Archive pour novembre, 2011
JEAN-PAUL II: L´AVENT C´EST ESPÉRER CONCRÈTEMENT EN UN DIEU QUI NOUS AIME
30 novembre, 2011du site:
http://www.zenit.org/article-1832?l=french
JEAN-PAUL II: L´AVENT C´EST ESPÉRER CONCRÈTEMENT EN UN DIEU QUI NOUS AIME
Allocution du pape avant la prière de l´Angélus
CITE DU VATICAN, dimanche 2 décembre 2001 (ZENIT.org) – Alors que l´Eglise entrait ce dimanche dans la période de préparation à Noël, le temps de l´Avent, le pape a rappelé que cette période liturgique « n´est pas l´attente vaine d´un dieu sans visage » mais « la confiance concrète » en un Dieu qui nous aime. Au cours de son allocution aux fidèles réunis place Saint Pierre, Jean-Paul II a invité les chrétiens a approfondir « le mystère du Christ, mystère toujours nouveau », avant de réciter la prière de l´Angélus.
« Le Christ est l´Alfa et l´Oméga, le commencement et la fin », a-t-il expliqué. Grâce à lui, l´histoire de l´humanité avance comme un pèlerinage vers l´accomplissement du Royaume qu´il a Lui-même inauguré par son incarnation et sa victoire sur le péché et la mort ».
« L´Avent est pour cela synonyme d´espérance: non pas attente vaine d´un dieu sans visage, mais confiance concrète et certaine dans le retour de Celui qui est déjà venu nous visiter, « l´Epoux » qui par son sang a scellé avec l´humanité une alliance éternelle », a-t-il poursuivi. « C´est une espérance qui incite à la vigilance, vertu caractéristique de ce temps liturgique. Vigilance dans la prière animée par une attente vécue dans l´amour; vigilance dans le dynamisme de la charité concrète, conscients du fait que le Royaume de Dieu se fait plus proche là où les hommes apprennent à vivre en frères ».
Le pape a ensuite repris les paroles du prophète Isaïe, de la liturgie de ce dimanche, qui résument toute l´attente de l´Avent: « Il arrivera dans l´avenir, dit le Seigneur, que la montagne du temple du Seigneur sera placée à la tête des montagnes et dominera les collines. Toutes les nations afflueront vers elle, …/ De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances, des faucilles. / On ne lèvera plus l´épée nation contre nation, on ne s´entraînera plus pour la guerre (Is 2, 1-5) », des paroles qui contiennent une « promesse de paix plus actuelle que jamais pour l´humanité », a-t-il précisé.
Jean-Paul II a conclu en rappelant que samedi prochain l´Eglise fête l´Immaculée Conception. « Qu´elle nous guide sur ce chemin. Qu´elle aide tout homme et toute nation à tourner les yeux vers la « montagne du Seigneur », image du triomphe définitif du Christ et de l´avent de son Royaume de paix », a-t-il déclaré.
AUDIENCE GÉNÉRALE DU 30 NOVEMBRE 2011 : LA PRIÈRE DE JÉSUS
30 novembre, 2011du site:
http://www.zenit.org/article-29611?l=french
AUDIENCE GÉNÉRALE DU 30 NOVEMBRE 2011 : LA PRIÈRE DE JÉSUS
Benoît XVI évoque la « décision personnelle » du chrétien
ROME, mercredi 30 novembre 2011 (ZENIT.org) – « Dans notre prière aussi nous devons apprendre, toujours davantage, à entrer dans cette histoire du salut dont Jésus est le sommet, renouveler devant Dieu notre décision personnelle de nous ouvrir à sa volonté », explique Benoît XVI.
Le pape exhorta à la constance dans la prière en disant : « Eduquons-nous à une relation intense avec Dieu, à une prière qui ne soit pas occasionnelle, mais constante, pleine de confiance, capable d’éclairer notre vie ».
Benoît XVI a en effet commencé une nouvelle série de catéchèses, sur la prière de Jésus lui-même, lors de l’audience générale de ce mercredi matin, 30 novembre.
Nous publions ci-dessous le texte intégral de cette catéchèse donnée en la salle Paul VI du Vatican :
Chers frères et sœurs,
Au cours des dernières catéchèses, nous avons réfléchi sur certains exemples de prière dans l’Ancien Testament; aujourd’hui, je voudrais commencer à tourner notre regard vers Jésus, vers sa prière, qui traverse toute sa vie, comme un canal secret qui irrigue l’existence, les relations, les gestes et qui le guide, avec une fermeté progressive, vers le don total de soi, selon le projet d’amour de Dieu le Père. Jésus est le maître également de nos prières, Il est même notre soutien actif et fraternel chaque fois que nous nous adressons au Père. Il est vrai, comme le synthétise un titre du Compendium du Catéchisme de l’Eglise catholique, que «la prière est pleinement révélée et réalisée en Jésus» (541-547). C’est vers lui que nous voulons tourner notre regard au cours des prochaines catéchèses.
Un moment particulièrement significatif de son chemin est la prière qui suit le baptême auquel il se soumet au fleuve Jourdain. L’évangéliste Luc souligne que Jésus, après avoir reçu, avec tout le peuple, le baptême des mains de Jean-Baptiste, entre dans une prière très personnelle et prolongée: «Comme tout le peuple se faisait baptiser et que Jésus priait, après avoir été baptisé lui aussi, alors le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint descendit sur Jésus» (Lc 3, 21-22). C’est précisément ce fait de «prier», d’être en dialogue avec le Père qui illumine l’action qu’il a accomplie avec une grande partie de son peuple, accourue sur les rives du Jourdain. En priant, Il donne à son geste du baptême une marque exclusive et personnelle.
Jean-Baptiste avait adressé un puissant appel à vivre véritablement comme «fils d’Abraham», en se convertissant au bien et en accomplissant des fruits dignes de ce changement (cf. Lc 3, 7-9). Et un grand nombre d’Israélites s’étaient mis en route, comme le rappelle l’évangéliste Marc, qui écrit: «Toute la Judée, tout Jérusalem, venait [à Jean]. Tous se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain, en reconnaissant leurs péchés» (Mc 1, 5). Jean-Baptiste apportait quelque chose de véritablement nouveau: se soumettre au baptême devait marquer un tournant définitif, abandonner une conduite liée au péché et commencer une vie nouvelle. Jésus aussi accueille cette invitation, entre dans la multitude grise des pécheurs qui attendent sur les rives du Jourdain. Mais, comme les premiers chrétiens, nous aussi nous nous posons la question: pourquoi Jésus se soumet-il volontairement à ce baptême de pénitence et de conversion? Il n’avait aucun péché à confesser, il n’avait pas de péché, donc il n’avait donc pas besoin de se convertir. Pourquoi accomplit-il alors ce geste? L’évangéliste Matthieu rapporte l’étonnement de Jean-Baptiste qui affirme: «C’est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c’est toi qui viens à moi!» (Mt 3, 14) et la réponse de Jésus: «Pour le moment, laisse-moi faire; c’est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste» (v. 15). Le sens de la parole «justice» dans le monde biblique est d’accepter pleinement la volonté de Dieu. Jésus montre sa proximité à la portion de son peuple qui, en suivant Jean-Baptiste, reconnaît comme insuffisant de se considérer simplement comme fils d’Abraham, mais veut accomplir la volonté de Dieu, veut s’appliquer afin que son comportement soit une réponse fidèle à l’alliance offerte par Dieu en Abraham. En descendant alors au fleuve Jourdain, Jésus, sans péché, rend visible sa solidarité avec ceux qui reconnaissent leurs péchés, choisissent de se repentir et de changer de vie; il fait comprendre que faire partie du peuple de Dieu signifie entrer dans une optique de nouveauté de vie, de vie selon Dieu.
Dans ce geste, Jésus anticipe la croix, il entame son activité en prenant la place des pécheurs, en assumant sur ses épaules le poids de la faute de l’humanité tout entière, en accomplissant la volonté du Père. En se recueillant en prière, Jésus montre le lien intime avec le Père qui est aux Cieux, fait l’expérience de sa paternité, saisit la beauté exigeante de son amour, et dans le dialogue avec le Père, reçoit la confirmation de sa mission. Dans les paroles qui retentissent du Ciel (cf. Lc 3, 22), il y a le renvoi anticipé au mystère pascal, à la croix et à la résurrection. La voix divine le définit «mon Fils, le bien-aimé», rappelant Isaac, le fils bien-aimé que le père Abraham était disposé à sacrifier, selon le commandement de Dieu (cf. Gn 22, 1-4). Jésus n’est pas seulement le Fils de David, descendant messianique royal, ou le Serviteur, dont Dieu se réjouit, mais il est aussi le Fils unique, bien-aimé, semblable à Isaac, que Dieu le Père donne pour le salut du monde. Au moment où, à travers la prière, Jésus vit en profondeur sa propre filiation et l’expérience de la paternité de Dieu (cf. Lc 3, 22b), l’Esprit Saint descend (cf. Lc 3, 22a), qui le guide dans sa mission et qu’Il manifestera après avoir été élevé sur la croix (cf. Jn 1, 32-34; 7, 37-39), afin qu’il illumine l’œuvre de l’Eglise. Dans la prière, Jésus vit un contact ininterrompu avec le Père pour réaliser jusqu’au bout son projet d’amour pour les hommes.
