ils ont une expression navrée. L’attention de la troisième personne est profondément, totalement concentrée sur ce que le Fils va faire. Tout l’être du troisième ange exhale en silence la sympathie et la pitié. Quiconque a des difficultés à se représenter l’Esprit comme personnel devrait contempler longuement ce troisième ange de l’icône. La contemplation globale de celle-ci serait d’ailleurs singulièrement efficace pour aider à comprendre combien la Trinité est à la fois une et distincte.
Par rapport au plat posé sur la table, les trois anges ont un geste et un regard différent. Mais une harmonie parfaite – le même fiat – anime, leur décision intérieure. Rien n’est ici « commandé » du dehors, imposé par l’une des trois personnes. Il y a seulement acquiescement unanime des trois à une exigence de leur générosité, commune obéissance à une loi de leur être appliquée jusqu’aux conséquences dernières : « Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie » (Jn 15,13). L’icône – que cela soit bien entendu – exprime de manière anthropomorphique des réalités (pitié, douleur, etc.) que l’on ne peut attribuer à Dieu dans le sens où on les attribue aux hommes ; nous avons ici, peints sur une image, des symboles très inadéquats, mais que le langage divin a lui-même consacrés.
Une dernière remarque. Rien ne distinguerait l’une de l’autre les physionomies des trois anges, si ce n’était la relation que chaque physionomie exprime à l’égard de l’« autre ». Nous avons ici trois générosités qui ne sont ni opposées ni juxtaposées, mais « posées » l’une par rapport à l’autre – posées non devant l’autre, mais en l’autre, de sorte que c’est dans cette relation d’amour que chaque personne divine « se trouve » en tant que distincte, s’affirme et jouit de son bonheur. Chaque personne divine tend vers l’autre comme vers le terme où elle obtient sa plénitude. L’icône de Roublev, par ce qu’elle nous fait entrevoir du mystère de la Trinité, nous révèle le mystère de la charité suprême que notre charité créée ne saurait rejoindre, mais dont elle peut recevoir son inspiration et son orientation.
André Roublev n’entendait pas suggérer des pensées, mais bien une prière. Notre rencontre avec la plus célèbre de ses œuvres ne sera ce qu’il eût voulu qu’elle fût que si, prenant à cette occasion un plus profond contact avec les trois personnes, nous répétons, prosternés, les paroles d’Abraham aux divins visiteurs, dans la plaine de Mambré : « Mon Seigneur, si maintenant j’ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe pas outre, je t’en prie, loin de ton serviteur » (Gn 18, 3). Et si, nous accueillons les trois de tout notre cœur, nous pourrons, comme Abraham, recevoir de leur bouche l’assurance que cette expérience bénie, loin d’être un épisode isolé, nous sera accordée de nouveau : « Certainement je reviendrai à toi » (Gn 18,19).

Un Moine de l’Église d’Orient,
Extrait de la revue Irénikon, n° 26, 1953,
reproduit dans Contacts, n° 116, 1981.

NOTES

1. Le moine André Roublev vécut approximativement de 1370 à 1430. L’icône de la Trinité fut peinte vers 1410 pour le monastère de la Sainte Trinité et de Saint Serge, près de Moscou. Elle a été restaurée en 1906 et 1918.
2. Nous n’ignorons pas que l’identification des trois anges a été discutée. Certains interprètes ont voulu voir le Christ, et non le Père, dans l’ange central. Nous croyons que l’identification de l’ange central et du Père est conforme à la plus ancienne, à la plus constante tradition orientale, et nous pourrions apporter des preuves à l’appui. En ce qui concerne l’icône même de Roublev, nous citerons la grande autorité d’Alpatoff en faveur de cette identification. 

