Archive pour le 29 novembre, 2011

Saint Andrew the First-Called

29 novembre, 2011

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http://fullhomelydivinity.org/articles/advent%20saints.htm

Pape Benoît: André, le Protoclet – fête le 30 novembre

29 novembre, 2011

du site:

http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2006/documents/hf_ben-xvi_aud_20060614_fr.html

BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 14 juin 2006

André, le Protoclet -  fête le 30 novembre

Chers frères et soeurs,

Dans les deux dernières catéchèses, nous avons parlé de la figure de saint Pierre. A présent, nous voulons, dans la mesure où les sources nous le permettent, connaître d’un peu plus près également les onze autres Apôtres. C’est pourquoi nous parlons aujourd’hui du frère de Simon Pierre, saint André, qui était lui aussi l’un des Douze. La première caractéristique qui frappe chez André est son nom:  il n’est pas juif, comme on pouvait s’y attendre, mais grec, signe non négligeable d’une certaine ouverture culturelle de sa famille. Nous sommes en Galilée, où la langue et la culture grecques sont assez présentes. Dans les listes des Douze, André occupe la deuxième place, comme dans Matthieu (10, 1-4) et dans Luc (6, 13-16), ou bien la quatrième place comme dans Marc (3, 13-18) et dans les Actes (1, 13-14). Quoi qu’il en soit, il jouissait certainement d’un grand prestige au sein des premières communautés chrétiennes.
Le lien de sang entre Pierre et André, ainsi que l’appel commun qui leur est adressé par Jésus, apparaissent explicitement dans les Evangiles. On y lit:  « Comme il [Jésus] marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac:  c’était des pêcheurs. Jésus leur dit:  « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes »" (Mt 4, 18-19; Mc 1, 16-17). Dans le quatrième Evangile, nous trouvons un autre détail important:  dans un premier temps, André était le disciple de Jean Baptiste; et cela nous montre que c’était un homme qui cherchait, qui partageait l’espérance d’Israël, qui voulait connaître de plus près la parole du Seigneur, la réalité du Seigneur présent. C’était vraiment un homme de foi et d’espérance; et il entendit Jean Baptiste un jour proclamer que Jésus était l’ »agneau de Dieu » (Jn 1, 36); il se mit alors en marche et, avec un autre disciple qui n’est pas nommé, il suivit Jésus, Celui qui était appelé par Jean « Agneau de Dieu ». L’évangéliste rapporte:  ils « virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là » (Jn 1, 37-39). André put donc profiter de précieux moments d’intimité avec Jésus. Le récit se poursuit par une annotation  significative:   « André,  le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples  qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord son frère Simon et lui dit:  « Nous avons trouvé le Messie (autrement dit:  le Christ) ». André amena son frère à Jésus » (Jn 1, 40-43), démontrant immédiatement un esprit apostolique peu commun. André fut donc le premier des Apôtres à être appelé à suivre Jésus. C’est précisément sur cette base que la liturgie de l’Eglise byzantine l’honore par l’appellation de Protóklitos, qui signifie précisément « premier appelé ». Et il est certain que c’est également en raison du rapport fraternel entre Pierre et André que l’Eglise de Rome et l’Eglise de Constantinople se sentent de manière particulière des Eglises-soeurs. Pour souligner cette relation, mon Prédécesseur, le Pape Paul VI, restitua en 1964 les nobles reliques de saint André, conservées jusqu’alors dans la Basilique vaticane, à l’Evêque métropolite orthodoxe de la ville de Patras en Grèce, où selon la tradition, l’Apôtre fut crucifié.
Les traditions évangéliques rappellent particulièrement le nom d’André en trois autres occasions, qui nous font connaître un peu plus cet homme. La première est celle de la multiplication des pains en Galilée. En cette circonstance, ce fut André qui signala à Jésus la présence d’un enfant avec cinq pains d’orge et deux poissons, « bien peu de chose » – remarqua-t-il – pour toutes les personnes réunies en ce lieu (cf. Jn 6, 8-9). Le réalisme d’André en cette occasion mérite d’être souligné:  il remarqua l’enfant – il avait donc déjà posé la question:  « Mais qu’est-ce que cela pour tant de monde! » (ibid.) -, et il se rendit compte de l’insuffisance de ses maigres réserves. Jésus sut toutefois les faire suffire pour la multitude de personnes venues l’écouter. La deuxième occasion fut à Jérusalem. En sortant de la ville, un disciple fit remarquer à Jésus le spectacle des murs puissants qui soutenaient le Temple. La réponse du Maître fut surprenante:  il lui dit que de ces murs, il ne serait pas resté pierre sur pierre. André l’interrogea alors, avec Pierre, Jacques et Jean:  « Dis-nous quand cela arrivera, dis-nous quel sera le signe que tout cela va finir » (Mc 13, 1-4). Pour répondre à cette question, Jésus prononça un discours important sur la destruction de Jérusalem et sur la fin du monde, en invitant ses disciples à lire avec attention les signes des temps et à rester toujours vigilants. Nous pouvons déduire de l’épisode que nous ne devons pas craindre de poser des questions à Jésus, mais que dans le même temps, nous devons être prêts à accueillir les enseignements, même surprenants et difficiles, qu’Il nous offre.