C’est sur l’arrière-plan de cette extraordinaire prière que se situe toute l’existence de Jésus vécue dans une famille profondément liée à la tradition religieuse du peuple d’Israël. C’est ce que montrent les références que nous trouvons dans l’Evangile: sa Circoncision (cf. Lc 2, 21), et sa Présentation au Temple (cf. Lc 2, 22-24), ainsi que l’éducation et la formation à Nazareth, dans la sainte maison (cf. Lc 2, 39-40 et 2, 51-52). Il s’agit d’«environ trente ans» (Lc 3, 23), un temps prolongé de vie cachée et de travail, bien qu’avec des expériences de participation à des moments d’expression religieuse communautaire, comme les pèlerinages à Jérusalem (cf. Lc 2, 41). En nous rapportant l’épisode de Jésus, âgé de 12 ans, dans le Temple, assis au milieu des maîtres (cf. Lc 2, 42-52), l’évangéliste Luc laisse entrevoir que Jésus, qui prie après le baptême au Jourdain, possède une longue habitude de prière intime avec Dieu le Père, enracinée dans les traditions, dans le style de sa famille, dans les expériences décisives vécues en son sein. La réponse de l’enfant de 12 ans à Marie et Joseph indique déjà la filiation divine, que la voix céleste manifeste après le baptême: «Comment se fait-il que vous m’ayez cherché? Ne le saviez-vous pas? C’est chez mon Père que je dois être» (Lc 2, 49). Ce n’est pas en sortant des eaux du Jourdain que Jésus inaugure sa prière, mais il poursuit sa relation constante, habituelle avec le Père; et c’est dans cette union intime avec Lui qu’il accomplit le passage de la vie cachée de Nazareth à son ministère public.
L’enseignement de Jésus sur la prière vient certainement de sa façon de prier apprise en famille, mais elle a des origines profondes et essentielles dans sa condition de Fils de Dieu, dans son rapport unique avec Dieu le Père. Le Compendium du Catéchisme de l’Eglise catholique répond à la question: de qui Jésus a-t-il appris à prier? ainsi: «Selon son cœur d’homme, Jésus a appris à prier de sa mère et de la tradition juive. Mais sa prière jaillit d’une source plus secrète, parce qu’il est le Fils éternel de Dieu qui, dans sa sainte humanité, adresse à son Père la prière filiale parfaite» (541).
Dans le récit évangélique, les contextes de la prière de Jésus se situent toujours au croisement entre l’enracinement dans la tradition de son peuple et la nouveauté d’une relation personnelle unique avec Dieu. Le «lieu désert» (cf. Mc 1, 35; Lc 5, 16) dans lequel il se retire souvent, le «mont» qu’il gravit pour prier (cf. Lc 6, 12; 9, 28), «la nuit» qui lui permet d’être en solitude (cf. Mc 1, 35; 6, 46-47; Lc 6, 12) rappellent des moments du chemin de la révélation de Dieu dans l’Ancien Testament, en indiquant la continuité de son projet salvifique. Mais dans le même temps, ils marquent des moments d’importance particulière pour Jésus, qui s’inscrit consciemment dans ce dessein, pleinement fidèle à la volonté du Père.
Dans notre prière aussi nous devons apprendre, toujours davantage, à entrer dans cette histoire du salut dont Jésus est le sommet, renouveler devant Dieu notre décision personnelle de nous ouvrir à sa volonté, Lui demander la force de conformer notre volonté à la sienne, dans toute notre vie, en obéissance à son projet d’amour pour nous.
La prière de Jésus touche toutes les phases de son ministère et toutes ses journées. Les difficultés ne sont pas un obstacle. Les Evangiles laissent même entrevoir l’habitude de Jésus de passer en prière une partie de la nuit. L’évangéliste Marc raconte l’une de ces nuits, après la lourde journée de la multiplication des pains et il écrit: «Aussitôt après, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, vers Bethsaïde, pendant que lui-même renvoyait la foule. Quand il les eut congédiés, il s’en alla sur la montagne pour prier. Le soir venu, la barque était au milieu de la mer et lui, tout seul, à terre» (Mc 6, 45-47). Lorsque les décisions se font urgentes et complexes, sa prière se prolonge et devient plus intense. Dans l’imminence du choix des Douze Apôtres, par exemple, Luc souligne la durée nocturne de la prière préparatoire de Jésus: «En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu. Le jour venu, il appela ses disciples, en choisit douze, et leur donna le nom d’Apôtres» (Lc 6, 12-13).
En examinant la prière de Jésus, une question doit naître en nous: et moi, comment est-ce que je prie? Comment prions-nous? Combien de temps est-ce que je consacre à ma relation avec Dieu? Eduque-t-on et forme-t-on aujourd’hui suffisamment à la prière? Et qui peut l’enseigner? Dans l’exhortation apostolique Verbum Domini, j’ai parlé de l’importance de la lecture en prière de la Sainte Ecriture. En recueillant ce qui était apparu au cours de l’assemblée du synode des évêques, j’ai mis un accent particulier sur la forme spécifique de la lectio divina. Ecouter, méditer, observer le silence devant le Seigneur qui parle est un art, qui s’apprend en le pratiquant avec constance. La prière est assurément un don, qui demande toutefois d’être accueilli; c’est l’œuvre de Dieu, mais elle exige engagement et continuité de notre part; surtout, la continuité et la constance sont importantes. L’expérience exemplaire de Jésus montre justement que sa prière, animée par la paternité de Dieu et par la communion de l’Esprit, s’est approfondie en un exercice prolongé et fidèle, jusqu’au Jardin des Oliviers et à la Croix. Aujourd’hui les chrétiens sont appelés à être des témoins de prière, précisément parce que notre monde est souvent fermé à l’horizon divin et à l’espérance qui conduit à la rencontre avec Dieu. Dans l’amitié profonde avec Jésus et en vivant en Lui et avec Lui la relation filiale avec le Père, à travers notre prière fidèle et constante, nous pouvons ouvrir des fenêtres vers le Ciel de Dieu. C’est même en parcourant la voie de la prière, sans considération humaine, que nous pouvons aider les autres à la parcourir: pour la prière chrétienne aussi il est vrai que c’est en cheminant que s’ouvrent des chemins.
Chers frères et sœurs, éduquons-nous à une relation intense avec Dieu, à une prière qui ne soit pas occasionnelle, mais constante, pleine de confiance, capable d’éclairer notre vie, comme nous l’enseigne Jésus. Et demandons-Lui de pouvoir communiquer aux personnes qui nous sont proches, à ceux que nous rencontrons sur notre route, la joie de la rencontre avec le Seigneur, lumière pour notre existence. Merci.
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A l’issue de la catéchèse en italien, le Saint-Père s’est adressé aux pèlerins de langue française:
Chers frères et sœurs, après quelques exemples de prière dans l’Ancien Testament, nous allons regarder ce que fut celle de Jésus. Les Evangiles montrent qu’elle a traversé toute sa vie, en l’irriguant secrètement jusqu’au don total de lui-même. Dans la prière, Jésus vit un contact ininterrompu avec son Père afin de réaliser son projet d’amour pour l’humanité. N’oublions pas qu’il a grandi dans une famille profondément liée à la tradition religieuse du peuple d’Israël! La réponse qu’il fait à Marie et à Joseph qui le découvrent dans le Temple au milieu des docteurs indique déjà sa filiation divine. Après avoir reçu le baptême de Jean au Jourdain, Jésus «se tenait en prière», nous dit l’évangéliste Luc. Cette attitude éclaire ce qu’il vient de faire et lui donne un sceau particulier. Il manifeste sa solidarité avec son peuple et il l’invite à vivre d’une façon nouvelle, selon Dieu. Il passe ainsi de la vie cachée à son ministère public en demeurant uni à son Père. Sa prière dans la solitude du désert ou de la nuit lui permet d’être pleinement fidèle à la volonté divine. Et nous, chers amis, comment prions-nous? En prenons-nous le temps? Prier est un art qui s’apprend. Pratiquons-le avec constance et confiance, comme nous l’enseigne Jésus.