« CONSEIL RELIGIEUX ISRAÉLIEN » : ALLOCUTION DE BENOÎT XVI

12 novembre, 2011

du site:

http://www.zenit.org/article-29430?l=french

« CONSEIL RELIGIEUX ISRAÉLIEN » : ALLOCUTION DE BENOÎT XVI

« Ne cessons jamais de prier pour la paix en Terre Sainte »

ROME, jeudi 10 novembre 2011 (ZENIT.org) – « Ne cessons jamais de prier pour la paix en Terre Sainte, sûrs de Dieu qui est lui-même notre paix, et notre consolation », déclare Benoît XVI aux responsables religieux d’Israël. Le pape leur révèle le contenu de la prière qu’il a glissée dans les interstices des pierres du Mur Occidental, le « Mur des Lamentations », soubassement du Temple. Il plaide pour la compréhension et la confiance mutuelle des religions, et pour le rejet de la violence au nom de la religion.
Le pape Benoît XVI a en effet reçu en audience, ce jeudi matin, 10 novembre 2011, une délégation du « Conseil religieux israélien », conseil des chefs religieux d’Israël, en la salle des Papes du palais apostolique du Vatican.

Le pape leur a adressé en anglais l’allocation suivante :

Votre Béatitude,
Excellences,
Chers amis,

C’est pour moi un plaisir de vous accueillir, vous, les membres du « Conseil religieux israélien », qui représentez les communautés religieuses de Terre Sainte, et je vous remercie des aimables paroles que vous m’avez adressées au nom des personnes présentes.
En ces temps troublés, le dialogue entre les différentes religions devient de plus en plus important pour créer une atmosphère de compréhension et de respect mutuels qui puisse conduire à l’amitié et à une confiance solide les uns dans les autres. C’est urgent pour les responsables religieux de terre Sainte qui, tout en vivant en un endroit rempli de souvenirs sacrés pour nos traditions, sont quotidiennement éprouvés par les difficultés de la vie ensemble en harmonie.
Comme je l’ai fait remarquer lors de ma récente rencontre avec les responsables religieux à Assise, nous nous trouvons nous-mêmes confrontés aujourd’hui à deux sortes de violence : d’un côté l’utilisation de la violence au nom de la religion, et d’un autre, la violence comme conséquence de la négation de Dieu qui caractérise souvent la vie dans la société moderne. Devant cette situation, nous sommes appelés, en tant que responsables religieux, à réaffirmer que la relation de l’homme à Dieu droitement vécue est une force pour la paix. C’est une vérité qui doit devenir de plus en plus visible dans la façon dont nous vivons les uns avec les autres au quotidien. C’est pourquoi je désire vous encourager à favoriser un climat de confiance et de dialogue entre les responsables et les membres de toutes les traditions religieuses présentes en Terre Sainte.
Nous partageons la grande responsabilité d’éduquer les membres de nos communautés religieuses respectives, dans l’idée de nourrir une plus grande compréhension réciproque, et de développer une ouverture en vue de coopérer avec des peuples de traditions religieuses différentes de la nôtre. Hélas, la réalité de notre monde est souvent fragmentaire et défectueuse, même en Terre Sainte. Nous sommes tous appelés à nous engager à nouveau pour la promotion d’une justice et une dignité majeures, de façon à enrichir notre monde, et à lui donner une dimension pleinement humaine. La justice, en même temps que la vérité, l’amour et la liberté, est un élément fondamental pour une paix durable et sûre dans le monde. Le mouvement vers la réconciliation requiert du courage et une vision, ainsi que la confiance que c’est Dieu lui-même qui nous montrera le chemin. Nous ne pouvons pas atteindre nos objectifs si Dieu ne nous donne pas la force de le faire.
Lorsque j’ai visité Jérusalem en 2009, je me suis allé devant le Mur Occidental et, dans ma prière écrite que j’ai placée entre les pierres du Mur, j’ai demandé à Dieu la paix en Terre Sainte. J’ai écrit : « Dieu de tous les siècles, dans cette visite à Jérusalem, la « Cité de la paix », maison spirituelle des juifs, des chrétiens et des musulmans, je te présente les joies, les espérances et les inspirations, les épreuves, les souffrances et la douleur de tous tes peuples dans le monde. Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, entends le cri des affligés, de ceux qui ont peur, sont perdus ; envoie ta paix sur la Terre Sainte, au Moyen Orient, sur toute la famille humaine ; stimule les cœurs de tous ceux qui invoquent ton nom à marcher humblement sur le chemin de la justice et de la compassion. « Le Seigneur est bon pour ceux qui l’attendent, pour les âmes qui le cherchent ! » (Lm 3, 25). »
Que le Seigneur entende ma prière pour Jérusalem aujourd’hui et remplisse vos cœurs de joie pendant votre visite à Rome. Puisse-t-il écouter la prière de tous les hommes et de toutes les femmes qui lui demandent la paix pour Jérusalem. Ne cessons en effet jamais de prier pour la paix en Terre Sainte, sûrs de Dieu qui est lui-même notre paix, et notre consolation. En vous confiant, ainsi que ceux que vous représentez, aux soins miséricordieux du Tout-Puissant, j’invoque volontiers sur vous tous les bénédictions divines de joie et de paix.