Dans les Evangiles, enfin, une troisième initiative d’André est rapportée. Le cadre est encore Jérusalem, peu avant la Passion. Pour la fête de Pâques – raconte Jean – quelques Grecs étaient eux aussi venus dans la ville sainte, probablement des prosélytes ou des hommes craignant Dieu, venus pour adorer le Dieu d’Israël en la fête de la Pâque. André et Philippe, les deux Apôtres aux noms grecs, servent d’interprètes et de médiateurs à ce petit groupe de Grecs auprès de Jésus. La réponse du Seigneur à leur question apparaît – comme souvent dans l’Evangile de Jean – énigmatique, mais précisément ainsi, elle se révèle riche de signification. Jésus dit aux deux disciples et, par leur intermédiaire, au monde grec:  « L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié. Amen, amen, je vous le dis:  si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit » (Jn 12, 23-24). Que signifient ces paroles dans ce contexte? Jésus veut dire:  Oui, ma rencontre avec les Grecs aura lieu, mais pas comme un simple et bref entretien entre moi et quelques personnes, poussées avant tout par la curiosité. Avec ma mort, comparable à la chute en terre d’un grain de blé, viendra l’heure de ma glorification. De ma mort sur la croix proviendra la grande fécondité:  le « grain de  blé  mort » – symbole de ma crucifixion – deviendra dans la résurrection pain de vie pour le monde; elle sera lumière pour les peuples et les cultures. Oui, la rencontre avec l’âme grecque, avec le monde grec, se réalisera à ce niveau auquel fait allusion l’épisode du grain de blé qui attire à lui les forces de la terre et du ciel et qui devient pain. En d’autres termes, Jésus prophétise l’Eglise des Grecs, l’Eglise des païens, l’Eglise du monde comme fruit de sa Pâque.
Des traditions très antiques voient André, qui a transmis aux Grecs cette parole, non seulement comme l’interprète de plusieurs Grecs lors de la rencontre avec Jésus que nous venons de rappeler,  mais elles le considèrent comme l’apôtre des Grecs dans les années qui suivirent la Pentecôte; elles nous font savoir qu’au cours du reste de sa vie il fut l’annonciateur et l’interprète  de Jésus dans le monde grec. Pierre, son frère, de Jérusalem en passant par Antioche, parvint à Rome pour y exercer sa mission universelle; André fut en revanche l’Apôtre du monde grec:  ils apparaissent ainsi de véritables frères dans la vie comme dans la mort – une fraternité qui s’exprime symboliquement dans la relation spéciale des Sièges de Rome et de Constantinople, des Eglises véritablement soeurs.
Une tradition successive, comme nous l’avons mentionné, raconte la mort d’André à Patras, où il subit lui aussi le supplice de la crucifixion. Cependant, au moment suprême, de manière semblable à son frère Pierre, il demanda à être placé sur une croix différente de celle de Jésus. Dans son cas, il  s’agit d’une croix décussée, c’est-à-dire dont le croisement transversal est incliné, qui fut donc appelée « croix de saint André ». Voilà ce que l’Apôtre aurait dit à cette occasion, selon un antique récit (début du VI siècle) intitulé Passion d’André:  « Je te salue, ô Croix, inaugurée au moyen du Corps du Christ et qui as été ornée de ses membres, comme par des perles précieuses. Avant que le Seigneur ne monte sur toi, tu inspirais une crainte terrestre. A présent, en revanche, dotée d’un amour céleste, tu es reçue comme un don. Les croyants savent, à ton égard, combien de joie tu possèdes, combien de présents tu prépares. Avec assurance et rempli de joie, je viens donc à toi, pour que toi aussi, tu me reçoives exultant comme le disciple de celui qui fut suspendu à toi… O croix bienheureuse, qui reçus la majesté et la beauté des membres du Seigneur!… Prends-moi et porte-moi loin des hommes et rends-moi à mon Maître, afin que par ton intermédiaire me reçoive celui qui, par toi, m’a racheté. Je te salue, ô Croix; oui, en vérité, je te salue! ». Comme on le voit, il y a là une très profonde spiritualité chrétienne, qui voit dans la croix non pas tant un instrument de torture, mais plutôt le moyen incomparable d’une pleine assimilation au Rédempteur, au grain de blé tombé en terre. Nous devons en tirer une leçon très importante:  nos croix acquièrent de la valeur si elles sont considérées et accueillies comme une partie de la croix du Christ, si elles sont touchées par l’éclat de sa lumière. Ce n’est que par cette Croix que nos souffrances sont aussi ennoblies et acquièrent leur sens véritable.
Que l’Apôtre André nous enseigne donc à suivre Jésus avec promptitude (cf. Mt 4, 20; Mc 1, 18), à parler avec enthousiasme de Lui à ceux que nous rencontrons, et surtout à cultiver avec Lui une relation véritablement familière, bien conscients que ce n’est qu’en Lui que nous pouvons trouver le sens ultime de notre vie et de notre mort
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Te Deum. L’adresse d’une hymne de louange (Maxime Allard, o.p.)