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Chers pèlerins francophones, je suis heureux de vous accueillir et de saluer le séminaire pontifical français de Rome, ainsi que la délégation du diocèse de Belley-Ars accompagnée de l’évêque, Mgr Guy Bagnard, venue offrir à la Basilique vaticane un portrait du saint curé d’Ars, en commémoration de l’Année sacerdotale. A la suite de saint Jean-Marie Vianney, réapprenons l’importance de la prière dans nos vies! En priant régulièrement, nous entrerons avec Jésus dans le projet d’amour de Dieu sur nous et nous trouverons la force et la joie d’y répondre généreusement.
© Copyright du Texte original plurilingue : Libreria Editrice Vaticana
Traduction française : Zenit
Saint Andrew the First-Called
29 novembre, 2011Pape Benoît: André, le Protoclet – fête le 30 novembre
29 novembre, 2011du site:
BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 14 juin 2006
André, le Protoclet - fête le 30 novembre
Chers frères et soeurs,
Dans les deux dernières catéchèses, nous avons parlé de la figure de saint Pierre. A présent, nous voulons, dans la mesure où les sources nous le permettent, connaître d’un peu plus près également les onze autres Apôtres. C’est pourquoi nous parlons aujourd’hui du frère de Simon Pierre, saint André, qui était lui aussi l’un des Douze. La première caractéristique qui frappe chez André est son nom: il n’est pas juif, comme on pouvait s’y attendre, mais grec, signe non négligeable d’une certaine ouverture culturelle de sa famille. Nous sommes en Galilée, où la langue et la culture grecques sont assez présentes. Dans les listes des Douze, André occupe la deuxième place, comme dans Matthieu (10, 1-4) et dans Luc (6, 13-16), ou bien la quatrième place comme dans Marc (3, 13-18) et dans les Actes (1, 13-14). Quoi qu’il en soit, il jouissait certainement d’un grand prestige au sein des premières communautés chrétiennes.
Le lien de sang entre Pierre et André, ainsi que l’appel commun qui leur est adressé par Jésus, apparaissent explicitement dans les Evangiles. On y lit: « Comme il [Jésus] marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac: c’était des pêcheurs. Jésus leur dit: « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes »" (Mt 4, 18-19; Mc 1, 16-17). Dans le quatrième Evangile, nous trouvons un autre détail important: dans un premier temps, André était le disciple de Jean Baptiste; et cela nous montre que c’était un homme qui cherchait, qui partageait l’espérance d’Israël, qui voulait connaître de plus près la parole du Seigneur, la réalité du Seigneur présent. C’était vraiment un homme de foi et d’espérance; et il entendit Jean Baptiste un jour proclamer que Jésus était l’ »agneau de Dieu » (Jn 1, 36); il se mit alors en marche et, avec un autre disciple qui n’est pas nommé, il suivit Jésus, Celui qui était appelé par Jean « Agneau de Dieu ». L’évangéliste rapporte: ils « virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là » (Jn 1, 37-39). André put donc profiter de précieux moments d’intimité avec Jésus. Le récit se poursuit par une annotation significative: « André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord son frère Simon et lui dit: « Nous avons trouvé le Messie (autrement dit: le Christ) ». André amena son frère à Jésus » (Jn 1, 40-43), démontrant immédiatement un esprit apostolique peu commun. André fut donc le premier des Apôtres à être appelé à suivre Jésus. C’est précisément sur cette base que la liturgie de l’Eglise byzantine l’honore par l’appellation de Protóklitos, qui signifie précisément « premier appelé ». Et il est certain que c’est également en raison du rapport fraternel entre Pierre et André que l’Eglise de Rome et l’Eglise de Constantinople se sentent de manière particulière des Eglises-soeurs. Pour souligner cette relation, mon Prédécesseur, le Pape Paul VI, restitua en 1964 les nobles reliques de saint André, conservées jusqu’alors dans la Basilique vaticane, à l’Evêque métropolite orthodoxe de la ville de Patras en Grèce, où selon la tradition, l’Apôtre fut crucifié.
Les traditions évangéliques rappellent particulièrement le nom d’André en trois autres occasions, qui nous font connaître un peu plus cet homme. La première est celle de la multiplication des pains en Galilée. En cette circonstance, ce fut André qui signala à Jésus la présence d’un enfant avec cinq pains d’orge et deux poissons, « bien peu de chose » – remarqua-t-il – pour toutes les personnes réunies en ce lieu (cf. Jn 6, 8-9). Le réalisme d’André en cette occasion mérite d’être souligné: il remarqua l’enfant – il avait donc déjà posé la question: « Mais qu’est-ce que cela pour tant de monde! » (ibid.) -, et il se rendit compte de l’insuffisance de ses maigres réserves. Jésus sut toutefois les faire suffire pour la multitude de personnes venues l’écouter. La deuxième occasion fut à Jérusalem. En sortant de la ville, un disciple fit remarquer à Jésus le spectacle des murs puissants qui soutenaient le Temple. La réponse du Maître fut surprenante: il lui dit que de ces murs, il ne serait pas resté pierre sur pierre. André l’interrogea alors, avec Pierre, Jacques et Jean: « Dis-nous quand cela arrivera, dis-nous quel sera le signe que tout cela va finir » (Mc 13, 1-4). Pour répondre à cette question, Jésus prononça un discours important sur la destruction de Jérusalem et sur la fin du monde, en invitant ses disciples à lire avec attention les signes des temps et à rester toujours vigilants. Nous pouvons déduire de l’épisode que nous ne devons pas craindre de poser des questions à Jésus, mais que dans le même temps, nous devons être prêts à accueillir les enseignements, même surprenants et difficiles, qu’Il nous offre.
Dans les Evangiles, enfin, une troisième initiative d’André est rapportée. Le cadre est encore Jérusalem, peu avant la Passion. Pour la fête de Pâques – raconte Jean – quelques Grecs étaient eux aussi venus dans la ville sainte, probablement des prosélytes ou des hommes craignant Dieu, venus pour adorer le Dieu d’Israël en la fête de la Pâque. André et Philippe, les deux Apôtres aux noms grecs, servent d’interprètes et de médiateurs à ce petit groupe de Grecs auprès de Jésus. La réponse du Seigneur à leur question apparaît – comme souvent dans l’Evangile de Jean – énigmatique, mais précisément ainsi, elle se révèle riche de signification. Jésus dit aux deux disciples et, par leur intermédiaire, au monde grec: « L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié. Amen, amen, je vous le dis: si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit » (Jn 12, 23-24). Que signifient ces paroles dans ce contexte? Jésus veut dire: Oui, ma rencontre avec les Grecs aura lieu, mais pas comme un simple et bref entretien entre moi et quelques personnes, poussées avant tout par la curiosité. Avec ma mort, comparable à la chute en terre d’un grain de blé, viendra l’heure de ma glorification. De ma mort sur la croix proviendra la grande fécondité: le « grain de blé mort » – symbole de ma crucifixion – deviendra dans la résurrection pain de vie pour le monde; elle sera lumière pour les peuples et les cultures. Oui, la rencontre avec l’âme grecque, avec le monde grec, se réalisera à ce niveau auquel fait allusion l’épisode du grain de blé qui attire à lui les forces de la terre et du ciel et qui devient pain. En d’autres termes, Jésus prophétise l’Eglise des Grecs, l’Eglise des païens, l’Eglise du monde comme fruit de sa Pâque.
Des traditions très antiques voient André, qui a transmis aux Grecs cette parole, non seulement comme l’interprète de plusieurs Grecs lors de la rencontre avec Jésus que nous venons de rappeler, mais elles le considèrent comme l’apôtre des Grecs dans les années qui suivirent la Pentecôte; elles nous font savoir qu’au cours du reste de sa vie il fut l’annonciateur et l’interprète de Jésus dans le monde grec. Pierre, son frère, de Jérusalem en passant par Antioche, parvint à Rome pour y exercer sa mission universelle; André fut en revanche l’Apôtre du monde grec: ils apparaissent ainsi de véritables frères dans la vie comme dans la mort – une fraternité qui s’exprime symboliquement dans la relation spéciale des Sièges de Rome et de Constantinople, des Eglises véritablement soeurs.