[Texte original en anglais, Libreria Editrice Vaticana]

Traduction non officielle : Zenit

Le roi Salomon a reçu le don de la sagesse

11 novembre, 2011

Le roi Salomon a reçu le don de la sagesse dans images sacrée

http://www.santiebeati.it/

Jean Paul II, Audience Générale (2002): Jérusalem, mère de tous les peuples

11 novembre, 2011

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/audiences/2002/documents/hf_jp-ii_aud_20021113_fr.html

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II

Mercredi 13 novembre 2002

Jérusalem, mère de tous les peuples

Lecture: Ps 86, 1-4.6-7

1. Le chant à Jérusalem, cité de la paix et mère universelle, que nous venons d’entendre retentir, contraste malheureusement avec l’expérience historique que la ville est en train de vivre. Mais le rôle de la prière est de semer la confiance et d’engendrer l’espérance.
La perspective universelle du Psaume 86 peut faire penser à l’Hymne du Livre d’Isaïe, qui voit converger vers Sion toutes les nations pour écouter la Parole du Seigneur et redécouvrir la beauté de la paix, en forgeant les « épées en socs » et les « lances en serpes » (cf. 2, 2-5). En réalité, le Psaume se place dans une perspective très différente, celle d’un mouvement qui, au lieu de converger vers Sion, part de Sion; le Psalmiste voit en Sion l’origine de tous les peuples. Après avoir déclaré le primat de la ville sainte, non en raison de mérites historiques ou culturels, mais seulement en raison de l’amour que Dieu éprouve pour elle (cf. Ps 86, 1-3), le Psaume s’ouvre précisément à une célébration de cet universalisme qui fait de tous les peuples des frères.
2. Sion est chantée comme la mère de toute l’humanité et pas seulement d’Israël. Une telle affirmation est d’une audace extraordinaire. Le Psalmiste en est conscient et le fait remarquer: « Il parle de toi pour ta gloire, cité de Dieu » (v. 3). Comment se fait-il que la modeste capitale d’un petit pays puisse être présentée comme l’origine de peuples beaucoup plus puissants? Pourquoi Sion peut-elle avoir cette immense prétention? La réponse est apportée dans la même phrase: Sion est la mère de toute l’humanité, car elle est la « cité de Dieu »; elle se trouve donc à la base du projet de Dieu.
Tous les points cardinaux de la terre se trouvent en relation avec cette mère: Raab, c’est-à-dire l’Egypte, le grand état occidental; Babylone, la célèbre puissance orientale; Tyr, qui personnifie le peuple commerçant du nord, alors que l’Ethiopie représente le sud profond et la Palestine la région centrale, elle aussi fille de Sion.
Dans l’état civil spirituel de Jérusalem sont enregistrés tous les peuples de la terre: à trois reprises, on répète la formule « un tel y est né/tout homme y est né » (vv. 4.5.6.). C’est l’expression juridique officielle à travers laquelle on déclarait alors qu’une personne était native d’une ville déterminée et, comme telle, jouissait de la plénitude des droits civiques de ce peuple.
3. Il est suggestif d’observer que même les nations considérées comme hostiles montent à Jérusalem et y sont accueillies, non comme des étrangères, mais comme des « proches ». Le Psalmiste transforme même la procession de ces peuples vers Sion en un chant choral et en une danse joyeuse: ils retrouvent leurs « sources » (cf. v. 7) dans la cité de Dieu d’où s’écoule un courant d’eau vive qui féconde le monde entier, dans le sillage de ce que proclamaient les prophètes (cf. Ez 47, 1-12; Zc 13, 1; 14, 8; Ap 22, 1-2).