29 novembre, 2011

du site:

http://www.dimensionesperanza.it/articles-en-francais/item/6495-te-deum-ladresse-dune-hymne-de-louange-maxime-allard-op.html

Te Deum. L’adresse d’une hymne de louange (Maxime Allard, o.p.)

L’hymne Te Deum se raconte au cours d’une longue histoire. Elle est connue depuis les environs de 502, date de sa première apparition consignée dans une règle monastique. Elle semble bien avoir été composée par à-coup et insérée dans la liturgie progressivement…

L’hymne Te Deum se raconte au cours d’une longue histoire. Elle est connue depuis les environs de 502, date de sa première apparition consignée dans une règle monastique. Elle semble bien avoir été composée par à-coup et insérée dans la liturgie progressivement, même si une légende tenace en fait une composition presque spontanée lors du baptême d’ Augustin par Ambroise, à Milan en 387. Mais cette histoire a déjà été retracée[1]. L’hymne emprunte par moment au Gloire à Dieu avec lequel elle conserve des affinités quant aux jours de son utilisation. Avec une tonalité souvent proche des préfaces eucharistiques, l’hymne a été un élément de la célébration des Heures, de matines puis de l’Office des lectures. Utilisée aussi en dehors de la célébration de l’office choral pour marquer le couronnement de rois, le sacre d’évêques, des victoires en temps de guerres, elle a été mise en musique autrement que sur les mélodies grégoriennes. On trouve et apprécie diversement des Te Deum par Berlioz, Bizet, ,Brückner, Charpentier, Dettinger, Dvorak, Fauré, Haydn, Kodály, Mozart, Part, Rutter, Tinel, Verdi, etc. Jusqu’à l’opéra Tosca de Puccini qui en conserve des traces à la fin du premier acte, au moment où le drame se noue.
Cette hymne, la liturgie actuelle la propose en deux versions. La version longue, traditionnelle, inclut en finale une cascade de versets psalmiques retravaillés: Ps 27, 9 ; 144, 2; 122,3 ; 32, 22. La version brève les retranche, par souci avoué de reconstituer une authenticité historique[2]. Le choix de la version relève cependant de la volonté de la personne qui célèbre ou d’options communautaires[3]. Dans l’analyse proposée, la version longue est privilégiée. Elle est même rallongée par l’ajout du dernier verset de la version latine, en provenance du Ps 30, 1, verset que je traduis directement du latin sans souci d’exactitude liée au texte hébreu: « En toi, Seigneur, j’ai espéré: que je ne sois pas confondu dans l’éternité. »
Sa place actuelle est claire: à la fin de l’Office des lectures des dimanches et aux jours de solennités et de fêtes. D’autres traditions chrétiennes et d’autres périodes de l’histoire de l’Église en prescrivent cependant l’utilisation quotidienne[4]. Seul le temps du Carême la fait taire dans l’Église. Comme hors des milieux monastiques la pratique de l’Office des lectures en commun est peu répandue, cette hymne ne retentit donc plus souvent. Or, elle gagne, pour donner toute sa mesure, à être proférée à voix haute. En cela, elle rejoint l’Alléluia dont la force se montre vraiment lorsqu’il est chanté.