Une tradition successive, comme nous l’avons mentionné, raconte la mort d’André à Patras, où il subit lui aussi le supplice de la crucifixion. Cependant, au moment suprême, de manière semblable à son frère Pierre, il demanda à être placé sur une croix différente de celle de Jésus. Dans son cas, il s’agit d’une croix décussée, c’est-à-dire dont le croisement transversal est incliné, qui fut donc appelée « croix de saint André ». Voilà ce que l’Apôtre aurait dit à cette occasion, selon un antique récit (début du VI siècle) intitulé Passion d’André: « Je te salue, ô Croix, inaugurée au moyen du Corps du Christ et qui as été ornée de ses membres, comme par des perles précieuses. Avant que le Seigneur ne monte sur toi, tu inspirais une crainte terrestre. A présent, en revanche, dotée d’un amour céleste, tu es reçue comme un don. Les croyants savent, à ton égard, combien de joie tu possèdes, combien de présents tu prépares. Avec assurance et rempli de joie, je viens donc à toi, pour que toi aussi, tu me reçoives exultant comme le disciple de celui qui fut suspendu à toi… O croix bienheureuse, qui reçus la majesté et la beauté des membres du Seigneur!… Prends-moi et porte-moi loin des hommes et rends-moi à mon Maître, afin que par ton intermédiaire me reçoive celui qui, par toi, m’a racheté. Je te salue, ô Croix; oui, en vérité, je te salue! ». Comme on le voit, il y a là une très profonde spiritualité chrétienne, qui voit dans la croix non pas tant un instrument de torture, mais plutôt le moyen incomparable d’une pleine assimilation au Rédempteur, au grain de blé tombé en terre. Nous devons en tirer une leçon très importante: nos croix acquièrent de la valeur si elles sont considérées et accueillies comme une partie de la croix du Christ, si elles sont touchées par l’éclat de sa lumière. Ce n’est que par cette Croix que nos souffrances sont aussi ennoblies et acquièrent leur sens véritable.
Que l’Apôtre André nous enseigne donc à suivre Jésus avec promptitude (cf. Mt 4, 20; Mc 1, 18), à parler avec enthousiasme de Lui à ceux que nous rencontrons, et surtout à cultiver avec Lui une relation véritablement familière, bien conscients que ce n’est qu’en Lui que nous pouvons trouver le sens ultime de notre vie et de notre mort.
Te Deum. L’adresse d’une hymne de louange (Maxime Allard, o.p.)
29 novembre, 2011du site:
Te Deum. L’adresse d’une hymne de louange (Maxime Allard, o.p.)
L’hymne Te Deum se raconte au cours d’une longue histoire. Elle est connue depuis les environs de 502, date de sa première apparition consignée dans une règle monastique. Elle semble bien avoir été composée par à-coup et insérée dans la liturgie progressivement…
L’hymne Te Deum se raconte au cours d’une longue histoire. Elle est connue depuis les environs de 502, date de sa première apparition consignée dans une règle monastique. Elle semble bien avoir été composée par à-coup et insérée dans la liturgie progressivement, même si une légende tenace en fait une composition presque spontanée lors du baptême d’ Augustin par Ambroise, à Milan en 387. Mais cette histoire a déjà été retracée[1]. L’hymne emprunte par moment au Gloire à Dieu avec lequel elle conserve des affinités quant aux jours de son utilisation. Avec une tonalité souvent proche des préfaces eucharistiques, l’hymne a été un élément de la célébration des Heures, de matines puis de l’Office des lectures. Utilisée aussi en dehors de la célébration de l’office choral pour marquer le couronnement de rois, le sacre d’évêques, des victoires en temps de guerres, elle a été mise en musique autrement que sur les mélodies grégoriennes. On trouve et apprécie diversement des Te Deum par Berlioz, Bizet, ,Brückner, Charpentier, Dettinger, Dvorak, Fauré, Haydn, Kodály, Mozart, Part, Rutter, Tinel, Verdi, etc. Jusqu’à l’opéra Tosca de Puccini qui en conserve des traces à la fin du premier acte, au moment où le drame se noue.
Cette hymne, la liturgie actuelle la propose en deux versions. La version longue, traditionnelle, inclut en finale une cascade de versets psalmiques retravaillés: Ps 27, 9 ; 144, 2; 122,3 ; 32, 22. La version brève les retranche, par souci avoué de reconstituer une authenticité historique[2]. Le choix de la version relève cependant de la volonté de la personne qui célèbre ou d’options communautaires[3]. Dans l’analyse proposée, la version longue est privilégiée. Elle est même rallongée par l’ajout du dernier verset de la version latine, en provenance du Ps 30, 1, verset que je traduis directement du latin sans souci d’exactitude liée au texte hébreu: « En toi, Seigneur, j’ai espéré: que je ne sois pas confondu dans l’éternité. »
Sa place actuelle est claire: à la fin de l’Office des lectures des dimanches et aux jours de solennités et de fêtes. D’autres traditions chrétiennes et d’autres périodes de l’histoire de l’Église en prescrivent cependant l’utilisation quotidienne[4]. Seul le temps du Carême la fait taire dans l’Église. Comme hors des milieux monastiques la pratique de l’Office des lectures en commun est peu répandue, cette hymne ne retentit donc plus souvent. Or, elle gagne, pour donner toute sa mesure, à être proférée à voix haute. En cela, elle rejoint l’Alléluia dont la force se montre vraiment lorsqu’il est chanté.
Le Te Deum termine l’Office des lectures sur une note de louange. Dans la version longue comme dans la brève, cet office se clôt sur une demande d’entrer dans la gloire éternelle des « saints » de Dieu
(« prends-les avec tous les saints dans ta joie et dans ta lumière » ; « que je ne sois pas confondu dans l’éternité »). La clôture de l’office serait donc une note de louange. Cette dernière affirmation est beaucoup trop rapide. Elle donne trop vite dans une certaine manière d’envisager la louange qui, pour être spirituelle, n’en demeure peut-être pas moins un peu déconnectée de ce que l’Église propose comme acte de louange avec le Te Deum. Après tout, il y avait quelque chose de juste à faire retentir les églises des accents puissants de Te Deum après des guerres, au moment de la victoire. À la fin de la guerre, il y a bien des ruines, bien des traces de blessures qui ne se laissent pas oublier si rapidement. Cela doit percer dans la louange, la glorification, l’acclamation, la confession assurée. Le Te Deum les met sur les lèvres. Dans ces conditions, qu’est-ce que la louange? Qu’est-ce que glorifier Dieu?
De plus, écrire qu’il s’agit simplement de louange comme si on savait ce dont il s’agit ne suffit pas. Louer est une action complexe qui recourt, selon le texte du Te Deum, à l’acclamation, à la prostration, à l’action de grâce, à l’adoration, au chant, à la glorification, à la proclamation, au témoignage, à l’annonciation et à la reconnaissance. Entre « Toi, Dieu… » et « nous » (et l’entourage céleste), la louange prend corps, littéralement. Elle passe par des mots, par des chants qui ne sont jamais solitaires. Elle requiert que les mots chantés, proclamés, se muent en attitudes corporelles: prosternation et adoration. D’ailleurs, la liturgie, avant Vatican II, suggérait que la dernière strophe, celle débutant par « Montre-toi…», soit priée à genoux. Cela laisse entrevoir la complexité de la louange adressée « À toi, Dieu… » Cela signale la « perlaboration », le lent travail que cette hymne peut faire sur une personne qui s’y livre, s’y exprime et en fait un lieu pour s’entraîner à rendre grâce.
Suivons maintenant l’hymne du point de vue double de son adresse: à qui elle s’adresse et qui l’adresse. Cela suggérera des façons de se la remettre en bouche aujourd’hui. Après tout, cette hymne ne va pas de soi. Les anges et archanges ont beau avoir été à la mode récemment, ils ont pris peu de place dans la liturgie; notre rapport à la liturgie céleste est pour le moins ambigu. De plus, la christologie qui y est chantée pourra sembler problématique à certaines personnes: qui est à l’aise avec le « tu n’as pas craint de prendre chair dans le corps d’une vierge» qui atténue le latin « tu n’as pas été horrifié ou eu horreur (horruisti) du sein de la Vierge »?
« Toi, Dieu» ou « À Toi, Dieu… »
Toi! En latin, quatorze vers de l’hymne débutent par l’adresse ou son rappel (Te, tibi, tu).
Malheureusement, la traduction française n’a pas conservé ce rythme. Il faut la retrouver sous les lourds « Devant toi… c’est toi que… toi que» et sous les transformations du performatif « Toi… à Toi » en constatations quasi factuelles : « Tu n’as pas craint… tu as ouvert… tu règnes. » Et ainsi, il y a perte de l’insistance, du sens de l’adresse requise pour s’adresser ainsi à Dieu, sans crainte.
« Toi… Dieu », « à toi, Dieu… ». De nos jours, ce type d’exclamation ou d’apostrophe est réservé à des interpellations plus ou moins violentes. Selon les dictionnaires, l’apostrophe possède quelque chose de brutal et d’impoli. On ne s’empêtre pas dans les fleurs du tapis, dans les formules de politesse. « Toi, Dieu… » : c’est à la fois un peu plus brusque et moins familier que Notre Père. Plus osé même que les prières eucharistiques, commençant avec leurs préfaces et qui distribuent quelques « toi » au fil de leur déroulement. Et pourtant, cela semble bien l’adresse eschatologique: « Toi… Dieu » !