A Jérusalem, tous doivent découvrir leurs racines spirituelles, se sentir dans leur patrie, se retrouver comme des membres de la même famille, s’embrasser comme des frères, de retour dans leur maison.
4. Page d’un véritable dialogue interreligieux, le Psaume 86 recueille l’héritage universaliste des prophètes (cf. Is 56, 6-7; 60, 6-7; 66, 21; Jl 4, 10-11; Ml 1, 11 etc.) et anticipe la tradition chrétienne qui applique ce Psaume à la « Jérusalem d’en haut », dont saint Paul proclame qu’elle est « libre et est notre mère » et qu’elle a plus d’enfants que la Jérusalem terrestre (cf. Gal 4, 26-27). Le Livre de l’Apocalypse ne s’exprime pas différemment lorsqu’il chante « la Jérusalem qui descend du ciel, de chez Dieu » (21, 2.10).
Dans la lignée du Psaume 86, le Concile Vatican II voit lui aussi dans l’Eglise universelle le lieu où se sont réunis « tous les justes depuis Adam, depuis Abel le juste jusqu’au dernier élu ». Elle aura son « glorieux accomplissement à la fin des siècles » (Lumen gentium, n. 2).
5. Cette lecture ecclésiale du Psaume s’ouvre, dans la tradition chrétienne, à la relecture de celui-ci dans une optique mariologique. Pour le Psalmiste, Jérusalem était une véritable « métropole », c’est-à-dire une « ville-mère », à l’intérieur de laquelle le Seigneur lui-même était présent (cf. So 3, 14-18). Sous cette lumière, le christianisme chante Marie comme la Sion vivante, dans le sein de laquelle a été engendré le Verbe incarné et, par conséquent, sont régénérés les fils de Dieu. Les voix des Pères de l’Eglise – d’Ambroise de Milan à Athanase d’Alexandrie, de Maxime le Confesseur à Jean Damascène, de Chromace d’Aquilée à Germain de Constantinople – sont unanimes à propos de cette relecture chrétienne du Psaume 86.
Nous nous mettons à présent à l’écoute d’un maître de la tradition arménienne, Grégoire de Narek (950-1010 env.) qui, dans son Discours panégyrique de la Bienheureuse Vierge Marie, s’adresse ainsi à la Vierge: « En nous réfugiant sous ta très digne et puissante intercession, nous sommes protégés, ô sainte Génitrice de Dieu, en trouvant la restauration et le repos à l’ombre de ta protection comme à l’abri d’un mur bien fortifié: un mur décoré, élégamment enchassé de diamants très purs; un mur enveloppé de feu, et donc inexpugnable aux assauts des voleurs; un mur de flamme lançant des étincelles, inabordable et inaccessible aux cruels traîtres; un mur entouré de toutes parts, selon David, dont les fondations furent jetées par le Très-Haut (cf. Ps 86, 1.5); le mur puissant de la cité céleste, selon Paul (cf. Gal 4, 26; He 12, 22), où tu as accueilli chaque homme comme son habitant, car à travers la naissance corporelle de Dieu, tu as fait devenir fils de la Jérusalem d’en haut les fils de la Jérusalem terrestre. C’est pourquoi leurs lèvres bénissent ton sein virginal et tous te confessent comme l’habitation et le temple de Celui qui est de la même essence que le Père. C’est donc à juste titre que s’adapte à toi la parole du prophète: « Dieu est pour nous refuge et force, secours dans l’angoisse toujours offert » (cf. Ps 45, 2) » (Textes marials du premier millénaire, IV, Rome 1991, p. 589).

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