Le Te Deum termine l’Office des lectures sur une note de louange. Dans la version longue comme dans la brève, cet office se clôt sur une demande d’entrer dans la gloire éternelle des « saints » de Dieu
(« prends-les avec tous les saints dans ta joie et dans ta lumière » ; « que je ne sois pas confondu dans l’éternité »). La clôture de l’office serait donc une note de louange. Cette dernière affirmation est beaucoup trop rapide. Elle donne trop vite dans une certaine manière d’envisager la louange qui, pour être spirituelle, n’en demeure peut-être pas moins un peu déconnectée de ce que l’Église propose comme acte de louange avec le Te Deum. Après tout, il y avait quelque chose de juste à faire retentir les églises des accents puissants de Te Deum après des guerres, au moment de la victoire. À la fin de la guerre, il y a bien des ruines, bien des traces de blessures qui ne se laissent pas oublier si rapidement. Cela doit percer dans la louange, la glorification, l’acclamation, la confession assurée. Le Te Deum les met sur les lèvres. Dans ces conditions, qu’est-ce que la louange? Qu’est-ce que glorifier Dieu?
De plus, écrire qu’il s’agit simplement de louange comme si on savait ce dont il s’agit ne suffit pas. Louer est une action complexe qui recourt, selon le texte du Te Deum, à l’acclamation, à la prostration, à l’action de grâce, à l’adoration, au chant, à la glorification, à la proclamation, au témoignage, à l’annonciation et à la reconnaissance. Entre « Toi, Dieu… » et « nous » (et l’entourage céleste), la louange prend corps, littéralement. Elle passe par des mots, par des chants qui ne sont jamais solitaires. Elle requiert que les mots chantés, proclamés, se muent en attitudes corporelles: prosternation et adoration. D’ailleurs, la liturgie, avant Vatican II, suggérait que la dernière strophe, celle débutant par « Montre-toi…», soit priée à genoux. Cela laisse entrevoir la complexité de la louange adressée « À toi, Dieu… » Cela signale la « perlaboration », le lent travail que cette hymne peut faire sur une personne qui s’y livre, s’y exprime et en fait un lieu pour s’entraîner à rendre grâce.
Suivons maintenant l’hymne du point de vue double de son adresse: à qui elle s’adresse et qui l’adresse. Cela suggérera des façons de se la remettre en bouche aujourd’hui. Après tout, cette hymne ne va pas de soi. Les anges et archanges ont beau avoir été à la mode récemment, ils ont pris peu de place dans la liturgie; notre rapport à la liturgie céleste est pour le moins ambigu. De plus, la christologie qui y est chantée pourra sembler problématique à certaines personnes: qui est à l’aise avec le « tu n’as pas craint de prendre chair dans le corps d’une vierge» qui atténue le latin « tu n’as pas été horrifié ou eu horreur (horruisti) du sein de la Vierge »?