Toi, Dieu… ! À toi, Dieu… Le destinataire est désigné presque comme dans: « Père Noël. Pôle Nord ». Pas de méprise possible. L’adresse est directe, unique. Elle signe à la fois la proximité, malgré la grandeur de Dieu, et une certaine audace de qui ose interpeller ainsi Dieu. Aucune précaution oratoire, rhétorique, déférente. Serait-ce dû à un débordement de joie et d’action de grâce qui en viendrait à faire manquer aux convenances, à la calme récitation de l’Office des lectures? Serait-ce les psaumes priés au cours de cet office et les lectures y guidant et nourrissant la méditation qui causent un tel débordement, une adresse si brusque ? Dans tous les cas, avec une telle adresse initiale, l’attention est détournée du sujet de la discussion, de la méditation et, résolument, orientée vers Dieu à qui il s’agit de s’adresser.
Avec habileté – adresse ! -, l’hymne déploie l’adresse initiale: Père éternel, Fils éternel et bien-aimé, Seigneur, Esprit de puissance et de paix (dommage, cependant, que la traduction française ait perdu « l’Esprit consolateur » du latin). Lentement, l’adresse initiale s’étend et le déploiement de Dieu couvre toute la terre, le ciel, l’univers entier. L’adresse n’en finit pas d’être reprise, réitérée. Comme si on voulait y séjourner, ne pas aller plus loin, ne pas pouvoir aller plus loin. Comme si, d’un coup, on avait atteint le but.
Il vaut la peine de s’attarder encore un peu au déploiement de cette adresse. Après tout, à la déployer ainsi, la cause de la louange se laisse repérer et répéter. Dieu est loué et adoré parce qu’il est Dieu, parce qu’il est une adorable trinité. Il est confessé pour son plaisir, ou pour sa gloire éternelle. C’est la même chose. La louange adressée à Dieu est sans pourquoi. Comme la rose de Silésius ! On ne cherche donc pas à accumuler des raisons de louer Dieu. Difficile d’en trouver qui pourraient justifier aujourd’hui sa reprise hebdomadaire. Difficile d’en relier l’une ou l’autre au vécu des personnes qui s’y engagent. Seulement, on accumule, tour à tour, toutes les différentes manières de le louer par divers groupes. Comme si cela allait de soi de s’adresser « à Toi, Dieu… ».
Nous, eux, elle, nous… (enfin, je) !
L’adresse est claire: Toi, Dieu! L’adressant l’est aussi: « Nous te louons. » Mais « nous » n’est pas seul. Il s’inscrit dans un mouvement s’adressant à « Toi, Dieu » déjà enclenché depuis longtemps, par bien d’autres, au ciel et sur terre. Il y a les archanges, les anges, les esprits des cieux, le chœur des glorieux Apôtres, la multitude des prophètes, l’armée des martyrs, l’Église. C’est donc que la mort n’arrête pas l’adresse, la louange qui s’adresse à « Toi, Dieu… ». La compagnie du « nous » en est élargie aux dimensions cosmiques et par-delà. Tous les groupes et individus adressent leurs louanges à « Toi, Dieu… ». Du ciel ou de la terre, ils s’adressent à Dieu. Leur louange couvre le monde, la terre entière. En fait, on pourrait même finir par croire, à force de lire et de prier à nouveau cette hymne, que cette louange est, par elle-même, la « gloire » de Dieu qui remplit l’univers.
« Nous » se distingue d’un groupe d’« eux » : ceux qui sont déjà au ciel. Mais « nous » se distingue aussi d’« elle », soit de l’Église. Ces deux distinctions se comprennent. « Nous » n’est pas déjà au ciel. Il en va de tout l’écart entre le ciel et la terre, entre la vie présente et la vie éternelle, écart qui passe par la mort, par la vie jusqu’à la mort. Et si « nous » est occupé à chanter, c’est qu’il est encore en route jusqu’à en mourir. « Nous » se distingue de l’Église. Pas qu’il n’en est pas. Au contraire, « nous » fait sienne la confession de foi trinitaire de l’Église. Il s’en fait l’écho. Il ne se tient pas à l’écart de l’Église non plus. « Nous », déjà, cherche à s’y tenir toujours plus à l’aise.
Mais qui sommes-nous pour oser nous y accoler, nous y joindre et pour nous adresser à « Toi, Dieu…» ? Nous sommes des délivrés croyants qui attendons le Royaume des cieux. Nous sommes et espérons être comptés parmi le « peuple » d’un « Toi » qui n’est plus simplement « Toi, Dieu… », mais Toi, Christ, fils du Père, qui a pris chair de la Vierge Marie, qui a brisé l’emprise de la mort et demeure assis dans la gloire du Père. Nous ne sommes pas simplement des pièces anonymes d’un univers sans lien avec le «Toi» auquel nous nous adressons. Nous nous adressons à « Toi » car ce « Toi » a rendu possible pour nous de trouver l’adresse de Dieu, de jouer d’adresse pour le louer. Par le Christ, Dieu s’est rassemblé un peuple sur terre et déjà au ciel, un peuple où nous désirons être comptés.
Nous sommes peut-être inscrits sur la liste des saints, dans la compagnie chantante des anges et de l’Église « céleste ». Mais nous ne sommes pas dans l’éternité. La louange est adressée à « Toi, Dieu » à tous les jours «( chaque jour… et à jamais ») et un jour à la fois (« en ce jour »). Et dans la suite des jours, dans leur succession un à un (per singulos dies), la louange se double d’une requête. Elle est alors presque supplique. La louange en compagnie des saints fait naître et soutient le désir de se retrouver en leur compagnie, de les retrouver par-delà le jugement. Mais il y a plus. Le déroulement des jours entre le chant à « Toi, Dieu… » et l’éternité accordée fait surgir une autre harmonique à la louange. Une harmonique suppliante : à chaque jour, en ce jour-ci, « garde-nous sans péché ». Rapidement, pourtant, la supplique prend un tour plus dramatique car le péché a déjà ralenti la marche vers Dieu et son adresse : « Pitié pour nous, Seigneur, pitié sur nous. » Un appel est lancé vers la miséricorde. Mais tout au long de la supplique, le fil de la louange ne se perd pas, il est tenu par l’espérance: « Comme notre espoir est en toi. »
À la fin, pour finir la louange, la parole passe du « nous » à la première personne du singulier: « En toi, Seigneur, j’ai espéré; que je ne sois pas confondu dans l’éternité. » (Traduction non officielle du texte latin.) Le désir est si fort, l’adresse si confiante, qu’elle ne peut plus s’exprimer au pluriel. Le « Je » doit prendre sa place, sa part, s’exprimer pour lui-même. Comme si personne ne pouvait le dire à sa place. Comme s’il fallait que « je » répète ce que « nous » avait proclamé, confessé, immédiatement auparavant. Comme si la personnalité de chacun avait son bref solo, sans quoi il risquerait de manquer quelque chose à la louange universelle. Voilà une signification possible de l’ajout de ce verset psalmique après la fin de l’hymne, pour la prolonger.
Espérer louer
Le Te Deum est une avance que nous nous faisons en l’offrant à Dieu. Nous anticipons en quelque sorte. Il y a comme un écho préventif de la « victoire sur la mort », sur notre propre mort. En adressant une louange à Dieu, une louange qui se mue et porte en elle une supplication, la liturgie offre aux fidèles une action de grâce anticipant sur le Sanctus céleste. Anticipation certes de la liturgie céleste, mais déjà, de par la forme de l’hymne, anticipation de la célébration de l’eucharistie du dimanche comme mémorial de la passion et de la résurrection du Christ… jusqu’à ce qu’il vienne. Mais il y a plus. Le Te Deum, discret, à peine murmuré, dans la solitude de l’Office des lectures ou dans son calme nocturne, est une répétition, lent apprentissage de ce qu’est la louange qui s’adresse « à Toi, Dieu… », préparation à prendre place dans le Royaume des cieux.
Chanter le Te Deum
Voici, trop rapidement, presque sans commentaire, une brève liste de versions du Te Deum.
Nous omettons les versions grandioses et somptueuses écrites pour chœurs, orgue et orchestre qui se prêtent moins, il faut l’avouer, au cadre actuel de la liturgie des Heures. La liste présentée ici a pour but d’insuffler le goût de le chanter, de le fredonner pour faire sortir cette hymne du cadre silencieux et individuel de l’Office des lectures:
- Te Deum, tiré de la Liturgie tolosane des Prères Prêcheurs, André Gouzes. Cette version conserve la version longue du Te Deum sur une traduction qui rythme bien l’adresse « Toi, Dieu ». Elle offre la possibilité d’une alternance entre soliste et chœur.
