COMMENTAIRE SUR LA PREMIERE LECTURE – Sagesse 6, 12 – 16
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COMMENTAIRE SUR LA PREMIERE LECTURE – Sagesse 6, 12 – 16
de Marie Noëlle
Avec Aragon, les amoureux chantent « Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre ? » : les croyants le chantent encore plus ; la foi est bien l’histoire d’une rencontre. Dans ce texte du livre de la Sagesse, comme dans toute la Bible, il s’agit de la foi d’Israël, de l’Alliance entre Dieu et son peuple. Car l’auteur du livre de la Sagesse est un croyant ! Je dis « l’auteur » à défaut de pouvoir être plus précise ! On ne sait pas qui il est : une seule chose est sûre : ce livre intitulé « Livre de la sagesse de Salomon » n’est très certainement pas du grand roi Salomon, le fils de David, qui a régné vers 950 av.J.C. Ce Livre a été écrit en grec (et non en hébreu) par un Juif anonyme, à Alexandrie en Egypte, environ cinquante ans seulement, peut-être moins, avant la naissance de Jésus-Christ. Le passage que la liturgie nous offre ici fait partie de tout un ensemble de recommandations aux rois ; évidemment, l’attribution du livre au roi dont la Sagesse était proverbiale donnait toute latitude à l’auteur pour donner des conseils.
Le chapitre 6 commence par : « Or donc, rois, écoutez et comprenez, laissez-vous instruire, vous dont la juridiction s’étend à toute la terre… C’est à vous, ô princes, que vont mes paroles, afin que vous appreniez la Sagesse et ne trébuchiez pas ». Son discours tient en trois points :
Premièrement, la Sagesse est la chose la plus précieuse du monde : et là, ce livre au titre trop sérieux révèle des envolées littéraires auxquelles on ne s’attendait pas : « La Sagesse est resplendissante, elle est inaltérable. » Ou encore : « Elle est un effluve de la puissance de Dieu, une pure irradiation de la gloire du Tout-Puissant… elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l’activité de Dieu et une image de sa bonté. » (Sg 4, 25-26). Elle est tellement précieuse qu’on la compare à la plus désirable des femmes : « Elle est plus radieuse que le soleil et surpasse toute constellation. Comparée à la lumière, sa supériorité éclate : la nuit succède à la lumière, mais le mal ne prévaut pas sur la Sagesse. » (Sg 7, 29-30). « C’est elle que j’ai aimée et recherchée dès ma jeunesse, j’ai cherché à en faire mon épouse et je suis devenu l’amant de sa beauté. » (Sg 8, 2).
Deuxièmement, la Sagesse est à notre portée, ou, plus exactement, elle se met à notre portée : « Elle se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment… elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. » Au passage, il faut admirer ce style très balancé que nous trouvons si souvent dans la Bible, en particulier chez les prophètes et dans les psaumes. Mais surtout, il y a dans ces deux phrases parallèles une affirmation fondamentale : c’est qu’il n’y a pas de conditions pour rencontrer Dieu ; pas de conditions d’intelligence, de mérite ou de valeur personnelle… Jésus le redira sous une autre forme : « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira… Quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe, on ouvrira. » (Mt 7, 7-9).
Et l’auteur attribue au roi Salomon cette confidence : « J’ai prié et le discernement m’a été donné, j’ai imploré et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. » (Sg 7,7). Il nous suffit de la désirer : la seule condition, évidemment, la chercher, la désirer ardemment : « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube » dit le psaume. « Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte » ; toujours cette affirmation qu’elle est tout près de nous, et qu’il nous suffit de la chercher… manière aussi de dire que nous sommes libres ; Dieu ne nous force jamais la main.
Troisièmement, non seulement, elle répond à notre attente, mais elle-même nous recherche, elle nous devance ! Et là, il faut quand même de l’audace… Pourtant, l’auteur le dit en toutes lettres : « Elle devance leurs désirs en se montrant à eux la première »… « Elle va et vient pour rechercher ceux qui sont dignes d’elle. » Dieu prend l’initiative de se révéler à l’homme ; car, on l’a deviné, la Sagesse n’est autre que Dieu lui-même inspirant notre conduite. Plus tard, Saint Paul dira de Jésus-Christ qu’il est la Sagesse de Dieu : « Il est Christ, Puissance de Dieu, Sagesse de Dieu » (1 Co 1, 24 – 30). « Elle va et vient pour rechercher ceux qui sont dignes d’elle » : de nous-mêmes, nous ne pourrions pas atteindre Dieu. Et la dignité dont il est question ici, c’est seulement ce désir de Dieu : la seule dignité qui nous est demandée, c’est d’avoir un coeur qui cherche Dieu.
Et voilà pourquoi il peut y avoir rencontre, Alliance : on sait bien que, pour qu’il y ait vraiment rencontre intime entre deux êtres, il faut que les deux le désirent ; et c’est ce que nous dit le passage d’aujourd’hui : Dieu est à la recherche de l’homme ; il faut et il suffit que l’homme soit à la recherche de Dieu : « Elle va et vient pour rechercher ceux qui sont dignes d’elle ; au détour des sentiers, elle leur apparaît avec un visage souriant ; chaque fois qu’ils pensent à elle, elle vient à leur rencontre ».
On peut se poser la question : sur quels critères peut-on juger qu’un roi (ou quiconque) aura été sage ou non ? Voici ce qu’en dit Jérémie : « Que le sage ne se vante pas de sa sagesse, que le vaillant ne se vante pas de sa vaillance, que le riche ne se vante pas de sa richesse ! Mais qui veut se vanter, qu’il se vante de ceci : avoir de l’intelligence et me connaître, car je suis le SEIGNEUR qui exerce la bonté, le droit et la justice sur la terre. Oui, c’est cela qui me complaît, oracle du SEIGNEUR ! » (Jr 9, 22-23). Voilà donc les critères de la vraie sagesse : celle qui se traduit par la bonté, le droit, la justice.
Notre auteur dit quelque chose d’équivalent : « C’est lui (le Très-Haut) qui examinera vos actes… Si vous, les ministres de sa royauté n’avez pas jugé selon le droit, ni respecté la loi, ni agi selon la volonté de Dieu… (sous-entendu « il vous jugera ») » (Sg 6, 3-4). Décidément, où qu’on se tourne dans la Bible, cela revient toujours au même : la seule chose qui nous est demandée, c’est d’agir selon la volonté de Dieu : « Ce ne sont pas ceux qui disent ‘Seigneur, Seigneur’, mais ceux qui font la volonté de mon Père… » et le prophète Michée précise : « On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR attend de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité et t’appliquer à marcher avec ton Dieu (d’autres traductions disent « la vigilance » dans la marche avec ton Dieu) (Mi 6, 8). Toutes les autres lectures de ce trente-deuxième dimanche nous parleront de cette vigilance.
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