« Toi,  Dieu» ou « À Toi, Dieu… »
Toi! En latin, quatorze vers de l’hymne débutent par l’adresse ou son rappel (Te, tibi, tu).
Malheureusement, la traduction française n’a pas conservé ce rythme. Il faut la retrouver sous les lourds    « Devant toi… c’est toi que… toi que» et sous les transformations du performatif « Toi… à Toi » en constatations quasi factuelles : « Tu n’as pas craint… tu as ouvert… tu règnes. » Et ainsi, il y a perte de l’insistance, du sens de l’adresse requise pour s’adresser ainsi à Dieu, sans crainte.
« Toi… Dieu », « à toi, Dieu… ». De nos jours, ce type d’exclamation ou d’apostrophe est réservé à des interpellations plus ou moins violentes. Selon les dictionnaires, l’apostrophe possède quelque chose de brutal et d’impoli. On ne s’empêtre pas dans les fleurs du tapis, dans les formules de politesse. « Toi, Dieu… » : c’est à la fois un peu plus brusque et moins familier que Notre Père. Plus osé même que les prières eucharistiques, commençant avec leurs préfaces et qui distribuent quelques « toi » au fil de leur déroulement. Et pourtant, cela semble bien l’adresse eschatologique: « Toi… Dieu » !
Toi, Dieu… ! À toi, Dieu… Le destinataire est désigné presque comme dans: « Père Noël. Pôle Nord ». Pas de méprise possible. L’adresse est directe, unique. Elle signe à la fois la proximité, malgré la grandeur de Dieu, et une certaine audace de qui ose interpeller ainsi Dieu. Aucune précaution oratoire, rhétorique, déférente. Serait-ce dû à un débordement de joie et d’action de grâce qui en viendrait à faire manquer aux convenances, à la calme récitation de l’Office des lectures? Serait-ce les psaumes priés au cours de cet office et les lectures y guidant et nourrissant la méditation qui causent un tel débordement, une adresse si brusque ? Dans tous les cas, avec une telle adresse initiale, l’attention est détournée du sujet de la discussion, de la méditation et, résolument, orientée vers Dieu à qui il s’agit de s’adresser.
Avec habileté – adresse ! -, l’hymne déploie l’adresse initiale: Père éternel, Fils éternel et bien-aimé, Seigneur, Esprit de puissance et de paix (dommage, cependant, que la traduction française ait perdu  « l’Esprit consolateur » du latin). Lentement, l’adresse initiale s’étend et le déploiement de Dieu couvre toute la terre, le ciel, l’univers entier. L’adresse n’en finit pas d’être reprise, réitérée. Comme si on voulait y séjourner, ne pas aller plus loin, ne pas pouvoir aller plus loin. Comme si, d’un coup, on avait atteint le but.
Il vaut la peine de s’attarder encore un peu au déploiement de cette adresse. Après tout, à la déployer ainsi, la cause de la louange se laisse repérer et répéter. Dieu est loué et adoré parce qu’il est Dieu, parce qu’il est une adorable trinité. Il est confessé pour son plaisir, ou pour sa gloire éternelle. C’est la même chose. La louange adressée à Dieu est sans pourquoi. Comme la rose de Silésius ! On ne cherche donc pas à accumuler des raisons de louer Dieu. Difficile d’en trouver qui pourraient justifier aujourd’hui sa reprise hebdomadaire. Difficile d’en relier l’une ou l’autre au vécu des personnes qui s’y engagent. Seulement, on accumule, tour à tour, toutes les différentes manières de le louer par divers groupes. Comme si cela allait de soi de s’adresser « à Toi, Dieu… ».