- À toi, Dieu, L 62/1, Hymnes notées I, texte de J. E. David – C.N.P.L., musique de David Julien, offre un jeu entre un soliste et une assemblée.
- À toi, Dieu, I. 62/4, Hymnes notées I, texte C.N.P.L.-A.E.L.F., musique de J. Gelineau.
Utilisant la version officielle de la liturgie des Heures, l’adresse en souffre.
- A toi Dieu notre louange, Llh 100, texte A.E.L.F., musique C. Jacob. Sur la version française officielle, la musique offre une alternance entre deux chœurs et des parties chantées par tous.
À toi, Dieu, notre louange!
Nous t’acclamons: tu es Seigneur !
À toi, Père éternel,
l’hymne de l’univers.
Devant toi se prosternent les archanges,
les anges et les esprits des cieux;
ils te rendent grâce,
ils adorent et ils chantent:
Saint, Saint, Saint, le Seigneur,
Dieu de l’univers;
le ciel et la terre sont remplis de ta gloire.
C’est toi que les Apôtres glorifient,
toi que proclament les prophètes,
toi dont témoignent les martyrs;
c’est toi que par le monde entier
l’Église annonce et reconnaît.
Dieu, nous t’adorons:
Père infiniment saint,
Fils éternel et bien-aimé,
Esprit de puissance et de paix.
Christ, le Fils du Dieu, vivant,
le Seigneur de la gloire,
tu n’as pas craint de prendre chair
dans le corps d’une vierge
pour libérer l’humanité captive.
Par ta victoire sur la mort,
tu as ouvert à tout croyant
les portes du Royaume;
tu règnes à la droite du Père;
tu viendras pour le jugement.
Montre-toi le défenseur et l’ami
des hommes sauvés par ton sang:
prends-les avec tous les saints
dans ta joie et dans ta lumière.
Sauve ton peuple, bénis cet héritage;veille sur lui, porte-le à jamais.
Je veux te bénir chaque jour,
louer ton Nom, toujours et à jamais.
En ce jour, garde-nous sans péché;
pitié pour nous, Seigneur, pitié sur nous.
Ton amour, Seigneur, soit sur nous,
comme notre espoir est en toi.
[En toi, Seigneur, j'ai espéré:
que je ne sois pas confondu dans l'éternité.]
La phrase entre crochet est une traduction non officielle du texte latin
* Cet article est paru dans la revue canadienne Célébrer les Heures, n° 29.
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1) H. Leclercq, « Te Deum », dans H. I. Marrou (dir.), Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, tome XV, vol. 2, Paris, Smyrne – Zraia, Letouzey & ‘Ané, 1953, col. 2028-2048 ; Dom R. Le Gall, « Le Te Deum, hymne à la gloire de Dieu et de ses saints », La Vie spirituelle n° 737, 2000, p.621-638.
2) S. Campbell,From Brieviary to Liturgy of the Hours. The Structural Reform of the Roman Office 1964-1971. Collegeville, Liturgical Press, 1995, p. 221-230.
3) Présentation générale de la liturgie des Heures: « la dernière partie de cette hymne, du verset « Sauve ton peuple » jusqu’à la fin, peut être omise à volonté. »
4) R. Taft, La Liturgie des Heures en Orient et en Occident, Turnhout, Brepols, coll. « Mysteria », 1991, p. 155-156 ; P. F. Bradshaw, Daily Prayer in the Farly Church, l.ondres, Alcuin Club/SPCK, coll. « Alcuin Club» 63, 1981, p. 119 et 131 .
(La Vie spirituelle, 776, mai 2008, p. 209)
La prière chrétienne, copte icône
28 novembre, 2011L’enfant perdu de Thagaste a été retrouvé
28 novembre, 2011Je trouvé cet article, ne sont pas capables de l’évaluer, il faut espérer qu’il est intéressant, du site:
L’enfant perdu de Thagaste a été retrouvé
(dimanche 15 juillet 2007)
Publié par Muhend-Christophe Bibb le dimanche 15 juillet 2007 / 04:06 :: 1340 Vues :::: La période chrétienne: I-IX siècles de notre ère
Augustin est bien entendu un symbole et une figure importante, pour les Kabyles chrétiens, certes, mais pas seulement pour eux ; pour tout Algérien un tant soit peu au courant de l’histoire de son pays, il demeure un centre d’intérêt. Les Tunisiens le citent au même titre et dans la même perspective.
Cependant il ne faut pas surestimer cette connaissance, ou reconnaissance. Sa dimension universelle, son apport essentiel à la constitution des dogmes chrétiens, sont méconnus. À cela deux raisons.
D’abord parce que c’est surtout l’élite intellectuelle qui a accès à ses œuvres, et plus particulièrement ceux qui sont francophones (aucune de ses œuvres n’est à ce jour traduite en arabe); et puis parce que l’histoire nord-africaine, avant l’arrivée de l’islam, est à peine abordée dans l’enseignement scolaire. Bien évidemment c’est voulu…
De sorte qu’un converti découvre toujours avec une heureuse surprise cette histoire chrétienne de son pays d’origine, vieille de plusieurs siècles. Et avec un ravissement particulier l’immense stature d’Augustin. Mais pas seulement : les Tertullien, Cyprien et autre pape Victor, sont là pour le soutenir et l’encourager dans son nouveau choix religieux. Et que dire de Monique, une mère profondément berbère par son entêtement, sans qui le fils prodigue aurait été un homme définitivement perdu, si l’on ne tient pas compte de la Providence bien sûr.
Aussi bien cette découverte d’un des plus grands saints d’Afrique, est revigorante, presque euphorique. « Si mes ancêtres lointains ont été chrétiens, il n’y a donc pas de complexe à l’être », se dit notre néophyte.
Mais, et c’est la deuxième étape, ceux qui exhument ce passé, constate-t-il, le font par ouï dire, et sont, pour la plupart, des chrétiens Français, ou vivant en France. Et, bien qu’ils ne tarissent pas d’éloges au sujet du christianisme africain, de l’évêque d’Hippone et des nombreux martyrs, ils ont peu de choses à lui apprendre sur ces ancêtres dans la foi, par rapport, du moins, à sa berbérité et à ses racines algériennes actuelles, qui ne remontent pas aussi loin dans le passé. De fait, sur ce plan, notre Algérien chrétien reste sur sa faim, malgré tout. S’apercevant que, somme toute, c’est une affaire de spécialistes ; et leurs ouvrages, qui ne sont pas rares mais peu accessibles, le lui prouvent.
Et s’il fait l’effort d’aborder Augustin par ses propres textes, leur lecture le confirme dans la difficulté qu’il y a à approcher de ce monde fini, qui n’a laissé que quelques vestiges romains dans son pays. Malgré la beauté et la profondeur incontestable des « Confessions »…
Augustin (et les autres, dans une moindre mesure), a beau avoir marqué de sa forte personnalité l’histoire africaine de son époque, en dépit d’une pensée tellement structurée qu’elle a influencé durablement la théologie occidentale, il reste néanmoins rudement hermétique au jeune Nord-africain de Kabylie ou d’ailleurs.
Or, tout compte fait, ce n’est pas à cause de l’œuvre ou de la mentalité ancienne. Car il en est de même de tous les auteurs de l’Antiquité, quelle que soit leur origine. L’Algérien, quand bien même il serait chrétien, sent confusément qu’Augustin ne lui appartient pas. Pire encore il ne voit pas comment il pourrait reconnaître en lui l’un des siens. Pendant des siècles, Augustinus – saint Augustin s’il vous plaît ! -, a été étudié à la loupe dans les universités d’Europe, choyé et préservé par les Européens, fêté dans leurs offices et leurs églises, célébré dans les villes de France et de Navarre, dont quelques villages portent le patronyme, tellement modelé et « relooké » par eux, puis transmis ainsi fait qu’il est de toute évidence plus européen qu’africain. Même si ce docteur de l’Eglise s’en est toujours défendu, et qu’il a affirmé plus d’une fois qu’il était africain avant tout, cela ne se voit ni dans l’image qu’on donne de lui, ni dans ses écrits : très peu d’allusions au terreau actuel de la berbérité, à commencer par son nom qui sonne si étrangement romain. Et si peu « numide ».
Alors que faire, que dire ? Est-ce que le grand Augustin est perdu pour les Kabyles et pour les Algériens, pour les Berbères d’Afrique du Nord ? Malgré les colloques dont il est l’objet, ici ou là-bas, restera-t-il inaccessible aux siens ?
