Homélie du 30e dimanche ordinaire A
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Homélie du 30e dimanche ordinaire A
Ex 22, 20-26 ; 1 Th 1, 5c-10 ; Mt 22, 34-40 (18.10.2011)
Une question peut paraître simple, mais la réponse ne l’est pas nécessairement. Rappelez-vous celle posée à Jésus par un jeune homme riche : « Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? ». – Et bien, garde les commandements. – Mais lesquels ?, réplique le jeune homme. Et Jésus lui en cite six, en commençant par l’interdit du meurtre et en terminant par : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »
Pour les experts de la Loi qui veulent piéger Jésus, la question est différente. Il s’agit de savoir quel est l’essentiel de la vie, le plus grand des commandements de la Loi. Ce qui, à l’époque, faisait l’objet de nombreuses discussions qui s’envenimaient en querelles d’écoles et d’interprétation. Pourquoi ? Parce que dans la Bible, les dix commandements ne se présentent pas en dix lignes, comme jadis dans notre petit catéchisme. Ils ont été détaillés, précisés, et donc gonflés par des prescriptions légales, sociales, rituelles et dévotionnelles.
Chez les Hébreux, les dix commandements, ou plus exactement les dix paroles, ont finalement été fixées à 613 commandements, dont 248 positifs et 365 négatifs. Au risque de noyer les commandements les plus essentiels sous un déluge d’obligations secondaires, ou même tout à fait marginales.
Par exemple, le premier des 248 commandements positifs, c’est de croire en l’existence de Dieu. Et le deuxième : d’affirmer son unité. D’où, négativement : 1. L’interdiction de croire en d’autres dieux ; 2. De faire une idole sculptée. Mais interdiction aussi, au numéro 4 de sculpter la statue d’un être humain. Même dans un but esthétique, pas d’images, pas de représentations de Dieu.
C’est un commandement positif, au numéro 80, de payer une offrande pour un garçon premier né. Et le numéro 81 lui est semblable, mais contrairement à ce que vous pouvez penser, ce n’est pas une offrande pour la première fille, mais pour le premier né de l’âne. Cet animal étant, faut-il le préciser, le plus précieux et le plus utile à l’époque.
Aimer son prochain, aimer l’étranger, sont les commandements positifs situés en 206e et 207e position. Au numéro 39, la Loi interdit à une femme de porter des vêtements d’hommes. Et la 40e prescription interdit à un homme de porter des vêtements de femmes. Comme dans toutes les religions, on mêle aisément les habitudes, et même les modes d’ordre culturel, avec des exigences religieuses.
Jésus, lui, ne va pas s’enliser dans les discussions habituelles où l’on coupe les cheveux en quatre. Il va tout simplement rappeler à ce docteur de la Loi le texte primitif du premier grand commandement. D’ailleurs, ils le connaissent très bien, puisqu’il fait partie de la prière que tout juif adulte et de sexe masculin est tenu de réciter deux fois par jour, « en se couchant et en se levant ». Aujourd’hui encore. « Ecoute Israël, l’Eternel est notre Dieu. L’Eternel est Un… Sh’ma Israël… « .
Ce que Jésus y ajoute aussitôt, c’est le précepte de l’amour du prochain, qu’il présente comme « semblable au premier ». Deux inséparables. Ce qui est une innovation et une surprise. Dans l’Ancien Testament, en effet, le deuxième est énoncé séparément et noyé dans un ensemble très complexe. Bien que déjà certains grands maîtres pharisiens enseignaient comme Règle d’or : « Ce que tu n’aimes pas qu’on te fasse, ne le fais pas à ton prochain. Telle est toute la Tora, la Loi. Le reste n’est que commentaire. »
Jésus va encore plus loin. Depuis lors, le test absolu de nos relations avec Dieu, c’est notre comportement envers nos frères et sœurs humains. Il n’y en a pas d’autre. L’apôtre Jean traduira : « Comment dire que j’aime Dieu que je ne vois pas, alors que je n’aime pas mon frère que je vois » (1 Jn 4, 20).
Il suffit donc d’aimer, dira-t-on. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement face à tous les défis contemporains : Emigration, chômage, famine, violence, injustice. Il ne suffit pas de proclamer de beaux principes ni d’utiliser des formules émouvantes. La pratique, inséparable du double commandement, vise la conversion du coeur, parce que c’est là que naissent et s’enracinent la plupart des maux, tels que l’exploitation des faibles, l’abus de pouvoir, les taux usuraires, les chantages. Et tant de formes de violences physiques, verbales, psychologiques, et les violences économiques, si nombreuses et dévastatrices aujourd’hui.
C’est le cœur converti qui inspire les initiatives et les actions humaines pour en développer la fécondité, l’efficacité et le rayonnement. C’est ainsi que l’amour de Dieu et du prochain rejoint la justice, en même temps que l’action sociale et politique dans laquelle il s’incarne et leur fait porter du fruit. Voyez ces vieux textes de la première lecture. Ils nous plongent d’emblée dans notre propre actualité en évoquant le problème de l’émigration et ses tragiques conséquences : » Tu ne maltraiteras point l’immigré qui vit chez toi. Tu ne l’opprimeras pas. Car vous avez été vous-mêmes en Egypte. Ne l’oubliez pas « . Et qui oserait jurer aujourd’hui que nous ne seront pas les immigrés de demain ?
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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