Nous, eux, elle, nous… (enfin, je) !
L’adresse est claire: Toi, Dieu! L’adressant l’est aussi: « Nous te louons. » Mais « nous » n’est pas seul. Il s’inscrit dans un mouvement s’adressant à « Toi, Dieu » déjà enclenché depuis longtemps, par bien d’autres, au ciel et sur terre. Il y a les archanges, les anges, les esprits des cieux, le chœur des glorieux Apôtres, la multitude des prophètes, l’armée des martyrs, l’Église. C’est donc que la mort n’arrête pas l’adresse, la louange qui s’adresse à « Toi, Dieu… ». La compagnie du « nous » en est élargie aux dimensions cosmiques et par-delà. Tous les groupes et individus adressent leurs louanges à « Toi, Dieu… ». Du ciel ou de la terre, ils s’adressent à Dieu. Leur louange couvre le monde, la terre entière. En fait, on pourrait même finir par croire, à force de lire et de prier à nouveau cette hymne, que cette louange est, par elle-même, la « gloire » de Dieu qui remplit l’univers.
« Nous » se distingue d’un groupe d’« eux » : ceux qui sont déjà au ciel. Mais « nous » se distingue aussi d’« elle », soit de l’Église. Ces deux distinctions se comprennent. « Nous » n’est pas déjà au ciel. Il en va de tout l’écart entre le ciel et la terre, entre la vie présente et la vie éternelle, écart qui passe par la mort, par la vie jusqu’à la mort. Et si « nous » est occupé à chanter, c’est qu’il est encore en route jusqu’à en mourir. « Nous » se distingue de l’Église. Pas qu’il n’en est pas. Au contraire, « nous » fait sienne la confession de foi trinitaire de l’Église. Il s’en fait l’écho. Il ne se tient pas à l’écart de l’Église non plus. « Nous », déjà, cherche à s’y tenir toujours plus à l’aise.
Mais qui sommes-nous pour oser nous y accoler, nous y joindre et pour nous adresser à « Toi, Dieu…» ? Nous sommes des délivrés croyants qui attendons le Royaume des cieux. Nous sommes et espérons être comptés parmi le « peuple » d’un « Toi » qui n’est plus simplement « Toi, Dieu… », mais Toi, Christ, fils du Père, qui a pris chair de la Vierge Marie, qui a brisé l’emprise de la mort et demeure assis dans la gloire du Père. Nous ne sommes pas simplement des pièces anonymes d’un univers sans lien avec le «Toi» auquel nous nous adressons. Nous nous adressons à « Toi » car ce   « Toi » a rendu possible pour nous de trouver l’adresse de Dieu, de jouer d’adresse pour le louer. Par le Christ, Dieu s’est rassemblé un peuple sur terre et déjà au ciel, un peuple où nous désirons être comptés.
Nous sommes peut-être inscrits sur la liste des saints, dans la compagnie chantante des anges et de l’Église « céleste ». Mais nous ne sommes pas dans l’éternité. La louange est adressée à « Toi, Dieu » à tous les jours «( chaque jour… et à jamais ») et un jour à la fois (« en ce jour »). Et dans la suite des jours, dans leur succession un à un (per singulos dies), la louange se double d’une requête. Elle est alors presque supplique. La louange en compagnie des saints fait naître et soutient le désir de se retrouver en leur compagnie, de les retrouver par-delà le jugement. Mais il y a plus. Le déroulement des jours entre le chant à « Toi, Dieu… » et l’éternité accordée fait surgir une autre harmonique à la louange. Une harmonique suppliante : à chaque jour, en ce jour-ci, « garde-nous sans péché ». Rapidement, pourtant, la supplique prend un tour plus dramatique car le péché a déjà ralenti la marche vers Dieu et son adresse : « Pitié pour nous, Seigneur, pitié sur nous. » Un appel est lancé vers la miséricorde. Mais tout au long de la supplique, le fil de la louange ne se perd pas, il est tenu par l’espérance: « Comme notre espoir est en toi. »
À la fin, pour finir la louange, la parole passe du « nous » à la première personne du singulier:      « En toi, Seigneur, j’ai espéré; que je ne sois pas confondu dans l’éternité. » (Traduction non officielle du texte latin.) Le désir est si fort, l’adresse si confiante, qu’elle ne peut plus s’exprimer au pluriel. Le « Je » doit prendre sa place, sa part, s’exprimer pour lui-même. Comme si personne ne pouvait le dire à sa place. Comme s’il fallait que « je » répète ce que « nous » avait proclamé, confessé, immédiatement auparavant. Comme si la personnalité de chacun avait son bref solo, sans quoi il risquerait de manquer quelque chose à la louange universelle. Voilà une signification possible de l’ajout de ce verset psalmique après la fin de l’hymne, pour la prolonger.

Espérer louer
Le Te Deum est une avance que nous nous faisons en l’offrant à Dieu. Nous anticipons en quelque sorte. Il y a comme un écho préventif de la « victoire sur la mort », sur notre propre mort. En adressant une louange à Dieu, une louange qui se mue et porte en elle une supplication, la liturgie offre aux fidèles une action de grâce anticipant sur le Sanctus céleste. Anticipation certes de la liturgie céleste, mais déjà, de par la forme de l’hymne, anticipation de la célébration de l’eucharistie du dimanche comme mémorial de la passion et de la résurrection du Christ… jusqu’à ce qu’il vienne. Mais il y a plus. Le Te Deum, discret, à peine murmuré, dans la solitude de l’Office des lectures ou dans son calme nocturne, est une répétition, lent apprentissage de ce qu’est la louange qui s’adresse « à Toi, Dieu… », préparation à prendre place dans le Royaume des cieux.