Non, car Augustin revient, en se faisant tout petit, comme il sied au bon évêque qu’il a été. On lui a élevé un piédestal, on l’a enfermé dans une tour d’ivoire, sans son consentement ; on lui a bâti un grandiose mausolée, pour l’y enterrer, lui qui est mort assiégé par des Barbares, dans la précarité et la pauvreté, comme beaucoup des siens meurent en ce moment même. Oui c’est à son peuple qu’il faut le redonner, l’offrir. Son pauvre peuple qui souffre, n’entend pas les éloges que lui discernent la philosophie et la politique. L’Algérien de la rue ne se sent pas concerné par son œuvre grandiose, pourquoi ? Parce qu’il attend plutôt un mot, un seul ! C’est d’ailleurs un nom, le nom qui le rendrait enfin aux siens !
Et quel est ce nom ? Son nom, à lui, son vrai nom. Celui-ci : Agustan.
C’est le nom d’Augustin en berbère. En effet son nom ne vient pas d’Auguste[1], dont la signification (Augustinus, le petit Auguste) est tirée par les cheveux[2].
Nous proposons donc une autre explication à l’origine de son nom.
Pour commencer éliminons une idée reçue à son sujet.
Son nom, celui que ses parents lui donnèrent n’est pas, contrairement à ce qu’on pourrait penser Augustin, par référence à l’empereur Auguste, dont le nom eut, par la suite, la signification qu’on sait de « majesté » ; auquel cas son père, ou sa mère, aurait eu une « révélation » sur la destinée prodigieuse du bébé qui vient de naître ; et, alors, on ne voit pas pourquoi Monique, se serait fait tant de souci à son sujet.
Son nom, les spécialistes le savent, est AURELIUS.
D’ailleurs l’exemplaire, des « Confessions », qui est en notre possession a, sur la page de garde : S-AVRELI-AVGVSTINI-CONFESSIONVM-LIBRI[3].
Comment est-on passé d’Aurelius à Augustinus, voilà la question que ces biographes ne semblent pas avoir résolue. Faute, en partie, de ne pas connaître le berbère.
Ici il faut rappeler une habitude ancienne, qu’il est aisé de comprendre : lorsque deux personnes portent le même nom, comment fait-on pour les distinguer ? On a recours, tout simplement, à leur lieu d’origine.
On a ainsi, pour les saintes « Catherine », celle d’Alexandrie et celle de Sienne. Jeanne d’Arc et Jeanne de France ; Jean-Baptiste et Jean-Baptiste de la Salle, pour le distinguer du premier ; Antoine de Padoue, pour ne pas le confondre avec Antoine dit le grand, etc.
Or, à l’époque qui nous occupe, il y avait deux Aurèle (ou Aurelius), et le plus ancien, dans les ordres et par l’âge, était le primat de Carthage, un évêque dont la sainteté était reconnue (donc un saint du calendrier liturgique, pour l’Eglise Catholique), en sorte qu’il était toujours cité le premier dans les listes des chroniqueurs médiévaux[4] ; si bien que, pour distinguer les deux Aurèle, on finit par prendre l’habitude d’ajouter le lieu d’origine du second, c’est-à-dire Thagaste…
Or ce nom, qui donnerait en berbère « Agustan », est bien construit selon le schéma des noms autochtones, avec une terminaison en (A)N, tel que AMEZYAN, AMEQQWRAN, les plus connus et les plus répandus. Mais qu’on retrouve dans des noms tels que AWERTILAN, AÏSSIWAN, AMESTAN, ABOUSLIMAN, etc.
Le préfixe A, s’associe à la semi-voyelle W pour donner des réalisations variées selon les régions berbères : aussi bien WU/WOU, VU/VOU que BBU/BBOU, toutes indiquant ‘originaire de… ou ayant pour origine…, appartenant à…’ Ceux qui sont familiers de nos langues savent que les noms commençant par « BOU » sont légion.
Par ailleurs Thagaste ayant pour racine [GS], sans les deux ‘T’ qui sont la marque féminine du nom, (cela donne au masculin AGGUS, pluriel AGGUSEN), signifie la cordelière, portée encore en Kabylie par les femmes, au tour de la ceinture, celle-ci étant désigné par le verbe AGGES, se ceindre, et toute la série de mots s’y rapportant TAGGAST, TABAGGAST (à Bougie, en particulier) : la sangle, le ceinturon, harnais, bretelles, cuissardes et surtout baudrier. Voir, sur ce thème du baudrier, tout ce que nous rapporte Malika Hachid dans son dernier ouvrage (les Premiers Berbères, éd. INA-YAS et Édisud). Une vieille coutume libyenne, remontant à la nuit des temps !
Bâti à partir des mêmes lettres, le mot TAGUST, est aussi intéressant par sa signification : la bouture (du figuier entre autres) et le pieu/le bâton, auquel le berger attache ses bêtes. Or, comme le baudrier, le bâton est le symbole de l’autorité chez les Libyens, nous dit Malika Hachid. Le bâton – de berger guidant le troupeau, et donc de chef – est biblique et égyptien également : tous les personnages investis d’une forme d’autorité le portent, il n’est que de signaler ceux de Moïse et de son frère Aaron, ou ceux des Pharaons.
À titre d’exemple, nous voyons Aaron qui reçoit son autorité sacerdotale par le biais de son bâton, dans le célèbre passage du livre des Nombres (chap. 17, 16-26). Épisode dans lequel le bâton (TAGAST) d’Aaron bourgeonne (TAGAST) encore[5].
Le nom s’est donc construit simplement ainsi :
(T) U/A + GAST + AN ; le T du féminin ayant été éliminé. On pourrait le rendre en kabyle soit par Agustan, soit par Ugustan/Wugustan.
Rendons donc à Dieu ce qui lui appartient, c’est à dire tout, et rendons justice aux Berbères dont Agustan est bien le fils et l’ancêtre selon l’époque à laquelle on se place.
Enfin les chrétiens réformés ou catholiques, Kabyles ou arabophones, n’auront plus besoin de lui chercher un nom, ou une autre identité, qui le rendrait plus « Algérien ».
Ainsi en a-t-il été, il n’y a pas longtemps, où pour se « réapproprier » Augustin, on a cru bien faire en lui attribuant, dans un petit film, le nom de… MEQQWRAN ! (Le grand).
Parce que les auteurs ont été influencés par la signification du mot « auguste ».
Certes ce docteur de l’Église est grand, et auguste, mais il a un nom enraciné dans l’histoire de son pays, dans la culture de son peuple ; il est, ce nom, plus amazigh, plus africain qu’on ne le pense ; il est toujours là, l’enfant de Thagaste, son nom est autour de la taille de celles qui pourraient être ses sœurs ou ses mères, s’il n’avait pas un peu pris de l’âge. Oui « D AMEQQWRAN[6] »mais il n’a pas besoin de changer de nom : AGUSTAN, dit suffisamment ce qu’il a à dire.
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[1] Il faut savoir qu’en latin le « u » n’est pas transcrit et le nom d’Augustin s’écrit donc AVGVSTINI.
[2] Il est intéressant de consulter « la légende dorée » et ses différentes propositions sur l’origine du nom d’Augustin.
[3] Pas plus que ses parents ne lui ont donné les deux noms en même temps, comme l’écrivent certains (cf. « le Berbère lumière de l’Occident »). Du reste dans l’étude onomastique d’Afrique du Nord, le nom d’Auguste (et donc d’Augustin) n’apparaît jamais (cf. « la résistance africaine à la romanisation »), tandis que ceux des Julius, Flavius, Claudius, Aurelius, Domitius, etc., tous des « augustes », sont nombreux.
[4] Saint Aurèle de Carthage serait mort la même année qu’Augustin, précédant ce dernier de quelques semaines.
[5] Sur le plan phonétique ce G est occlusif dans un cas, spirant dans un autre.
[6] C’est « un grand », ou c’est « un noble vieillard ».
Deuxième visite du Pape Benoît XVI en Afrique : Au Bénin, le pape a signé l’exhortation apostolique post-synodale «Africae munus»,
28 novembre, 2011du site:
Deuxième visite du Pape Benoît XVI en Afrique : Au Bénin, le pape a signé l’exhortation apostolique post-synodale «Africae munus»,
Jeudi, 24 Novembre 2011 13:03
Le pape reçu par le chef de l’Etat béninois.
Le Pape Benoît XVI a effectué sa seconde visite apostolique en Afrique, au Bénin notamment, du 18 au 20 novembre 2011. Cette visite qui intervient deux ans après celle de 2009 à Yaoundé, au Cameroun, du 17 au 20 mars, et du 20 au 23 mars, à Luanda, en Angola. Au cours de son second voyage africain, le Pape a signé et remis aux présidents des conférences épiscopales nationales et régionales d’Afrique et Madagascar et aussi des îles adjacentes, l’exhortation apostolique post-synodale «Africae munus», issue des travaux de la deuxième assemblée spéciale pour l’Afrique du synode des évêques, tenu du 4 au 25 octobre 2009 au Vatican, sur le thème: «L’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde» (Mt 5,13.14). A cette occasion, Benoît XVI a présidé les festivités marquant les 150 ans de l’évangélisation du Bénin et a prié sur la tombe du très regretté cardinal Bernardin Gantin, ancien doyen du Sacré collège, décédé en 2008.