Chanter le Te Deum
Voici, trop rapidement, presque sans commentaire, une brève liste de versions du Te Deum.
Nous omettons les versions grandioses et somptueuses écrites pour chœurs, orgue et orchestre qui se prêtent moins, il faut l’avouer, au cadre actuel de la liturgie des Heures. La liste présentée ici a pour but d’insuffler le goût de le chanter, de le fredonner pour faire sortir cette hymne du cadre silencieux et individuel de l’Office des lectures:
- Te Deum, tiré de la Liturgie tolosane des Prères Prêcheurs, André Gouzes. Cette version conserve la version longue du Te Deum sur une traduction qui rythme bien l’adresse « Toi, Dieu ». Elle offre la possibilité d’une alternance entre soliste et chœur.
- À toi, Dieu, L 62/1, Hymnes notées I, texte de J. E. David – C.N.P.L., musique de David Julien, offre un jeu entre un soliste et une assemblée.
- À toi, Dieu, I. 62/4, Hymnes notées I, texte C.N.P.L.-A.E.L.F., musique de J. Gelineau.
Utilisant la version officielle de la liturgie des Heures, l’adresse en souffre.
- A toi Dieu notre louange, Llh 100, texte A.E.L.F., musique C. Jacob. Sur la version française officielle, la musique offre une alternance entre deux chœurs et des parties chantées par tous.

À toi, Dieu, notre louange!
Nous t’acclamons: tu es Seigneur !
À toi, Père éternel,
l’hymne de l’univers.
Devant toi se prosternent les archanges,
les anges et les esprits des cieux;
ils te rendent grâce,
ils adorent et ils chantent:
Saint, Saint, Saint, le Seigneur,
Dieu de l’univers;
le ciel et la terre sont remplis de ta gloire.
C’est toi que les Apôtres glorifient,
toi que proclament les prophètes,
toi dont témoignent les martyrs;
c’est toi que par le monde entier
l’Église annonce et reconnaît.
Dieu, nous t’adorons:
Père infiniment saint,
Fils éternel et bien-aimé,
Esprit de puissance et de paix.
Christ, le Fils du Dieu, vivant,
le Seigneur de la gloire,
tu n’as pas craint de prendre chair
dans le corps d’une vierge
pour libérer l’humanité captive.
Par ta victoire sur la mort,
tu as ouvert à tout croyant
les portes du Royaume;
tu règnes à la droite du Père;
tu viendras pour le jugement.
Montre-toi le défenseur et l’ami
des hommes sauvés par ton sang:
prends-les avec tous les saints
dans ta joie et dans ta lumière.
Sauve ton peuple, bénis cet héritage;veille sur lui, porte-le à jamais.
Je veux te bénir chaque jour,
louer ton Nom, toujours et à jamais.
En ce jour, garde-nous sans péché;
pitié pour nous, Seigneur, pitié sur nous.
Ton amour, Seigneur, soit sur nous,
comme notre espoir est en toi.
[En toi, Seigneur, j'ai espéré:
que je ne sois pas confondu dans l'éternité.]
La phrase entre crochet est une traduction non officielle du texte latin
* Cet article est paru dans la revue canadienne Célébrer les Heures, n° 29.
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1) H. Leclercq, « Te Deum », dans H. I. Marrou (dir.), Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, tome XV, vol. 2, Paris, Smyrne  – Zraia, Letouzey & ‘Ané, 1953, col. 2028-2048 ; Dom R. Le Gall, « Le Te Deum, hymne à la gloire de Dieu et de ses saints », La Vie spirituelle n° 737, 2000, p.621-638.
2) S. Campbell,From Brieviary to Liturgy of the Hours. The Structural Reform of the Roman Office 1964-1971. Collegeville, Liturgical Press, 1995, p. 221-230.
3) Présentation générale de la liturgie des Heures: « la dernière partie de cette hymne, du verset « Sauve ton peuple » jusqu’à la fin, peut être omise à volonté. »
4) R. Taft, La Liturgie des Heures en Orient et en Occident, Turnhout, Brepols, coll. « Mysteria », 1991, p. 155-156 ; P. F. Bradshaw, Daily Prayer in the Farly Church, l.ondres, Alcuin Club/SPCK, coll. « Alcuin Club» 63, 1981, p. 119 et 131 .

(La Vie spirituelle,  776, mai 2008, p. 209)