Enjeux et temps forts de la visite «…Je vais me rendre au Bénin, pour affermir la foi et l’espérance des chrétiens d’Afrique et des îles adjacentes», déclarait le Pape Benoît XVI, peu avant son voyage en Afrique, où l’attendaient particulièrement les représentants des 35 conférences épiscopales nationales et 7 conférences épiscopales régionales. Du fond de ses 84 ans d’âge, il demandait de prier pour son voyage, le vingt-deuxième à l’étranger.
Il est 14h 55, heure de Cotonou, quand l’avion de la compagnie Alitalia transportant le Saint-Père se pose à l’aéroport international cardinal Bernardin Gantin de Cotonou. A sa descente d’avion, le Saint-Père est accueilli par le chef de l’Etat béninois, Thomas Boni Yayi, accompagné de son épouse, et par Mgr Antoine Ganyé, archevêque de Cotonou, en présence du nonce apostolique au Bénin. Toutes les forces vives de la nation béninoise étaient mobilisées pour accueillir le souverain pontife.
Peu après, s’enchaînent les discours. D’abord, celui du président Yayi Boni qui souhaite au Saint-Père la bienvenue «en terre africaine du Bénin», qualifiant cette visite apostolique d’«un immense plaisir» et le Bénin, d’un pays laïc à tolérance chrétienne. Le président béninois a enchaîné sur l’arrivée ou l’implantation des premiers missionnaires, le 18 avril 1861, la troisième visite d’un pape dans son pays, après celles de Jean-Paul II en 1982 et 1993. Mais également, sur la conférence nationale souveraine de 1990, dirigée par Mgr Isidore de Souza, alors archevêque de Cotonou, et la constitution dont est dotée le pays, la même année.
Répondant à ce message de bienvenue, le Pape Benoît XVI précise les trois motivations fondamentales de sa visite au Bénin: les 40 ans de l’établissement des relations diplomatiques entre le Bénin et le Saint-Siège; les 150 ans d’évangélisation du pays; le choix de venir prier sur la tombe du cardinal Gantin, ancien doyen du Sacré collège, décédé en 2008, pour remercier le Bénin d’avoir donné à l’Eglise ce digne fils et éminent serviteur, avec qui il a, pendant longtemps, collaboré et entretenait des rapports d’amitié.
Benoît XVI a, ensuite, pris un bain de foule dans sa papamobile, tout le long du parcours, dans une ville pavoisée aux couleurs du Bénin et du Vatican, avec des foules chantant et dansant aux sons et rythmes du pays.
Durant ce voyage, les mots qui revenaient souvent sur la bouche du pape étaient teintés «d’espérance» et «d’encouragement», pour encourager l’engagement de l’Eglise en Afrique et en particulier du laïcat. Lors des différentes rencontres qu’il a eues avec l’épiscopat béninois ou africain, toutes les couches du pays et les diplomates, de l’aéroport à la basilique Immaculée Conception de Ouidah, en passant par la cathédrale Notre-Dame des Miséricordes de Cotonou et le palais présidentiel, Benoît XVI a prêché l’espérance et la paix. Il a insisté sur le témoignage et l’affermissement de la foi. En clair, le pape croit en l’espérance de l’Afrique.
Pendant la sainte messe dominicale qu’il a présidée devant plus de trente mille personnes au stade de l’Amitié de Cotonou, en la solennité du Christ-Roi de l’univers, le 20 novembre, le Saint-Père a exhorté à la réconciliation, la justice et la paix, noyau et point d’encrage de son exhortation apostolique post-synodale. «Chers frères et sœurs d’Afrique berceau de la Sainte-Famille, continuez de promouvoir les valeurs chrétiennes! Soyez des artisans de la réconciliation et de la paix!», a-t-il lancé à la fin de la messe.
Le choix de Ouidah
Située à 40 km de Cotonou, la ville de Ouidah est ce lieu qui a servi de pied-à-terre aux premiers missionnaires, avant de gagner le Bénin entier. Ouidah abrite, entre autres, le séminaire Saint-Gall, le plus ancien d’Afrique, qui accueille plus de 200 grands séminaristes. Il est réputé pour l’excellence de la formation, jadis appelé le «Quartier latin de l’Afrique». C’est là que repose le très vénéré cardinal béninois. Prélude à cette visite, il y a eu l’inauguration, à Ouidah, des lieux symboliques comme: la rue et la place Benoît XVI.
A ce jour, les catholiques constituent le tiers de la population béninoise, implantés principalement dans le Sud du pays. Petit de par sa superficie, le Bénin est symboliquement un grand pays, du point de vue religieux, avec trois principales religions: le christianisme, l’islam et les religions traditionnelles, dont le vaudou.
Au sujet de l’exhortation
apostolique
C’est Mgr Nikolà Eterovic, secrétaire général du synode qui, en la basilique de Ouidah, a commenté le contenu de l’exhortation apostolique «Africae munus», précisant que l’Afrique est un continent multiethnique, multilinguistique et plein de richesse. Le document a été donné aux évêques, au clergé, aux personnes consacrées et aux fidèles laïcs. Après une analyse minutieuse et approfondie de l’exhortation de son prédécesseur sur le premier synode africain et aussi des réflexions des pères synodaux sur la marche et la vie de l’Eglise en Afrique au long des jours, Benoît XVI a tenu à donner cette exhortation, un document qui selon lui, doit inspirer les textes qui existent déjà et contribuer à l’établissement de la réconciliation, de la justice et de la paix.
De même qu’en mars 2009 à Yaoundé, il en avait remis «l’instrumentum laboris» aux présidents des conférences épiscopales d’Afrique et Madagascar et des îles adjacentes, lors de sa première visite africaine, de même, le Saint-Père a remis le document à ses destinataires. «Dans l’exhortation apostolique Ecclesia in Africa, Jean-Paul II faisait remarquer qu’«en dépit de la civilisation contemporaine du «village global», en Afrique comme ailleurs dans le monde, l’esprit de dialogue, de paix et de réconciliation est loin d’habiter le cœur de tous les hommes. Les guerres, les conflits, les attitudes racistes et xénophobes dominent encore trop le monde des relations humaines 11. L’espérance qui caractérise la vie authentiquement chrétienne, rappelle que l’Esprit Saint est à l’œuvre partout, sur le continent africain aussi, et que les forces de vie, qui naissent de l’amour, l’emportent toujours sur les forces de la mort (cf. Ct 8,6-7)», écrit le pape au point 12 de l’introduction de ce document.
«Par ce document, je désire donner les fruits et les enseignements du synode, et j’invite tous les hommes de bonne volonté à poser sur l’Afrique un regard de foi et de charité, pour l’aider à devenir par le Christ et par l’Esprit Saint, lumière du monde et sel de la terre (cf. Mt 5,13.14). Un précieux trésor est présent dans l’âme de l’Afrique où je perçois «le poumon spirituel pour une humanité qui semble en crise de foi et d’espérance» 13, grâce aux richesses humaines et spirituelles inouïes de ses enfants, de ses cultures aux multiples couleurs, de son sol et de son sous-sol aux immenses ressources», ajoute-t-il au point 13. «Puisse l’Eglise catholique en Afrique être toujours un des poumons spirituels de l’humanité, et devenir chaque jour davantage une bénédiction pour le noble continent africain et pour le monde entier!», conclut le pape dans ce document de plus ou moins 140 pages.
Le document est subdivisé en deux parties: la première, intitulée «Voici, je fais l’univers nouveau» (Ap 21,5), comprend deux chapitres qui appelle au service de la réconciliation, la justice et la paix et qui propose des autoroutes ou chantiers pour la réconciliation, la justice et la paix. La seconde partie, intitulée «A chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun» (1 Co 12,7), compte, elle, trois chapitres et parle des membres de l’Eglise, des principaux champs d’apostolat et exhorte sur la parole de Jésus au paralytique de l’évangile: «Lève-toi, prends ton grabat et marche» (Jn 5,8)!
Rappelons que la remise de l’exhortation post-synodale de la première assemblée spéciale pour l’Afrique du synode des évêques, présidée par le Pape Jean-Paul II sur le thème: «L’Eglise et la mission évangélisatrice en Afrique vers l’An 2000: vous serez mes témoins» avait eu lieu, le 16 septembre 1995, en la cathédrale Notre-Dame des Victoires de Yaoundé.
Aristide Ghislain NGOUMA